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L'ACTUALITE du LIVRE et des REVUES
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LECTURES - SALON -
INTERVIEWS |
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La librairie Gallimard
et les éditions François Bourin
vous invitent à
venir rencontrer
Michael Lonsdale
à l’occasion de la parution de l’ouvrage
Michael Lonsdale
Entretiens avec Jean Cléder
Jeudi 3 mai à 19 heures
Librairie Gallimard, 15 bd Raspail, Paris 7ième
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Colloque Pierre Bourdieu :
l’insoumission en héritage
Vendredi 4 mai à partir de 10h
Colloque organisé avec Edouard Bellegueule.
Avec notamment Stéphane Beaud, Patrick Chamoiseau,Roger Chartier, Didier
Eribon, Arlette Farge, Frédéric Lebaron, Frédéric Lordon, Achille Mbembe (distibution
en cours).
Il y a dix ans, Pierre Bourdieu disparaissait. Aujourd’hui, son œuvre est
plus que jamais d’actualité : ses analyses sur le système scolaire, la
culture et le journalisme, le champ politique, la démarche critique, ou
encore le néolibéralisme, fournissent des outils indispensables à toutes
celles et tous ceux qui entendent lutter contre la logique de la
reproduction sociale et de l’exclusion, et créer des espaces de liberté et
de résistance. Cette journée de réflexion voudrait échapper au rituel de la
célébration et du commentaire académique. Il s’agira de penser l’héritage
vivant de Pierre Bourdieu, de montrer comment ses préoccupations continuent
de hanter le débat théorique et politique et de nourrir le travail
intellectuel, artistique et littéraire. Faire vivre Bourdieu, ce n’est pas
seulement faire vivre une doctrine. C’est avant tout réactiver une attitude
: celle de la lutte contre toutes les formes de domination.
> Théâtre de l’Odéon – Salon Roger Blin / Entrée libre sur réservation
present.compose@theatre-odeon.fr |
Littérature - Poésie
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« Le
Gouverneur D’Antipodia » de Jean-Luc Coatalem. Editions Le Dilettante,
2012.
Au début, il y a l’océan, immensité d’eau d’un bleu vert glacé et
glaçant, puis une île australe complètement perdue où même un bagnard ne
voudrait aller purger sa peine. Battue par les vents et loin de tout,
Antipodia. A quoi sert-elle, cette île ou personne n’est obligé d’aller
et où pourtant certains vont se perdre. « Cette île est un paradis.
Cette île est un enfer. » Ainsi commence le récit de Jean-Luc Coatalem,
dans lequel trois personnages complètement marginaux vont s’y côtoyer ou
s’y croiser, pour le meilleur et pour le pire. Jodic et le « Gouverneur
» qui tentent d’oublier leurs vies d’avant, mais sont hantés par leurs
fantômes personnels et Moïse, naufragé, balancé d’un bateau de pêche au
large.
Au fil des pages, au rythme des vagues qui se fracassent contre les
falaises d’Antipodia, au changement des saisons, s’installe
insidieusement une routine de pénitencier ponctuée de bonnes parties de
scrabble ou de fléchettes, mais aussi de crises étranges et violentes
entre Jodic et le Gouverneur, Robinson d’une époque contemporaine,
lisant le soir des livres d’aventures ou de poésie. Hiérarchie, pouvoir
et secrets se mêlent à la partie et établissent une distance élastique
entre ces deux hommes perdus sur cette île, entre vents et tempêtes, à
accomplir des missions qui nous paraissent inutiles, mais auxquelles ils
s’obligent avec discipline pour ne pas perdre les pédales… Comme pour se
persuader qu’ils sont encore du monde des terriens, des humains sous la
bannière de la société qui les emploie, « La Glaciale ». Glissant
doucement vers des rêves artificiels en buvant des breuvages de Réva
Réva, Jodic joue avec sa propre folie, se métamorphosant en une espèce
d’indien rare, un indien antipodien. L’observant du haut des quelques
monts de l’île, le Gouverneur accidenté et malade ne maîtrise plus rien.
Moïse, survivant ne devrait-il pas avoir trouvé sur les rivages d’Antipodia,
le signe d’une nouvelle vie ?
Nous, lecteurs, sommes alors les témoins impuissants de cette longue
chute collective, de cette bascule vers l’irréversible.
Pas de répit dans ce récit tendu où l’enfer n’est pas que les autres…
Eivlys Toneg
Goethe « Voyage en Italie » édition établie par
Jean Lacoste, Bartillat, Omnia éditions, 2011.
Il peut
paraître surprenant que ce Voyage en Italie, paru pour la première fois en
1816, ait été si longtemps indisponible en France. Cela est d’autant
plus étrange que les conditions dans lesquelles Goethe a décidé ce voyage, et la façon
dont il a caché son départ à ses proches, témoignent d’une volonté
fondamentale de
rupture dans sa vie : « Je me suis enfui de Carlsbad à trois heures
du matin : autrement on ne m’aurait pas laissé partir. » Ce long
voyage de 1786 à 1788 le mènera du nord au sud, jusqu’à Palerme en
Sicile. Véritable initiation à l’art mais aussi aux peuples rencontrés,
cette expérience incomparable va marquer de manière indélébile son
inspiration et son écriture, même si l’art de la peinture qu’il
chérissait tant souffrira définitivement de ce long séjour. C’est à Rome
que Goethe prend conscience de ce qu'est un homme au sens vrai du
terme, bien que l’auteur des Affinités électives notera de manière un peu
amère qu’il n’a plus jamais connu une telle élévation des sentiments
depuis lors. Il semble ainsi essentiel de suivre les pas de ce géant de
la littérature dans cette marche vers le sud, en débutant par le très
bel essai de Jean Lacoste qui a une connaissance presque intime de ce
ressentir évoqué par Goethe. Nous irons ensuite de villes en villes,
Vérone, Venise, Florence, Rome bien entendu avant Naples et Palerme. Les
impressions laissées ne sont jamais anodines mais témoignent d’une
pensée marquée par cette renaissance de soi révélée par le voyage.
Au-delà de toutes les beautés, de toutes les découvertes, c’est bien en
effet à la découverte de soi qu’invite cette pérégrination inspirée !
Pierre Lartigue «
Plumes et rafales – La passion du XVI° siècle » coll. Les Billets de la
Bibliothèque, éditions La Bibliothèque, 2012.
Rome, Athènes… les civilisations dites antiques, ces
références illustres, ont tracé une voie royale à la Renaissance dans tous
les domaines de l’art. Aujourd’hui, il faudrait peut-être, la comparaison
est triviale, chercher outre-Atlantique pour trouver une telle influence
dans notre quotidien. La mode était alors « à l’antique », dans la peinture,
c’est une évidence, mais également dans la musique si l’on pense au travail
accompli par Claude Le Jeune ou Eustache Du Caurroy sur les vers mesurés à
l’antique de Jean-Antoine de Baïf. Comme le rappelle Pierre Lartigue, à
cette époque « tout le monde bouge ! » et les arts tissent entre eux
des liens comme ils ne l’avaient jamais fait jusqu’alors.
C’est à ces charmes qu’a succombé Pierre Lartigue, celui par exemple de la
sextine à laquelle il a même consacré un livre entier, l’attrait de cette
musique des vers, choisis avec cœur et raison, l’un n’allant pas sans
l’autre à une époque où les mathématiques n’étaient pas étrangères aux
amoureux de la poésie et de la musique. L’auteur de cette flânerie poétique
s’interroge souvent, notamment lorsqu’il imagine Louise Labbé avec des yeux
couleur noisette et les cheveux blonds et dont la poésie est imprégnée de
désir… La poésie évoquée dans ce voyage est bien vivante et si elle sait
emprunter ses formes à des figures savantes, elle est pétrie d’humanité et
de vie même lorsqu’un poète comme Des Autels évoque une femme qui prendra
sous sa plume le nom de Sainte et qui pourrait faire penser, par bien
des aspects, à l’Extase de sainte Thérèse sculptée par Le Bernin dans
l’église Santa Maria della Vittoria à Rome :
Lorsque ma Sainte au temple saint oroit
Entrant au ciel le cri de son silence
De majesté, reluysant sa présence
Et de ses pas la terre elle doroit !
Calliope se serait-elle penchée sur le berceau de Du Bellay ? Pierre
Lartigue ne pose pas la question en ces termes, encore que… Le poète est
porté vers l’envol, et l’élévation de la langue parvient à un point tel
qu’elle pourrait peut-être conduire au silence, ce silence si plein de sens
que l’on connaît tant en musique.
Et vous, mes vers, delivres et legers,
Pour mieux atteindre aux celestes beautez
Courez par l’air d’une aile inusitée.
Le voyage se poursuit, toujours à pas de danse, avec Pierre Lartigue c’est
une heureuse habitude. Une volte, et c’est à Ronsard qu’il réserve de très
belles images, celles qui associent ses vers à la vrille des vignes, à la
boucle de la laine, voire la corne du bélier, tout est dit… Le français a
gagné ses lettres de noblesse et Ronsard n’est pas le dernier à l’avoir
porté aux nues. Les efforts de Jean Antoine de Baïf étonneront plus d’un,
surtout les plus jeunes qui verront en lui un frère d’armes lorsqu’il
élabore ses vers mesurés avec un alphabet de vingt-neuf signes. Les services
de messages courts n’ont qu’à bien se tenir, ils n’ont rien inventé ! Et si
l’on se moque de lui, il rétorquera : « Ri t’an, je m’an ri : mω ke t’an,
tu es moké »…
Nous perdons le souffle tant les rafales de la poésie de ces années
tourbillonnantes donnent le vertige. Quelques instants de prose d’un Charles
Estienne viendront pause marquer. Ce seront alors ballades bucoliques et
autres détails qui n’en sont pas pour son auteur, afin d’organiser un
jardin. Mais les horizons ne sont pas si idylliques. La foi s’exacerbe en se
divisant, et en amplifiant leurs différences les catholiques rivalisent de
violence avec ceux qu’ils nomment avec mépris les huguenots. Dans ces
périodes noires comme l’encre, des étoiles brillent pourtant, celles connues
de La Boétie et de Montaigne, d’autres plus discrets de nos jours tels
Claude Fauchet ou Etienne Pasquier. Il faudra d’ailleurs relire les longs
passages consacrés, le mot est faible, à Montaigne ! Avec un peu
d’imagination, le grand homme sortirait presque des pages de votre livre
tant Pierre Lartigue s’y entend pour redonner vie à ce qui fut… n’est plus…
mais peut de nouveau nous émouvoir grâce à sa plume et à ces rafales de
poésie !
Philippe-Emmanuel Krautter
Fouad El-Etr «
Irascible silence » Frontispice de Paolo Vallorz, La Délirante, 2011.
Pour Horace, ira furor brevis est, la colère est une
courte folie. Le poète Fouad El-Etr serait-il prompt à l’emportement dans
l’absolu silence de la poésie ? La faculté irascible ne s’entend chez lui
que dans l’environnement des cyprès qu’il chérit tant. Le lecteur attentif
percevra peut-être cette fureur silencieuse alors même que le silence est
le carquois sans flèches du poète. Et si l’antique ira était plus
proche de la fougue que de la colère dans la poésie de ce dernier recueil ?
Cela expliquerait alors bien des choses… Et nous pourrions ainsi mieux
comprendre ce vieux Neptune nourri par la vitalité des éléments, que cela
soit le fait de l’ellipse dessinée par le mouvement d’un fouet ou de la
chevelure blonde d’une femme mouillée par les flots. La verticalité du
mouvement participe d’ailleurs de cette vitalité, l’eau quitte ainsi son
horizontalité lorsqu’elle est de connivence avec les ailes de l’hirondelle.
La poésie de Fouad El-Etr n’est pas élégiaque. Et même si, parfois, l’amour
peut être sombre et que la mort rôde, la lune prend son élan et
chaque nuit se renouvelle… Cette lune est d’ailleurs omniprésente, dans sa
rondeur, elle réunit les êtres qui s’aiment, même à distance, à l’image de
la poésie venue d’Orient. Les descriptions bucoliques sont parfois
trompeuses chez cet amoureux de la nature, elles ne sont pas là pour un
éloge plaisant, mais soulignent au contraire une certaine forme de tragique,
telles nous apparaissent les ruines de la vaste nécropole de Tyr, l’antique
ville phénicienne, dans lesquelles les amours doivent se dépêcher de vivre
et de mourir au risque de ressembler à cette éternité des vies inachevées.
C’est cet amour de la vie qui sourd à travers toutes les évanescences que ce
recueil célèbre et le poète associe irrémédiablement amour et vie, cette
colonne de vie s’élève dans un irascible silence dans l’étreinte où se
boivent les âmes.
La colère est une courte folie avait souligné Horace, avec cette poésie
nourrie aux sources du désir, la folie risque de durer un peu plus, avec
l’éloquence de ces silences.
Dans une allée de mon cerveau
Comme d'un cloître se propage
La fraîche voix de feuilles sèches
Des torrents jeunes des montagnes
De longs jets d'eau s'écroulent
Montent remontent dans l'allée
Une hirondelle boit l'air bleu
D'un coup d'aile et mouillée
L'ombre caresse le gravier
Germe et bourgeonne dans l'écume
Buvant de l'aube au crépuscule
L'eau verticale et les cyprès.
(Eau verticale p. 11)
Irascible silence, illustré d’une eau-forte de Paolo
Vallorz, placée au frontispice de l’ouvrage, comprend une quarantaine de
poèmes ; c’est le septième recueil de Fouad El-Etr dont on retient, entre
autres, les traductions de Yeats et de Shelley, et, plus récemment, des
poèmes de John Keats, « Ode à un rossignol et autres poèmes » (6 500
exemplaires à ce jour), qui ont servi aux versions sous-titrée et française
de « Bright Star ! », le film que Jane Campion a récemment consacré à ce
poète.
Recueil composé au plomb en Baskerville corps douze sur Vergé d’Ingres
tirage limité à trois mille deux cents exemplaires.
Philippe-Emmanuel Krautter
« Un été sans
les hommes » de Sri Hustvedt, traduit de l'américain par Christine Le Boeuf,
Editions Actes Sud, 2011.
« Un jour d'hiver, l'homme s'est levé et est parti, point. » Que savons-nous
des gens, en réalité ? C'est une des questions que se pose Mia, femme de
cinquante ans, poète, dotée d’un certain scepticisme. Boris, son mari lui
impose une « pause » (délicate façon de nommer la maîtresse bien plus jeune)
en la quittant après trente ans de mariage. Elle décide de faire une
parenthèse, quittant sa ville, retrouvant sa mère et son groupe de «
vieilles copines nonagénaires», s’occupe d’un groupe d’écriture auprès
d’adolescentes, aide une jeune mère paumée qu’elle décide de consoler, fait
la part belle à l’écriture se nourrissant de poésie et de philosophie, des
réflexions de ces trois générations de femmes aux regards amusés, amères,
révoltés, de doutes ou d’espoirs sur la vie. Mia, blessée montre sans fausse
pudeur son psychisme éclaté où se mêlent ses souvenirs, ses lectures
préférées et ses moments pudiques où ses blessures pourraient prendre le
dessus sur ses pensées désabusées et la mener vers une douce folie dont elle
pourrait ne pas revenir... Mais, non ! La délicatesse du verbe, des mots,
des situations et du caractère des personnages qu’elle rencontre, font de ce
thème déjà traité mille fois, un savoureux roman, parfois triste, délicat,
drôle, et résolument du côté des femmes sans être d’un féminisme rabâcheur…
« Un été sans les hommes » est un roman à lire et à se passer entre femmes,
entre mère et fille, entre fille et grand-mère, laissant ainsi ce conte
initiatique nous interroger sur nos propres parcours de femmes.
Eivlys Toneg
Henri Cole «
Terre médiane » édition bilingue, traduction et présentation par Claire
Malroux, éditions Le Bruit du Temps, 2011.
C’est au Japon que le poète américain Henri Cole vit la lumière et emplit
ses poumons des effluves de la terre nourricière pour la première fois en
1956. C’est ce même Japon qui sera omniprésent dans ce cinquième recueil
Middle Earth après son premier retour au pays du soleil levant.
La terre du milieu, bien avant d’être reprise et développée avec le succès
que l’on sait par Tolkien, faisait partie intégrante de la plus ancienne
cosmogonie germanique. Terre entre le monde du ciel et des profondeurs, elle
était le refuge des hommes et le début de leur civilisation. La terre
médiane du poète Henri Cole est probablement l’îlot de refuge du poète entre
l’Est et l’Ouest, le ciel et les gouffres de notre humanité. Cet espace bien
particulier que l’homme met souvent toute une vie à découvrir et le poète
est parfois un peu en avance lorsque sa muse l’inspire, telle qu’elle le fit
pour Henri Cole…
Le poète est fragile, il suffit de l’entendre lire sa poésie pour savoir que
le souffle qui part du "hara" vacille parfois lorsqu’il évoque à mi-mot ce
père militaire de carrière et si dur avec lui et sa mère (lire son
témoignage dans le très beau texte How I grew). Il se réfugie très
tôt dans une cabane, là encore monde médian entre ciel et terre. Il
entretient même un dialogue silencieux avec Dieu, seule entité à recueillir
ses pensées dans la solitude. Henri Cole ne cherche pas à nous émouvoir
facilement, la tâche est beaucoup plus délicate, car il peut nous suggérer
subrepticement le chemin vers cette terre médiane. Henri Cole ne conçoit pas
la poésie comme un seul exercice de forme ou d’émotions. C’est lorsque le
rythme et la cadence des mots se fondent en une osmose parfaite avec le
surgissement de nos sens que l’on peut alors évoquer la création poétique. «
A man is nothing if he is not changing » dit Henri Cole dans
Respiration d’Icare, un homme n’est rien s’il ne change, l’impermanence des
choses et des êtres marque son écriture et son univers. Le Lis de
Casablanca a l’odeur de la mère désirée et à laquelle le poète ne peut
pas dire Reviens ! Reviens ! pour, finalement, se réfugier dans le
silence. Mais c’est avec le poème Terre Médiane dont le recueil a
pris son titre qu’une bouffée d’émotions nous prend à la gorge : le
tourbillon de la vie fait marcher un train à l’envers, « Le passé
s’obscurcit comme un grand lustre à étages » et le présent s’effrite…
Philippe-Emmanuel Krautter
Anna Akhmatova
"L'églantier fleurit et autres poèmes", traduction de Marion Graf et
José-Flore Tappy & texte russe en regard Préface de Pierre Oster 240 pages,
La Dogana, 2010.
Quand l’églantier fleurit, le poète n’a pas d’illusions.
L’hiver de la vie lui a réservé le froid, la séparation de l’être aimé, les
affres causées par la douleur d’un fils envoyé au bagne par le régime. Mais
Anna Akhmatova ne pleure pas, ne se plaint pas, « le bonheur ne sera pas
pour moi » (Le soir p. 19). L’une des plus grandes figures de la
littérature russe du début du XX° siècle était l’amie d’Ossip Mandelstam à
qui elle dédia « Voronèje », un poème très fort où le cristal du froid
côtoie un ciel empoussiéré de soleil, où les peupliers ne peuvent être que
des coupes dressées dont le tintement parvient jusqu’à nos oreilles en ce
vingt et unième siècle…
En contrepoint de cette évocation extraordinaire, le poème claque sur une
note sombre, pour mieux en faire ressortir les contours :
« Mais dans la chambre du poète proscrit
Veillent la Muse et la peur tour à tour
Et la nuit vient
Qui n’aura pas d’aurore. »
(Voronèje p. 119)
Le bonheur est-il à ce prix ? Devons-nous graver dans notre âme « que la
gloire et le bonheur, sans remède, usent les cœurs. » ? (p. 45). Anna
Akhmatova n’est pas pour autant un poète tragique, sa muse l’a dotée d’une
force bien plus grande encore que celle du pessimisme sans espoir possible,
force que l’on retrouve si souvent dans l’âme russe. Anna Akhmatova sait
rendre à l’amour envolé sa liberté, elle n’est pas de celle qui garde les
clés d’une cage dorée. Elle préfère au poison brûlant « régner sur un
jardin de rêves, plein de rumeurs des herbes et des clameurs des muses »
(p. 97).
La béatitude est d’ailleurs absente de la poésie de l’auteur de «
L’églantier fleurit », et même lorsque les visions hédonistes laissent
espérer une insouciance qui dépasse les sens, « quand bruissent les
bardanes dans le creux du fossé… », nous apprenons au même instant que
le poète marche « longuement avant la nuit pour fatiguer mon angoisse
inutile » (p. 39).
Les serrures et les portes verrouillées ont beau être omniprésentes dans ces
lignes écrites sous le silence pesant de l’oppression du régime, le poète
porte un toast à tout ce qui est beau, même si cela n’est plus, les lèvres
goûtent une boisson enivrante pour une impossible rencontre, pour ce qui
sans bruit a fui, pour les rêves que l’on ne saurait réduire en poussières…
Un murmure, un écho des fastes d’antan semblent percer la pénombre, ces
fastes de l’Histoire et ceux de chaque histoire. Et même si la chanson est
terminée et que les salons sont déserts, l’ombre du poète est déformée par
la peur, peur que le « lilas funèbre » lui renvoie (p.157). Nous
découvrons alors que le néant serait une solution facile, nos héritages,
même les plus sombres, se chargent d’en témoigner pour nous !
Philippe-Emmanuel Krautter
SUKKWAN ISLAND
de David VANN collection Nature Writing,
Traduit de l’américain par Laura Derajinski Editions Gallmeister, 2010 192
pages.
David Vann, jeune auteur américain, inconnu jusqu’alors, vient d’être
couronné du prix Médicis étranger pour son premier roman « Sukkwan Island »,
une distinction riche de promesses. « Sukkwan Island » fait partie d’un
ensemble de nouvelles publiées sous le titre de « Legend of a suicide »,
mais ce texte déroutant, bouleversant est un roman complet qui sous des airs
simples, traduit la complexité des relations ou leur impossibilité, entre un
père et un fils. Sujet déjà traité mille fois ? Oubliez toutes vos autres
lectures, « Sukkwan Island » vous emporte dans la plus dérangeante de
celles-ci. Dès les premières pages, une sorte de malaise s’installe sans que
vous vous en rendiez compte…Tout pourrait être, en effet, vraiment
merveilleux entre ce père divorcé, qui propose à son fils, adolescent, une
expérience en Alaska. Ils y vivraient quelques mois ensemble, une année
peut-être, en pleine nature, apprenant à se connaître, allant à la chasse et
à la pêche dans une nature bucolique ; et c’est pour çà, que Jim, le père, a
acheté une cabane blottie au fond d’un fiord, sur l’île de Sukkwan Island,
pour y être avec Roy, son fils, et y prendre un nouveau départ. Une sourde
angoisse s’installe cependant page après page, on croit comprendre la
maladresse du père et le mutisme du fils, mais on se trompe, on entre dans
les méandres de l’âme humaine, noire et maléfique… Tout aurait dû se passer
autrement. Jamais Roy, adolescent de treize ans n’aurait pu se séparer de sa
mère, de sa sœur et de ses copains de lycée, et pourtant il l’a fait. Jamais
il aurait dû entendre son père pleurer chaque nuit, et pourtant il l’entend,
jamais…Et pourtant…Tous ces événements qui s’enclenchent de travers vont
nous mener bien au-delà de ce que l’on aurait imaginé et supporté…Tous ces
petits « ratages » du quotidien, parce que personne n’est parfait et que Jim
est plutôt fragile, et Roy perméable à tout ce qui l’entoure, perdu dans son
adolescence, ne nous préparent en rien à la fulgurante bascule du récit qui
nous prend à la gorge, nous retient prisonniers de chaque page et nous défie
de lire la suivante jusqu’à la page 113.
Là, le rythme cardiaque accéléré, le souffle coupé, on se tait et on va
jusqu’au bout de cet inoubliable roman, en silence, sachant que l’on en
sortira pas tout à fait indemne.
Evelys Toneg
Alexandre
Duval-Stalla « Claude Monet – Georges Clemenceau : une histoire, deux
caractères, biographie croisée.» L’Infini Nrf, Gallimard, 2010.
L’amitié qui unissait les deux hommes est bien connue. Ces deux géants de
l’impressionnisme et de la République se rencontraient sur bien des points,
même si les divergences et débats d’opinions n’étaient pas écartés. Amoureux
tous deux d’une liberté, étendard contre le conformisme, Monet et Clemenceau
se rejoignaient également sur l’amour d’un certain absolu, la dernière
lettre de Clemenceau à son ami en témoigne : « Je suis aussi fou que
vous, mais je n’ai pas la même folie. Voilà pourquoi nous nous entendrons
jusqu’au bout. » La folie, où la raison s’éclipse pour ouvrir de
nouveaux horizons, il en sera beaucoup question dans les entretiens entre
les deux hommes, que ces échanges soient explicites à l’image de cette
dernière lettre ou bien tacite dans l’estime réciproque qu’ils se portaient
l’un à l’autre. Alexandre Duval-Stalla a eu cette riche idée de mettre en
rapport ces deux destins dans une « biographie croisée » dont une photo des
deux hommes prise en 1921 à Giverny résume bien la connivence. La première
visite de Clemenceau, une fois l’armistice du 11 novembre signé, sera le
lendemain pour son vieil ami qui lui demandera « C’est fini ? », et
Clemenceau de répondre :« Oui », avant de s’embrasser dans le célèbre
jardin. Cela fait près de 60 ans qu’ils se connaissent et le don que fera
Monet à la France de ses 22 panneaux des Nymphéas dans le musée de
l’Orangerie dépasse la conjoncture de cette grande victoire et réalise un
trait d’union définitif entre ces deux vies pour l’Histoire. Alexandre
Duval-Stalla retrace avec finesse ces grands tableaux d’amitiés où la
palette des sentiments enrichie par la profondeur des échanges entre les
deux hommes offre une belle source d’inspiration résumée par cette dernière
colère de Clemenceau devant le cercueil de son ami recouvert d’un drap noir
: « Non ! Pas de noir pour Monet », et le vieil homme d’arracher
l’indigne linceul au profit d’un drap de fleurs voisin, « une cretonne
ancienne aux couleurs des pervenches, des myosotis et des hortensias »,
un dernier éloge à la couleur…
Théophile
Gautier Venise collection Sépia VIII, éditions de l’Amateur.
La collection Sépia dirigée par Sylviane de Decker Heftler aux éditions de
l’Amateur a réservé une surprise aux amoureux de Venise et de Théophile
Gautier en éditant un petit bijou en format 21 x 13, une présentation à
l’italienne particulièrement adaptée au sujet…
C’est le mariage des plus belles pages de Théophile Gautier sur Venise et
d’anciennes photographies anonymes pour la plupart. Faisant suite à un
voyage en Italie en 1850, les pages rapportées seront publiées en 1852 avec
également des variations sur le carnaval de Venise dans son livre majeur
Emaux et Camées.
L’auteur a de la peine à reconnaître dès la première page qu’il est fâcheux
d’aborder l’Italie dont les ciels radieux sont réputés par une journée
maussade et des temps d’orage…
Ce sont les éclairs, la pluie et le déluge qui accueille le voyageur
pourtant habitué aux intempéries : « Certes ce n’est pas ainsi que nous
avions rêvé notre entrée à Venise ; mais celle-là dépassait en fantastique
tout ce que l’imagination de Martin eut trouvé de mystérieux, de gigantesque
et de formidable pour une avenue de Babylone ou de Ninive ».
Que l’on se rassure pour l’auteur, le déluge prendra rapidement fin et le
soir, il pourra admirer sur l’éternelle lagune le ciel étoilé annonciateur
des beautés de la ville qu’il visitera les jours suivants !
La plume trempée dans l’inspiration vénitienne, le poète peint des tableaux
autant qu’il décrit les merveilles, mais également la misère qu’il peut
constater lors de son voyage. Les témoins photographiques d’une époque
proche de celle qu’a pu connaître Gautier achèvent de nous transporter dans
un beau voyage qu’il nous appartient de faire avec cette très belle
réalisation.
Jean Starobinski
« La parole est moitié à celuy qui parle… » - Entretiens avec Gérard Macé,
France Culture / Editions La Dogana, 2009.
A la question posée par Gérard Macé « Au fond, vous êtes un moraliste ? »,
Jean Starobinski répond par l’affirmative, estimant que l’homme ne naît ni
bon, ni méchant, apte à la violence et devant recevoir une éducation pour
l’en prévenir, et ce faisant il se distingue de celui à qui il a consacré
tant d’études dans sa vie, Jean-Jacques Rousseau. La citation de Montaigne,
« La parole est moitié à celuy qui parle, moitié à celuy qui l’escoute
» qui a été retenue comme titre symbolisant ces entretiens entre Jean
Starobinski et l’écrivain Gérard Macé est en effet une belle illustration du
dialogue entre les deux hommes qui nourrissent des affinités électives
manifestes. Cet enrichissement mutuel nourri par la parole et par l’écoute
ne résulte pas d’un aimable bavardage, mais répond bien plus à des règles
strictes du langage et de l’échange comme le rappelle Jean Starobinski. En
les oubliant ou en les méconnaissant, la parole serait source de
malentendus, de dispersion et de brouillage du message initial, un fait que
tout à chacun peut de plus en plus constater dans nos sociétés de
surinformation. C’est ainsi à l’art de la parole et des idées que nous
invite cet entretien stimulant et en même temps exigeant. Comment
pourrait-il en être autrement lorsque nous revisitons, avec Gérard Macé, le
parcours d’un homme qui su réunir, sur fond d’une éducation classique, une
formation à la fois philosophique et en même temps scientifique avec la
médecine qui le conduira vers la psychiatrie ? Cette formation de l’esprit
invite les arts (Goya, Velasquez, Greco…), mais également la musique (« Le
dom Juan » de Mozart) sous l’influence de Pierre Jean Jouve qui comptera
beaucoup à ses débuts. Starobinski revient sur cette idée fondamentale qu’il
appartient à celui qui parle de savoir se faire entendre au risque de ne
pouvoir être compris par celui qui doit la recevoir. Le « cercle vicieux du
non-sens », comme le nomme Starobinski, vient ainsi en contre-exemple du
cercle vertueux évoqué par Montaigne. Or, tout texte littéraire est un
ensemble de signes, relève Jean Starobinski qui souligne la similitude avec
l’état d’un organisme vivant. Ces textes suscitent diverses lectures selon
leur nature. De ces lectures peuvent également naître de nouvelles écritures
qui permettent «d’élaborer avec plus de netteté la réponse que l’on
souhaite donner au texte qui nous a parlé », la réponse ouvrant
également à de nouveaux horizons. L’écriture est ainsi une nouvelle écoute
pour Jean Starobinski, une écoute qui ne saurait être solitaire, la «
vraie recherche ne commence que lorsque l’on se sent en compagnie ».
Cette recherche associe l’art de la citation rigoureuse souvent articulée
autour de deux idées antagonistes, mais également l’heureux mariage entre la
rationalité héritée des sciences physiques et la compréhension sensible des
sciences humaines.
En conclusion de ce recueil d’entretiens, Stéphanie Cudré-Mauroux évoque
cette « entente fondamentale » entre les deux écrivains qui se connaissaient
déjà par l’échange de leurs écrits. Véritable démonstration de ce qui est
évoqué dans ces entretiens, leur propre échange conduit à un éclairage
nouveau sur leurs écrits et leurs idées donnant pleine vie à la citation de
Montaigne qui orne la couverture de ce très beau livre !
Jacques Dupin «
Ballast » Poésie/Gallimard n° 451, Gallimard, 2009.
Le ballast, dans la marine, leste ou déleste le navire et ses hommes
embarqués vers l’inconnu. Le ballast, sur terre, comble les voies ferrées en
recouvrant les traverses de bois. Quel usage Jacques Dupin a-t-il choisi
pour ce mot dans son dernier recueil ? Quelle est la force de ce mot
inattendu pour la plupart d’entre nous en poésie et pourtant si prégnant
pour le poète dans ce recueil de poésies couvrant les vingt dernières années
du XX° siècle ? Cette pierre sans intérêt intrinsèque qu’est le ballast est
une pierre brisée, broyée, réduite dans sa plus simple expression, avant
celle de la poudre, pour servir à nos transports. Cette force tellurique
déchiquetée marque-t-elle l’omnipotence illusoire de l’homme sur la terre
mère, celle à qui il doit tout et à l’égard de qui il oublie tout ? Il est
peut-être plus intéressant de partir de cette pierre sombre, à laquelle on
ne prête jamais attention, lest ou comblement de nos quotidiens, ces à-côtés
qui ne ressemblent à rien. Quels sont ces morceaux brisés de nos vies ? Ceux
de la pierre tombale dont le poète s’échappe à la faveur d’un levier ? Le
cristal lui-même n’offre pas la face polie qu’on lui prête trop souvent,
Dupin sait bien plus qu’un autre que le minéral le plus pur et le plus beau
n’est que prélude aux antagonismes et aux divisions perpétuelles.
Sommes-nous alors condamnés à courir et à fuir comme cette chienne (p. 28)
dont la chaîne brisée pourrait cliqueter sur ces voies de ballast ? Nul ne
le sait et le poète ne nous indique pas cet autre chemin qui nous
permettrait d’échapper à cette réalité. L’homme qui écrit cette poésie n’est
pas homme à être saisi aussi facilement, et c’est par contumace,
titre des premiers poèmes de ce recueil, qu’il faudra le juger, et nous ne
nous y essaierons certainement pas. Le lecteur ne cherchera pas à recoller
ces pierres brisées à jamais, mais plutôt à percevoir :
la division qui nous porte, et nous dérègle,
nous approvisionne, à n’atteindre jamais le point
de rencontre avec qui l’absout,
et nous couvre de terre, de feuilles, de musique… (p. 30)
Dans ce poème, l’importance du blanc typographique, initié par Mallarmé dans
« Un coup de dés…», souligne cette rupture et cette distance qui est
caractéristique de la poésie de Dupin. Sa lecture n’est pas toujours facile,
mais comme le relève lui-même Dupin, la poésie n’a jamais eu droit de cité
et a toujours été dehors et dérangeante. Acceptons cette offre généreuse de
liberté, au sens de la fameuse chaîne brisée, afin de parcourir nos espaces
d’éternité grâce à cette écriture éloignée des facilités.
Tramontane, poème qui ouvre le recueil « Le grésil » est d’une force
redoutable qui empoigne le lecteur à l’image de ce vent dont on dit qu’il
rend fou,
dans le miroir de
l’écorce
tu me regardes
me haïr
C’est également la force de celui qui réalise « l’arasante vibration de
l’air ». Le granit, le schiste sont les éléments minéraux qui opposent
leur résistance à l’empreinte de nos vies ou bien s’en font l’écho. Parfois,
chez Dupin, la pierre devenue aveugle parvient en effet à l’état de lumière
errante et la lave s’écroule dans la ronce…
L’effondrement révèle ou au contraire enfoui. De ce naufrage minéral, il
nous appartient d’entrevoir ce qui est au cœur de notre être, notre vie
agrégée ou dispersée à l’image du ballast de Jacques Dupin…
Shoshana Rappaport : «
Brefs impératifs », éditions L’Actmen, 2010.
« Brefs impératifs » est le deuxième livre de Shoshana
Rappaport après « Léger mieux » consacré à trois destins de femme – Virginia
Woolf, Sylvia Plath et Marina Tsvetaieva. Leur point de contact :
L’écriture, l’écriture comme nécessité ou battements de vie. « Brefs
impératifs », c’est cela, en effet, que cela et tout cela : Un acharnement
vital à l’écriture, à tenter de trouver les mots justes, la phrase, le
rythme ; un non renoncement à l’écriture, à soi-même pour tenter d’y puiser
un léger souffle d’existence. Tenter sans jamais abandonner, avec une
patience et une obstination désespérée, à coup de mots arrachés, d’arrêter
ou au moins de troubler ce flottement, ce désarroi continu et lancinant ;
C’est tenter la première phrase pour « se le tenir pour dit ». Il y a dans
ce livre des notes de sincérité ou plutôt des exigences de refus de
s’enfoncer dans le mensonge, et des cris lancés, des « parlez-moi
franchement ». « Brefs impératifs », ce sont des phrases courtes, intranquilles pour reprendre les mots de l’auteur qui claquent contre les
murs, un à vif qui côtoie le sensible. C’est un refus, un « je », un
« il », un « elle » qui se bat, se risque à la chute, à écrire pour avancer,
survivre un jour d’hiver, un matin de printemps ou un seul instant coûte que
coûte. Un mot, une phrase comme un sursaut, un élan de désobéissance…pour où
déjà ? Ici, pour ce deuxième livre vif et à vif.
L.B.K.
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André Gide «
Journal – une anthologie (1889-1949) » inédit, Folio anniversaire,
Gallimard, 2012.
Le Journal rédigé par André Gide tout au long de sa vie a une valeur
d’exemple et de témoignage quant à la maturation et à l’élaboration d’une
pensée et d’une écriture. Véritable laboratoire, le journal est une œuvre en
création dans laquelle son auteur souhaite le plus de sincérité possible ou,
tout au moins, le moins de complaisance vis-à-vis de soi : « …malheur à
qui songe à sa personnalité en écrivant ; elle apparaît toujours assez si
elle est sincère… » (1894). Il semble d’ailleurs qu’à la lecture des
premières années décidément très riches et lucides, Gide ait perçu nettement
ce qui serait au cœur de son entreprise : « les choses les plus belles
sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison. Il faut demeurer
entre les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison
quand on écrit » souligne-t-il lors de son séjour à Neufchâtel en
septembre de cette même année 1894, opérant ainsi une heureuse alliance
entre Descartes et Pascal…
Le jeune homme aura très tôt une soif de connaissance, il embrasse l’art au
musée du Louvre où il se promet de travailler plus sérieusement ses
connaissances et court presque littéralement dans les couloirs qui joignent
les Offices au palais Pitti à Florence ! L’émotion est au comble et Gide
s’offre la même jouissance dans la description des remous de l’Arno, qu’il
décrit au même titre qu’une œuvre d’art dans des lignes inoubliables.
Les années passent, mais la passion de la vie est toujours aussi aigüe :
Gide vient d’avoir quarante ans et il estime ne s’être jamais senti aussi
jeune en 1910. Mais l’auteur de La Porte étroite est loin d’un
optimisme béat et il réserve des jugements à son entourage, et à commencer
par lui-même, sans concessions : « Comme nous sommes ridicules ! Déjà
j’ai tant de mal à me prendre au sérieux, quand je suis seul… Chacun de nous
m’apparaît ici comme dans la salle d’essayage d’un tailleur, entouré de
glaces qui s’entre-reflètent, et quêtant dans l’esprit d’autrui son image
multipliée. Malgré soi l’on prend posture ; l’on se cambre ; on voudrait
tant pouvoir se voir de dos ! »
Cette lucidité le poussera à continuer ce travail de journal jusqu’à son
dernier souffle avec bien entendu des instants de désespoir qui lui font
dire « Plutôt se taire que se plaindre… », et relever que s’il
n’avait rarement souhaité mourir (deux ou trois fois seulement), il aurait
plutôt préféré être déjà mort, pour plus de simplicité!
Volume édité pour les 40 ans de la collection Folio
Léon Chestov « Athènes
et Jérusalem » Traduction du russe par Boris de Schloezer , nouvelle édition
présentée, corrigée et annotée par Ramona Fotiade, suivie de « L'obstination
de Chestov » par Yves Bonnefoy, 568 pages, Le Bruit du Temps, 2011.
Léon Chestov évoque dans son dernier livre une interrogation
lapidaire, mais lourde de conséquences, de l’auteur romain né à Carthage,
Tertullien : « quid ergo Athenis et Hierosolymis ? » - qu’en est-il
d’Athènes et de Jérusalem ? La conjonction « et » ne surprendra assurément
pas le lecteur nourri des classiques qui nous ont habitués à cette
association entre ces deux « capitales » de la pensée. Or, Léon Chestov ose
poser dès le début de sa réflexion cette alternative sous forme d’opposition
entre la raison et la foi. Deux autres citations antiques viennent étayer
cette interrogation revisitée par Chestov, une de Platon dans l’Apologie de
Socrate : « Le plus grand bien pour l’homme consiste à s’entretenir des
journées entières de la vertu » et une de saint Paul dans son Epître aux
Romains : « Tout ce qui ne vient pas de la foi est péché ». Foi et
raison, révélation et sagesse, ces piliers de la pensée antique vont tisser
des liens essentiels avec les siècles à venir jusqu’à l’époque la plus
contemporaine si l’on pense aux récents développements de l’actuel pape
théologien, associant étroitement foi et raison.
La première partie, « Parménide enchainé », interroge les rapports entre la
connaissance et la perte de la liberté de l’homme. La science, écrit
Chestov, a beau avoir gagné ses lettres de noblesse au XX siècle, il n’en
demeure pas moins que les hommes demeurent « entourés d’une multitude
infinie de mystères ». Cette incapacité à saisir le sens du commencement
de la vie ne cesse d’interroger le philosophe, et le mythe de la caverne de
Platon demeure toujours actuel pour Chestov. Comment retrouver la liberté
d’avant la chute ? La voie ne passe pas par la pensée raisonnable, par le
fait de se retourner et de « regarder en arrière » au risque d’être pétrifié
par le regard de la Méduse… Pour l’auteur d’Athènes et Jérusalem, la
philosophie religieuse n’appréhende pas la pensée raisonnable comme seule
base, elle va au contraire « tout oser » en acceptant d’aller en avant, sans
chercher ce qui nous attend. Dans cette démarche, tournée vers l’avenir,
mais aussi avec le présent de la mort dont il faut se concilier l’amitié,
l’homme dépasse les vérités rappelées par Kant et Hegel pour aller au-delà
de ce niveau et atteindre tout ce qui est impossible, cette vue élargie qui
transcende les catégories du monde réel. Chestov souligne en effet que « la
puissance de la révélation biblique, ce qu’il y a en elle d’incomparablement
miraculeux et en même temps d’absurdement paradoxal, ou pour mieux dire sa
monstrueuse ineptie, nous emportent au-delà des limites de toute
compréhension humaine et des possibilités qu’elle admet. Mais pour Dieu
l’impossible n’existe pas ». La philosophie religieuse aura alors comme
valeur programmatique de recouvrer la liberté originelle, celle de la
création sans altération, avant la chute… Car Chestov souligne les
souffrances de l’homme qui accepte les lois de l’éthique jusque dans
l’horreur la plus absolue (référence au taureau d’airain du sanguinaire
Phalaris servant de four pour ses ennemis…) et même les stoïciens ne
parviendront pas à convaincre le philosophe de la justesse de leur
acceptation du malheur, pas plus que les efforts infructueux de la
philosophie médiévale à concilier les deux capitales de la pensée.
Bien entendu, il peut apparaître difficile d’adhérer sans réserve en notre
XXI° siècle à l’anima naturaliter christiana de Tertullien, une âme
qui serait naturellement chrétienne et nous ferait oublier les leçons de
raison léguées par les siècles. Mais la profondeur de la réflexion
philosophique de Léon Chestov dans la dernière œuvre de sa vie ouvrira à
bien des horizons, des horizons dont le lecteur ne reviendra pas indemne
comme le note avec sagacité Yves Bonnefoy dans le bel essai qui conclut «
Athènes et Jérusalem », un livre à méditer grâce à cette très belle édition
de Ramona Fotiade aux éditions Le Bruit du Temps !
Philippe-Emmanuel Krautter
François Kasbi
"Supplément inactuel au Bréviaire capricieux de littérature contemporaine
pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés" , Paris, Ed. La
Bibliothèque, Coll. Les Billets de La Bibliothèque, 2011.
Ouvrir l’ouvrage de François Kasbi, c’est accepter
l’invitation d’un hôte à venir s’asseoir en sa compagnie dans son cabinet de
lecture, à entrer dans son univers littéraire – son intimité donc – pour
quelques heures, quelques pages sur des auteurs choisis par lui au détour de
ses lectures récentes. Un fauteuil Chesterfield, le feu crépite dans la
cheminée, et sur la table basse pêle-mêle les livres lus (notamment, le
volume paru dans la collection de la Pléiade, sous la direction de Jean
Ristat, des « Œuvres poétiques complètes » de Louis Aragon ou encore
« Œuvres critiques, Les œuvres et les Hommes » paru aux Éditions Les
Belles Lettres…), et qui seront prétexte à discussions, digressions et
surtout partage ; car rien ne le réjouit plus que de transmettre, partager
ses lectures, ses auteurs, comme on offre un bon dîner, un cigare, un
cognac.
François Kasbi nous avait déjà entrainés dans cet eudémonisme littéraire
avec le « Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs
déconcertés, désorientés, désemparés» en 2008 ; Il renouvelle
aujourd’hui cette invitation, en plus petit comité, avec ce « Supplément
inactuel au Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs
déconcertés, désorientés, désemparés». C’est au tour d’Aragon, de Drieu
la Rochelle, Berl, Claudel, mais également Barbey d’Aurevilly, Valéry, Bloy
ou encore Toulet ou Gobineau de faire leur entrée dans le Bréviaire
capricieux. Ne vous étonnez pas que Louis Aragon figure aux côtés de
Drieu ou Claudel aux côtés de Valéry ou Gobineau, ces caprices nés
d’affinités électives ne se discutent pas !
En hôte attentionné, François Kasbi n’assène pas, aucun ton péremptoire chez
lui, ce qu’il aime c’est semer, ce goût, cette saveur inimitable de la
littérature. Ce qu’il aime avant tout, ce sont ces auteurs à conviction, à
engagement. Les passionnés, certes, parfois avec excès, doutes ou erreurs,
voire même pour certains impardonnables – on pense bien sûr à Drieu, mais,
des Écrivains, des « Singuliers », toujours là, littérairement présents, et
plus que jamais encore vivants à qui sait les lire, les redécouvrir. Ils ont
été ou sont encore admirés ou exécrés, mais ne sont et ne seront jamais des
auteurs tièdes ; ce qu’ils ont en commun ? : L’audace, l’orgueil parfois
démesuré d’un Barbey d’Aurévilly, mais toujours, que ce soit Aragon ou
Claudel, l’art, l’art littéraire au-delà des faiblesses, contradictions,
prétentions ou impostures… Peut-être, en commun aussi l’amour des femmes, on
songe à Paul-Jean Toulet, à Valéry avec Jean Voilier, à Drieu avec Victoria
Ocampo , ce dernier se brouillera d’ailleurs avec Aragon et s’écartera du
mouvement surréaliste dans les années 20 à cause d’une femme. Que seraient
ces chefs d’œuvres que sont Aurélien ou Gilles sans ce goût
des femmes ?...
Et, dans ces tourbillons, François Kasbi se veut précis. Il tente cette
sincère objectivité subjective – et par là même, toujours susceptible bien
sûr de critiques - qui mène au-delà des préjugés, des idées depuis trop
longtemps reçus et véhiculés comme pour se rassurer, se dispenser ou
s’absoudre…Oui, il y a du justicier littéraire chez lui, faire aimer,
découvrir, voire réhabiliter, mais sans jamais cependant cacher ou masquer
ce qui doit assurément ne pas l’être. En fait, rien ne l’intéresse plus que
cette audace de l’écriture, l’audace des mots ou de la poésie – lire
notamment les pages consacrées à Paul-Jean Toulet :
Dans Arles, où sont les Aliscams
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Et c’est avec ce goût sans concession qu’il livre ses auteurs, ses
résistants, ses « combattants de l’absolu » Cet absolu, ce mot
qui fâche, mais réconcilie si bien lorsqu’on aime à se souvenir qu’il a
dicté quelques-unes des plus belles pages d’Aurélien : « (…) Qui a le
goût de l’absolu renonce par là même à tout bonheur. Quel bonheur
résisterait à ce vertige, à cette exigence toujours renouvelée ? Cette
machine critique des sentiments, cette vis a tergo du doute, attaque tout ce
qui rend l’existence tolérable, tout ce qui fait le climat du cœur(…) ».
Et, on soupçonne quelque peu François Kasbi …
Car, enfin, ne comptez pas sur lui pour mépriser au-delà des faits, de
l’histoire, les auteurs qu’il a choisis, de noircir ses écrivains et poètes
élus ; ce n’est pas pour rien qu’il a mis en exergue de son introduction
cette citation de Paul Valéry : « Celui qui crée dédaigne de détruire
» ; Et à Lexnews, nous ne le blâmerons pas !
Assurément, un ouvrage roboratif, qui aggrave sérieusement la pile de livres
que l’on avait déjà prévu de lire, et c’est tant mieux !
L.B.K.
Désolations de
David Vann Titre original “Caribou Island”, Traduit
de l’américain par Laura Derajinski, collection Nature Writing, Editions
Gallmeister 2011.
Déjà très remarqué après le succès de son premier roman traduit en français
« Sukkwan Island », David Vann nous emporte une nouvelle fois en Alaska.
Tout en nous rappelant par certaines touches la quête d’absolu de Chris
McCandless dans « Into the Wild » de Jon Krakauer, David Vann, ce surdoué de
la littérature contemporaine américaine, réussit à nous faire dériver dans
la désolation des vies de chacun de ses personnages mis en scène dans ce
roman glaçant et tragique. Des couples, Irène et Gary mariés depuis trente
ans, celui de leur fille, Rodha et Jim, celui de leur fils, Carl et Monique,
comme principaux acteurs de l’impossibilité de vivre le mythe du grand
retour à la nature, pure et salvatrice dans laquelle tout peut redevenir
simple. Gary, peu satisfait de sa vie, en est obsédé au point de se mettre à
construire, sur un îlot éloigné de la côte, une cabane en rondins, imposant
cet acharnement à sa femme qui ne le suivra que par peur de le perdre.
Attention ! Le risque de se perdre elle-même la guette… Et ses maux de têtes
réels ou imaginaires pourraient bien la mener à la folie, sous le regard de
Rodha, pleine de douces illusions sur l’amour mais aussi déçue de
l’irréalisme de son rêve amoureux, de celui nettement plus éloigné de Carl
qui ne prend part à la vie de ses parents que par une analyse critique et
détachée… Englouti par une nature grandiose dont chaque description
détaillée de la lumière, des teintes des paysages, des bruits perçus, des
nuits pleines de courants d’air glacés et du vent qui transperce… donne
l’impression au lecteur d’être là, juste à côté, assis au bord du lac, dans
la violence tourbillonnante des tempêtes de neige, dans les forêts
primitives d’Alaska, où seuls des ours solitaires pourraient vivre, comme
témoin direct de ce qui va indubitablement arriver… Et on ne peut rien pour
eux… Ils doivent chacun aller au bout de leur propre désolation.
Ce roman de 297 pages ne nous épargne pas. David Vann semble vouloir que
nous allions puiser au fond de nous mêmes les ressources nécessaires pour
accepter l’explosion de ces vies de la première à la dernière page.
Evelys Toneg
Carlo Gozzi « Ecrits
sur le théâtre, dramaturgie de l’acteur et poétique théâtrale »
introduction, traduction et notes Lucie Comparini, Eurydice El-Etr, Actes
Sud, 2011.
Lorsque le comte Carlo Gozzi se porte au secours de la commedia dell’arte
déclinante, c’est un peu Quichotte qui prend fait et cause pour les opprimés
de son temps guidé par les romans de chevalerie… Le paysage culturel toscan
du natif de Venise (1720) est menacé par toutes sortes d’influences
étrangères, il n’en faut pas plus pour prendre cheval de bataille ! Le temps
presse d’autant qu’un rival fait parler de lui dans l’Italie du Nord de ce
XVIII° siècle : il s’agit d’un autre Carlo, de son nom Goldoni et de
quelques années l’aîné de Gozzi (1707). Ce dernier a acquis toute la rigueur
du métier d’avocat et a en même temps été influencé par le théâtre de
Molière, un mélange détonnant. Mais, il ne faut pas en conclure trop
rapidement que Gozzi serait un conservateur impénitent, fermé à toute
évolution. Comme le rappellent justement Lucie Comparini et Eurydice El-Etr
dans leur riche introduction, Gozzi, par sa réflexion sur la commedia
dell’arte, va bien plus chercher à régénérer le théâtre italien qu'à le
figer. Nous apprenons ainsi que l’homme est un fin observateur de son public
et de ses acteurs allant jusqu’à intervenir personnellement avec les
machinistes sur les effets scéniques. Gozzi dégage une personnalité complexe
d’où l’humour n’est pas absent.
Dans son « Manifeste », Gozzi n’hésite pas à lancer des mots d’ordre
à l’encontre de ses concitoyens : « J’inciterai les Italiens à des
productions qui leur sont propres […] je prouverai par des comparaisons
d’une irréfutable vérité que ce sont des situations fortes qui retiennent
l’attention des spectateurs italiens, et non l’art des seuls sentiments
délicats dans les pièces larmoyantes à l’intrigue réduite… » (p. 28), le
coup est porté ! Gozzi réserve les larmes aux tragédies et estime que des
comédies « jaillissent arguties, traits d’esprit, critique des mœurs, bon
exemple et jovialité, mais avec cette décence digne d’un écrivain… »
(Préface du traducteur à Fayel). Là réside toute la difficulté et l’art
selon Gozzi : la bouffonnerie doit, par une subtile harmonie, se mêler au
merveilleux des contes populaires. Pour l’auteur de L’Amour des trois
Oranges, il n’y a que l’art qui puisse rendre « beaux et immortels
» et pour lui, il est une vérité italienne que l’on se doit de connaître : «
Est beau parmi nous seulement ce qui plaît », une belle leçon qui non
seulement rayonnera dans l’Italie, mais sera également un exemple qui
inspirera les romantiques allemands (Goethe, Schiller et Hoffmann) ainsi que
les compositeurs, il suffit pour s’en convaincre d’écouter l’admirable opéra
de Prokofiev « L’amour des trois Oranges » !
C’est justement «
L’amour des trois Oranges » qui fait également l’objet d’une belle
traduction d’Eurydice El-Etr aux éditions La Délirante. Cette édition
particulièrement réussie et à l’esthétique rare en raison de la beauté du
papier et de la typographie est sublimée par des dessins du peintre de
l’absurde, Antonio Segui, qui jette sur l’univers de Gozzi, et sur le nôtre,
un regard plein d’humour et d’ironie. La présente édition nous permet de
découvrir ainsi le regard acerbe de Gozzi sur la société de son époque, le
texte qui nous est parvenu n’étant pas la pièce elle-même, a priori perdue,
mais l’Analyse réflexive de son auteur selon ses propres termes, rédigée
quarante plus tard. Conçu à partir d’un conte pour enfants, « L’amour des
trois Oranges » est un récit insolite comme le souligne Eurydice El-Etr
dans son introduction, un récit qui tient à la fois du manifeste poétique et
du témoignage. L’humour est également omniprésent et l’on sait que Gozzi
n’en était pas dépourvu, notamment lorsqu’il n’hésite pas à apostropher son
rival Goldoni par des références explicites à ses œuvres. Prenons ce
témoignage comme le reflet de la richesse et de la diversité de la création
artistique de cette époque et laissons les derniers mots à Carlo Gozzi : «
L’Amour des trois Oranges, un Conte pour les enfants, que j’adaptai à la
scène, et par lequel je commençai à porter assistance à la Troupe Comique de
Sacchi, ne fut rien d’autre qu’une parodie bouffonne et outrancière des
œuvres de Messieurs Chiari et Goldoni, qui étaient fort en vogue à l’époque
de sa création. » (Prologue)
Carlo Gozzi « L’amour des trois
Oranges » traduit de l’italien par Eurydice El-Etr avec des dessins
d’Antonio Segui aux éditions La Délirante.
Philippe-Emmanuel Krautter
Stéphanie de Saint
Marc « Nadar » Biographies Nrf Gallimard, 2010.
Qui est Nadar ? Il est difficile de réponde à une telle question tant
l’homme a traversé les époques tourmentées du siècle suivant celui de la
Révolution française. Stéphanie de Saint Marc s’est attachée à faire
connaître la pensée d’une personnalité complexe et délicate, il suffit pour
s’en convaincre de s’attarder quelques instants sur la photographie du
personnage en couverture de cette riche biographie. L’homme annonce très
clairement qu’il ne se laissera pas saisir facilement, la main posée sur la
joue, le regard à la fois sceptique et scrutateur vers l’objectif. Celui qui
naîtra sous la Restauration et achèvera ses derniers jours sous la III°
République est en effet une personnalité à la fois connue pour ses fameux
clichés des grands de son temps, et en même temps trop largement méconnue
quant à la diversité de ses engagements. Il compte parmi les reclus de
l’Histoire, condamné à être connu par leur nom, mais par là même ignoré
quant à leur existence. C’est à cette fatalité que s’est attaquée Stéphanie
de Saint Marc avec cette biographie.
Qui est Nadar ? Le biographe apporte un premier élément de réponse dès
l’introduction en soulignant que Nadar est en quête de reconnaissance, une
reconnaissance qu’il n’aura de cesse de réaliser en faisant parler de lui
dans les journaux et les gazettes, homme des médias avant l’heure !
Felix Tournachon ou Nadar, explore le monde comme il explore sa riche
personnalité. Et derrière l’extrême diversité et apparente dispersion du
personnage, il y a une insatiable volonté d’embrasser la diversité pour
donner un sens au tout. Qu’il se passionne pour les airs et l’aviation
naissante ou qu’il s’exprime dans l’art tout aussi naissant de la
photographie, Nadar pousse toujours plus loin les limites de la connaissance
et de la curiosité. Comme le souligne l’auteur, Nadar est un homme de
contraste, un contraste qui imprime la plaque argentique et qui révèle bien
des choses de l’obscurité. Le désir est au cœur de cet homme insatiable, le
sensible également qui le porte vers l’homme et toute sa richesse. A une
époque où reporter l’image d’un homme ou d’une femme ne se fait plus
uniquement par la représentation picturale idéalisée, il faut une certaine
acuité pour saisir le regard tourmenté de Baudelaire ou l’air rêveur de
Courbet. Nadar nous avait pourtant avertis : « Une indifférente
reproduction plastique est la portée du dernier servant de laboratoire
», nous voilà prévenus !
Nadar explore toujours, dans les profondeurs des daguerréotypes, mais
également dans les hauteurs avec une passion pour le ciel et le fait de s’y
mouvoir. Le fameux rêve d’Icare dépasse les premiers essais de ballons
aériens, Nadar souhaite naviguer dans les airs et non s’y laissé porter.
L’hélice et l’engin « plus lourd que l’air » seront les moyens de réaliser
cette quête de l’élévation de l’homme vers de nouveaux cieux. Cet élan
connaîtra des lendemains douloureux (la fameuse équipée du Géant
relatée avec brio) et plombera si l’on ose dire définitivement les finances
de celui qui rêvait de l’air. Mais l’homme ne s’avoue pas vaincu, il
persévèrera non seulement dans cette aviation naissante, mais également dans
une débauche de rebonds dans la politique, lui qui est républicain dans
l’âme et qualifié de rouge par un grand nombre. Il cherchera également à
persévérer dans l’écriture avec un projet de Mémoires emporté à Marseille,
mais qui n’aboutira pas comme si l’homme qui cherchait à appréhender le
monde dans lequel il vivait était incapable de circonscrire la richesse de
sa propre personne. Avec cette biographie, Stéphanie de Saint Marc accomplit
les désirs secrets de cet homme passionnant en nous le rendant familier et
si humain !
Léon Werth «
Saint-Exupéry tel que je l’ai connu » Album, Editions Viviane Hamy, 2010.
Saint-Exupéry, géant au pied d’argile, colosse qu’une amitié trahie pouvait
effondrer, avait rencontré Léon Werth en 1931 et à partir de cette date, les
deux hommes restèrent de fidèles amis. Celui qui appelait affectueusement le
célèbre aviateur « Tonio » avait été d’ailleurs le dédicataire du fameux
Petit Prince, geste symbolique plus qu’évocateur des liens qui les
unissaient lorsque le lecteur s’y arrête quelques instants pour la relire :
A Léon Werth.
Je demande pardon aux enfants d'avoir dédié ce livre à une grande personne.
J'ai une excuse sérieuse : cette grande personne est le meilleur ami que
j'ai au monde. J'ai une autre excuse : cette grande personne peut tout
comprendre, même les livres pour enfants. J'ai une troisième excuse : cette
grande personne habite la France où elle a faim et froid. Elle a besoin
d'être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dédier
ce livre à l'enfant qu'a été autrefois cette grande personne. Toutes les
grandes personnes ont d'abord été des enfants. (Mais peu d'entre elles s'en
souviennent.) Je corrige donc ma dédicace :
A Léon Werth quand il était petit garçon
Les éditions Viviane Hamy ont eu l’heureuse initiative de proposer une
nouvelle édition de ce précieux témoignage épuisé depuis de nombreuses
années, et de le compléter par de nombreux documents iconographiques
inédits.
Il ressort de la lecture de ce témoignage que son auteur a tenu absolument à
transmettre l’image la plus fidèle de la grandeur de l’homme, celle qui trop
souvent a été malheureusement – bêtement pourrait-on ajouter – l’objet de
simplifications réductrices.
L’homme, l’amitié irréductible qui tisse des liens plus forts que
l’adversité, le courage, la tendresse, l’amour parfois trop partagé, sont
autant de valeurs qui animent celui qui était trop grand pour habiter cette
terre, raison pour laquelle il avait fait pousser des ailes à son âme…
Le 15 octobre 1940, Léon Werth note que Saint-Exupéry a passé deux jours
avec lui pour souligner immédiatement la profondeur de l’amitié, qui, avec
l’amour, partage un mystère si difficile à déchiffrer. Comment rester
insensible à ce petit mot dont Saint-Exupéry avait le secret par lequel il
indique à son ami
« Je venais vous chercher pour dîner
je suis bien triste de vous manquer de si peu ! » et le petit mot
manuscrit est complété d’un petit personnage dépité fronçant les sourcils
avouant dans une bulle « Ils sont partis ! »…
ce sont ces petits rien, ces petites attentions qui marquent les esprits en
quête d’amour et d’absolu qui composent cet hymne à l’être, cet autre qui ne
saurait être que soi et dont l’image est si souvent brouillée pour le plus
grand malheur des hommes.
Le miroir de Léon Werth et d’Antoine de Saint-Exupéry n’a pas terni et cette
image ne peut que nous réjouir grâce à ce merveilleux témoignage à découvrir
dans une édition particulièrement soignée !
"Parle-le leur
de batailles, de rois et d’éléphants" 154 pagesEditions Actes Sud, 2010.
Dans cette rentrée littéraire plus qu’abondante, il peut être difficile de
s’y retrouver. Parfois un conseil de libraire, une bonne intuition sur une
quatrième de couverture, un article, un mot d’un ami ou quelques pages
feuilletées à la dérobée sont les meilleurs atouts pour choisir un bon
livre. Mais qu’est-ce qu’un bon livre, sinon celui qui vous ouvre le cœur,
l’âme, celui qui vous touche ou vous bouleverse, celui qui vous marque et
peut même changer votre vie. Nous avons tous eu un ou deux livres vraiment
très importants dans notre vie de lecteur…
Le livre de Mathias Enard publié chez Actes Sud attire, étonne et éveille la
curiosité déjà par son titre : « Parle-leur de batailles, de rois et
d’éléphants », une formulation mystérieuse. Est-ce un conseil, un ordre
? Non juste une phrase prononcée par le poète Mesihi de Pristina qui sera
très proche de Michel-Ange lors de son séjour à Constantinople, un événement
que l’histoire de l’art semble avoir oublié… Alors qu’il se vexe des
traitements du pape Jules II qui ne le considère pas à la hauteur de son
génie et sur un coup de tête, Michel-Ange quitte Rome le 17 avril 1506 et
débarque dans le port de Constantinople le 13 mai suivant. C’est le sultan
Bayazid, deuxième du nom, qui convoqua le maestro pour lui proposer un
projet architectural. Michel-Ange se voit confier la réalisation d’un pont
au milieu du port d’Istanbul, un pont pour traverser la Corne d’Or, un pont
entre Constantinople et son faubourg, Péra. Michel ange n’est pas
architecte, mais preneur de tous les défis, d’autant qu’il apprend que le
projet de Léonard de Vinci a été rejeté par le grand Turc. « Passer après
Léonard de Vinci ? Après ce lourdaud qui méprise la sculpture ? - Vous le
dépasserez en gloire si vous acceptez, car vous réussirez là où il a échoué,
et donnerez au monde un monument sans pareil, comme votre David. » A
Constantinople, Michel-Ange s’ennuie, il attend une inspiration qui ne vient
pas et déambule dans les venelles et dans le port en compagnie du poète
Mesihi ou de Manuel son drogman. Il visite tout ce qui est à voir et cherche
à comprendre la culture et la civilisation dans laquelle il se sent perdu.
Alors qu’un jour, il aperçoit le projet de son célèbre aîné, le projet de
Léonard de Vinci lui paraît si novateur que Michel-Ange doute un instant.
Mais, d’instinct, il sait qu’il ira plus loin et qu’il réussira. Ce livre
est ainsi un voyage dans l’intimité de Michel-Ange, dans ses pensées, son
rapport à l’art et à la poésie, aux hommes et aux femmes, à la beauté, à la
recherche du perfectible. Baigné d’odeurs de parfums et autres muscs
orientaux, de descriptions des lieux qu’il découvre, des couleurs du pays,
des bruits et clameurs des rues et du port, Mathias Enard nous emmène sur le
fil d’une réflexion subtile et forte sur l’acte de création, celle de
Michel-Ange, qu’il nous fait partager dans une confession pudique, sensible,
mais libre de l’artiste, donnée directement au lecteur, autour des lettres
qu’il envoie en Italie et de ses réflexions les plus personnelles.
Après lecture de ce beau livre, on ne s’étonnera pas de retrouver dans les
œuvres à venir du maître, les inspirations, les émotions artistiques
ressenties lors de son séjour à Constantinople.
Eivlys Toneg
Marceline
Desbordes-Valmore, Louis Aragon : « Les Yeux pleins d’églises ; Le Voyage
d’Italie. », Paris, Éditions La Bibliothèque, Coll. L’Écrivain Voyageur,
2010.
« Venir en Italie pour guérir un cœur blessé à mort d’amour, c’est
étrange et fatal », mais le train lentement vous emmène ; vous regardez
flotter le paysage, vous ne voyez qu’un gris intense que marque à jamais le
ruissellement de l’eau sur la vitre ; le regard perdu, vous apercevez deux
alouettes soumises au vent et virevoltant entre les gouttes ; une jolie
histoire, pensez-vous, de charmantes arabesques livrées au gré des vents ou
plutôt…oui, c’est cela, de délicats poèmes dessinés au crayon comme pour
soulager l’âme… Alors, vous ouvrez le livre et ils sont là, ensemble,
destins qui se croisent…
Lui, c’est Louis Aragon. Il est jeune et Nancy Cunard vient de le quitter.
En cet été 1928, il fuit vers l’Italie, vers Venise, prêt à se tuer avec
dans sa valise un carnet de poésies inédites ; le carnet de voyage en Italie
d’une poétesse qu’il admire, tout comme l’avaient admirée avant lui Rimbaud
ou encore Rilke, et qu’il vient -peut-être juste la veille par désespoir-
d’acquérir. Elle, c’est Marceline Desbordes-Valmore. Elle part, fuit, elle
aussi, en cette année 1838, une passion brisée, une blessure brûlante
qu’elle pleure, voudrait crier et expier pour Henri de Latouche…Bercé, vous
lisez ce poème où une main tremblante a tracé cette musique inouïe que
seules les ombres blessées qui se croisent et s’entrelacent par un jeu de
miroirs, comme au jeu de l’amour, murmurent.
« Écoute cette femme qui te parcourt d’un silencieux concert
Cette femme de murmures divins dans une chambre d’hôtel
Qui s’en revient d’avoir erré dans une ville de marbre et de mascarades
Où le soleil est vin renversé l’ombre sent l’ambre du figuier
Lasse à mourir de la beauté des pierres
Les yeux pleins d’églises dit-elle
On dirait un grillon perdu dans une maison sans cheminées
Partagée entre cet homme en elle ce ravage d’elle-même
Ce chant qui ne veut pas mourir
Et les soucis mesquins l’argent qui manque et les vêtements usés
Les mécomptes de la troupe et les cris des comédiens
Écoute cette femme Italie Italie »
(« Le Voyage d’Italie », Louis Aragon)
Un concours de circonstances, des tournées théâtrales emportent en effet
Marceline avec son mari, Prosper Valmore, et leurs deux filles vers
l’Italie, vers Milan, première étape qui ne sera en fait que la seule en
cette terre d’Italie. Désargentée, brisée, marquée au fer rouge par cet
amour qu’elle ne saurait avouer, elle a laissé contrainte son fils à Paris.
« Ivre de malheur », elle écrit d’une main tremblée sur des petits
feuillets…
« Ah ! je crains de souffrir. Ma tâche est trop pressée.
Oh ! laissez-moi finir ma tâche commencée.
Oh ! laissez-moi m’asseoir sur le bord du chemin,
Mes enfants à mes pieds et mon front dans ma main. »
(« Les Yeux pleins d’églises », Marceline Desbordes-Valmore)
Le bruit des sabots sur les pavés glissants résonne, et le cliquetis des
brides et harnais comme autant de chaînes se mêle aux sons des cloches des
églises de Milan. Ce sont ces églises, ces pierres qui s’élancent sans
faille que Marceline ne cesse de parcourir. Seules quelques fleurs parfois
au pied de l’une d’elles, fragiles et délavées par la pluie – des violettes
noires peut-être - rappellent à l’homme sa condition. Marceline les
cueillera et les collera sur les fines pages de son carnet comme pour mieux
les protéger, les sauver et se souvenir...
Sur le chemin qui le mène à Venise, Louis Aragon s’arrête lui aussi à Milan.
Tournant lentement les pages du carnet de Marceline, comme de faibles
battements d’un cœur qui veut mourir, il y écrit ce poème « Le Voyage d’
Italie ». Et qui donc, mieux que Marceline pouvait le comprendre ? Oui,
qui donc ? Il racontera alors Marceline, l’histoire de Marceline
Desbordes-Valmore ; Il sera Marceline, il est Marceline…
« Je ne vois qu’elle triste et troublante
Dans un carnet à l’italienne une fleur anonyme entre les feuillets séchée »
(« Le Voyage d’Italie », Louis Aragon)
Assis dans ce wagon qui toujours vous emmène, vous ressentez alors le froid
qui pénètre, ce triste froid d’Italie. Il pleut. Il pleut sans cesse, sans
discontinu, une larme de Marceline tombe sur le carnet, et Aragon ne peut la
consoler. Il fait trop froid en cette Italie...
« Parce qu’il pleut Marceline parce qu’il
Pleut
Et qu’il faut compter les mailles de la pluie
Assise sur une malle attendre et coudre entendre
Sourdre dans les tiens ce désespoir à demeurer
Là quand il pleut
Attendre et coudre coudre coudre quand il pleut
Quand il pleut et que la pluie chante
Sur les toits d’un air d’opéra
Ma mère avait une servante
Qui s’appelait Barbara. »
(« Le Voyage d’Italie », Louis Aragon)
Il fallait, enfin, la finesse de plume de Jean Ristat pour offrir à ces
vers, tragiques et si fragiles, toute la délicatesse de la préface. Poète,
écrivain et ami cher de Louis Aragon, – aujourd’hui son exécuteur
testamentaire – Jean Ristat le veillera jusqu’à sa mort le 24 décembre 1982.
Louis Aragon lui avait un jour donné ce carnet de voyage en Italie de
Marceline Desbordes-Valmore « à la condition, me dit Aragon, que tu
écrives cette histoire…son histoire. Quelques dizaines d’années plus tard,
j’aurai donc honoré ma promesse… », écrit-il. Fidèle, Jean Ristat
transmit, en effet, ce carnet de voyage en Italie à Claude Schopp qui
patiemment le déchiffra, refit le voyage de Marceline à Milan, et
minutieusement l’annotera. Restait pour que s’accomplisse cette promesse que
Marceline Desbordes-Valmore, Louis Aragon, ce carnet de voyage, ces carnets
croisent le chemin des Éditions La Bibliothèque…Voilà, vous refermez
doucement le livre, les « Yeux pleins d’églises »,… Italie, Italie
!
L.B.K.
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Tanizaki
Junichirô « Romans, Nouvelles » édition établie et présentée par Anne
Bayard-Sakai, Collection Quarto, Gallimard, 2011.
Tanizaki (1886-1965) est un auteur qui résiste au classement, échappe à
toute velléité d’école et autres catégories. Son œuvre, déroutante et
multiple, étonna et scandalisa dès son premier roman de jeunesse, «
L’amour d’un idiot ». L’auteur n’hésita pas à bousculer les catégories
des convenances de ce Japon à peine sorti de la féodalité quelques décennies
plus tôt. A un discours feutré, évoqué, suggéré, Tanizaki jette souvent un
regard cru et cynique sur les déviances et les obsessions du quotidien de
ses contemporains, à commencer par les siennes. Au-delà de ces comportements
excessifs, pointe de manière récurrente une confrontation des cultures et
des traditions malmenées par l’occidentalisation forcée du Japon. L’image de
la femme se trouble, elle quitte son statut d’épouse modèle penchant
légèrement le port de tête tout en servant son mari, tels une représentation
d’estampes classiques ou des films les plus classiques d’Ozu. La femme peut
revêtir une image beaucoup plus agressive et attirante lorsqu’elle
réinterprète le modèle féminin hérité de l’Amérique. Elle est alors source
de conflits et d’extrême, stigmatisant ainsi l’image du Japon qui se
modernise. Ces heurts sont au cœur de l’écriture de Tanizaki Junichirô bien
au-delà du fétichisme ou du masochisme pourtant certes omniprésents dans son
œuvre.
Anne Bayard-Sakai souligne justement dans sa préface à ce nouveau volume de
la collection Quarto que l’écrivain japonais n’a pas fait école.
Paradoxalement dans un pays nourri de traditions et de rapports de maître à
disciple, il n’y a pas eu d’école Tanizaki, preuve s’il en était besoin du
caractère inimitable de cette comète du paysage littéraire japonais du XX°
siècle. Il faut certainement chercher dans un rapport jusqu’alors inédit à
l’écriture pour mieux comprendre l’originalité de Tanizaki. Il est parfois
qualifié d’esthète, mais cet adjectif est vite complété par le qualificatif
péjoratif « décadent » en raison de ses audaces jamais accomplies
jusqu’alors, comme dans le Tatouage : «… le pied de cette femme
lui apparût comme un inestimable joyau de chair. La disposition harmonieuse
des cinq orteils déployant leur délicat éventail depuis le pouce jusqu’au
petit doigt, le rose des ongles qui ne cédait en rien aux coquillages qu’on
ramasse sur les plages d’Enoshima… », pour finir par : «…oui, c’était
bien là un pied qui sous peu piétinerait les mâles et se gorgerait de leur
sang vif », nous sommes en 1910, et Nagisa Oshima était loin d’être né…
Tanizaki est un amoureux de la forme romanesque, et décline sa narration
avec une précision et une variété de formes qui force l’admiration. Il
utilisera même la forme du journal dans La Clef et dans le fameux
Journal d’un vieux fou qu’il faudra bien entendu découvrir si on a cette
chance de ne l’avoir pas encore lu ! On y découvrira la plume d’un écrivain
ayant atteint l’âge de 75 ans et qui raconte comment un vieillard jette sur
lui-même un regard sans concession et parvient à raviver sa libido à la vue
des pieds de sa très jeune belle-fille !
«Le Turquetto»
de Metin Arditi, Actes Sud, 2011.
« La vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache » André Malraux
– Antimémoires.
Si Metin Arditi commence son récit par cette réflexion, c’est que nous avons
certainement tous quelque chose en nous de caché, qui est notre vérité,
celle qui fait ce que nous sommes et que nous ne souhaitons pas voir étalée
au grand jour. Ce que nous cachons aux autres nous protège t-il ? Et combien
de temps cela peut-il durer ?
« Je suis sûr que dans le monde entier il n’y a pas une seul enfant de
ton âge qui puisse faire un aussi beau portrait. Mais la Loi nous dit que
nous ne devons représenter ni Dieu ni ses œuvres. Nous ne pouvons que
reproduire les textes sacrés, avec humilité, en essayant de rendre toute
leur profondeur et leur beauté. Allez, rentre chez toi. Elie éclata en
sanglot… » « Mais personne ne gagnait sa vie en dessinant ! Surtout
pas un juif ! Il aurait du comprendre ça, Petit Rat ! Avec son intelligence…
Le dessin, le dessin, il n’avait que ça en tête ! »
Tout va peut-être se jouer ce jour pour Elie né juif, à la figure d’un petit
rat, grandissant dans la Constantinople du 16ème siècle, où son maître et
ami, musulman, lui apprend les encres, les courbes et les lignes autorisées
par les religieux et tous les interdits lui disent que rien n’est possible
pour lui. Fou de dessin, il décide de prendre son destin en main, un jour,
en quittant ses racines, sa ville, ses amis et ce qu’il lui reste de famille
pour monter dans un bateau et partir vers Venise. Apprendre auprès des
grands maîtres du Cinquecento et pratiquer son art jour et nuit, voilà la
seule obsession d’Elie qui, pour ce, changera jusqu’à son identité et
deviendra le Turquetto. Peintre reconnu de tous comme un grand, ni aimé, ni
détesté, chacun s’accordait à dire que de tous les peintres de Venise, il
était le plus grand. Plus grand que le Titien et que le Véronais et c’est
pourtant l’œuvre de sa vie, une Cène, « La Cène » qui trahira son secret
gardé quarante ans au fond de lui dans cette ville où l’Inquisition veille
au respect des lois qu’elle impose à tous.
Metin Arditi construit une intrigue historique et artistique, sur la seule
supposition qu’un tableau à l’histoire mouvementée, attribué au Titien et
exposé au Louvre, ne serait pas forcement du maître. A travers l’art et les
méandres des ruelles et canaux de Venise, se déroule au fil des pages, une
passionnante aventure, à l’esthétique pure et lumineuse, aux couleurs et
odeurs des ateliers de peintures, aux goûts d’interdits, aux difficultés
d’être face à l’intolérance et aux dogmes religieux cruels de l’époque mais
qui sont parfois encore d’actualité. Arrêté, jugé et condamné, que deviendra
le Turquetto après que sa trahison, son mensonge aient été portés au grand
jour ? Que deviendra son œuvre colossale en nombre de toiles et de beauté si
touchante que personne ne résiste aux émotions qu’elles procurent, au
silence qu’elles imposent naturellement ? Qui a peint « l’homme au gant »,
cette toile attribuée au Titien et qui présente une troublante curiosité ?
Seule la lecture du dernier roman de Metin Arditi pourra étancher cette soif
de savoir, de ressentir et de se sentir vivre pour quelques centaines de
pages, entre Constantinople et Venise au 16ème siècle.
« Le Turquetto » a été distingué en 2011 par le prix Jean Giono
Evelys Toneg
Philippe Denis «
Petits traités d’aphasie lyrique » Le Bruit du Temps éditions, 2011.
L’infime, tel semble être la riche partie de notre existence qui ouvre au
poète Philippe Denis une multitude, derrière les étroites apparences.
L’inspiration pour le sensible se manifeste par une poésie souvent proche de
la forme brève du haïku ou du moki japonais. L’instant en écho
à la fugacité du quotidien, le souvenir de notre personne dans la mémoire
d’un passereau, tels sont ces petits riens qui forment des touts, des
cahiers de vacuité, si envahissants à leur lecture ! L’aphasie n’est
qu’apparente, au-delà des mots, mais avec les mots, tel est le défi lancé
par Philippe Denis dans ce petit traité nourri du silence, de la musique, de
la note et de ses accords. Accord parfait ? L’auteur répond par un adage
latin Sint ut sunt aut non sint redoutable aux Jésuites, à nous de
choisir… Les mots, comme les contours d’un nuage, peluchent. L’image du
galet qui résiste à la force des éléments parvient cependant à susciter «
nos dons d’aphasie lyrique » comme le souligne le poète, tout cela prend
couleur dans un noir et blanc de silence. La distance parfois amusée du
poète à l’égard du monde, et donc de soi-même, fait naître des fulgurances
dignes d’une inscription épigraphique laissée à l’abandon par une antiquité
négligée :
Je cherche une question ne portant pas traces
de mes interrogations, n’ayant d’humain que
les réponses qu’elle repousse.
Nous sommes en heureuse compagnie dans ces petits traités d’un auteur nourri
par le pays qui l’abrite en ce moment, le Portugal, comme il le reconnait à
la fin de ce recueil où nous rencontrons Pessoa, Camoes, ainsi que de
sombres aïeules allant fourbir les tombes par un dimanche après-midi…
Jacques Damade :
« Les Îles disparues de Paris », Paris, Ed. La Bibliothèque, 2011.
« Maman, les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils… ? »
Pour Jacques Damade, ils ont des ailes pour remonter le temps et changer au
gré des humeurs des siècles, des passions des rois et des colères des Dieux,
l’espace et la géographie. Et, descendre la Seine et traverser Paris en sa
compagnie n’est pas de tout repos : on n’y croise pas seulement des
bateliers, on y fait et défait des ponts, on y couronne et guillotine des
rois ; surtout, au fil des pages, des lectures, des recherches, y
apparaissent les îles de Paris aujourd’hui disparues. Non pas des îles
imaginaires ou tristement disparues à jamais, mais des îles de Paris, un peu
fantasques, qui bien que disparues, n’en demeurent pas moins enchantées et
réelles. Et, oui, Paris ne comptait pas, et ne compte toujours pas que sa
seule île de la Cité ; d’ailleurs, elle-même coupée en deux îles, voire en
trois, puis ressoudée… île Notre Dame, île aux Juifs, îles Gourdaine, île de
la Cité…elles s’enlacent et fusionnent parfois ces îles… Plus sérieux et
plus documenté que nous, l’auteur note que l’on en comptait plus d’une
dizaine au XVIe siècle ; il n’a quant à lui rencontré et côtoyé que dix
îles, les doigts d’une main, mais quelles îles ! On les découvre, on les
perd, on les retrouve un peu plus loin… changeant de nom ou de place, elles
ne cessent de surprendre le lecteur ou l’amoureux de Paris qui pensait
pourtant tout connaître. Et l'on lit cet avertissement, plutôt ce programme
: « Des îles comme témoins de ce qui s’est passé, des îles qui
connaissent Paris comme personne, voilà, une parole lumineuse, féconde dont
je ferai mon miel, sans l’épuiser. »
Dans un style parfois cocasse ou décalé, au travers de ces îles disparues -
l’île Louviers à la hauteur de l’Arsenal, l’île aux Vaches et l’île
Gourdaine toutes deux face au quai des Célestins, l’île aux Treilles…- c’est
l’histoire de la Cité qui murmure, fredonne ou tonne selon les crues et
décrues de l’histoire. L’île de la Cité n’appartient plus à Paris, mais
c’est bien Paris qui appartient à son fleuve, à son île, à ses îles comme un
joyau sorti d’une coquille ; métaphore dessinée de manière sensible par
Angèle Damade qui signe les illustrations de cet ouvrage. En découvrant ce
livre, on ne peut que se dire : « Heureux qui, comme Jacques Damade,
a fait un beau voyage… » ; Il est vrai que pour se faire, Sancho lui
a suggéré que lui aussi pouvait devenir gouverneur de ces îles, pensez donc
! Cependant, force est d’admettre qu’il y en a pour tous les goûts et les
humeurs : des mélancoliques, des tristes ou joyeuses ; des habitées,
délaissées ou servant de refuge à un Coffinhal qui fuit la Révolution ; des
petites, minuscules mêmes telle l’île du Louvre non loin des jardins du
Palais; des charmantes au joli nom comme l’île des Cygnes, ou encore des
innommables dont on hésite presque à vous parler, telle l’ île Merdeuse ou
l’île Maquerelle, bien que l’auteur soit quant à lui plus disert, et se
laisserait presque surprendre à citer les vers de ce « Rêve parisien
» :
« De ce terrible paysage,
Tel que jamais mortel n’en vit,
Ce matin encore l’image,
Vague et lointaine me ravit. »
D’ailleurs, ne soyons pas choqués, on les baptise, débaptise et rebaptise à
la minute des siècles ces îles ! On les coupe, soude, recolle au gré des
vents, des folies des hommes ou chansons de Paris… Elles ont leur vie, leurs
amours et leurs tristesses… Laissons-les voguer au rythme de Paris et des
battements de plume de l’auteur. Ni vraiment « Promeneur solitaire »
ni tout à fait « Rôdeur parisien », mais plutôt « Flâneur des deux
rives », l’auteur nous entraîne dans cet archipel parisien plus
ensorcelé qu’enseveli. Dans cet archipel où l’on se prend à rêver, à
imaginer ces îles que l’on aime disparues ou seulement englouties pour mieux
les faire, le temps d’une lecture, d’un songe, réapparaître, flotter,
dériver, et se souvenir…
« J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer ! »
L.B.K.
Kamo No Chômei «
Notes de ma cabane de moine » traduit du japonais et annoté par le Révérend
Père Sauveur Candau, postface de Jacqueline Pigeot, Le Bruit du Temps
éditions, 2010.
« Le monde est ainsi fait ; il est bien difficile d’y vivre et chacun
sent la précarité de sa propre vie, de son habitation. » écrit Kamo no
Chômei dans un petit livret, et combien ces paroles semblent résonner en
notre fragile XXI° siècle ! Nous sommes pourtant au XIII° siècle dans un
Japon ravagé par les dissensions politiques et celui qui tient cette plume
isolée au fond d’une cabane esseulée a cependant connu la vie de cour et ses
vicissitudes…
Profondément inspiré par le bouddhisme qui se développe à cette époque,
l’écriture de Chômei est marquée par les traits de la religion asiatique :
l’impermanence des choses, l’évitement de la souffrance en abandonnant l’ego
pour parvenir à l’éveil. Faut-il pour autant conclure à un essai spirituel,
une digression à vocation religieuse ? Cela serait trop réducteur et surtout
méconnaîtrait la complexité de celui qui témoigne de sa retraite volontaire
au milieu des montagnes et qui voit le feu de son brasier le matin comme un
compagnon fidèle de ses vieux jours. Chômei n’est pas un moine érémitique ou
tout au moins s’il a décidé de vivre en solitude et en ascèse, ses
émerveillements et ses rencontres en atténuent considérablement la rigueur…
Comment en effet juger autrement le fait que la simple voix du hibou suffise
à émouvoir notre moine et que lorsqu’il entend les cris du singe, il mouille
sa manche de ses larmes ? Il serait plus juste de parler d’une ascèse
poétique pour ces pensées écrites de sa cabane de moine ; une attitude qui
évoque à la fois une certaine distance des choses et du monde, qui rappelle
les pensées de Sénèque et en même temps préfigure un sensualisme marqué qui
résonnera encore au siècle dernier avec Kawabata. Notre moine sait bien que
ses émotions sont contraires à la maîtrise de soi prônée par l’enseignement
bouddhique et s’il se repent, il ne peut s’empêcher à la dernière ligne de
son ouvrage de remarquer que « la lune brille, mais il est triste de la
voir disparaître derrière les monts » !
A noter que ce texte majeur de la littérature japonaise est accompagné en
postface d’une étude particulièrement détaillée sur son contexte historique
et littéraire rédigée par Jacqueline Pigeot.
Vient également de paraître également au Bruit du Temps « Notes sans
titre » de Kamo No Chômei
John Keats « Ode
à un rossignol et autres poèmes » traduit de l’anglais par Fouad El-Etr,
frontispice de Gérard Barthélémy, Editions La Délirante, 2010.
L’épitaphe gravée sur la stèle de John Keats dans le cimetière protestant de
Rome est ainsi rédigée par la propre main du poète : « Here lies one
whose name was writ in water » (ici repose celui dont le nom était écrit
sur l’eau). Dans Endymion au Livre IV, nous pouvons également lire ces mots
si forts :
I have clung
To nothing, loved a nothing, nothing seen
Or felt but a great dream!
Je ne me suis attaché
A rien, n’ai aimé qu’un rien, n’ai rien vu
Ni senti qu’un rêve immense !
Traduction Fouad El-Etr
Quel océan, quelle distance entre la vacuité présagée par ces images du vide
et l’immensité suggérée par le rêve et tous les possibles détachés de leurs
contingences terrestres ! La poésie de Keats appartient bien entendu au
panthéon du romantisme anglais où ses vers se font l’écho de la beauté de la
nature. Quelle est-elle cette nature et comment se partage-t-elle dans le
cœur du jeune poète anglais avec les fruits savoureux de la culture antique
qu’il chérit tant ? C’est peut-être à partir de la notion de sensation et
des sens qu’il est possible de tisser une toile telle cette tresse
d’hommes et filles dans le marbre ouvragée, avec les branches des bois et
l’herbe foulée fraîche dont la permanence sera le témoin d’une vérité
qui ne saurait mourir (Ode sur une urne grecque, V). « Ode à un rossignol
et autres poèmes » de John Keats ouvre ainsi à tout un univers où la
délicatesse du jeune poète transcende les années difficiles de son
adolescence marquées par la mort précoce de ses parents. La mort n’est pas
absente et rôde sans pour autant sombrer dans la morbidité : le délicat
contrepoint formé par la narration du poète et le chant du rossignol dans
Ode à un rossignol suffit à s’en convaincre. Alors que Keats avoue : «
Mon cœur a mal, et une langueur sourde oppresse mes sens, comme si
j’avais bu la ciguë (…) Tu chantes à tue-tête l’été pour ton plaisir. »
L’insouciance de l’oiseau emplit les sens du narrateur qui ressent plus
qu’il n’observe les beautés de la forêt où son cœur s’émerveille avant de se
heurter au silence de la triste réalité.
Robert Browning ne s’était pas trompé quant à la valeur du jeune homme : «
Milton et Keats, les deux poètes surhommes. » et Shelley, qui fut son
ami, reconnaissait lui-même qu’il était un rival qui le dépasserait de
beaucoup… C’est d’ailleurs sur son corps noyé quelques mois après la mort
son ami que l’on découvrit des poésies de Keats…
Fouad El-Etr a honoré le grand poète mis en avant récemment avec le film de
Jane Campion « Bright Star » en offrant une très belle traduction des
odes, traduction qui a servi aux versions doublées et sous-titrées du film.
Fouad El-Etr est lui-même poète et fondateur des éditions La Délirante,
spécialisées dans les livres rares et les belles éditions. C’est ainsi grâce
à un regard de l’intérieur qu’il a su restituer cette poésie parfois
redoutable pour l’âme, en témoigne ce dialogue entre le poète et le
rossignol :
Mourir plus que jamais voluptueux me semble,
Cesser d’être à minuit sans douleur aucune
Alors que tu répands ton âme au loin
Dans une telle extase !
Tu chanterais encore, et moi l’oreille vaine –
Pour ton haut requiem je ne serai que terre.
La poésie originale placée en vis-à-vis sur la page de gauche permet
d’apprécier les choix de l’auteur, choix qui jamais n’occultent la splendeur
des sonnets de Keats, mais au contraire les subliment par d’heureuses
équivalences toutes chargées de manifester la beauté si chère au poète
anglais. Le soin apporté à cette édition de référence se manifeste également
par la beauté du travail éditorial salué par un nouveau tirage après le
succès du livre. Lire cette poésie de Keats sur du papier Vergé dans une
édition brochée à la typographie irréprochable est un bonheur rare et qui
mérite d’être partagé !
Philippe-Emmanuel Krautter
Jean Galard
"Promenades au Louvre" collection Bouquins, Editions Robert Laffont, 2010.
Le Louvre se découvre à vrai dire d’autant de manière qu’il
existe de vies… L’amoureux choisira les lieux qui évoquent les passions ou
les regrets de son cœur, le nostalgique y cherchera les échos de ses
promenades passées (« … je suis en train de ne rien faire, et ayant
besoin d’être absent de chez moi et un peu de moi-même, je m’en vais au
musée du Louvre remiser mon esprit dans du vieux passé » note Edmond de
Goncourt dans son Journal un mardi 17 février 1891), le passionné cherchera
à tout appréhender de manière systématique dans une vaine quête. L’arpenteur
de ce haut lieu de l’art entre non pas dans un sanctuaire, mais dans un
labyrinthe initiatique. Saura-t-il s’y promener sans se perdre ? Que
rapportera-t-il de ses pérégrinations ? Pourra-t-il même en ressortir ?
C’est un peu à toutes ces questions qu’invite ce très beau recueil «
Promenades au Louvre » de Jean Galard dans la collection Bouquins des
éditions Robert Laffont. Le pluriel au mot promenade n’est pas
superfétatoire ! Plus qu’une visite qui aurait un rien de trop désinvolte,
le plus grand musée du monde invite plutôt à des promenades. Ces ailes et
ces salles exigent en effet une attention particulière au risque de glisser
parmi les siècles et les arts sans effleurer ce qu’ils ont à nous apprendre.
C’est ce qui ressort de ce recueil qui pourra accompagner le promeneur du
Louvre : tous les témoignages réunis, qu’ils soient d’hommes de lettres
célèbres tels Diderot, Baudelaire, Claudel, Rilke, d’artistes ou de
critiques d’art, tous proposent un éclairage original sur ces tableaux, ces
sculptures, ces mobiliers, parfois illustres d’autres fois plus méconnus,
mais jamais indifférents à leurs observateurs. Comment opère cette magie ?
Dans cette quête initiatique suggérée tout à l’heure, des accompagnateurs
nous ont ouvert la voie d’une manière moins formelle que celle des guides
traditionnels. La systématique est souvent loin au profit d’un angle
particulier parfois même anecdotique, mais toujours singulier. Et si
Huysmans se trompe en attribuant un tableau à Bianchi alors qu’il est de la
main de Francesco Marmitta (peintre italien de la deuxième moitié du XV°
siècle), cela n’enlève rien à la beauté de son analyse de « La Vierge et
l’Enfant entourés de saint Benoît et saint Quentin, et deux anges»
tableau installé dans la salle 5 (Grande Galerie) de l’aile Denon. Jean
Galard dévoile le fil directeur de ces nombreux témoins invités à plaider
pour la grande dame de la culture : tous ces textes ont quelque chose de
suggestif dans un cadre éclectique. Bien entendu, la subjectivité a sa
place, et heureusement ! Comment expliquer autrement ce « butinage » tel que
le conçoit l’auteur de ce recueil ? Et si les abeilles oeuvrent de manière
plus logique que ne laisserait croire de prime abord leurs tâches
quotidiennes, il en est de même avec les textes réunis ici par Jean Galard :
« plus les œuvres qu’on essaie de comprendre sont lointaines et plus
l’imagination peine à se procurer les secours qui la rendraient puissante et
diverse. » Tout est dit ! A l’image d’un virtuose qui parvient à oublier
la difficile technique acquise à force de gammes, ces témoignages dépassent
la connaissance généralement acquise pour la sublimer vers une autre
dimension moins académique parfois, mais toujours passionnante…
Gabriel Levin «
Ostraca » édition bilingue, traduction de l’anglais par Emmanuel Moses, Le
Bruit du Temps Editions, 2010.
L’Antiquité a livré, bien malgré eux, des trésors d’instantanéité à
l’éternité. Ils portent le nom d’ostraca et ces fragments de calcaire
blanc ou autres tessons de poterie ont porté jusqu’à notre époque des
poésies et autres pensées parfois satiriques de leur temps. S’agit-il de la
quête éternelle de la bouteille à la mer ou de l’improbable écho de
l’explosion cosmique originelle ? La réponse du poète Gabriel Levin vivant à
Jérusalem se veut plus discrète, presque diaphane ; le message de l’ostracon
ne peut parvenir jusqu’à nous que si nous y prêtons une oreille discrète,
presque oublieuse de capter une idée ou une humeur qui n’aurait jamais dû
s’affranchir du temps qui les avait vues naître. Le poète ne se veut surtout
pas archéologue pas plus qu’épigraphe. Sa rigueur sera celle du peintre
rêvant de l’improbable lumière sacrificielle d’où tout serait né. Ces
morceaux épars livrés presque honteusement par le sable et la terre
requièrent l’humilité de celui qui observe les siècles passés tout autant
que notre quotidien. Dans Le masque de Lipari (p. 33), Gabriel
Levin fait cette constatation : « Dégagé de l’étreinte du mort,
l’empreinte exacte de celui que tu fus amenée à la lumière du jour :
spectral dans un champ lumineux, la somme de terre cuite abstraite de ce que
tu pouvais, ou aurais pu dire ».
Ce surgissement du présent à partir du calcaire est constitutif de notre
connaissance : « c’est ainsi que je te vis ». La pierre s’est faite
chair nous dit dans une admirable sentence Gabriel Levin ( Après
Ninive) où le poète rappelle la terrible prédication de Jonas «
Qui a poussé en une nuit, et en une nuit a péri » (4,10). Telle la
flèche qui blessait la lionne antique emprisonnée dans sa gangue de
bas-reliefs, le trait nous frappe en plein cœur. La vie n’est pas réservée
au seul cœur qui bat et bouillonne, et le félin pourtant touché il y a des
siècles continue de démontrer une vitalité rarement atteinte. Le calame
antique souligne encore des vérités dérangeantes pour les âmes serviles de
notre époque : « Qui est ton serviteur sinon un chien ».
L’échelle céleste, chère à saint Jean Climaque et aux pères de l’Eglise,
nous invite à gravir « sans abri, ni nulle part où fuir » et sous le
prunier sauvage, nous aurons peut-être la chance de découvrir « une
pointe de crépuscule prise dans les serres du faucon pèlerin qui tournoie
lentement au-dessus de la vallée de l’ermite… » (p. 101).
Gabriel Levin ne répond-il pas à la question « Où allez-vous ? » par cette
formule lapidaire « Vers l’Orient ! » avec une majuscule qui résume
le cercle fondateur (Quand les vents tournent p. 113). Il
s’agit d’un Orient où une hémorragie de pavots sur les flancs des collines
ne parvient pas à réduire l’espoir du réveil en des jours meilleurs des sept
dormeurs de l’Éphèse romaine (Quand les vents tournent p. 111).
Au terme de ce parcours en terre d’ostraca, nous pourrons reprendre ces mots
de L’autoportrait en kaki : « C’est pourquoi même après un
millier d’années, les vagues agitent le rivage d’un bruit aussi
mélancolique. », une mélancolie propice à propager ces paroles fugaces
qui parcourront encore bien des contrées et des siècles.
Vient de paraître également du même auteur aux éditions Le Bruit du Temps :
« Le tunnel d’Ezéchias et deux autres récits »
« Une maison de poupée
» de Henrik Ibsen, traduit par Eloi Recoing, Actes Sud- Papiers, 2009.
Une maison de poupée a eu un grand retentissement lors de sa
publication en 1879. Henrik Ibsen (1828-1906) développe dans cette pièce de
théâtre des idées très modernes qui se font l’écho des idées féministes de
son époque et annonce celui du siècle à venir. Le drame qui se tisse
progressivement au cours des préparatifs de Noël est rendu avec une finesse
psychologique qui ne laissera pas le lecteur indemne. Cette « broderie » de
caractères nous invite en effet à observer de l’intérieur un couple
bourgeois formé de Helmer, avocat, et de son épouse Nora. Helmer est un
juriste intègre dont la réussite financière s’en est ressentie. Sa femme,
Nora, apparaît de prime abord comme dépensière et frivole. A l’occasion
d’une promotion sociale inespérée, il semble que le couple voit alors
s’éloigner le risque de la précarité et la nouvelle année apporter des
auspices plus heureux. Mais, une vieille histoire, cachée à son mari par
Nora, va compromettre ce bonheur trop fugace. Dévoilant la vraie nature
humaine de chacun des protagonistes, ces évènements vont servir de
révélateur de ce que sont l’amour, le mariage, la fidélité, l’honneur…
Sans concessions, Ibsen n’accepte aucun faux-semblant : on ne transige pas
avec le cœur de l’homme, surtout quand il s’agit de celui d’une femme !
Vient
également de paraître de Henrik Ibsen aux éditions Actes Sud : « Rosmersholm
» traduit par Eloi Recoing, 2009.
Paulette Choné « Mademoiselle G. » Edilivre, 2008.
Ce roman de Paulette
Choné nous invite à revisiter notre passé et plus précisément notre enfance.
Nous avons toutes et tous en souvenir, ou sinon en mémoire, une Mademoiselle
G., enseignante, qui a gravé des souvenirs indélébiles dans les méandres de
notre histoire. Encore faut-il accepter ce jeu où cette épreuve toujours
délicate, celui de consentir à exprimer les petits riens, ces anecdotes qui
nous ont composés, sans que ce passé ne soit à jamais refoulé. Certaines
personnes, et Paulette Choné compte parmi elles, savent faire vivre ces
instants, car il ne s’agit pas d’une renaissance, mais plutôt de la vie la
plus immédiate. Ces traces du passé sont constitutives de la vie que nous
regardons aujourd’hui et l’auteur en connaît l’importance. Plus que de la
poésie, les évocations de la narratrice cherchent à nous conduire dans
l’immédiateté de ces souvenirs, dont le plus souvent, nous n’avons plus
qu’un vague halo de mémoire ou quelques émotions bien abstraites. Nous
n’irons pas jusqu’à dire qu’elle revit ces instants, car cela serait trop
trivial et impossible, mais elle témoigne de leur intensité à l’image de
cette trousse de couture rouge qui, un jour de grande émotion en salle de
classe, finira en plein milieu de la travée de la salle. Le moment n’est pas
souvenir, il est vie. Il n’est pas inventé non plus, car il est constitutif
d’un être et d’une personne, que celle-ci ait ou non existé, peu importe. La
vie file, comme le train dans lequel le roman égrène les instants du
quotidien d’êtres et de paroles envolés. Paulette Choné laisse l’impression
étrange de rattraper ces instants fugaces avec un filet à papillons, elle
n’hésite pas à introduire des éléments de distanciation avec la narration ce
qui ne fait qu’accentuer le trouble. Mademoiselle G. n’est pas un livre de
souvenirs, mais bien un livre de mémoire au singulier !
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Marguerite Duras
Œuvres complètes tome I et II, édition sous la direction de Gilles Philippe,
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2011.
L’écriture, la vie, l’existence, le tout ne forme qu’un pour Marguerite
Duras. Ecrivain emblématique d’un nouvel art de la prose, Duras étonne,
attire ou agace, elle laisse rarement indifférent. L’heureuse initiative de
réunir son œuvre complète dans la prestigieuse collection de la Pléiade
réjouira tous celles et ceux qui ont souvent été marqués par un titre, un
film ou même parfois par la voix de celle qui a tout donné à sa passion.
C’est l’histoire de l’écriture de cette figure atypique du paysage
littéraire du XXe siècle qui est ici retracée dans toute sa cohérence sous
la direction de Gilles Philippe. Car l’œuvre de Duras forme un tout qui
prend racine dans les œuvres de jeunesse ou dans des rencontres fortuites
qui créeront de véritables « mythes » notamment L’Amant, Le
Ravissement de Lol V. Stein ou encore India Song…
Son écriture n’est pas née d’une révélation ou d’un don inné, mais plutôt
d’une véritable recherche de toute une vie. Cette « écriture courante » ne
sera acquise qu’après bien des pages noircies avec L’Amant, ce qui
n’enlève rien de leur force aux écrits de jeunesse jusqu’à ceux de la fin
des années 50, tous réunis dans le premier volume de ces œuvres complètes.
C’est en effet avec 1958 que l’on peut relever une première rupture dans
l’écriture de Marguerite Duras qui avouait ne plus se retrouver dans ces
œuvres qu’elle aimait pourtant encore tel Un barrage contre le Pacifique.
Gilles Philippe souligne que ces romans d’avant 1960 reflètent souvent l’air
du temps de leur époque : l’existentialisme avec Les Impudents et
La Vie tranquille dans les années 40, l’influence du roman américain
avec Un barrage contre le Pacifique, Le Marin de Gibraltar ou
encore Les Petits Chevaux de Tarquinia. Puis, viendra les temps où
l’auteur de Détruire dit-elle est associé, parfois malgré elle, au
nouveau roman, elle refusera cependant toujours d’être emprisonnée dans un
mouvement ou une école, tout en étant ouverte au monde qui l’entourait. Ce
qui va alors primer dans l’écriture de Marguerite Duras sera le résultat
d’une déréalisation du réel : seule la parole a ici sa place sous forme de
dialogue ou de soliloque dans le contexte d’une Inde rêvée plus que réelle.
Les années 60 seront celles consacrées à des pièces qui ne seront pas
anecdotiques dans son parcours. Véritable laboratoire dans la pensée de
Duras, le théâtre va aussi être le lieu de multiples créations qui auront
leurs échos dans les œuvres postérieures. Les années 70, après l’influence
très nette de mai 68 sur l’écrivain, marquent un retour sur soi et une
ouverture sur le cinéma avec India Song, les films de Duras devenant
la plupart du temps des livres et non l’inverse. Après plus de dix ans
d’éloignement du récit et du roman pour une écriture plus scénaristique,
Duras revient avec une écriture qui ne cessera de s’épurer : le mot
transcende progressivement la phrase, le silence, la poésie gagne où l’amour
est omniprésent. Ce deuxième volume clôt le cycle indien et se termine sur
India Song, un texte emblématique de la richesse de son auteur
puisqu’est fait mention en exergue du titre : « texte théâtre film »,
tout est dit !
volume I : Les Impudents - La Vie tranquille - Un
barrage contre le Pacifique - Le Marin de Gibraltar - Les Petits Chevaux de
Tarquinia - Des journées entières dans les arbres - Le Square - Moderato
cantabile - Les Viaducs de la Seine-et-Oise - Dix heures et demie du soir en
été . Appendice : Les feuilles.
volume II : Hiroshima mon amour - Une aussi longue absence - L'Après-midi de
monsieur Andesmas - Le Ravissement de Lol V. Stein - Les Eaux et Forêts - Le
Square. Trois tableaux - La Musica - Le Vice-consul - L'Amante anglaise -
Suzanna Andler - Des journées entières dans les arbres [théâtre] - Yes,
peut-être - Le Shaga - Un homme est venu me voir - Le Théâtre de l'Amante
anglaise - Détruire dit-elle - Abahn Sabana David - L'Amour - Nathalie
Granger - La Femme du Gange - India Song
Les volumes 3 et 4 termineront ces œuvres complètes
de Marguerite Duras qui devraient être publiées en 2014 pour le centenaire
de la naissance de l’auteur.
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LA PLEIADE |
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Paul Claudel « Théâtre
» sous la direction de Didier Alexandre et de Michel Autrand, 2 Tomes, La
Pléiade, Gallimard, 2011. Claudel avait été l’un
des rares auteurs vivant à être entré dans la fameuse collection de la
Pléiade en 1947 et 1948. Plus de soixante ans plus tard, les deux volumes de
son théâtre sont au catalogue avec une nouvelle édition reprenant les
différentes versions de ses grands drames avec, à la différence de l’édition
initiale, le respect de la chronologie des compositions permettant ainsi de
mieux apprécier le parcours de l’écrivain et poète. Cette belle édition
réalisée sous la direction de Didier Alexandre et de Michel Autrand se
caractérise également par un remarquable effort de documents réunis : notes
préparatoires de Claudel, de précieuses informations restées jusqu’alors à
l’état de manuscrits, ainsi qu’un grand nombre de lettres, préfaces et
commentaires de l’auteur de L’annonce faite à Marie et Le Soulier de satin.
L’expérience du théâtre de Paul Claudel est chose unique : le cardinal de
l’époque, en 1998, Josef Ratzinger se souvient de sa première découverte du
poète : « Dans une Allemagne détruite et humiliée par suite de la Guerre, le
premier drame que j'ai vu était « Le Soulier de satin » de Paul Claudel.
C'était à un tournant important de ma vie. Le symbolisme de l'amour et du
renoncement, de la fécondité du renoncement, de la gloire divine dans la
faiblesse humaine s'était transformé pour moi en un message très personnel,
en une indication fondamentale du chemin de vie que je devais prendre ».
C’est cette joie du verbe contre l’absurdité de l’Histoire et, comme le
souligne Didier Alexandre, l’interrogation de toute vie pour échapper au non
sens de l’ignorance qui fondent le théâtre de Claudel. Cette interrogation
peut s’exprimer lors d’une conversion, situation récurrente dans ses œuvres,
et l’on pense bien entendu à la plus connue : celle de l’auteur lors des
Vêpres de Noël 1886 au pied de la Vierge dans Notre-Dame. Cette conversio
induit un changement tel que l’homme devient étranger à lui-même, début d’un
long exil en témoigne cette note du Journal de Claudel : « De nouveau, je
vais partir et ce qui m’entoure reprend son aspect distant, fantomatique. Je
n’ai d’attache à aucun point de la terre ». Mais, face à cet ébranlement,
l’homme doit reconstruire un monde nouveau au risque de sombrer dans un
nihilisme fatal. Cette reconstruction s’accomplit lors d’un chemin sinueux,
parfois incompréhensible, et pourtant nécessaire. Cette approche finaliste
doit largement à la pensée de Thomas d’Aquin selon laquelle l’homme va dans
le quotidien de ses actes agir en vue d’une fin et l’ensemble de ces fins
vont se réaliser dans le but d’une fin suprême. Tout le théâtre de Claudel
tisse cette dentelle que le lecteur doit pouvoir apprécier sans pour autant
en saisir immédiatement toute la complexité. Le drame est au cœur de ce
maillage en permettant d’exprimer toutes les contradictions de la vie et de
la réalité.
Claudel n’a eu de cesse d’écrire et de réécrire son théâtre pendant toute sa
vie et s’il est lecteur d’Eschyle et de Shakespeare, son œuvre est bien
personnelle et à nulle autre pareille comme le rappelle Didier Alexandre
dans l’introduction aux deux volumes du Théâtre. Il n’a pas d’imitateur et
son théâtre est particulièrement actuel à l’heure où le sens de la vie est
au cœur de nos sociétés modernes malades de leur croissance trop rapide. Il
offre une pause, certes exigeante, mais ô combien nécessaire dans la
frénésie de l’instant présent, amnésique de son passé et aveugle de son
devenir. Prendre le temps de lire ou relire Claudel, c’est d’une certaine
manière renouer avec un bonheur qui dépasse celui que nos contemporains
cherchent en vain dans leur individualité et atteindre un certaine béatitude
qu’il nous appartient d’accepter.
vol 1 :
L'Endormie ; Fragment d'un drame ; Tête d'Or (1889) ; La Ville (1890-1891) ;
La Jeune Fille Violaine (1892) ; Tête d'Or (1894) ; Agamemnon d'Eschyle ;
L'Échange (1893-1894) ; Le Repos du septième jour ; La Ville (1894-1898) ;
La Jeune Fille Violaine (1899-1900) ; Partage de Midi (1905-1906) ; L'Otage
; L'Annonce faite à Marie (1910-1911) ; Protée ; Les Choéphores d'Eschyle
vol 2 :
Le Pain dur ; La Nuit de Noël 1914 ; Les Euménides d'Eschyle ; Le Père
humilié ; L'Ours et la Lune ; L'Homme et son désir ; Le Soulier de satin ;
La Femme et son ombre [première version, 1922] ; La Femme et son ombre
[deuxième version, 1922] ; La Parabole du Festin ; Le Peuple des hommes
cassés ; Sous le rempart d'Athènes ; Le Livre de Christophe Colomb ; La
Sagesse ou La Parabole du Festin ; Jeanne d'Arc au bûcher ; Le Jet de pierre
; La Danse des morts ; L'Histoire de Tobie et de Sara ; Au quatrième toc il
sera exactement... ; La Lune à la recherche d'elle-même ; L'Annonce faite à
Marie (1948) ; Partage de Midi [nouvelle version, 1948-1949] ; Tête d'Or
[version de 1949] ; Le Ravissement de Scapin ; L'Échange (1951-1952) ; Le
Chemin de la Croix n° 2 |
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Guy Goffette
Album Claudel
Iconographie commentée
«S'il est un écrivain que l'image, renchérissant sur les commentaires
souvent peu amènes de ses contemporains, aura plutôt desservi, c'est bien
Paul Claudel. En bicorne ou tête nue, la face auréolée d'un bon sourire ou
sobre et sombre comme une vertu, l'assise est sculpturale et satisfaite.
Elle rappelle davantage un notaire de province que le poète souverainement
marginal qu'il fut et demeure. Rien pourtant ne l'a jamais fait se détourner
de l'objectif. Au contraire, Claudel a toujours l'air de s'y prêter sans
vergogne, sinon sans complaisance, en familier de l'autodérision, aussi
naturel en apparence dans la pose en son grand âge qu'en son adolescence, à
l'heure où sa sœur Camille se faisait la main en le prenant pour modèle. Et
lorsqu'il se fut, à son tour, quelque peu initié à la magie de «cet appareil
à éternité qu'est la boîte photographique», il s'y adonna avec une
gourmandise toute enfantine [...].
Il y a cent ans cette année, Paul Claudel inaugurait en l'illustrant d'un
grand livre la naissance des Éditions Gallimard (L'Otage, mai 1911). Nous
avons tenté de dégager de la masse des documents mis à notre disposition de
quoi dresser un portrait rafraîchi et aussi ressemblant que contrasté de cet
homme-orchestre tumultueux qui faisait danser comme personne sur les
planches les images d'une vie abouchée à l'Absolu.»
Guy Goffette.
Parution le 13 Mai 2011
Albums de la Pléiade, n° 50
offert gracieusement par les libraires, à l’occasion de la Quinzaine de la
Pléiade, pour l’achat de trois volumes de la collection
304 pages, 322 ill., rel. Peau, 105 x 170 mm
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Herman Melville
« Bartleby le scribe, Billy Budd, marin et autres romans, œuvres IV »
édition publiée sous la direction de Philippe Jaworski avec la collaboration
de David Lapoujade et Hershel Parker, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard,
2010.
Bartleby, vous connaissez ? Mais, si ! réfléchissez encore un peu… « I
would prefer not to », et là les problèmes commencent ! Le personnage de
Herman Melville, Bartleby, est un copiste de notaire qui progressivement
passe d’une situation d’homme consciencieux à un état de refus subtilement
énoncé avec la fameuse formule dont la traduction en français fait toujours
débat selon les écoles : « je ne préférerais pas », « j'aimerais
mieux pas » ou encore la formule retenue par la présente édition : «
je préférerais ne pas »… Révolte d’un homme face à la société ? Le mot
est trop fort. Résistance à la tyrannie oppressive des hommes sur ses
congénères ? Là encore, la version développée sous forme de conte par Herman
Melville est plus nuancée…
Bartleby le scribe est, au-delà de cette anecdote du refus, une œuvre
mystérieuse sans secret. Comme le relève très justement Philippe Jaworski
dans sa préface : « On trahirait le geste de Melville en attribuant à
chacune de ces histoires une signification précise et définitive : la leçon
qui y est explicitement formulée n’a d’autre fonction que de troubler le
lecteur par ses insuffisances ou sa médiocrité. » Tout est dit !
Bartleby que l’on vient de renvoyer de l’étude où il travaillait jusqu’alors
refuse ce même licenciement… Alors même qu’on lui fait différentes
propositions de travail, il répond invariablement qu’il préfère ne pas
prendre tel ou tel emploi tout en soulignant qu’il n’est pas difficile.
Derrière ce paradoxe qui n’en est pas un, se cache le drame humain. Trop
souvent, au nom de la pensée cartésienne, l’homme accepte trop de choses au
prétexte que l’on ne saurait les écarter alors même que la conscience
intérieure crie le contraire. L’auteur de Moby Dick poursuit ainsi sur terre
et dans une étude notariale l’exploration de nos abîmes et de nos abysses.
L’élément biographique de l’auteur a bien entendu son importance. Melville
est orphelin de père et sa mère très puritaine ne lui aurait pas fait preuve
d’un amour démonstratif. Celui qui a très tôt fréquenté de nombreux foyers
connaît ses failles affectives, et c’est dans ses récits qu’il va chercher à
les exprimer dans des récits souvent initiatiques. La mer, bien entendu,
sera présente jusqu’à son dernier récit Billy Budd, marin (Melville
s’éteindra le 28 septembre 1891 sans avoir eu le temps de l’achever), qui
traduit la solitude et les dangers ressentis par Melville face à l’iniquité
et à l’injustice. L’œuvre est puissante, à l’image des idées qui s’y
développent : « L’affrontement barbare du mal élémentaire et de la pureté
meurtrière, la bête assoiffée de meurtre et l’ange qui donne la mort. Un
coup de poing ? Non, une apocalypse d’avant le commencement du temps. »,
comme le souligne Philippe Jaworski. A l’image des tempêtes maritimes,
celles des hommes sont souvent imprévisibles et redoutables. Le chaos,
l’absence de raison, l’iniquité forment une partition sans chef d’orchestre
et dont le mensonge semble le seul vainqueur…
BARTLEBY LE SCRIBE – BILLY BUDD, MARIN ET AUTRES ROMANS : Israël
Potter. Les Contes de la véranda : La Véranda - Bartleby le scribe - Benito
Cereno - Le Marchand de paratonnerres - Les Encantadas ou Îles Enchantées -
Le Campanile. Contes non recueillis : L'Heureux Échec - Le Violoneux -
Coquerico ! - Le Pudding du pauvre et les Miettes du riche - Les Deux
Temples - Le Paradis des célibataires et le Tartare des jeunes filles -
Jimmy Rose - Les Portos - Moi et ma cheminée - La Table en bois de pommier -
L'escroc à la confiance - Billy Budd, marin (ŒUVRES, IV) [2010] . Édition
publiée sous la direction de Philippe Jaworski avec la collaboration de
David Lapoujade et Hershel Parker, trad. de l'anglais par Philippe Jaworski
et Pierre Leyris, 1424 pages, rel. peau, 105 x 170 mm. Collection
Bibliothèque de la Pléiade (No 559) |
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Lautréamont "Oeuvres
complètes" nouvelle édition établie par Jean-Luc Steinmetz, 848 pages,
collection La Pléiade, Gallimard, 2009.
Les œuvres de
Lautréamont dans la Pléiade vont être l’heureuse occasion d’appréhender dans
son ensemble une littérature tissée dans la révolte et la remise en
question.
Jean-Luc Steinmetz a établi cette édition des œuvres de celui qui avant
d’être connu sous le nom de comte de Lautréamont se nommait Isidore Ducasse.
Les écrits de Lautréamont se résument à deux titres majeurs : Les Chants de
Maldoror et les Poésies, et leur auteur a certainement souffert pendant de
nombreuses années d’une méconnaissance due à une mort précoce, mais plus
encore à cette ambivalence entre excès et parodie comme le relève Jean-Luc
Steinmetz. Isidore Ducasse est né à Montevideo en Uruguay, le jour de la
saint Isidore, un 4 avril 1846. C’est en 1859 qu’il rejoindra la France pour
y faire ses études. En 1868, Les Chants de Maldoror seront publiés et
1870 sera l’année de la parution des deux fascicules de Poésies, ainsi que
celle de la mort de son auteur en pleine guerre contre la Prusse.
Les Chants de Maldoror mettent en avant un personnage central inspiré du
Faust de Goethe, mais aussi du Manfred de Byron. Maldoror est un archange du
diable qui lutte contre le bien et dont la dimension épique structure le
texte divisé en chants. La strophe n° 4 du Chant premier a d’ailleurs une
consonance programmatique : « Il y en a qui écrivent pour rechercher les
applaudissements humains, au moyen de nobles qualités de cœur que
l’imagination invente ou qu’ils peuvent avoir. Moi, je fais servir mon génie
à peindre les délices de la cruauté ! ». L’univers de Maldoror reflète-t-il
celui de son auteur ? Lautréamont s’est employé à brouiller les pistes, mais
nul doute que cette description du Chant premier strophe 8 n’est pas
étrangère à certains états de l’écrivain : « Chaque matin quand le soleil se
lève pour les autres, en répandant la joie et la chaleur salutaires dans
toute la nature, tandis qu’aucun de mes traits ne bouge, en regardant
fixement l’espace plein de ténèbres, accroupi dans le fond de ma caverne
aimée, dans un désespoir qui m’enivre comme le vin, je meurtris de mes
puissantes mains ma poitrine en lambeaux. »
Sadisme et homosexualité sont souvent présents dans une narration sans
réelle intrigue. Ces délices de la cruauté érigées en vision épique souvent
accentuée par le gigantisme des personnages sont régulièrement interrompues
par des instants de lucidité et de distance qui marquent une rupture d’un
style très moderne en cette fin de Second Empire. Lautréamont s’emploie à
cette distance quant au style littéraire, une distance non seulement avec
ses modèles littéraires, mais également ceux de son époque.
Les Poésies marquent encore plus la distance d’Isidore Ducasse avec les
modèles de son temps qu’il n’hésite pas à tourner en dérision : « J’accepte
Euripide et Sophocle ; mais je n’accepte pas Eschyle. » Voilà qui est dit,
mais ce n’est pas tout ! «Il y a des écrivains ravalés, dangereux loustics,
farceurs au quarteron, sombres mystificateurs, véritables aliénés, qui
mériteraient de peupler Bicêtre. Leurs têtes crétinisantes, d’où une tuile a
été enlevée, créent des fantômes gigantesques qui descendent au lieu de
monter. » La liste serait longue à donner et Lautréamont donne dans cette
œuvre le même regard sarcastique sur la bêtise et la médiocrité humaines que
dans les Chants.
Ce volume des œuvres complètes donne la parole aux écrivains, lecteurs de
Lautréamont : Des noms aussi différents que ceux de Bachelard, Ponge,
Césaire, Caillois Sollers, Le Clézio et bien d’autres encore livrent leur
lecture du poète maudit qui marqua irrémédiablement la littérature. Jean-Luc
Steinmetz conclut en soulignant la singularité de cette oeuvre:«
Inatteignable à portée, la prospérité du texte n’a que faire des malheurs de
l’interprétation qui voudraient le réduire à merci. » Cette contradiction
n’en est pas une, nous sommes prévenus ! |
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Jean Calvin «
Œuvres » édition établie par F. Higman et B. Roussel, collection La Pléiade,
Gallimard, 2009.
Nous connaissons bien le nom de Jean Calvin définitivement associé à la
Réforme protestante. Nous savons que l’homme Calvin et le calvinisme
s’opposeront à la toute puissante Église romaine, comme l’avait fait bien
auparavant le pouvoir temporel au Moyen-Âge, puis Luther. Mais c’est sur le
domaine même de la foi et de sa pratique que porte ce coup de tonnerre lancé
par Jean Cauvin, dit Calvin, né un 10 juillet de l’année 1509 à Noyon. Pour
ce cinq centième anniversaire, La Pléiade fait entrer le Picard dans sa
collection avec une édition remarquable qui regroupe un grand nombre de ses
œuvres les plus connues. « Je n’ai point cherché de plaire » a écrit
le dissident religieux qui diffusera sa pensée à partir d’un centre
névralgique : Genève sur le bord du lac Léman. On ne connaît pratiquement
rien sur l’enfance de Calvin, mais le jeune homme est un être inquiet et
timide en perpétuelle recherche de Dieu. L’homme a de multiples facettes et,
s’il ne rejette pas un certain humour dans ses différentes critiques de
l’omnipotence romaine, c’est surtout sa rigueur qui est mise en avant. Une
rigueur contre tous les préjugés qui impose au croyant une vigilance de tous
les instants. Comme le relèvent les deux grands spécialistes de Calvin,
Bernard Roussel et Francis Higman dans l’introduction de cette édition,
Calvin est persuadé qu’il fait l’objet d’une grâce pour aider ses
contemporains dans leur foi. Le terrain défriché par Luther n’attendait plus
que la rigueur et la discipline forgées aux matières exigeantes de la
théologie et du droit. Aussi, l’homme n’aura de cesse de comprendre et
d’expliquer l’Écriture sainte au plus grand nombre. Seule l’Écriture compte
et la Parole de Dieu, rejetant par la même le magistère de L’Église. C’est
dans ses sermons (Calvin allait jusqu’à prononcer 250 sermons par an d’une
durée d’une heure !) que l’on retrouve en premier ce commentaire de la
Bible. Ses écrits recueilleront également sa pensée avec son œuvre maîtresse
l’Institution de la religion chrétienne.
L’homme rejette l’idée de sacerdoce et souligne l’inanité de la hiérarchie
de l’Église. Il prône au contraire une égalité des pasteurs de la foi qui
seront élus par les fidèles selon ses recommandations. Les sacrements sont
également réduits aux seuls baptêmes et cène. La gloire de Dieu est au cœur
de la pensée du théologien et la vérité de l’Écriture sa priorité.
Cette très belle édition permettra ainsi d'apprécier pour cet anniversaire
les différentes facettes du personnage : le théologien, le prédicateur, le
pédagogue, le polémiste, l'épistolier, et surtout l'extraordinaire écrivain
qui invite selon Bernard Roussel et Francis Higman à une « rhétorique de
la simplicité » pour faciliter la compréhension d'une pensée complexe !
ŒUVRES. « Je n'ai point cherché de plaire » :
Correspondance entre Jean Calvin et Louis du Tillet - Épître de Jacques
Sadolet avec la Réponse de Jean Calvin - Préface aux Commentaires des
Psaumes. Calvin et la Bible : À tous amateurs de Jésus Christ - Commentaire
sur la Genèse, 2, 4-7 ; 18, 25 - Commentaire sur le Psaume 22 - Commentaire
sur les Béatitudes (Mt 5, 1-12 ; Lc 6, 20-26) - Commentaire sur l'Épître de
saint Jacques, 2. Structurer l'Église : Instruction et confession de foi -
La Forme des prières ecclésiastiques - Sermon sur le cantique du roi
Ézéchias - Lettres diverses aux Églises. Les Luttes : Avertissement sur les
reliques - Avertissement sur la censure - Histoire d'un meurtre - Préface de
« Confession de foi » - Congratulation à Gabriel de Saconay - Petit traité
montrant que doit faire un homme fidèle - Excuse aux nicodémites - Réponse à
un certain moyenneur rusé - Contre les anabaptistes - Contre les libertins.
Les Doctrines : Petit traité de la sainte Cène - Congrégation pour
l'élection éternelle - Déclaration pour maintenir la vraie foi - Brève
résolution sur les sacrements. Envoi : Discours d'adieu aux membres du petit
Conseil - Discours d'adieu aux ministres - Testament et dernière volonté de
Jean Calvin [2009]. Édition de Francis Higman et Bernard Roussel, 1520
pages, rel. peau, 105 x 170 mm. Collection Bibliothèque de la Pléiade (No
552). |
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Rimbaud «
Œuvres complètes » nouvelle édition établie par André Guyaux, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 2009.
L’œuvre de Rimbaud s’articule essentiellement à partir d’ « Une
saison en enfer » publiée en 1873 à l’âge de 19 ans. Le poète a laissé à
d’autres le soin de compléter sa création, Verlaine le premier bien entendu,
suivi par d’autres convaincus du génie de cette plume précoce. Rimbaud ne
connut quasiment pas son père, officier d’infanterie qui se séparera
rapidement de sa mère. Son œuvre est un peu à l’image de ses relations
familiales. Un attachement et en même temps un détachement qui laisseront
une large part à la reconstitution de ce génie de la poésie française dont
le rayonnement dépassera rapidement les frontières nationales. Cette
nouvelle édition part d’une certaine manière de cette première interrogation
: qui est Rimbaud, quelle est son œuvre ?
Ces questions a priori peuvent surprendre. Qui n’a pas dévoré les vers de
celui qui fera irruption de manière brutale dans la vie de Verlaine avec
l’issue que nous connaissons tous. Rimbaud appartient au panthéon de la
poésie et pourtant le rebelle de son époque se laisse tout autant
difficilement attraper aujourd’hui, au XXI° siècle. Le travail réalisé par
André Guyaux souligne ce paradoxe que l’on ne saurait réduire sans appauvrir
le legs laissé par Rimbaud : ce qui est dit par l’auteur et ce qui relève du
silence, ce qui est donné par sa main et ce que d’autres souhaiteront
retenir de son génie.
La présente édition facilite ce voyage poétique en offrant les textes en
vers et en prose dans une première partie intitulée « Œuvres et lettres ».
Les poèmes non datés sont placés à la fin de l’année supposée et les poèmes
en vers apparaissent dans leurs différentes versions. Les textes sont en
corps réduit lorsqu’ils ne sont pas établis à partir d’un manuscrit
autographe et en taille classique lorsqu’ils proviennent d’une source
autographe avérée. Le lecteur goûtera ainsi le plaisir renouvelé de
l’écriture directement à partir de la propre main du poète ou de sa
restitution par celui qui en fut son premier témoin et admirateur.
Comme un fil d’or brodé souligne le textile sorti du métier, la section «
Vie et documents » qui complète les œuvres propose un regard sur cette
nébuleuse poétique insaisissable.
L’approche est séduisante, car elle offre plusieurs interprétations allant
du génie précoce repéré à l’école à la terrible « affaire de Bruxelles » qui
jugea la tentative d’assassinat de Rimbaud par Verlaine. De nombreux témoins
sont appelés à la barre de cette deuxième partie passionnante des Œuvres
complètes établies par André Guyaux.
Tous ces souvenirs, ces recompositions de la mémoire, suggèrent un portrait
parallèle à celui dont la mémoire a souvent laissé de Rimbaud, poète
rebelle. Ce paysage multiple ne se laisse pas facilement saisir comme en
témoignent les lettres enflammées de Verlaine qui menace son ami de se
brûler la gueule selon ses propres termes s’il ne s’est pas réconcilié avec
sa femme tout en avouant « …comme je t’aimais immensément… ». Paradoxe
encore, ce n’est pas sur lui-même que le coup parti, mais sur le sujet de
son amour, cible aimante indissociée…
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PHILOSOPHIE |
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Michel Onfray « L’ordre libertaire, la vie philosophique d’Albert Camus »
Flammarion, 2012.
Aborder la vie philosophique d’un des plus grands noms de la littérature
française du XX° siècle est un angle bien singulier, surtout lorsqu’il est
le fait d’un philosophe libertaire, fortement inspiré par son sujet. Michel
Onfray ne le cache pas, et ce depuis longtemps, la vie d’Albert Camus a eu
une grande influence sur lui. Les rapprochements sont tentants : milieu
modeste, vie à l’écart des grandes capitales, études réalisées à la force du
poignet, désir impétueux de liberté, influence de Nietzsche, combat de tous
les jours au nom de la liberté…
Fort de ces similitudes, ce livre nourrit l’ambitieux projet de décrire ce
que fut la vie d’un philosophe existentiel à l’opposé des philosophes
existentialistes, plutôt égratignés dans ces lignes sans concessions. Camus
n’est pas Sartre ! Et à partir de ce constat, Michel Onfray démontre avec
intelligence tout ce qui distingue les deux hommes. L’écriture et la pensée
d’Albert Camus sont lisibles, accessibles à tous sans « traduction ». Cette
simplicité qui évolue dans un monde sans futilités, bercée par la lumière
algéroise, ne signifie pas pour autant, et loin de là même, une pensée
simpliste. Le monde, parfois futile, de Saint-Germain-des-Prés décrit par
Michel Onfray s’oppose à l’école de la vie dans les quartiers pauvres de la
ville blanche, de cette Algérie qui était encore française lorsque le jeune
Camus gravissait une à une les marches qui allaient le conduire à la
renommée mondiale. Et, c’est en rebelle que le jeune garçon s’élèvera contre
les injustices, celles de la vie qu’il a connu très tôt lorsqu’on est pauvre
et que toute la société tient à vous le rappeler. Cette sensibilité
libertaire s’oppose aux concepts abstraits et à la sophistique dont le seul
but est de persuader, peu importe de quoi. « Devenir ce que l’on est », tel
sera le maître mot d’Albert Camus. La jeunesse de Camus sera nourrie aux
extrêmes : une mère aimante, mais silencieuse, une grand-mère aussi dure que
les coups qu’elle assène au jeune garçon, un père qu’il n’a pas connu et qui
lui a légué son horreur de la peine capitale et de l’injustice, un amour de
la vie baignée par le soleil de la Méditerranée tout en se sachant condamné
par la tuberculose…
Michel Onfray a ce très beau mot : « Camus fut la voix des gens sans
paroles, le verbe des êtres sans mots », et c’est pourquoi ce même Camus
écrira avec son sang, comme le rappelle le philosophe créateur de
l’Université Populaire de Caen.
Ce « oui » à la vie
que Camus emprunte sans concessions à la pensée de Nietzche nourrira cette
idée de puissance qu’il partagera avec le philosophe allemand. Camus veut en
effet être un philosophe artiste, pour « un art de vivre par temps de
catastrophe », belle mission ! Son instituteur, puis quelques années
plus tard, Jean Grenier, son professeur de philosophie, ouvriront le cœur du
jeune homme qui célébrera tout ce qui nourrit la vie, la sienne et celles
des autres. Bien évidemment, cette aspiration fait l’objet de réductions, de
caricatures, la plus cruelle rabaissant Camus au statut de philosophe de
classes terminales…
Peut-être Camus a-t-il
eu le tort d’élaborer une théorie du roman trop en avance sur son temps :
comme le relève Michel Onfray, l’auteur de Noces a conçu des livres
de philosophie de façon littéraire et c’est là toute la différence ! Si
Camus n’est pas un philosophe au sens institutionnel du terme, il l’incarne
parfaitement dans une acception existentielle. Reste à dérouler le roman
d’une vie, philosophique, de surcroît : franchir la Méditerranée, quitter
l’Algérie, la maladie qui empêche l’engagement dans la Résistance, mais non
sa résistance, le combat de tous les instants et cette question essentielle
en ces lendemains de guerre, comment faire la révolution sans Marx ?
Toute la vie d’Albert Camus est en syntonie avec sa pensée : ses combats
contre le colonialisme sont sans équivoques, il suffit de lire son
réquisitoire « Misère dans la Kabylie » pour se convaincre qu’il n’a
aucune complaisance pour cette situation inique et invite les Kabyles à une
nouvelle organisation proche d’un fédéralisme libertaire. A la lecture de la
passionnante étude de Michel Onfray, nous découvrons une vie pleine de
cohérences malgré les divers chemins pris par celui qui disparaîtra
prématurément un 4 janvier 1960 dans un accident de voiture avec dans sa
sacoche Le gai savoir de Nietzsche et son manuscrit inachevé du
Premier homme. Sa vie prend fin, mais son œuvre prendra le relai d’une
pensée toujours fertile après un demi-siècle, cette très belle étude en
témoigne ! |
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Emanuele Coccia « La
vie sensible », Paris, Ed.Payot & Rivages, Coll. Bibliothèque Rivages, 2011.
Ce petit ouvrage est à découvrir car s’il
peut ne pas convaincre nécessairement, il ouvre cependant des pistes et s’offre aux
débats et interrogations ; Et c’est là, un grand mérite pour un livre
philosophique.
Emanuele Coccia aborde, ici, une rive inconnue d’un monde trop souvent
délaissé et survolé par la philosophie moderne qu’est le monde du sensible,
d’où son titre « La vie sensible ». Pour ce philosophe italien qui
enseigne la philosophie à l’université de Fribourg la vie sensible est
au-delà, par de-là les sens, dans un ailleurs : ni le monde psychique de
l’âme, ni le monde matériel des choses, le sensible se situe dans cet espace
intermédiaire, non vide, mais néanmoins le plus souvent occulté des études
philosophiques. Cet espace du sensible, ce monde sensible, par sa place
particulière suppose pour l’auteur non pas tant les sens, ni même la
perception en tant que telle, mais bien et surtout la force évocatrice,
vivante des images, car la vie sensible suppose ou a besoin de médiums, de
passeurs, pour être à la fois transmise et réceptionnée. D’où, le rôle
central donnée à l’image, images des choses, des autres et de soi. A ce
titre, Emanuele Coccia reprend bien sûr les travaux de Jacques Lacan sur le
miroir, mais il interroge également des textes de penseurs tels que
Avicenne, José Ortega y Gasset... Il reprend également les écrits de
Synésios de Cyrène sur le monde des rêves, monde de l’imagination, de
l’image, du sensible par excellence.
Cependant, Emanuele Coccia mène son étude plus loin encore, et s’appuyant
notamment sur les travaux d’Adolf Portmann, s’intéresse par de-là l’image à
la peau elle-même. L’homme étant, selon l’auteur, le seul animal nu et
capable de se vêtir, de s’habiller, d’être à la mode ! A la fois, pas assez
nu pour se laisser percevoir pleinement hors de sa corporéité, mais
également trop nu pour un moi qui appelle pour apparaître, pour exister, le
vêtement, l’image de soi dans le monde du sensible. D’où toute l’importance
donnée par l’auteur non seulement à la peau, mais également et surtout aux
vêtements, aux ornements, bijoux, maquillage et à la mode…Entre la peau et
la mode, le sensible, le vivant, la vie sensible ne se glisse pas, elle existe.
L.B.K. |
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« Les grandes amitiés de Jacques et Raïssa Maritain » préface de René
Mougel, Éditions du Carmel, 2009.
Jean-Luc Barré « Jacques et Raïssa Maritain, les
mendiants du ciel » Fayard, 2009.
Le XX° siècle, suivant
en cela les siècles qui lui précédaient, a vu naître de nombreux penseurs
indissociablement associés à la foi catholique même si cette étiquette
religieuse peut paraître bien réductrice eu égard à la portée de leurs
réflexions. Les plus connus, Bernanos, Claudel, Teilhard de Chardin…ne
doivent en rien occulter la richesse et l’étendue de la pensée d’un homme,
celle de Jacques Maritain qui a toute sa vie associée la foi avec la culture
et la culture avec la foi comme le rappellera Jean-Paul II en hommage au
grand penseur français.
Jacques, et son épouse Raïsssa, laisseront l’image d’un couple
indissociablement réuni afin de partager ce dialogue entre foi et raison
avec le plus grand nombre d’intellectuels et d’artistes de leur époque. Leur
foyer ouvert à tous a vu se côtoyer des personnages aussi différents que
Cocteau, Rouault, De Falla ou encore le poète Max Jacob…
Un très beau livre relate ces grandes amitiés sollicitées et entretenues par
le couple Maritain avec de nombreux documents d’une exposition organisée en
1993 pour célébrer le 20ième anniversaire de la mort du philosophe français.
Le lecteur découvre l’influence de Péguy et de la philosophie de Bergson sur
le jeune couple qui avait cependant débuté des études scientifiques, mais
qui les décevront tous deux en raison du scientisme omniprésent à cette
époque à la Sorbonne. Jacques Maritain était pourtant né dans un milieu peu
enclin à la religion catholique (sa mère était la fille de Jules Favre
républicain convaincu…) et Raïssa, sa future épouse, était juive. Ils se
marièrent en 1904 et deux ans après se convertirent au catholicisme. Ce sera
alors le temps des grandes découvertes et notamment celle de saint Thomas
d’Aquin dont Jacques Maritain sera l’un des grands interprètes tout au long
de sa carrière. Cette effervescence intellectuelle est contagieuse et leur
maison de Meudon sera le creuset de rencontres extraordinaires de nombreux
philosophes, écrivains, poètes, musiciens, peintres… qu’ils soient croyants
ou athées. Cette tolérance nourrira une réelle ouverture à l’homme dans sa
plénitude et renforcera, dans l’entre-deux-guerres, cette opposition à toute
forme d’exclusions et de totalitarisme. Mais l’Histoire rattrapera le
couple. Comme le relève Jean-Luc Barré dans une biographie exceptionnelle,
le couple mythique accompagné de la sœur de Raïssa, Véra, quitte en effet la
France en 1938 au lendemain de la conférence de Munich. Viendront alors les
moments de doute, le sentiment de déracinement qui étreint Jacques avant le
ressaisissement dans son engagement contre le totalitarisme qui menaçait
l’Europe et le monde. Il sera l’un des premiers écrivains de la Résistance
et de Gaulle lui demandera en 1944 de représenter la France comme
ambassadeur auprès du Saint-Siège. Après la guerre, les trois années à Rome
verront naître une autre grande amitié avec Mgr Montini, futur pape Paul VI,
ainsi que de nombreux allers et retours aux États-Unis pour des
enseignements.
La biographie exhaustive de Jean-Luc Barré ouvre également et délicatement
l’intimité d’un couple qui avait décidé de vivre leur amour avec un vœu de
chasteté, choix qui surprendra et choquera certainement au XXI° siècle, mais
qui est révélateur du sens de l’absolu qui animait ces deux âmes sur terre…
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Patrick DECLERCK :
« Socrate dans la nuit. », Collection Blanche, NRF, Gallimard, 2008, 243p.
Patrick Declerck - auteur de « Les
naufragés » en 2001 dans la collection Terre Humaine, ouvrage majeur
d’anthropologie contemporaine parce qu’il avait su nous faire regarder les
clochards, ces naufragés de la vie, différemment, un peu plus humainement -
nous livre un nouvelle fois dans ce dernier ouvrage sa fureur de vivre, sa
fureur contre la mort, cette empêcheuse de vie, mais ici, aujourd’hui contre
sa propre mort.
Atteint d’une tumeur au cerveau – il
commence son livre par cette phrase terrible « je suis mort le 5 août
2005, à 8h 47 exactement. Je le sais parce que j’ai regardé ma montre.» -
l’auteur n’a de cesse d’écrire, de crier son combat, ses comptes, sa rage…à
Socrate, d’abord, avec qui il entretient au fil des pages un honnête et
régulier monologue ; il crie également dans un doux murmure tout ce qu’il
n’a pas toujours dit ou pu dire, tout ce qu’il faudrait toujours dire
avant…à ses proches, à sa femme, à sa fille… il crie aussi ses joyeux
regrets ou ses savoureux souvenirs parfois acides, parfois amers à ses
amours, à ses amis, à son enfance, à ses plaisirs… il crie, hurle à lui-même
surtout, Patrick Declerck ; seul face à Cornélius Van Zandt ; face à
la maladie, face aux douleurs, face aux symptômes de la mort, qui le
guettent, le grignotent et le tuent sans espoir, sans illusions, sans
paradis pour demain ou après demain…lui qui préfère Hamlet : « Si c’est
maintenant, ce n’est pas à venir. Si ce n’est pas à venir, ce sera
maintenant » parce que Patrick Declerck est un pessimiste acharné
doté d’une lucidité négative implacable…rien n’y fait, impossible, c’est un
nietzschéen endurci…avec un soupçon de Schopenhauer mais surtout pas kantien
et encore moins de Saint Augustin ! Il ne nous épargne pas, il ne s’épargne
surtout rien à lui même, Patrick Declerck, lui qui s’aime si peu. Surtout
pas de larmes, pas de …juste ce qu’il sent, ce qu’il ressent… ce qu’il
consent à nous dire… à moins qu’on ne le surprenne lorsqu’il regarde ou
caresse son chien…
On aimerait à notre tour dire ou
écrire…mais, voilà…on manque parfois de mots décents, souvent de phrases qui
sonnent justes pour ces choses là…bref, toujours de cran…alors on préfère
laisser parler l’auteur…
L.B.K.
« Nous
priverais-tu, ô Socrate, du dernier de nos biens : de notre fureur ? De nos
imprécations dernières ? De nos hululements dans la nuit ? Et comment,
par quel impossible tour de force, une fois allumée, éteindre la flamme
atroce, l’affreuse et hypnotique lumière de la conscience ? Ou alors – pour
préserver les autres – plaisamment laisser croire que l’on croit. Faire
semblant d’un semblant espoir. Offrir, en souriant à la face des êtres et du
monde, le discret sacrifice de cet innocent mensonge. Suprême élégance ?
Peut-être. »
Socrate
dans la nuit.
Extrait p. 236.
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ien
vers notre Interview
de Miguel BENASAYAG |
Miguel BENASAYAG avec
la collaboration d'Angélique del Rey
« La santé à tout prix ; Médecine et biopouvoir. », Paris, Bayard, 2008, 137
p.
Vous ne fumez pas ou plus : Bravo !...,
vous faites votre gym tous les matins, un jogging le dimanche et puis…Très
bien, très bien…vous mangez cinq portions de fruits et légumes, avez réduit
le sucre, le sel, le… Bien, bien…Mais, êtes-vous sûr d’être vraiment en
bonne santé ? Aussi dynamique que votre voisin ? Aussi, performant que votre
collègue ? Etes vous certain ?...STOP !, c’est à tous ces diktats auxquels
s’attaque le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag dans son dernier
ouvrage « La santé à tout prix ; Médecine et biopouvoir ».
Dans ce livre, l’auteur met aujourd’hui en
évidence notre crainte maladive de la maladie, notre préoccupation constante
et quasi obsessionnelle de survie et s’interroge avec pertinence ou plutôt
avec une impertinence sans concession, pour savoir si derrière ce « fantasme
de mourir en bonne santé », il y a pour la personne, pour l’homme compris
dans toute sa singularité, encore réellement, humainement une place pour une
vie, pour la Vie. Car, ne nous trompons pas : au-delà de cette obsession de
notre santé, de nos compétences, de nos performances que l’on nous propose,
impose et auxquelles nous aspirons, c’est en fait, ainsi que le souligne
Miguel Benasayag, une modification, un profond changement de structure même
de la société qui s’opère permettant la mise en place – pour reprendre une
terminologie de Michel Foucault – d’un réel et efficace biopouvoir
c’est-à-dire un pouvoir ayant pour triste réalité de s’exercer sur la vie
elle-même. L’idée maîtresse du philosophe est de nous montrer et démontrer
comment nous sommes passés en quelques décennies de l’homme sans qualités,
lisse, sans aspérités, à l’homme des compétences et performances sans
limites en oubliant à chaque fois malheureusement ce qui fait l’humain,
l’homme de qualité. Or, dans la mise en place de ce biopouvoir auquel nous
consentons si volontiers le plus souvent sous prétexte de notre bien, la
médecine occupe bien sûr une place privilégiée parce que centrale.
L’auteur, philosophe mais également homme
de terrain en qualité de psychanalyste et pédopsychiatre depuis plus de
vingt ans,
a retenu cinq domaines : les handicaps, le cancer, les soins palliatifs, le
champ « psy » et la maladie d’Alzheimer.
Le premier chapitre concernant le handicap
et plus particulièrement les personnes sourdes est un chapitre fort. Miguel
Benasayag nous montre dès les premières pages comment, après avoir été un
terrain abandonné par une médecine toute tournée vers la « normalisation »,
après avoir été étiqueté « hors norme » parce que trop inutile, le champs
handicapé est devenu en quelques décennies, après un changement de
dénomination plus « démocratiquement correct », un véritable laboratoire du
biopouvoir, une reconquête non seulement d’une société normative, mais
surtout et avant tout une reconquête d’une société de la performance. « L’unidimensionnalité
disciplinaire des handicapés aura été – souligne-t-il – le champ, le
laboratoire pour l’unidimensionnalité de l’ensemble de la société ».
Mais, au-delà du constat, avec des mots justes et des phrases fortes, le
philosophe dénonce l’oubli de la complexité, de la fragilité, de ce qui fait
l’humain. Beaucoup de personnes handicapées, notamment les personnes sourdes
approuveront ces courageuses pages, elles qui trop souvent tentent, bien que
ce heurtant à une incompréhension, de résister au modèle de l’homme des
compétences pour défendre une culture, leur singularité.
Miguel Benasayag aborde également avec
humour dans cet ouvrage un domaine qu’il connaît également très bien celui
du « champ psy ». Domaine dans lequel le biopouvoir sévit comme une
micro-entreprise à coup de projets psychologiques, bilans psychanalytiques,
résultats thérapeutiques, etc. nous intimant selon une classification de
plus en plus minutieuse « d’aller bien » fusse au prix d’un formatage et
d’un quadrillage de la complexité, du vivant toujours plus serré. Toute
souffrance existentielle, tout débordement, malaise, fragilité, peut-être
même de simples interrogations, sont aujourd’hui interprétés, et dès lors
ressentis et vécus, comme une calamité, des maux voire des échecs à
éradiquer, étouffer, écraser…
De même, c’est avec des mots justes et
forts, que le philosophe aborde la maladie d’Alzheimer et par là même la
question de l’humanité du malade, osant souligner qu’il ne s’agit pas « de
faire en sorte que le malade soit à nouveau ce qu’il fût mais, que ce qu’il
est soit : qu’il se déploie » dans toute sa multitude et complexité, ou
encore les soins palliatifs lorsque l’on oublie trop vite que la fin de la
vie fait également partie de la vie…
Or, face à cette avancée d’un biopouvoir
posant le corps comme un pur agrégat d’organes pouvant être géré, surveillé,
contrôlé et imposant ainsi « une version du posthumain comme vie « artefactualisée »
et homme des compétences », le philosophe Miguel Benasayag préfère
et propose comme hypothèse une « médecine de la situation », de l’humain
dans toute sa singularité, sa complexité, contradictions et possibles
déploiements ; De belles leçons de sagesse qui ne peuvent nous laisser
indifférents et qui se révèlent être pour chacun d’entre nous, pour l’humain
que nous sommes peut-être encore un peu, un véritable défi !
"Il s'agit selon nous de
développer une "clinique de la situation". Par là nous entendons cette
rencontre entre les savoirs théoriques et pratiques du clinicien,
l'expérience de vie du patient, sa famille et son environnement, l'époque
(plus d'autres facteurs aléatoires), autant d'éléments constituant le
soubassement à partir duquel la question de comment faire "avec" peut se
poser. La clinique de la situation implique donc un véritable "non-savoir"
sur le bien de l'autre, permettant une production, une création de savoirs
et d'expériences dans lesquelles le clinicien partage un devenir avec son
patient. Une telle clinique du "faire avec" déploie, grâce aux agencements
multiples de la situation, et bien sûr au-delà de l'individu porteur d'une
étiquette, de nouvelles puissances." Extrait : "La santé à tout prix ;
médecine et biopouvoir", p. 85.
L.B.K. |
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ien
vers notre Interview
de Michel ONFRAY |
Michel ONFRAY :
« La lueur des orages désirés. », Paris, Ed.Grasset, 2007, 341p.
Ses lecteurs l’attendaient…le journal
hédoniste IV du philosophe Michel ONFRAY vient de paraître aux éditions
GRASSET. On y retrouve un philosophe matérialiste, sensualiste prônant une
éthique hédoniste, viscéralement de gauche, mais surtout et avant tout
libertaire !
Ainsi, en philosophe matérialiste, il nous
offre de très belles pages sur le thème « Deviens ce que tu es » pour une
construction de soi, ici et maintenant, au-delà d’un vulgaire « je »,
au-delà d’un moi « surmoïque » ou d’un volontarisme exacerbé, mais pour et
par la seule force de la puissance qui nous veut. Assumer sa puissance avant
qu’elle nous ensevelisse…Si forte, et pourtant pour beaucoup insoupçonnable
! Il nous offre également dans ce dernier ouvrage des pages profondes sur le
squelette qui nous habite, une manière bien à lui d’évoquer plus la vie que
l’échéance fatale … ou encore une jolie
réflexion sur la relation – si difficile parce que si fragile – de Maître à
disciple. A l’heure des gourous et pseudo-maîtres en tout genre ou des
Maîtres oublieux, l’auteur évoque ce qui pourrait être là un code d’honneur
à suivre afin d’éviter toute trahison… Et lorsque de telles pages sont
écrites par Michel ONFRAY avec son style bien à lui – un peu trop littéraire
pour certains philosophes ou un peu trop philosophique pour les autres ! –
se ne sont plus seulement des pages de vie mais de véritables Leçons ou
Exercices de Vie…Toute la « Puissance d’exister » du philosophe !
En philosophe sensualiste prônant une
éthique hédoniste, on y retrouve également dans ce volume le plaisir des
goûts réunis de Michel ONFRAY pour l’art, la peinture, la littérature, la
poésie ou encore la photographie avec des pages consacrées à PICASSO,
RIMBAUD ou encore CIORAN par celui qui sait trop bien aujourd’hui en
revenant sur cet amour de jeunesse qu’il a conjuré la certitude du pire. En
philosophe mélomane incorrigible (on se souvient de sa conférence en août
dernier à Argentan sur NIETZSCHE et sa musique), il convoque également, dans
cet ouvrage, non plus WAGNER mais BERLIOZ ou encore RAVEL. Enfin et pour le
plus grand plaisir des ses lecteurs, Michel ONFRAY, dans ce quatrième tome,
rompt sa promesse de ne plus écrire sur la gastronomie avec une promenade en
Catalogne à la table de Ferran ADRIǍ à El Billi ; Après l’ouverture d’une deuxième
Université Populaire à Argentan en 2006 avec - entre autres - une approche gastrosophique, pouvait-il vraiment faire autrement ?
Mais, en philosophe surtout et avant tout
libertaire, ce n’est non pas un journal intime que l’auteur nous livre, mais
des pages d’humeurs, de combats et de convictions dans lesquelles Michel
ONFRAY ose avec courage dire, dénoncer et surtout écrire. Ainsi, en
philosophe de gauche, ni anarchiste, ni socialiste, ni d’extrême gauche mais
viscéralement de gauche, Michel ONFRAY revient dans ce journal sur la
flambée des banlieues en 2005, sur l’injustice et bien sûr la misère, la
« misère sale » comme il désespère de le dire, sur la famille « avec
toutes ses potentialités pour que l’intersubjectivité s’écrive moins sous le
signe du religieux et du social, mais plus sur celui des seules affinités
électives. », ou encore courageusement
sur la pédophilie… On y retrouvera enfin un Michel ONFRAY tout simplement
Michel ONFRAY lorsqu’il évoque notamment son voyage en 2001 au Pôle Nord
avec son Père ; Mais un Michel ONFRAY qui ne laisse jamais bien loin à
l’évidence le philosophe pour nous livrer des pages sur les Inuits pour une
réflexion sur une intersubjectivité contrapuntique et une éthique
véritablement écologique.
… Bref c’est du Michel ONFRAY, une
splendide lueur d’orages désirés, voulus et recherchés … et on demeure – à
peine ouvert, si vite achevé – dans le désir de lire le prochain volume !
« Lorsque
l’on a réussi à savoir ce que l’on est, on peut envisager de le vouloir
enfin. La connaissance de soi inaugure la construction de soi. En découvrant
qui je suis je peux alors vouloir l’être, ce à quoi se réduit in fine la
liberté. De cette série d’exercices de consentement, d’adhésion puis d’amour
du réel, les stoïciens disaient qu’il apportait la sérénité, Spinoza la Joie
- et Nietzsche la grande santé. Vouloir la puissance qui nous veut, voilà
qui révèle la liberté et rend possible de devenir ce que l’on est… » Extrait
: "La lueur des orages désirés.", p. 201-202. |
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Miguel BENASAYAG
Un
Philosophe,
passeur... de Vie
Biographie :
Né en
Argentine
Ancien
résistant guévariste en Argentine, torturé et emprisonné plus de 4 ans
Exilé en
France en 1978
Aujourd’hui,
philosophe et psychanalyste
Il est
l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont « Le mythe de l’individu » en 1998,
« Résister, c’est créer » avec Florence Aubenas en 2002.
Animateur
entre autres du Collectif « MALGRE TOUT » et du Réseau NOVOX
Il est à
l’origine du Manifeste « Malgré tout », du Manifeste des Indiens sans terre
du Brésil, et de l’Université Populaire de La Courneuve
Courants
Philosophiques :
Philosophie de l’organisme
Mouvance
alternative : Nouvelle radicalité
Matérialiste
Influences dominantes :
Spinoza
Leibniz
Néo-platoniciens
Deleuze
|
BENASAYAG Miguel : «La
fragilité.», Paris, Ed. La Découverte, Coll.Poche, 2007, 212 p.
Dans
cet ouvrage, « La fragilité », paru aux Editions La Découverte en 2004 et
réédité aujourd’hui dans la collection La Découverte-poche, Miguel BENASAYAG,
philosophe et psychanalyste, nous renvoie en tant qu’être à notre propre
fragilité. Non pas, pour nous adresser un pessimiste et triste
« dommage ! », mais au contraire, avec cette joyeuse lucidité dont il a le
secret, un sincère : « allez, cela demande certes un effort, mais allons y,
assumons ! », parce que pour ce Philosophe argentin, ancien résistant dans
la guérilla guévariste en Argentine, la fragilité est la condition
essentielle de l’existence et assumer cette fragilité est – autant le dire
tout de suite - le défi de tout à chacun.
Pour
Miguel BENASAYAG, accepter toute sa fragilité signifie avant tout pour
l’homme moderne d’admettre que celle-ci est une expérience, non pas une
petite affaire personnelle vécue purement pour soi dans son petit décorum,
mais bien au contraire, l’expérience concrète d’assumer pleinement le réel,
de s’y confronter et d’y entrer de pleins pieds. Or, l’impuissance actuelle
de l’homme moderne provient du fait que «l’individu» vit dans un monde
purement virtuel, isolé, séparé et donc impuissant. De cette séparation, de
cette « virtualisation » le coupant de sa puissance d’agir, réside son
incapacité à assumer la réalité et donc sa fragilité fondamentale.
Accepter
sa propre fragilité implique pour chacun d’entre nous de mesurer avec
justesse sa liberté et donc – et c’est là que les choses se compliquent –
également ses propres chaînes, car qui ignore ses chaînes ne saurait être
libre pour reprendre une idée chère à Spinoza et à laquelle adhère
volontiers Miguel BENASAYAG. Assumer sa fragilité commence donc par accepter
de réconcilier destin et liberté, ni déterminisme d’une fatalité
paralysante, ni une illusoire liberté absolue tout aussi accablante, mais
une concrète participation aux possibles devenirs multiples de libération.
Or, pour le Philosophe, inventer de nouvelles formes de libération, de
nouvelles formes d’émancipation, d’émergence de cette auto affirmation en
tant qu’exigence ontologique, c’est ressouder ce qui a été coupé, oublié et
séparé en acceptant toute la complexité. C’est avant tout résister à
l’unidimensionnalité pour la multitude, résister sans la nier à la
suprématie propre au monde occidental de la conscience, de la perception
réduite aux seules et uniques perceptions conscientes qui nous amènent, par
une inversion ontologique, à prendre le virtuel pour plus réel que le réel
et à croire que la liberté ne peut qu’être qu’une pure domination par la
connaissance consciente.
Assumer
sa propre fragilité, c’est pour le Philosophe, effectuer un travail de
pensée et d’engagement pour créer de nouvelles formes d’émancipation,
d’agir, de vie. Mais dans ce monde de modernité, l’homme n’arrive plus
vraiment à savoir comment s’engager, comment penser pour agir – tout
simplement comment faire ? Il semble avoir perdu les commandes de cette
machine infernale pourtant souhaitée et voulue pour ses promesses
enchantées. Or, pour Miguel BENASAYAG, l’individu doit sortir « du royaume
paisible de la certitude absolue » pour accepter d’habiter un monde, un
paysage non maîtrisable, non prévisible, non connaissable dans toute sa
multitude et toute sa complexité. Tout cela suppose, cependant, que
l’individu reconsidère ce qu’est la connaissance. Or, pour le Philosophe,
s’appuyant sur les découvertes récentes de la neurophysiologie, notamment
celles du chilien Francisco Varela, la connaissance n’est pas simplement le
dévoilement d’une stricte vérité préétablie, ni même un pur processus de
perception, mais demeure intimement liée, neuronalement liée à l’« agir ».
Pour Miguel BENASAYAG, la connaissance est dans l’« agir », la connaissance
est agir et suppose donc de construire une pensée de « l’agir ».
Cependant, cette déconstruction des mécanismes classiques de la perception,
de cette perception séparant le sujet du monde perçu conduit en fin de
compte, ainsi que le souligne Miguel BENASAYAG, à une déconstruction du
sujet initial même de la perception : « on a perdu le sujet » ! Mais, pour
mieux y retrouver « la personne », l’être. Car par cette déconstruction,
«l’individu » laisse apparaître une « personne », figure même de
l’émancipation, une singularité ontologique c’est-à-dire cette profonde
singularité, paradoxale et contradictoire, qui seule nous ramène à notre
essence même, et non plus cet individu triste au moi virtuel et imaginaire
simulacre de singularité et d’identification réductrice et aliénante.
Mais,
n’étant plus « individu », moi virtuel, il reste dès lors à l’homme moderne
de dépasser l’illusion du vouloir, des actes, pour aborder un « agir » plus
profond, plus réel, provenant de chacun en tant que « personne », en tant
que singularité ontologique. Or, agir d’après notre essence signifie pour
Miguel BENASAYAG « que quelque chose de notre singularité multiple se
déploie et s’exprime à travers nos actes », sans tomber cependant d’aucune
manière dans une quelconque métaphysique. Cela suppose, en premier lieu, de
cesser de croire que nous sommes nécessairement à l’origine de nos désirs (causa
sui). Vous savez certes peut-être pourquoi vous désirez ceci plutôt que
cela, mais pourquoi désirez-vous ? Pour le Philosophe, l’« agir » est un
processus multiple et complexe dont la compréhension globale nous échappe.
Il impose que nous acceptions le fait que l’ «agir » modifie sans cesse le
processus lui-même et ce qui apparaîtra « après coup », renvoyant ainsi aux
trois niveaux de connaissance de Spinoza.
L’«agir » nous entraîne donc à repenser nos désirs, nos actions, nos
décisions pour nous situer en fin de compte dans ce que Miguel BENASAYAG
nomme le « paysage ». Pour le Philosophe, « l’être, c’est d’être situé ».
Or, dans ce « paysage », l’homme moderne est inexorablement et
ontologiquement lié - lui à nous, nous à lui, aux autres, à soi - par un
tissage infinitésimal qui ne peut être appréhendé que dans sa continuité
dynamique, dans sa longue durée, dans une transcendance concrète et
immanente, sans fin ni solution. Nous sommes certes dans le « paysage »,
mais nous sommes également le « paysage », « un homme de et pour la
situation » avec toute la multiplicité, les paradoxes, contraires et
complexité que cela suppose. Là, réside notre fragilité…mais également la
multitude de possibles devenirs joyeux…
"Qu'il n'y ait pas au bout du chemin
un monde de justice, qu'il n'y ait après tant d'effort un monde d'amour et
de liberté peut être certes entendu depuis le pessimisme de la vanité. Mais
aussi depuis la joie de la fragilité, car amour, justice et liberté, pensée
et création sont le chemin même. Ils sont ce qui n'existe que dans des actes
d'amour, de justice et de liberté. autrement dit, l'objectif est le chemin
(...) L'amour, la justice, la liberté, la pensée sont en totalité en chaque
acte ou elles ne sont pas, nulle part et jamais." Extrait : "La
fragilité" , p. 202.
L.B.K.
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ien
vers notre Interview
de Miguel BENASAYAG |
BENASAYAG Miguel : « Connaître est agir ; Paysages et situations. », Paris,
Ed. La Découverte, 2006, 245 p.
Qui peut
nier ce sentiment d’impuissance qui assaille aujourd’hui l’homme moderne ?
Se sentant incapable de savoir comment agir que ce soit sur un plan
individuel, social ou environnemental, tant il a perdu les commandes, la
question « comment faire ? » se pose à lui aujourd’hui plus que jamais.
C’est à cette question fondamentale à laquelle s’attaque le Philosophe
Miguel BENASAYAG dans son dernier ouvrage continuant ainsi sa construction
d’une pensée de l’ «agir », d’une philosophie de l’organisme.
Pour le
Philosophe, il convient avant toute chose de repenser notre perception du
monde, de nos « paysages ». Tant que l’individu appréhendera son monde comme
un pur décor extérieur, continuera à oublier ou à refouler le caractère
ontologique des liens qui le relient à «son paysage » et « le paysage » à
lui, aux autres et en fin de compte à lui même, l’homme de la modernité
continuera à se sentir isolé, séparé, incapable d’agir parce qu’impuissant à
éprouver le monde. Pour Miguel BENASAYAG, l’homme, les organismes n’existent
que « dans et par le paysage », ce paysage tissé d’une multitude de liens
serrés, cette unité minimale complexe, mais offrant une multiplicité de
devenirs possibles.
« Nos synapses agissent, souligne-t-il, comme si elles étaient limitées,
interdites ». Il s’agit dès lors pour l’homme d’aujourd’hui de
retrouver une vision, une perception, une connaissance, qui ne soit ni une
petite part de point de vue, ni un point de vue de nulle part, mais bien le
« point de vue du paysage » qui seul permettra à l’individu de sortir de
l’impasse et de l’impuissance propre à notre époque obscure. Mais, cela
suppose de renoncer au mythe du progrès dont nous connaissons pertinemment
pourtant les limites, de renoncer à la figure du politique comme force de
maîtrise, de domination et de toute puissance sur le monde. Il s’agit pour
le Philosophe Miguel BENASAYAG de proposer une critique progressiste – bien
comprise – du progrès aux fins de comprendre les instances concrètes, les
mécanismes de perception et de connaissance qui nous permettrons de renouer
avec notre « paysage », nos liens, et donc avec l’«agir ».
Or,
l’homme moderne conçoit difficilement la connaissance autrement que comme
une activité séparée de l’ « agir ». Au vieux schéma - connaissance,
décision, action - où le sujet actif est séparé de l’objet passif, le
philosophe Miguel BENASAYAG nous propose une connaissance comme expérience
concrète qui est elle-même « agir ». Mais, aujourd’hui, l’homme moderne
saturé d’informations, d’immédiat, de connaissances acquises par des voies
virtuelles s’est coupé, séparé de ses sens, des autres voies, sources
possibles d’expérimentation et donc de cette connaissance de l’ « agir ».
Mais, comprendre les mécanismes de cette cassure, de cette « mise à
distance » pour la dépasser impose de repenser les mécanismes classiques de
la perception. S’appuyant sur les neurosciences, l’ethnologie,
l’épistémologie, c’est à un nouvel agencement des champs possibles de la
perception auquel nous invite dans cet ouvrage le Philosophe Miguel
BENASAYAG : une perception, processus multiple, « repensée comme un ensemble
de productions ou plutôt de co-productions du monde et du soi », et qui
conduit dans une approche leibnizienne à distinguer la perception (sensibilité,
intuition), passive, non-soi, et l’aperception (perception
« consciente ») , soi, structurellement toujours en retard sur la
perception parce possédant sa propre temporalité. Or, ce processus de
production de la perception est celui de la perception de nos sens, « brique
de base, « proto-soi » c’est-à-dire un stade antérieur à toute
individualisation, à toute émergence d’un sujet et d’un objet, permettant à
chaque espèce de construire les images qui lui sont propres.
Est-ce
dire qu’il faudrait se fier à nos sens ? La réponse du Philosophe est
affirmative : oui et oui, nos sens ne nous trompent jamais parce qu’il n’y a
aucune tromperie possible ! Il n’y a, pour le Philosophe, ni erreur ni
justesse dès lors que l’on veut bien comprendre ce que signifie concrètement
se fier à ses sens et se souvenir qu’ils sont eux-mêmes expérience et
déploiement de connaissance suffisante. Joyeuse perspective ! Puisque nous
pouvons dès lors espérer développer notre potentiel de capacité de nos sens,
expériences et connaissances ! Mais, également ce qui est nettement moins
réjouissant, le réduire par une pensée normalisée, unidimensionnelle, une
pensée de l’«étiquetage » créant des « indiscernables » nous empêchant de
percevoir toute la multiplicité …Ne nous a-t-on pas appris depuis longtemps
dans nos sociétés occidentales à nous méfier de nos sens ?... Ne serait-il
pas temps de revoir nos vieux schémas de mécanisme de méfiance, de
libre-arbitre et par là même de la « Séparation » ? Pour le Philosophe
Miguel BENASAYAG, il n’y a pas à hésiter, « connaître, c’est vivre » !
Mais,
connaître, c’est aussi bien sûr connaître sa liberté ou plutôt connaître ses
chaînes, thème fondamental sur lequel revient le Philosophe par une approche
spinoziste : ni une liberté absolue, liberté arbitraire, d’un
tout-est-possible sur le mythe d’un homme-dieu, ni un déterminisme figé,
prédéterminé, d’une fatalité fatale, offrant place au hasard, mais une
liberté qui ne s’oppose ni au destin, ni à un déterminisme repensé. Un
déterminisme comme processus dynamique, non prévisible parce que toujours
source d’émergences et de déploiements multiples pour de possibles ou plutôt
compossibles devenirs toujours en devenir. C’est une assomption d’un
déterminisme repensé que nous propose Miguel BENASAYAG : ni nier ses
chaînes, ni s’y complaire jusqu’à une jouissante pulsion de mort, ni s’en
croire affranchi par un volontarisme toujours impuissant, mais bien composer
avec ses déterminations par des agencements multiples, des déploiements non
piégés, des compossibles jamais figés, sans qu’il y ait, pour le Philosophe
Miguel BENASAYAG, ni solution, ni cohérence, ni espoir, encore moins
désespoir, nihilisme ou relativisme …mais la recherche d’un possible
« opérateur d’agir », l’émergence d’une nouvelle bonne mesure : « le point
de vue du paysage », avec ses liens nous reliant à lui, aux autres, à nous…
des liens de puissance de vie, la vie tout simplement !
"Renouer, lier, déployer, voilà le coeur que nous nommons joyeux de notre
critique. Et ce en pensant à Spinoza, pour qui les passions joyeuses ne sont
pas celles qui ricanent, mais celles qui, par le développement des liens,
augmentent le champ des possibles, la vie." Extrait: "Connaître est agir.",
p.46.
L.B.K.
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Michel ONFRAY
Un
philosophe rebelle,
lu,
et n’en déplaise, apprécié…
Biographie
Philosophe, Ecrivain, épris de
littérature, d’art, de musique…
Auteur d’une trentaine de livres
depuis 1989, dont « Traité d’athéologie »
en 2005 et de « La Puissance
d’exister » en 2006
Il est né le 1er janvier 1959 à Argentan
en Normandie (Orne)
Docteur en philosophie
Il a enseigné la philosophie en
classes terminales dans un lycée technique de Caen de 1983 à 2002.
En 2002, il crée l’Université
Populaire de Caen et en écrit le manifeste, "La Communauté philosophique",
en 2004 et 2006
En 2006, il crée l’Université
Populaire du goût à Argentan
Courants philosophiques :
- Hédoniste libertaire
- Matérialiste sensuel
- « Athéiste athée »
- Utilitariste
Influences dominantes
- Nietzsche
- Freud
- Montaigne
- De La Mettrie
- « Présocratiques »
ien
vers notre Interview
de Michel ONFRAY |
Michel ONFRAY : « La
puissance d’exister. », Paris, Editions GRASSET, 2006, 230 p.
Le dernier ouvrage du
philosophe Michel ONFRAY est le manifeste d’un sincère hédoniste, la
conviction profonde d’une « Puissance d’exister » comme l’annonce son
titre même. Plaidoyer électrisant et galvanisant - comme seul l’auteur en a
le secret - pour une Vie pleinement vécue avec plaisir, volupté et
jubilation, c’est un véritable art à vivre (et non pur discours) reposant
avant tout sur l’existence, la culture, le plaisir et le désir, le rapport à
soi et à autrui (pour les allergiques : peut-être à lire à dose
homéopathique, sachant qu’en la matière les spécialistes vous diront qu’il
ne peut y avoir d’effet néfaste !).
Cependant, et autant
l’énoncer tout de suite, cette force de vie hédoniste se doit d’être, pour
en revendiquer la puissance, canalisée, raffinée, ciselée, et donc se révèle
être exigeante à qui veut la comprendre. Ni hédonisme béat, ni vulgaire,
c’est à un « hédonisme sculpté » auquel nous convie l’auteur.
Aussi, chroniquer
cette « Puissance d’exister » m’impose de prendre d’inévitables
risques : ne pas rapetisser le philosophe à un vulgaire vendeur de plaisir
bon marché, démagogue et populiste (l’histoire est connue…), alors même
qu’il exprime dans ses ouvrages une exigence très aristocratique au sens
grec du terme, même si sa philosophie demeure sans conteste très populaire
et démocratique (le succès de l’Université Populaire de Caen en est la
preuve). Exposer, donc, sans simplisme outrancier, en ne dénaturant pas une
pensée philosophique qui se veut une éthique hédoniste esthétique, voilà le
défi…
Auteur déjà d’une trentaine de livres
publiés en une quinzaine de langues – mais, est-il vraiment besoin de le
rappeler lorsqu’on sait que son ouvrage « Traité d’athéologie »
(Oui, Michel Onfray est athée, c’est-à-dire ne croit pas en Dieu) s’est
vendu à plus de 300 000 exemplaires ! - le philosophe exprime le souhait de
faire dans cette « Puissance d’exister », non pas une synthèse de sa
philosophie, mais bien une mise au point de sa proposition philosophique
hédoniste, conscient qu’une philosophie n’est pas seulement une manière de
bien penser, ou de mieux penser, mais se doit d’être une proposition
globalisante de pensée à vivre au quotidien. C’est donc une véritable
proclamation, loin des convenances et des salons, que nous offre à lire
aujourd’hui - pour notre plus grand plaisir - ce philosophe hédoniste
libertaire, matérialiste sensuel, hors de tout nihilisme mais tragique
sans concession.
Sincère et authentique, le philosophe,
après avoir si souvent rappelé dans ses ouvrages et conférences que l’on ne
saurait détacher une philosophie et un philosophe de sa biographie, nous
offre en préface de ce manifeste une partie de son enfance et adolescence,
dont l’auteur nous avait déjà laissé entrevoir quelques bribes dans les
pages de son « Journal hédoniste ».
Dans un style et des mots comme toujours – mais peut être plus ici encore –
à la fois ajustés, affûtés, forts et violents, Michel ONFRAY nous raconte
quatre années de souffrance, de rupture, de cassure profondes, de prise de
conscience, de promesses silencieuses et personnelles dans un pensionnat
dirigé par des prêtres salésiens. Nul doute que « La puissance d’exister »
du philosophe y trouve sa source et qu’au-delà des lignes s’y glisse, avec
pudeur et réserve, un véritable hapax existentiel. Le philosophe terminera
cette préface personnelle et courageuse en ces termes : «
Seul l’art codifié de cette « puissance
d’exister» guérit des douleurs passées, présentes et à venir».
Les chapitres – au nombre de six –
révèlent la cohérence de la proposition philosophique hédoniste et
matérialiste
du philosophe. Ainsi, du domaine politique (une politique libertaire), à
l’art (une esthétique cynique), ou à la bioéthique (une bioéthique
prométhéenne) en passant par le relationnel (une éthique élective à une
érotique solaire), ce sont ces lignes de force que Michel ONFRAY n’a cessé
de développer au fil des années, ouvrage après ouvrage. Sous les influences
de NIETZSCHE, de certains « Présocratiques », ou encore de penseurs connus,
tel que Michel de MONTAIGNE, ou plus méconnus tel que Julien Offray de La
Mettrie, l’auteur n’a eu cesse d’élaborer, de construire une philosophie
hédoniste globale nourrie d’une rigueur marquée et permanente à l’égard des
sources et d’une réelle volonté de « sculpter ».
Ainsi, le philosophe
revient-il dans « La puissance d’exister » avec une force littéraire
fortifiée et concentrée sur les thématiques majeures de son système
hédoniste :
Il combat, avant
toute chose, l’uniformisation de la transmission du savoir enfermée
aujourd’hui dans une philosophie et une historiographie idéalistes
dominantes et officielles qui demeurent désespérément sous influence
platonicienne, judéo-chrétienne et de l’idéalisme allemand. Cette pensée
dominante, lissée et « polissée » ne laisse aucune possibilité de
reconnaissance, ni même place à une philosophie alternative et immanente. A
savoir de concrètes propositions de vie, hors de tout formatage culturel,
applicables dès à présent, parce que demain n’est jamais aujourd’hui, et ne
le sera jamais.
Son manifeste : Une philosophie
existentielle redonnant au « Je » du philosophe, « à la grande raison » du
corps et à l’hapax existentiel la place qu’il se doit (Michel ONFRAY
réaffirme ici le thème majeur développé dans « L’art de jouir »).
Mais également, une
philosophie exotérique (démocratique parce qu’ouverte), pragmatique et
vivable au quotidien. Une philosophie de vie ancrée dans et avec le réel ;
Un puissant désir de Vie vivante.
En deuxième lieu, on y retrouve
également, sa conviction de nécessaires « affinités électives »
qu’implique une éthique hédoniste dynamique et évolutive, c’est-à-dire des
attirances pleinement choisies mais jamais définitivement acquises.
Affinités dans lesquelles l’amitié, mais également la politesse – niveau
basique de toute communication – prennent toute leur importance. Qui y
restera insensible aujourd’hui ?
L’auteur revient, également, sur la place
capitale accordée au contrat hédoniste et développé dans son ouvrage « Théorie
du corps amoureux ».
Véritable contrat synallagmatique au sens juridique du terme en tant que
réelle rencontre, accord de volontés, de désirs assumés, partagés sans
jamais nuire ni à soi, ni à l’autre. Du Sade sans le sadisme ! Mais, une
érotique hédoniste qui se veut « solaire », selon les termes de
l’auteur, réhabilitant le corps, le désir, la jubilation avec et non contre
l’autre, refusant son opposé nocturne ancré dans la culpabilité, la haine du
corps, de soi et au delà d’autrui et de la vie.
Le philosophe revient
avec conviction sur son acception du célibataire libertin, sur l’idée qu’une
stérilité souhaitée et voulue puisse être – aujourd’hui surtout -
parfaitement défendable ou encore sur l’honnête nécessité d’accepter, enfin
sans préjugé ou étiquette moralisatrice, un libertinage tant féminin que
masculin, un féminisme libertin : une « Don Juane » contemporaine.
Ou encore sa conviction, développée dans
« Politique du rebelle »,
d’une nécessaire philosophie engagée : Une politique hédoniste également
alternative et postmoderne, puisant sa force dans un nietzschéisme de
gauche, un anarchisme bien compris, contemporain, achevé parce que
constructif. Une politique de résistance permanente et rhizomique refusant
la domination sans borne d’un libéralisme sauvage posé comme indépassable,
et prônant ouvertement l’urgente défense de la misère libérale « sale »,
celle de nos rues et banlieues et le « désir de ne pas composer avec la
pauvreté, la misère, l’injustice, l’exploitation du plus grand nombre par
une poignée de nantis ».
Parce qu’une
philosophie du plaisir, si vivifiante soit elle, se doit d’être également –
ne nous leurrons pas, et Michel ONFRAY ne s’y trompe pas – une philosophie
sérieuse. Ni simpliste, ni trivial, mais un « hédonisme sculpté ». C’est
par cette subtile alchimie que la proposition de philosophie de Michel
ONFRAY acquière toute sa puissance, sa puissance
d’exister.
Un ouvrage à
recommander avec plaisir à ceux ou celles qui ne connaissent pas encore le
philosophe Michel ONFRAY.
Un manifeste
hédoniste destiné à tous ceux qui apprécient déjà Michel ONFRAY et qui en
connaissent la lecture jubilatoire ; Ceux là, à l’évidence et comme
toujours, le remercieront d’avoir eu l’honnêteté et le courage de s’inscrire
ouvertement à l’encontre d’un nihilisme ambiant déposé sur des vies
mortifères vaguement réanimées par des pseudo bonheurs bradés à prix
discount.
Aux autres, peut-être
de passer tout simplement leur chemin…
L.B.K.
pour LEXNEWS
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ien
vers notre Interview
de Michel ONFRAY |
Michel ONFRAY :
« La Philosophie féroce ; exercices anarchistes. », Paris, Ed. GALILEE,
2004, 116p. ; « Traces de feux furieux ; La Philosophie féroce II. », Paris,
Ed.GALILEE, 2006, 128p.
A noter
également la parution aux Edition GALILEE de « Traces de feux furieux » du
philosophe Michel ONFRAY, deuxième tome de « La Philosophie féroce » déjà
parue en 2004. Dans cet ensemble de chroniques au style décapant, revigorant
et roboratif, mais également et surtout honnêtement subjectif, fidèle à
lui-même dans cette individualité et cette subjectivité solaires et
radieuses, on y retrouve un philosophe libertaire engagé et rebelle nous
livrant sa vision du monde, de l’actualité ou tout simplement de notre
monde. Dans des textes brefs un peu plus engagés que dans son journal
hédoniste, Michel ONFRAY nous amène, en effet, avec ces deux tomes à
réfléchir, à penser le quotidien, notre quotidien. Pensées philosophiques
pour tous ceux et celles qui ont choisi, non pas de regarder simplement leur
vie « en philosophe », mais ont retenu, pour construire leur existence, la
philosophie comme compagne de vie, parce qu’une philosophie – et le
philosophe n’a cesse de le répéter – se doit d’être avant tout un art de
mieux penser et de mieux vivre au quotidien.
Ainsi,
Michel ONFRAY nous rappelle-t-il au fil de l’actualité sa vision d’un
engagement nécessairement rebelle face au libéralisme et à l’impérialisme
américain, face également à l’Europe, aux élections, ou encore face aux
nationalismes ou régionalismes…En libertaire indomptable, il aborde le
droit, la justice, la laïcité, la violence, les prisons…En athée convaincu,
il revient sur le monothéisme et l’amour du prochain…Ou encore, des pages
sur le mariage des homosexuels, la télévision …
Une
vision du monde sans concession, sans complaisance envers ceux ou celles
qui, aux yeux du philosophe, ne méritent pas autre chose qu’une
« Philosophie féroce ». Mais, une « Philosophie féroce » qui ne peut se
comprendre qu’en contrepoint d’une philosophie hédoniste sensible, fine et
subtile eu égard à ce que Michel ONFRAY sait, en revanche, vouloir aimer :
Ainsi, retiendra-t-on des textes savoureux sur la femme, la Méditerranée ou
encore des textes forts -sur l'amitié ou la loyauté - dans lesquels
l'amertume du coeur ne trouve comme seul remède que l'espérance d'une
philosophie "solaire" au quotidien comprise et partagée;
« …consentant à la nécessité avec la volupté de qui sait
l’éternité enchâssée dans l’usage voluptueux du présent. »
in
« La Philosophie féroce », Paris, Ed.GALILEE, 2004, p.14
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REDECOUVERTE D’UN AUTEUR PAR SON OEUVRE :
LAWRENCE
DURRELL |
BIOGRAPHIE :
Lawrence Durrell est né à Jullundur le 27 février 1912 dans la région de
Darjeeling, à l’époque des Indes Britanniques. Son père était ingénieur en
génie civil anglais et sa mère, une irlandaise protestante, tous deux nés
aux Indes. A 11 ans il est envoyé en Angleterre pour y recevoir une
éducation dont il gardera à jamais un souvenir amer. Cela le mènera à
abandonner la suite de ses études à l’université. Son véritable désir est de
devenir écrivain. Il publiera son premier roman, Pied Piper of Lovers,
en 1935, suivi de Panic Spring, en 1937, sous le pseudonyme de
Charles Norden.
Il parviendra à persuader sa mère d'aller
s'installer sur l'île grecque de Corfou en 1935, pour échapper à la rigueur
du climat britannique et oublier ses années sombres. C’est à partir de cette
période qu’il nourrira un lien très étroit avec la Méditerranée, passion
qu’il partagera avec Henry Miller avec qui il sera ami pendant 45 ans. En
1941, Durrell est obligé de fuir la Grèce du fait de l'avancée de l'armée
nazie. Ils s'installèrent sur l'autre rive de la Méditerranée, avec sa femme
et leur fille Penelope Berengaria. En 1942, Durrell se sépare de sa femme et
déménage à Alexandrie. Il y deviendra attaché de presse pour le British
Information Office. Cette nouvelle fonction sera pour lui une source
d’inspiration quant à la vie égyptienne durant la Seconde Guerre mondiale.
Il y fera également la rencontre d’Eve Cohen, une juive d'Alexandrie qui
deviendra son modèle pour Justine, premier tome du Quatuor
d'Alexandrie. Durrell l'épousa en 1947, après avoir divorcé de Nancy
Myers. Ils eurent une fille, Sappho Jane, en 1951. Au lendemain de la
guerre, il retrouvera la Grèce et séjournera deux ans à Rhodes comme
directeur des relations publiques pour les Iles du Dodécanèse. Il partira en
Argentine de 1947 à 1948 où il occupera le poste de directeur du British
Institute à Cordoba. C’est en 1949 qu’il revient en Europe où il sera
attaché de presse à Belgrade en Yougoslavie et y puisera sa source
d’inspiration directe pour sa chronique diplomatique : Affaires Urgentes.
Il achètera une maison à Chypre en pensant
pouvoir y écrire dans le calme. Mais la guerre civile gronde en cette
période de décolonisation et Durrell est obligé de fuir l’île sous
l’insurrection. Cet épisode douloureux restera gravé dans son fameux Citrons
acides. Durrell s'installera alors à Sommières, dans le sud de la France. Il
y écrira son fameux Quatuor d'Alexandrie. Sa vie sentimentale sera très
chaotique puisqu’il aura plusieurs remariages ainsi que la perte de sa fille
Sappho Jane qui se suicidera en 1985. C’est le 7 novembre 1990 à Sommières
qu’il est emporté par une crise cardiaque.
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Lawrence
DURRELL « Affaires urgentes, scènes de la vie diplomatique » NIL Editions,
2004.
Lawrence
Durrell a embrassé la Carrière, selon l’expression retenue, avec un
détachement certain qui a permis la naissance de ce drôle de livre,
« désopilant » selon les propres termes de Jacques Lacarrière dans sa
postface. Il
s’agit d’une série de récits vécus par l’auteur et un grand nombre de ses
amis, tous diplomates de sa gracieuse Majesté, la reine d’Angleterre dans
les années 50 en Yougoslavie. Trois volumes distincts ont été réunis sous ce
titre « Affaires urgentes » dont le lecteur jugera la pertinence avec
délectation ! Le volume « Affaires
urgentes » regroupe ainsi les titres
« Esprit de corps », « Un peu de tenue, Messieurs ! » et « Sauve qui
peu ! ». Parfait remède à la morosité, ce livre offre très certainement ce
qu’a de meilleur l’humour anglais. Dressant un portrait sans merci de
l’univers diplomatique, le regard porté par l’écrivain ne renie pas pour
autant ses origines. Durrell nous fait en effet souvent partager un regard
attendri, toujours teinté d’humour, sur ces scènes de la vie quotidienne au
sein de l’Ambassade britannique à Belgrade. Lawrence Durrell ne cachait pas
son admiration pour Evelyn Waugh dont il avait lu avec passion « Le cher
disparu », satire de la mort à Hollywood. La filiation est directe même si
Durrell nous offre un condensé d’humour qui se démarquera par son style de
sa première source d’inspiration.
Que dire
de ces scénettes de la diplomatie anglaise à l’étranger ? Personne n’est
épargné, pas même l’auteur ! Autochtones, grands diplomates étrangers (à
dévorer la fameuse scène de la valse folle de l’ambassadeur japonais et de
son épouse sous l’emprise d’un substitut de saké improvisé !) et bien
entendu tous les sujets de sa gracieuse Majesté. Le regard porté sur tout ce
petit monde est parfois impitoyable, caustique, sournois, attendri ou amusé
mais jamais indifférent. Nous ne prêterons pas au petit jeu de savoir ce qui
peut être vrai ou de ce qui résulte d’un esprit inspiré par trente
slivovitza (alcool de prune local apprécié de Durrell) par jour ! Le fait
est : Un homme comme Lawrence Durrell a pu écrire de telles lignes, souvent
proches de l’univers de Cervantès, et cela devrait rassurer tous les
pessimistes quant à notre destinée. En effet, dans les hautes sphères de la
diplomatie, de joyeuses personnes veillent à notre avenir avec, très
certainement, la bénédiction bienveillante de l’auteur portant probablement
un énième toast à leur honneur !
Lawrence
DURRELL « Cefalû » Livre de Poche, Biblio
La trame de l’histoire
de Cefalû renvoie à l’un des mythes fondateurs les plus anciens : des
touristes anglais disparaissent dans un dédale de galeries souterraines
d'une grotte en Crète près de Cefalû. L’image du labyrinthe va ainsi être le
thème structurant de ce roman où la satire de Lawrence Durrell est toujours
présente sans pour autant atténuer la dimension philosophique de l’ouvrage.
En fait, il se trouve que les touristes sont engagés à leur insu dans une
épreuve initiatique qui prend rapidement les caractéristiques d’une
expérience mystique... La légende du Minautore vient bien entendu
immédiatement à l’esprit, même si elle est revisitée par l’esprit caustique
du célèbre romancier anglais. L’auteur, on le sait, connaît profondément la
Méditerranée, et la Grèce en particulier pour laquelle il a voué un amour
immodéré dés son plus jeune âge. Durrell a toujours souhaité synthétiser de
manière métaphorique la cosmologie de l’instant présent. L’influence de
l’Inde et du Tibet est également omniprésente dans son œuvre. Il n’a eu, en
effet, sans cesse de rapprocher les deux influences de la métaphysique
indienne et de l’expérience physique occidentale pour tenter d’opérer une
synthèse nouvelle de ces deux sources d’inspirations. Cefalû est un très bel
exemple de cette démarche passionnante de l’auteur qui, bien que retenant au
lieu et place du monstre antique terrifiant un simple ruminant bien
paisible, nous invite à la plus grande introspection, toujours avec le
sourire aux lèvres !
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BEAUX LIVRES
et CATALOGUES D'EXPOSITION |
« Matisse,
paires et séries » sous la direction de Cécile Debray, Editions Centre
Pompidou, 2012.
Développant la thématique de la très belle exposition Matisse Paires et
séries, ce catalogue réalisé sous la direction de Cécile Debray,
commissaire de l’exposition, a pour objet d’approfondir notre
connaissance du peintre Matisse et de son extraordinaire alchimie entre
la force des couleurs et l’interrogation des formes appréhendées.
C’est par le processus de la répétition, très souvent employé par
Matisse, que cet ouvrage nous propose de manière originale de mieux
entrer dans la création du peintre. A la manière de l’artisan, l’artiste
par le geste répété, et sans cesse renouvelé, d’un même motif, dépasse
les catégories existantes et parvient à une perception affinée du sujet.
Cécile Debray souligne ainsi dès son introduction à cette étude
collective que le thème de la dualité est omniprésent dans le travail de
Matisse. Et cette dualité peut s’exprimer de diverses manières :
oppositions, alternances, variations… même si la plus singulière semble
résider dans la paire. Matisse reconnaît lui-même en jugeant son
parcours que la répétition était au cœur de son travail, répétition qui
transcende toute monotonie qui pourrait en découler. Il s’agit ainsi
d’un parcours long et sinueux qui s’exprime dans le processus créatif du
peintre et qui, à terme, aboutira à l’œuvre achevée. Mais c’est de cet
incessant va-et-vient dans son œuvre que Matisse tire des analyses
précieuses : épuration d’une thématique complexe, dialogue entre la
conscience et l’inconscience…
C’est à partir de ce fil directeur que de nombreuses études nous sont
offertes dans ce catalogue qui non seulement fait état de la recherche
la plus avancée sur Matisse, mais suggèrent également de multiples
pistes d’études pour les prochaines années.
Fabrizio Bisconti Le Pitture
delle Catacombe Romane – Restauri e interpretazioni, Tau Editrice,
Italie, 2011.
Grand spécialiste des peintures des catacombes romaines, Fabrizio
Bisconti est professeur à l’Ecole de spécialisation de l’Institut
pontifical d’archéologie chrétienne. Son dernier ouvrage paru s’attache
à l'un des arts les plus anciens et enterré sous des
mètres en dessous du sol : les peintures des catacombes. Si l’auteur
souligne que l’art des catacombes est certes assez simple sur le plan de la
technique, son contenu demeure quant à lui d’une richesse qu’il convient
d’apprécier à sa juste valeur. Les représentations du Jugement dernier,
du Salut, de la vie et de la mort témoignent d’une profondeur
insoupçonnée. Il suffit, pour s’en convaincre, d’arpenter les kilomètres
de galeries où les premiers chrétiens enterraient leurs morts. Ce voyage
dans les fondations de la chrétienté permet ainsi d’admirer de
nombreuses représentations de Moïse frappant de son bâton le rocher, la
figure du Bon Pasteur, omniprésente, mais aussi des scènes très précises
de la résurrection de Lazare ou de la multiplication des pains… Ce sont
des centaines de références à l’Ancien et au Nouveau Testament qui
prennent vie dans ces galeries et dans les pages de ce livre de
référence, prélude à ce que sera l’art sacré des futures basiliques et
grandes cathédrales des siècles plus tard. Cette vie spirituelle a ceci
de touchant, par rapport à l’art sacré qui suivra quelques siècles plus
tard, qu’elle reste étroitement associée à la vie de tous les jours. Nous
y voyons des petits métiers du quotidien représentés très explicitement
: commerçants et artisans figurent ainsi sur ces fresques afin de bien
montrer que les chrétiens sont des personnes comme tout le monde comme
le disait Tertullien mais avec la foi en plus ! L’ouvrage, superbement
illustré, nous plonge dans le détail de ces fresques en montrant quels
ont été les choix de restauration entrepris avant de pouvoir interpréter
ces témoignages exceptionnels des premiers temps de la foi chrétienne.
L'Art de Rome sous la direction
de Marco Bussagli, 326mm x 286mm, 48mm dos
680 pages, 4038g, Couverture cartonnée, 692 illustrations, Editions
Place des Victoires.
Qui ne révérait pas d’un ouvrage unique, réunissant tout ce que Rome
peut offrir d’art au visiteur impénitent, gourmand et inquiet de passer
à côté de ce que la ville lui réserve de plus beau ? Les éditions Place
des Victoires ont conçu cet ouvrage grâce à la plume inspirée de Marco
Bussagli et des meilleurs spécialistes des différentes strates
culturelles que le lecteur pourra découvrir, en prenant son temps, au
fil de la lecture. Au risque de se perdre, dans toutes les acceptions du
terme, l’amoureux de la Rome des arts aura tout intérêt à maîtriser sa
fougue et à patiemment découvrir chacune de ces époques qui ont non
seulement marquer l’Urbs mais également le monde de son époque,
indissociablement liés. Impossible de comprendre la richesse des restes
archéologiques encore présents au Forum, et dans ses alentours, sans
faire la démarche de comprendre le sens du développement urbain pour
Rome. La propagande, l’idée de puissance qui la sous-tend, la gestion
d’un empire sans cesse croissant aux confins du monde impliquent des
structures, des édifices dont on a le plus souvent oublié les fonctions
lorsque l’on se promène innocemment sur le pavé antique de ces lieux
érigés en musée. De la même manière, c'est-à-dire avec science et en
même temps didactisme, la Rome chrétienne, qu’il s’agisse de ses
premières constitutions ou de son autorité revendiquée au Moyen Age,
éclaire toutes les œuvres d’art qui nous sont données à admirer dans les
différents musées de la ville. Comment en effet comprendre ces objets
d’orfèvrerie médiévale sans les influences qui ont concouru à leur
réalisation ? Tout cela est expliqué dans ces études accessibles
nourries par une iconographie irréprochable. La richesse picturale de la
ville prend sens, les Primitifs italiens livrent leur message et
l’influence de Giotto à Rome s’éclaire avant les feux de la Renaissance
qui ne cesseront de briller jusqu’à nos jours. Nous pénétrons dans des
lieux que nous n’aurions pas même imaginés car ils ne figurent pas
toujours en tête de liste des guides rédigés à la hâte…
L’ouvrage décidément sans limites se permet même de nous emmener jusqu’à
la seconde guerre mondiale et des artistes contemporains du XX° siècle
comme Renato Guttuso ou encore Emanuele Cavalli offrent la découverte de
leurs œuvres au visiteur qui aurait trop rapidement arrêté ses choix de
visite à la Rome classique…
L’ouvrage est exigeant mais jamais rebutant, il pèse lourd et
nécessitera de nombreuses heures de lecture, mais il est de ceux qui
nourrissent et auquel on reviendra régulièrement pour mieux comprendre
l’art inépuisable de la ville de Rome !
Rome, aquarelles de Fabrice
Moireau, textes de Dominique Fernandez, Les Editions du Pacifique, 2011.
C’est voyager d’une autre manière dans Rome qu’emprunter les chemins
offerts par les aquarelles de Fabrice Moireau. Nous voyageons
en effet différemment et le regard s’arrête sur des détails que seul l’œil de
l’artiste a su capter et rendre dans ces lavis subtils et influencés par
la lumière si particulière de la ville éternelle. Il suffit d’embarquer
sur le Mont Palatin, premier lieu emblématique du regard porté sur la
ville par le peintre pour redescendre vers l’île Tibérine et plonger son
regard dans les remous insondables du Tibre si bien rendus par Fabrice
Moireau ! Le dialogue entretenu entre le texte ciselé de Dominique
Fernandez et les couleurs de Fabrice Moireau ne cesseront pas d’ailleurs
d’étonner car nous avons là à faire deux véritables amoureux de la ville
même si parfois le texte peut s’avérer bien sévère à l’encontre du
Saint-Siège accusé de tous les maux et notamment celui d’atrophier la
vie culturelle… Mais la mauvaise humeur ne dure guère longtemps et
l’auteur n’hésitera pas à rendre grâce à la beauté des uniformes des
gardes suisses… Les couleurs de Rome, celles que relevait déjà Valéry
Larbaud, avec cet ocre inimitable et pourtant décliné presque à l’infini
dans la moindre ruelle ont marqué la palette de l’aquarelliste et les
sublimes vues des toits de la ville, l’une des positions les plus
importantes pour prendre son baromètre. Les deux auteurs plongent
également au cœur des quartiers et de ses vies parmi les vendeurs de
toute sorte, les petites échoppes, les artisans de l’inimaginable…
Il faut avouer que l’entreprise est réussie, au final, le lecteur a
littéralement été au contact de cette ville extraordinaire, a entendu
ses bruits, senti presque les odeurs de ses venelles, et a été baigné
par la palette infinie de ses couleurs à nulle autre pareille. C’est un
beau voyage qui nous est ainsi proposé et de bien belle manière !
Strasbourg, la grâce
d’une cathédrale, sous la direction de Mgr Joseph Doré, Editions La Nuée
Bleue, 2010.
Surgie du sol par la grâce, élevée vers le ciel avec grâce, la cathédrale de
Strasbourg est la première architecture de pierre à honorer la nouvelle
collection dirigée par Monseigneur Joseph Doré aux éditions La Nuée Bleue.
Et pourtant, les nombreux familiers de ce vénérable édifice multiséculaire
auraient pu conclure trop rapidement : était-ce bien nécessaire ? Le
monument si connu des Strasbourgeois avait-il encore besoin d’un livre de
plus ? Si l’on interroge l’un de ceux qui la connaît le mieux, Joseph Doré,
archevêque de ces dentelles de pierre édifiées depuis la fin du XII° siècle,
les écrits, bien que nombreux, ne pouvaient satisfaire l’intelligence de la
globalité de la cathédrale. Le pari audacieux et fou de cette nouvelle
collection est en effet de réunir tous les points de vue imaginables afin
d’édifier un livre à la manière des bâtisseurs de cathédrales. Pas moins de
vingt-deux auteurs sont mis à contribution pour livrer leur lecture de la
vaste construction.
La
ligne droite, rappelle Georges Duby, est au cœur même de la cathédrale
gothique et s’avère être le vecteur de la chrétienté en ces temps
mouvementés. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la magnifique vision
offerte par ce livre d’art et d’histoire du portail principal de la façade
occidentale dont les portes sont exceptionnellement ouvertes pour
l’occasion. Si les ogives assouplissent parfois la ligne, tout n’est qu’ode
à la verticalité, à commencer par l’émouvante statue de la Vierge à l’Enfant
sur qui repose l’ensemble du tympan du portail, juste en dessous du Christ
en croix. Derrière cette statue emblématique, cathédrale à elle seule, se
dessine dans la pénombre une véritable fugue de l’ordre divin, dont seule la
musique sait en partager les échos.
Le lecteur, soucieux de mieux comprendre l’art des cathédrales, aura grand
intérêt à partager l’avant-propos qui retrace en quelques pages concises et
agréables à lire le phénomène unique des cathédrales, depuis la
reconnaissance constantinienne de la religion chrétienne jusqu’à la
cathédrale d’Evry terminée en 1995.
Une cathédrale avant d’être un édifice est tout d’abord un vaste chantier,
au sens propre et figuré du terme, objet de la première partie du livre.
Nous avons la chance de posséder de nombreuses archives qui ont rendu
possible son histoire et la diffusion de nombreux détails sur l’art des
cathédrales à partir des temps les plus anciens. Si une cathédrale est «
élevée » de terre, il faut à jamais écarter de nos esprits ces fausses vues
qui apparenteraient cette construction à celle des pyramides ! Nul esclave
ici, point de longues cordées tirant des pierres à coup de fouet… Nous
apprenons à notre plus grande surprise que le chantier médiéval ne
réunissait guère plus qu’une cinquantaine de personnes, à peine plus que
pour un vulgaire immeuble de trois étages en notre XXI° siècle… Et à partir
de ces archives, nous feuilletons littéralement les pages de la cathédrale,
qu’il s’agisse de son enfantement, du IV° au début du XIII° siècle, avant
l’apothéose gothique des XIII° et XIV° siècles. Si l’on souhaite être encore
surpris, ce ne sera pas la dernière fois, on découvrira les dessins
d’architectures du XIV° siècle qui constituent un ensemble de plus de quatre
mètres de hauteur ! Et là, le regard découvre, médusé, une cathédrale de
papier où la rose et la galerie se dessinent en un subtil lavis rehaussé par
de l’encre noire et de délicates couleurs qui soulignent les drapés des
statues…
La
grâce d’une cathédrale, c’est d’être ainsi le miroir de la beauté divine, le
reflet de ce qui est impensable à l’homme et improbable aux éléments. Et
pourtant, la cathédrale de Strasbourg a réussi, grâce à la foi de ses
artistes, à dépasser ces limites humaines. Toutes les parures dont se revêt
la cathédrale, qu’elles soient de pierre, de verre, d’or ou de bois, ont un
lien avec la transcendance, celui de la beauté de ce qui dépasse l’homme et
pourtant le constitue de la manière la plus intime. L’amour, dans un don
absolu, a fait naître la beauté pour la magnifier et c’est cette
intelligence de ce qui grandit toute œuvre qui a littéralement inspiré tous
ces trésors habillant l’Eglise de pierre et l’Eglise humaine. Les pages qui
constituent cette deuxième partie pourraient faire partie d’un musée si
elles n’étaient le reflet d’une réalité bien vivante qui se renouvelle
chaque jour, lorsque nos pas nous guident vers une cathédrale. Bien entendu,
la cathédrale est vivante (troisième partie) notamment lors de ses instants
les plus forts, ceux de ses célébrations liturgiques. Toutes les pages d’une
année peuvent se vivre dans une cathédrale, à l’ombre des fêtes des saints
et des martyrs, des grandes fêtes liturgiques (Avent, Noël, Pâques) et des
grands moments de la vie de chacun, baptême, mariage, obsèques. La
cathédrale n’est pas un musée, elle est au cœur de la cité avec laquelle
elle a su toujours entretenir des liens privilégiés. Ces liens ont été
tissés par des hommes qui ont marqué sa vie, notamment les évêques de la
cathédrale qui ont su et savent encore – ce livre en témoigne - la préserver
même pendant ses heures les plus sombres tel Mgr Ruch qui pendant la Seconde
Guerre mondiale refusera de livrer son trésor aux nazis menaçants. Pour
Monseigneur Doré, la cathédrale de Strasbourg est avant tout une présence
incontournable de la ville qui attire puissamment le touriste tout aussi
bien que le croyant. Elle est ainsi un lieu de convergence où le
rassemblement est rendu possible avec toutes ses diversités. Pour ces seules
et importantes raisons, il importe à l’homme du XXI° siècle de mieux
connaître un lieu aussi symbolique…
____ Lire notre interview
de Mgr Doré ____
Philippe-Emmanuel Krautter
« Cézanne et
Paris » Musée du Luxembourg – Sénat, catalogue d’exposition, Editions de la
RMN-Grand Palais, 2011.
Le catalogue de l’exposition Cézanne et Paris réalisé sous la direction de
Denis Coutagne permettra à chacun d’apprécier la justesse de l’angle choisi
pour l’évènement. On le sait (voir notre chronique), les commissaires de
l’exposition ont retenu, à partir d’une heureuse intuition, l’idée selon
laquelle la capitale aurait eu pour un peintre traditionnellement associé au
sud, plus d’importance que l’on pouvait croire dans son processus créatif.
Denis Coutagne n’hésite d’ailleurs pas à évoquer « Les » Paris de Cézanne,
en jouant sur les mots entre le nom de la capitale et le pari que le peintre
s’était imposé à lui-même en arrivant en 1861 ; Pari audacieux puisqu’il
consistait à devenir le peintre incontournable de la capitale ! Il y
parviendra avec le succès que l’on sait puisque son nom sera partout présent
dans le monde artistique de ce début de siècle. Et pourtant, le pari ne fut
pas des plus faciles à tenir, le rejet, les doutes et les échecs de ses
débuts dans la grande ville de l’art auraient pu avoir raison de ses jeunes
ambitions. Il n’en fut rien et ces difficultés ont certainement joué un rôle
important dans l’attachement indéfectible de Cézanne pour Paris. « Ne
crois pas que je devienne parisien », avait-il averti son ami Joseph
Huot, et Zola, son ami de toujours, s’inquiétait du désespoir qu’il sentait
si facilement poindre chez lui. Cézanne n’est pas un peintre familier de la
ville, il suffit pour s’en convaincre d’observer avec attention l’angle
qu’il choisit pour la représenter : il se poste sur ses toits comme un chat
de gouttière et il observe. Le fruit de ce regard porté sur ces hauteurs est
assez emblématique du peintre avec la toile « Les Toits de Paris »,
une huile de dimension modeste et dont un tiers de l’espace est réservé, au
premier plan, à un toit de zinc le plus proche du peintre, signe des
obstacles rencontrés par le peinte à ses débuts ?
L’homme, Paul Cézanne, fait aussi l’objet d’un portrait dans ce catalogue
afin de réduire les images réductrices trop souvent léguées par ses
critiques de l’époque. Provincial, il reste un homme attaché à la terre
rappelle Philippe Cézanne, l’arrière-petit-fils du peintre. Il saura
s’entourer de nombreux amis, dont Zola bien entendu, l’ami fidèle qui le
conduira avec insistance à Paris. Ce sera le prélude à de multiples amitiés,
dont celle de Pissarro en premier, avant les rencontres avec Monet, Renoir…
Les vues de Paris « hors les murs » (p. 63) sont plus connues des amateurs
de Cézanne, qu’il s’agisse des vues d’Auvers-sur-Oise ou de
l’Ermitage à Pontoise. La peinture de Cézanne et de ses amis, notamment
Pissarro, va relever du combat face à l’académisme des Salons qui les avait
rejetés sans précautions. De cette réaction à l’establishment académique
naîtra alors une nouvelle vérité en peinture plus fondée sur la sincérité
que sur la véracité de l’image par rapport à ce qu’elle représente, une
rupture lourde de conséquences pour les années à venir.
Paris, ville tentatrice pour l’artiste, sera la muse pour des œuvres
marquantes de la femme exposée (p. 86). Vont naître de cet attrait des
toiles qu’il faut relire à la lumière de cette influence de Paris sur
l’artiste : Le Déjeuner sur l’herbe ; la Tentation de saint
Antoine ; l’Eternel féminin ou le Veau d’or ; et la fameuse
Olympia… Paris sera également le lieu de maturation de ses natures
mortes, dont celles inoubliables des pommes qui le suivront longtemps et lui
valurent souvent des appréciations peu aimables comme celle de Huysmans :
ces « pommes brutales, frustres, maçonnées avec une truelle (…) ». Et
pourtant, il y a tant à dire sur ces représentations du quotidien, mondes en
miniatures parfois aussi suggestifs que les récits de son ami Zola !
Le lecteur réalisera à la lecture de ce catalogue et avec la visite de
l’exposition au musée du Luxembourg que Cézanne a bien progressivement
constitué sa palette avec les instants de vie empruntés à la capitale, non
seulement lors de ses séjours, mais également hors de la ville lorsqu’il
résidait dans ce Sud qu’il chérissait malgré tout !
____ Notre chronique de
l'exposition ____
Goethe « Faust »
illustré des 18 lithographies d'Eugène Delacroix et 60 huiles, aquarelles,
dessins, croquis et esquisses, Traduction de Gérard de Nerval. Préface
d'Arlette Sérullaz. Postface de Michel Butor, « La petite collection », 296
pages, broché avec jaquette à larges rabat, Poids : 1,3 Kg, Format : 19 x 26
cm, Editions Diane de Selliers, 2011.
Faust, la nuit tombée, rentre chez lui d’une promenade au cours de laquelle
il a trouvé un barbet, un chien errant, qu’il a décidé de recueillir dans
son cabinet d’étude. Mais l’animal apparaît vite agité et ne cesse de
grogner. Puis la métamorphose survient, l’animal enfle, occupe tout l’espace
de la pièce pour disparaître dans un nuage et laisser place à Méphistophélès
en habit d’étudiant, sorti de derrière le poêle. La lithographie d’Eugène
Delacroix souligne la dramaturgie de la scène, dans un décor digne du
théâtre que le peintre affectionnait tant ! Les cornues jouxtent un crâne et
les vieux grimoires confèrent à cette pièce l’ambiance d’un lieu d’un
alchimiste qui aurait, imprudemment, fait appel à des forces qui dépassent
sa science et sa raison. La célèbre confrontation de Faust et de
Méphistophélès est ainsi initiée : nous pouvons sans difficulté encore
sentir la fumée de l’apparition et nous remettre avec peine de l’émotion
suscitée par le fracas des éléments.
L’œuvre de celui qui allait être très jeune la figure emblématique du
Sturm und Drang fait avec cette parution l’objet d’une nouvelle mise en
scène grâce à l’admirable travail de Diane de Selliers qui a réuni pour
l’occasion Goethe, Nerval et Delacroix !
Gérard de Nerval a offert en effet très jeune sa plume pour une traduction
qui, si elle n’est pas le reflet fidèle dans sa littéralité de l’œuvre
originale, donne cependant toute sa poésie au texte de l’écrivain allemand
qui avouera : « En allemand […], je n’aime plus lire Faust, mais dans
cette traduction française de Gérard de Nerval, tout reprend fraîcheur,
nouveauté et esprit. » Faust, le soir, dans la chambre de Marguerite,
n’avoue-t-il pas dans la traduction de Nerval : « Sois bienvenu, doux
crépuscule, qui éclaires ce sanctuaire. Saisis mon cœur, douce peine
d’amour, qui vis dans ta faiblesse de la rosée de l’espérance ! » A
cette langue allemande et à cette poésie de Nerval qui saura inspirer
Berlioz dans sa non moins célèbre Damnation de Faust, il fallait un
éclairage qui sera dévolu au peintre Delacroix.
Le peintre fut en effet pour sa part sollicité par l’éditeur de
lithographies Charles Motte afin d’illustrer le Faust, œuvre que Delacroix
venait de découvrir et qu’il qualifiait de « chef-d'œuvre de caractère et
d’intelligence ». Il faudra attendre deux ans pour que viennent au jour
dix-huit lithographies, véritables miroirs de l’œuvre interprétée. Une
nouvelle fois, Goethe se reconnaîtra dans ce travail pourtant délicat de
transcription picturale : « … Et, si je dois avouer que, dans ces scènes,
Monsieur Delacroix a surpassé ma propre vision, combien, à plus forte
raison, les lecteurs trouveront tout cela vivant et supérieur à ce qu’ils se
figuraient ». Delacroix avait souhaité que ses dix-huit lithographies
soient réunies sous forme d’album. Le choix de l’éditeur fut de les répartir
dans le texte et les éditions Diane de Selliers ont aujourd’hui répondu au
vœu de l’artiste en mettant en tête de l’édition, l’intégralité des
lithographies avec au regard de chacune d’elles, un passage clé du Faust.
Soixante dessins, croquis, esquisses et aquarelles complètent cette riche
iconographie, témoignant du rayonnement de l’œuvre depuis sa création.
Arlette Sérullaz, directrice du musée Delacroix signe une étude passionnante
des rapports entre l’œuvre et le peintre ; elle souligne que dans Faust,
Delacroix a su trouver « la correspondance philosophique à sa méditation
personnelle – profondément désabusée – sur les vanités humaines ».
Le lecteur curieux d’en apprendre plus et d’aborder le second Faust écrit
près de quarante-cinq ans après pourra également découvrir les
Impressions diaboliques de Michel Butor placées en postface.
L’écrivain, en guise de conclusion et d’ouverture, signe dix-sept
lithographies imaginaires par lesquelles il trace un pont entre les deux
œuvres.
L’alchimie est ainsi conclue entre trois artistes et, dans un pacte
éditorial que ne renierait pas Méphistophélès, les voici réunis pour la
première fois dans une édition qui a souhaité que ces visions se complètent,
se fassent écho pour ouvrir au lecteur de nouveaux horizons !
Philippe-Emmanuel Krautter
« L’Orient des femmes
vu par Christian Lacroix » Ouvrage collectif préfacé par Christian Lacroix,
164 pages - illustrations couleurs et noir et blanc, Photographies de
Grégoire Alexandre, Format 22,5 x 29 cm, coédition Actes Sud Beaux-Arts /
Musée du quai Branly, 2011.
A l'image de l'exposition « L'Orient des femmes vu par
Christian Lacroix » que propose le musée du quai Branly, jusqu'au 15 mai
2011, son catalogue explose de couleurs vives et éclatantes. C'est un
patchwork de dessins préparatoires de Christian Lacroix, de tissus et de
broderies exceptionnellement mis en valeur par les très belles photographies
du talentueux Grégoire Alexandre qui enchantent nos pupilles à chaque page.
Subtil mélange de commentaires, de textes imprimés sur papiers colorés et de
photos, cet ouvrage s'ouvre sur une collection de vieilles cartes postales
recolorées ou en noir et blanc, témoignages troublants et nostalgiques à la
fois, de ces femmes douces et fières, posant dans leurs vêtements bigarrés.
Splendeur des robes chatoyantes des femmes orientales, robes de désert et de
prairie, secrets d'étoffes, costume médiéval retrouvé au Liban, costumes des
femmes syriennes, palestiniennes, bédouines et des femmes jordaniennes,
toutes ces têtes de chapitres et les articles, écrits par d'éminents
spécialistes, comme Hana Al-Banna-Chidiac, commissaire de l'exposition,
développent et apportent une étude complète sur l'histoire, les symboles, la
confection (choix des tissus, coupe des robes, techniques de teinture, de
broderie, styles des bijoux et autres accessoires du trousseau de la mariée,
historique de ces vêtements...) de ces robes superbes qui illustrent chacune
des parties de ce livre. « Le Proche-Orient est composé d'une mosaïque de
terres et de peuples où règnent autant de gaieté que de diversité,
d'élégance que de sensualité » ainsi commence l'avant-propos de Stéphane
Martin, Président du musée du quai Branly. Tout est dit et tout reste à
découvrir au fil des pages de ce grand livre de voyage et de rêves de
tissus. On voudrait les toucher, les froisser, les faire tournoyer autour de
soi, on n'hésiterait pas une seconde à se parer de ces robes pour être une
de ces femmes de ces cultures encore lointaines jusqu'au 19e siècle et que
nous ont fait découvrir, entre autres, les peintres orientalistes et
pourtant si proches de nous aujourd'hui. Le contraste est d’autant plus
étonnant entre les silhouettes uniformisées et sombres qui peuplent les rues
des villes de notre monde contemporain et ces robes, manteaux, bijoux et
voiles, véritables tableaux en Technicolor racontant les destins des toutes
ces femmes qui depuis leur plus jeune âge ont appris, auprès de leur mère,
point par point l'art de raconter qui elles seront et qui elles ont été.
Chaque robe est l'identité même de chacune d'entre elles, de leur région, de
leur religion, de leur milieu social, et peut se lire à travers des codes
millénaires puisque la plus ancienne remonte à l'époque médiévale (1283).
Ces milliers d'heures de broderies traditionnelles faites de milliers de
kilomètres de fils colorés, sur les étoffes de cotons, de soie, de gaze, en
prévision de leur mariage, font de ces vêtements de femmes de véritables
œuvres d'art. Chaque page et chaque photographie de ce livre sont une
réjouissance pour la vue. Autour d'une mise en scène inattendue, toutes ces
robes semblent prêtes à s'envoler pour partager le destin de chacune de ces
femmes d'Orient qui les ont créées. Tout au long de ce parcours dans le «
croissant fertile », expression géographique du Moyen-Orient forgée au début
du 20e siècle par l'archéologue américain James Henry Breasted, on découvre
un équilibre entre la création et l'utilité, entre les paysages arides de
ces régions et les couleurs vives des vêtements, leur gaieté et la
sensualité de femmes qui les ont portés. Aujourd'hui, ces petits bijoux de
tissus et d'histoires intimes se retrouvent dans les collections privées ou
dans les musées et avec eux une part de la vie de ces femmes également...
C'est donc un catalogue très réussi que proposent les éditions Actes Sud et
le musée du quai Branly, un catalogue qui est la parfaite illustration des
propos de l'exposition et la complète idéalement. C’est un ouvrage à lire à
l'ombre du feuillage d'un mûrier, un verre de thé à la menthe pour se
désaltérer sans oublier à travers cet hommage historique, artistique et
culturel, le sort et les combats quotidiens des femmes de l'Orient
aujourd'hui.
Evelys Toneg
Shirley Neilsen
Blum « Henri Matisse, chambres avec vue » Chêne Editions, 2010.
Quelle belle initiative que de réunir toutes ces « chambres avec vue » du
peintre Henri Matisse en un seul ouvrage ! Il apparaît ainsi évident que cet
encadrement se révèle omniprésent dans l’œuvre du peintre et que cela ne
pouvait être fortuit. Les intérieurs du peintre étaient aménagés afin d’être
un atelier du quotidien. Le peintre de la lumière portait sur toute chose un
regard sans cesse renouvelé, et ce, jusqu’à la fin de sa vie. A la lecture
de l’ouvrage de l’historienne de l’art Shirley Neilsen Blum, nous réalisons
combien cette lumière naturelle, tant recherchée par le peintre, a été
appréhendée par l’intermédiaire de l’encadrement de la fenêtre, tableau de
la nature et prélude de la couleur.
La fenêtre réunit ce paradoxe surprenant d’être à la fois source inépuisable
de lumière et en même temps limite et encadrement de cette profusion. Quel
dilemme et quelle source inépuisable de réflexions pour l’artiste…
Shirley Neilsen Blum rappelle que les artistes de la renaissance feront très
tôt la comparaison d’un tableau à une fenêtre ouverte. Le contraste entre le
monde intérieur et les ouvertures vers les paysages et le ciel nourrira bien
entendu toute une vision symbolique qui ne fera que s’accroître au fil des
siècles. Matisse est ainsi d’une certaine manière l’héritier de cette
tradition lorsqu’il esquisse la beauté de la création qui se reflète non
seulement dans l’intérieur peint, mais également dans le regard que nous lui
portons. Cette flèche acérée par la puissance des couleurs gagnera en
intensité au fil des années, que l’on considère « La Toilette »
peinte à Nice en 1919 et « Intérieur au rideau égyptien » réalisé
dans les mêmes latitudes à Vence en 1948. La mutation est totale et notre
regard peine à savoir si la fenêtre ouvre vers l’extérieur ou au contraire
reflète le monde intérieur du peintre et par là même nos propres univers.
Alors que Matisse sera atteint d’un cancer sur ses dernières années, quelle
signification donner à ce chant ultime de la couleur ? Se veut-il une
dernière larme versée à la beauté ou un testament pictural que nulle
contrainte physique ne saurait réduire ?
Lorsqu’on interrogeait Matisse sur ces tableaux représentant des fenêtres,
il répondait : « …l’espace ne fait qu’un depuis l’horizon jusqu’à
l’intérieur de ma chambre-atelier et que le bateau qui passe vit dans le
même espace que les objets familiers autour de moi, et le mur de la fenêtre
ne crée pas deux mondes différents. »
Mauro Zanchi La
Basilica di Santa Maria Maggiore, Una lettura iconografica della Biblia
Pauperum di Bergamo, Ferrari Editrice.
La basilique Sainte-Marie Majeure est l’un des joyaux de la ville haute de
Bergame. Quasi invisible de la piazza Vecchia, le Palazzo della Ragione joue
les troubles fêtes en masquant la vue de la grande dame qui exige du temps
pour être découverte. Une fois passé sous les voûtes admirables du Palais,
un choc attend le visiteur : une basilique hors norme en des lieux si
étroits a su se frayer un chemin vers le ciel et touche immédiatement le
cœur du visiteur ému. C’est à ce monument d’exception tant par son
architecture extérieure que par sa richesse intérieure étonnante qu’est
consacrée une belle étude de Mauro Zanchi parue aux éditions Ferrari
Editrice en langue italienne.
L’auteur souligne dès l’introduction que ce livre souhaite respecter le vœu
des Pères de l’Eglise en considérant l’édifice sacré comme une « Bible des
Pauvres ». Cette lecture sacrée iconographique a demandé de longues heures à
son auteur afin de décrypter les corrélations entre la parole et
l’imagination suggérée par les différentes représentations visibles dans
tout l’édifice. Ce dialogue entre le visible et l’invisible a été entretenu
au cours des siècles et ces échanges ne sont pas toujours faciles à
considérer pour un contemporain de notre époque. Aussi est-il toujours
nécessaire pour appréhender une peinture, une sculpture ou un mobilier
architectural de se reporter à la théologie, à la philosophie et à la pensée
de l’époque de son auteur. Pour saint Benoît, seul le Christ est l’image
parfaite de Dieu et l’homme ne peut être qu’une image de l’image
essentielle. La quête essentielle des artistes dés le Moyen-Âge sera de se
rapprocher de cette image transcendante notamment par l’intermédiaire des
représentations de celle qui a enfanté le Christ, la Vierge Marie, et donc
donné à voir aux hommes une image de Dieu en son temps,.
C’est sur ces fondements qu’est organisée cette très belle étude où la
richesse de l’iconographie est servie par une analyse remarquable qui va
au-delà d’une analyse du seul édifice. Mauro Zanchi a en effet tout d’abord
étudié la construction de la basilique dans son contexte médiéval en
soulignant les nombreuses symboliques présidant à son édification. Puis
viendra la prérenaissance italienne, le fameux Trecento (XIV° s.) qui
apportera de magnifiques fresques à la basilique tel l’impressionnant «
Arbre de la Vie » (L’Albero della Vita) sur la partie sud du transept. Le
XVI° siècle verra une réalisation étonnante de Lorenzo Lotto, influencé par
Bellini et Giorgione, avec des marqueteries situées dans le chœur de la
basilique. Ces différents panneaux réalisés avec le concours de l’ébéniste
Capoferri surprennent par la force de leurs évocations telle cette mer qui
se referme sur l’armée de Pharaon sous les yeux du peuple d’Israël venant de
traverser à pied sec.
Le XVI° et le XVII° siècles apporteront également de nombreux trésors à
cette riche basilique qu’il s’agisse des nombreuses peintures de da Ponte,
Cavagna ou Lolmo.
Véritable musée dédié à la Vierge Marie et à la gloire de Dieu, cette
basilique est très certainement l’une des plus riches de la région et mérite
toute l’attention du visiteur qui pourra préparer sa visite, ou la
poursuivre, avec cet ouvrage remarquable !
...Retrouvez notre dossier sur la Lombardie...
Boccace « Le Décaméron » illustré par l’auteur et les peintres de son
époque, La Petite Collection, Diane de Selliers Editeur, 2010.
Avec Boccace (1313-1375), nous entrons par la grande porte du
Moyen-Âge italien, précédé par Dante et par Pétrarque plus connus des
Français. Et pourtant l’homme du Trecento n’est pas un personnage mineur de
la littérature et son fameux Décaméron a définitivement marqué le XIV°
siècle par son originalité et acquit une place à part dans la production des
idées de son temps. Pour quelles raisons ?
L’homme est complexe et sa pensée est à replacer dans le contexte d’une
époque troublée au lendemain d’une terrible peste qui a ravagé Florence,
ville qui a vu naître Giovanni Boccaccio, fils naturel d’un important homme
d’affaires. Boccace écrira cent nouvelles qui feront de cette œuvre le
premier chef-d'œuvre européen en prose en langue italienne. Les valeurs
morales et les vices de l’homme constituent le cœur de cette pensée. Sept
nobles demoiselles et trois jeunes gens ont fui la ville ravagée par la
peste pour se protéger dans la campagne. Le récit de ces dix journées forme
le cœur de ce Décaméron (du grec déca : dix et hêméra ; jour)
; dix journées qui d’une certaine façon vont être le reflet de la société
florentine du XIV° siècle. Que voit-on dans ce miroir savamment poli par
Boccace ?
Le
récit se fait sous forme de nouvelles et la narration a recours, chaque
jour, à une nouvelle histoire qui place l’homme au cœur du récit. Les
grandes questions posées par la société de son époque sont soulevées au
cours de ces propos faisant intervenir également de nombreuses
interrogations morales. L’amour est bien sûr au centre de ces réflexions, un
amour décliné sous toutes ses formes, des plus dignes aux plus viles…
Le Décaméron réunit de manière très souple de nombreuses traditions héritées
de l’Antiquité avec les récits latins (Apulée), mais aussi des traditions
orales ou encore les fabliaux. Ces nombreuses sources constituent un réseau
savant à l’égard duquel l’auteur prend des distances soulignant ainsi la
modernité de son écriture et préfigurant la future Renaissance italienne.
Il fallait une édition d’exception pour présenter un texte aussi précieux ;
aussi, Diane de Selliers a-t-elle sectionné, comme à son habitude, une
iconographie impressionnante réunissant plus de cinq cents œuvres d’art des
artistes contemporains du Décaméron pour servir cette comédie humaine
mémorable. Le Décaméron a nourri l’inspiration d’un très grand nombre
d’artistes majeurs qui ont peint ou dessiné de nombreuses représentations
des dix journées de cette jeunesse florentine. Boccace lui-même a illustré
son œuvre à l’aide de dessins à la plume et à l’aquarelle, et la présente
édition nous les propose pour la première fois au regard du texte !
(Andrea del Castagno, Boccace, fresque, première moitié du
XVe siècle, Galerie des Offices, Florence.)
La puissance évocatrice du texte portée par la force du trait et du dessin
sublime la lecture de ces récits : il suffit pour s’en convaincre de
découvrir le détail de l’Allégorie de la Vanité et des plaisirs
terrestres d’Andrea Bonaiuti dans la septième nouvelle de la deuxième
journée ou encore la puissance dramatique de la potence installée en haut
d’une colline telle un Golgotha médiéval attendant le supplice de Teodoro
amoureux de Violante dans la septième nouvelle de la cinquième journée. Ce
riche travail iconographique tisse ainsi un véritable maillage entre texte
et image, mais autorise également l’expérience originale d’une « lecture »
visuelle autonome du Décaméron par le truchement de ces représentations
artistiques.
Véritable voyage dans la société italienne du Trecento, cette nouvelle
édition du Décaméron (traduction de Christian Bec de l’édition italienne de
référence de Vittore Branca) offre au lecteur du XXI° siècle une porte
d’entrée idéale dans une pré renaissance italienne…
ANGOLA FIGURES
DE POUVOIR Direction de Christiane Falgayrette-Leveau et conseiller
scientifique, Boris Wastiau, Format 24 X 32 cm 312 pages – illustrations en
couleurs et noir et blanc, Musée Dapper, 2010.
C’est un ouvrage d’envergure que nous proposent là les
éditions du musée Dapper, sous la direction de Christiane Falgayrette-Leveau
et de son conseiller scientifique, Boris Wastiau, entourés de spécialistes
renommés tels Manuel Gutierrez, anthropologue et ethnologue – Maria
Alexandra Miranda Aparicio, directeur des archives nationales d’Angola –
Manuel Jordan, docteur en histoire de l’art africain – Barbaro Martinez-Ruiz,
historien de l’art – Viviane Baeke, docteur en anthropologie – Maria do
Rosario Martins et Maria Arminda Miranda de l’Université de Coimbra et
Adriano Mixinge historien et critique d’art, conseiller culturel à
l’ambassade d’Angola en France.
Comme un grand roman sur les arts de la mythologie la plus ancienne à
aujourd’hui, ce catalogue raconte et illustre à quel point les sculptures et
autres créations artisanales, objets de cour, de rituels, costumes, coiffes,
ornements et parures…, ont le pouvoir d’agir sur le monde qui les entoure et
par conséquent sur les hommes qui utilisent ces productions ou qui en
subissent le pouvoir. Ce voyage, en 8 chapitres et des centaines de
photographies en couleurs, à travers ces symboles du pouvoir et le pouvoir
incontestable de ces symboles, ne laissera aucun lecteur insensible à la
fascinante plastique qu’exigent les représentations de ce pouvoir. Chacun de
ces articles peut être lu comme une aventure dans un univers qui pourrait
nous dérouter si les superbes illustrations (détails, gros plans, en pieds…)
des œuvres présentées ne fixaient dans nos esprits occidentaux, un peu de
cette Afrique hypnotisante. Au fil des pages, l’univers des symboles devient
moins obscur et le pouvoir prend une place à multiples dimensions qui aurait
pu nous échapper autrement. Nous voilà partiellement initiés à l’histoire de
l’Angola, son art rupestre, son archéologie, ses différents groupes
culturels et leurs subtiles visions du pouvoir, nous voilà partis dans les
méandres de cultures où s’entremêlent le conscient et l’inconscient, où la
réalité frôle les ancêtres morts, où les messages d’autorité sont autant
visuels que mis en mots ou chorégraphiés symboliquement, où nous devons
accepter de perdre nos propres repères culturels quant au pouvoir en
occident pour recueillir les informations délivrées par tous ces objets et
figures de pouvoir et aller l’esprit ouvert visiter l’exposition au musée et
lire, relire le catalogue. Serons-nous, un jour, exorcisés de nos peurs, nos
angoisses, nos incompréhensions face aux cultures africaines ? L’exposition
« Angola, figures du pouvoir » et son très beau catalogue nous aident à
mieux admettre nos propres complexités et limites culturelles face à celles
des autres cultures.
Le dernier chapitre dévoile la pensée et la démarche créatrice de l’artiste
contemporain Antonio Ole. Sa liberté créatrice nourrie de ces voyages en
Angola, étudiant ces peuples et leurs cultures, renonçant très tôt à la
facilité de démarches stéréotypées, il transcende sa propre culture en
laissant libre cours à son imagination. On découvre ses peintures,
constructions, photographies, son œuvre cinématographique. Cet artiste
multidisciplinaire est aujourd’hui le plus important des artistes angolais
vivants.
Un grand merci pour ce beau livre d’art inspirant et pédagogique, mais c’est
l’habitude du musée Dapper et de ses publications que de nous emmener
au-delà de nos frontières culturelles pour mieux y retrouver notre essence
humaine, le partage, la tolérance et l’acceptation des autres.
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« Lisbonne » Edith
Bricogne – Fernando Pessoa, Editions Chandeigne, 2011.
La ville de Lisbonne peut être approchée par la poésie de l’écriture ou
de l’image, et les deux sont réunies, ici, dans ce très beau livre
consacré à la ville aux sept collines. Le poète Fernando Pessoa chante
la torpeur confuse des sensations aussi nombreuses que les petits pavés
de la ville. Le fleuve barre les élans comme pour mieux ramener le
promeneur à l’ombre des bleus azulejos, aussi nombreux sur les murs que
les petits tramways jaunes au creux des chaussées… Les photographies
d’Edith Bricogne ont bien su capter la lumière des bruits et des
senteurs, ces verticalités déconcertées qui invitent au vertige autant
qu’à la rêverie, selon les heures de la journée ou de la nuit. Ce livre
n’est pas un manuel touristique, ni même un beau livre de plus où les
illustrations serviraient de guide. Il serait plutôt l’écho d’un bruit
sourd perçu parmi les nombreux bruissements de la ville, une fois les
grandes artères délaissées et qu’il ne reste plus que les axes des rails
abandonnés luisants à la lumière des lampadaires. Faut-il invoquer
l’incontournable saudade, au risque de la galvauder ? Encourons
cet écueil, tant les photographies d’Edith Bricogne semblent en avoir
capté l’essence, en résonnance avec les trois extraits du Livre de l’intranquilité
de Pessoa. Cet homme qui marche seul à la suite de son destin dans une
rue sombre vient en parfait contrepoint avec la vie joyeuse d’une ruelle
fleurie de linge, une belle journée de printemps, et qui se trouve au
verso de la même feuille. Pessoa, lorsqu’il pleut sur Lisbonne, perçoit
un je-ne-sais-quoi près de dégringoler dans cet extérieur noir,
comme on le comprend ! Cette fragilité du poète est réchauffée quelques
lignes plus loin par ce matin de mi- printemps qui confère aux choses et
aux hommes un peu de tranquillité. Les lignes verticales et horizontales
omniprésentes dans les prises de vue du photographe étreignent la vie de
Lisbonne dans toutes ses possibilités. Le futur embrasse le passé en ne
se retournant pas sur le présent, curieux paradoxe ! Il faudra longtemps
déambuler dans ces quartiers de la ville, se perdant et se retrouvant
dans les multiples labyrinthes qui l’habitent pour mieux goûter à l’intranquilité
qui loin de nous effrayer, demeure grâce à cet ouvrage une très belle
invite au voyage…
« De tout voyage, même du plus petit, je reviens comme d’un sommeil
rempli de rêves – dans une torpeur confuse, les sensations collées les
unes aux autres, ivre de ce que j’ai vu. »
Fernando Pessoa « Livre de l’Intranquilité »
Retrouvez le dossier que nous avons consacré à Lisbonne…
Marco Bussagli «
Comment regarder… le dessin » Coll. Guide des Arts, Hazan, 2012.
Qui ne s’est jamais trouvé désemparé dans la « lecture » d’un dessin ?
Comment porter son regard ? Selon quels critères ? Marco Bussagli est un
orfèvre en la matière puisqu’il est titulaire de la chaire d’anatomie
artistique de l’Académie des beaux-arts de Rome et professeur à
l’université de Rome et de Palerme. L’auteur, digne héritier du monde
latin, rappelle l’étymologie du mot dessin et souligne la parenté
avec le verbe latin designare : marquer, représenter, indiquer.
Cette représentation vaut exploration du monde selon Marco Bussagli,
dans sa réalité tout autant que dans son imaginaire. Le dessin, par
cette ouverture sur l’univers duquel il dépend étroitement, est
également un miroir de celui qui le pense, le trace et l’offre à
interprétation. Ce tissage très fin avait ainsi besoin d’un guide afin
de démêler ces questions complexes, c’est ce que propose ce dernier
volume de la collection Guide des Arts. Le professeur Bussagli a fait
ici œuvre didactique tout en offrant en même temps une réflexion de
fond. Le lecteur sera peut-être surpris de constater ce grand écart
évoqué dans ces pages entre les premiers dessins rupestres et les
dernières créations artistiques sur ordinateur, mais l’un des nombreux
intérêts de ce guide est justement d’offrir une vue élargie sur ce qui a
souvent fait l’objet d’analyses académiques plus restreintes. L’amateur
d’art tout autant que l’étudiant en histoire de l’art ou des Beaux-arts
trouvera ici matière à enrichissement dans ces très belles pages où
l’auteur souligne le dessin comme geste, s’attarde sur l’ampleur des
ombres et des lumières où la feuille entretient un dialogue étroit avec
le trait qui la rencontre…
Viendra après un panorama très complet de la genèse du dessin et de son
essor jusqu’à notre époque, vaste histoire du dessin où de nombreuses
œuvres sont décortiquées par l’auteur en une analyse vivante, avec de
nombreuses flèches pointant sur les détails soulignés. Les sujets, les
techniques employées nous font entrer au cœur du tracé, dans une
intimité qui sera bien précieuse lors des prochaines découvertes dans
les musées et les expositions !
Les mosaïques de Saint-Pierre de Rome,
352 pages Format : 24 x 32,5 cm Reliure : sous jaquette et étui
illustrés, 2011, Citadelles & Mazenod, 2011.
La mosaïque
n’est-elle pas le reflet de notre âme, morcelée et en même temps unie
par un tout, représentation générale et incroyable diversité du détail ?
Cet art hérité de l’Antiquité ne cesse d’étonner et d’émerveiller le
spectateur contemporain, toujours interdit par tant de virtuosité mise
en œuvre à partir du presque rien. La basilique Saint-Pierre est bien
connue pour constituer à elle seule une représentation non seulement
architecturale mais également picturale du sacré. Lorsque ces deux
réalités se rencontrent, cela donne un festival d’art sacré, un
véritable livre ouvert de la foi depuis ses fondements les plus intimes,
jusqu’à ses manifestations les plus liées à l’histoire du christianisme.
Des milliers de mètres carrés s’offrent à celles et ceux qui ont cœur à
pénétrer dans l’esthétique de la transcendance et en même dans le sein
même de notre humanité. Comme le relève le cardinal Angelo Comastri, ces
œuvres d’art uniques constituent d’une certaine manière une catéchèse en
images qui était familière aux générations passées et beaucoup plus
éloignée de nos contemporains. Il appartient ainsi au siècle présent de
ne pas laisser s’échapper cet héritage et de renouveler la diffusion de
ce message spirituel dans le contexte de notre époque moderne. Une telle
entreprise éditoriale en est le signe le plus convaincant. Les tesselles
de ces tableaux de pierre parlent de nouveau, elles perpétuent ainsi ce
message fondateur du « Tu es Petrus » initié par le Christ au
premier apôtre et à ses successeurs. Cette pierre est constitutive de
l’Eglise, la pierre angulaire rejetée et en même temps clé de voute de
toute l’humanité. Par analogie, la pierre témoigne de cette espérance
des hommes : à la fois témoignage, acte de foi et en même temps
célébration du divin fait homme. Chaque niche, chaque coupole, même la
plus petite lunette abritant une mosaïque livre dans ce somptueux
ouvrage cette éternelle louange de Dieu qui impressionne toujours autant
les visiteurs de la basilique et dont il sera possible de mieux
comprendre le message grâce à cet ouvrage !
La Chapelle Sixtine, préface d’Alexandre Gady,
340mm x 400mm, 40mm dos, 288 pages, 3540g, Relié sous jaquette, 210
illustrations Editions Place des Victoires, 2011.
Il fallait un
ouvrage à l’ampleur de la tâche : représenter la Chapelle Sixtine, l’un
des plus hauts lieux de l’art sacré aux yeux de l’humanité, et l’essai
est réussi ! A celui qui a fait l’expérience de visiter la Chapelle et
de suivre cette découverte par la lecture de cette nouvelle parution, il
sera réservé une heureuse surprise : le génie des lieux dans sa
puissance évocatrice monumentale est associé à la possibilité simultanée
d’en goûter les détails, un à un, chose impossible à réaliser du
parterre de la Chapelle. Les lectures de cette voute sont multiples et
les admirables photographies des détails des fresques en facilitent leur
découverte et analyse. Nous avons l’étrange impression d’être monté sur
un échafaudage, une bougie au front et une palette à la main en ce XVI°
siècle italien, nous oserions presque imaginer nos premières esquisses
dans la pénombre tant le génie de Michel Ange est ainsi palpable,
accessible, humain même pour le commun des mortels. C’est cette alchimie
extraordinaire que réalise cette édition des détails des fresques, à
savoir l’idée d’un art non plus inaccessible du parterre de notre
quotidien de touriste anonyme mais au contraire cette volonté de partage
de l’idée de beau, alors même qu’elle est honorée par l’un de ses plus
illustres représentants. Cette communion qu’autorise l’art est ici
parfaitement rendue, nous intégrons ces représentations de la Chapelle
Sixtine en méditant sur le visage inoubliable du prophète Jérémie, le
visage penché à l’idée de l’annonce du Jugement…
Les scènes sont parfois d’un dramatique à faire pâlir d’envie les
réalisateurs de cinéma du XXI° siècle, la force d’évocation gagne en
enfonçant un coin qui définitivement ébranle nos certitudes. Quel
contraste entre ces bienheureux montant au ciel, progressivement, la
peau de leur corps quitte leur habit de pénombre et gagne la lumière
éternelle. Et combien plus terrible nous apparaît la lugubre barque des
damnés, leur visage semble comme résigné face à la terreur qui les
empoigne physiquement, et broie littéralement leur cœur dans un étau.
Tout cela s’anime dans un tourbillon incroyable sur le papier, surtout
lorsque nos souvenirs introduisent cette expérience d’une visite qui
donne une autre lecture, d’ensemble celle-là, indissociable pour la
compréhension générale de l’œuvre. C’est un beau voyage auquel nous
invite cette parution monumentale, un voyage inoubliable dans le cœur de
ce que l’homme a à dire de plus beau !
Sorcières , mythes et réalités.
Co-édition Ladresse et LVE, 2011.
Curieusement ce catalogue se lit comme un roman. Un roman d’histoire et
d’histoires vraies. Des histoires de sorcières… Mais pas celles des contes
de fées ! Les histoires de toutes ces femmes qui ont été désignées comme
sorcières, qu’elles le fussent ou non. Ce catalogue qui illustre
l’exposition actuellement au musée de la poste, ne commence pas par « il
était une fois… », même si dans les contes et légendes populaires, les
sorcières y tiennent depuis toujours une place de choix !
Non, cet ouvrage qui se lit si facilement est à prendre comme un témoignage
historique et ethnologique de ce que la vox populi, vox dei, ont réservé
comme sort aux fiancées de Satan.
Dans son avant-propos Claude Signol écrit « ce qu’on va demander à un
sorcier, c’est le sorcier lui-même. Il n’existe que par la foi que les
hommes lui portent… » C’est bien de cela qu’il s’agit et de ce qui va être
approfondi tout au long des chapitres de ce catalogue : les croyances
populaires dans ce qu’elles auront eu de plus cruelles et de plus
culpabilisantes dans notre pays entre les 13es et le 20e siècle. De tout
temps, les hommes ont cherché des réponses aux mystères de l’existence ainsi
qu’à ceux de la nature en se tournant vers des forces surnaturelles ou des
divinités auxquelles ils attribuaient des pouvoirs particuliers de
bienveillance à leur égard ou au contraire de punitions ou vengeances. Dans
toutes les sociétés humaines de par le monde, la sorcellerie a eu, et a
encore, sa part de pouvoirs. Ce catalogue suit ainsi en parallèle, la
démarche de Patrick Marchand, commissaire de l’exposition, en complétant
celle-ci par des textes expliquant les mécanismes de croyances persistantes
au surnaturel et ses dérives, de la peur collective à la délation, de
l’accusation à la mise en place d’une justice appelant des procès et
condamnations à mort de personnes qui n’ont pas bénéficié du doute et furent
accusées de sorcellerie. Face à la toute puissance de la religion et à la
nécessité de laisser le peuple inculte, afin de mieux le manipuler, la
création des mythes populaires autour des sorcières et de leurs missions
sataniques a été facilement mis en place dans la conscience collective. De
l’imaginaire de la sorcellerie au bilan des persécutions, ce catalogue
propose un grand nombre d’illustrations de tout ce qui entoure cet univers
fascinant et angoissant, des représentations picturales, des reproductions
de gravures à l’affiche de cinéma, de grimoires pleins de recettes de
sortilèges, aux verdicts des procès, des objets intimes des sorcières aux
photos et cartes postales du siècle dernier de ces femmes (et hommes) de nos
campagnes. Une quinzaine de références bibliographiques sont données en fin
de catalogue pour tous ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances
ou bien qui sait…se lancer dans les sciences occultes et autres sorcelleries
!
Evelys Toneg
Mascarades et
carnavals. Le catalogue. Editions Dapper, 2011.
Voici un nouveau catalogue des éditions du musée Dapper,
particulièrement esthétique, qu’il faudra avoir dans sa bibliothèque, en
parallèle à l’exposition « Mascarades et carnavals » jusqu’ 15 juillet 2012.
Les superbes photos des masques et créations uniques qui illustrent ce
catalogue sont chacune autant de témoignages sur les liens réels, mais pas
toujours identifiés comme tels, entre l’Afrique et les Caraïbes, dans les
traditions autour des carnavals et mascarades et de leurs mises en scène, de
la « mise en mouvement des masques » et des chorégraphies « du jeu et de la
réalité » de ces objets chargés de symboles, pour reprendre le titre du
chapitre de Jean-Paul Colleyn. Autant de grâce et d’irrévérence pour ce jeu
social typique que sont ces moments de grand chambardement qui mettent les
conventions à l'envers, mais où chaque élément, chaque personnage de ces
défilés collectifs enfiévrés, ont une signification, une fonction et une
action précises ; où les couleurs, les gestuelles, les formes et les sons
répondent à une codification qui a son sens propre, existant uniquement à
cette occasion. Claude Lévi- Strauss en avait bien saisi le sens dans son
livre « La voie des masques ».
« Comment penser ensemble les créations culturelles de l’Afrique et des
Caraïbes ? » C’est la question que pose Jean-Luc Bonniol dans la postface de
ce catalogue et qui pourrait bien tenir lieu de fil d’Ariane de tous les
différents chapitres de cet ouvrage collectif, qui traitent de ces objets
chargés de sacré, de pouvoirs bienfaisants ou néfastes, d’exutoires aux
peuples, de transferts vers d’autres dimensions, de résurrection de
personnages historiques ou d’apparitions magiques ou spirituelles, que sont
les masques et costumes, les peintures corporelles et créations artistiques
contestataires, tous éphémères dans le temps et caractéristiques des
mascarades et carnavals d’Afrique, de Martinique, de Guadeloupe, de Trinidad
et de Guyane.
Autour de Christine Falgayrettes-Leveau, directrice du musée Dapper, une
équipe d’ethnologues et d’anthropologues se sont penchés sur des thématiques
bien précises de cet art de la dérision encore si vivant dans les pays
d’Afrique et des Caraïbes. Ecrits dans un langage clair et compréhensif de
tous, ces articles se lisent aisément, sans connaissance particulière si ce
n’est la curiosité pour d’autres mœurs et cultures qui nous emmènent loin de
nos carnavals commerciaux occidentaux, ayant perdu leur sens originel.
Précieuses sont les notices biographiques, les cartes géographiques et les
notes des auteurs et les références bibliographiques en fin d’ouvrage qui
ouvrent toujours à plus de recherches et de connaissances sur les thèmes
proposés.
Le musée Dapper nous a habitués à des livres de référence et ce dernier
catalogue n’échappera pas à la règle !
Site du musée www.dapper.com.fr
Musée Dapper – 35, bis rue Paul Valéry – 75116 Paris
Tel : 01 45 00 91 75
MAORI - leurs
trésors ont une âme Coédition du musée du quai Branly – Somogy Editions
d’Art 192 pages - 21 X 24 cm - environ 156 photos et illustrations NB et
couleurs.
«Dans le monde Maori, on dit que Rangi, le ciel est le père, la mère est la
terre, et qu’ils ne furent séparés que pour laisser entrer la lumière dans
le monde et faire de la place aux vivants. Ils ne se sont jamais vraiment
détachés l’un de l’autre.» écrit Fiona Kidman. Ceci laisse entendre
l’importance de la tradition et du mode de culture très proche de la nature
des Maori.
C’est dans le catalogue de l’exposition « Maori, leurs trésors ont une âme »
que l’on retrouve toute l’âme de cette civilisation étonnante de volonté de
vivre pleinement son identité et d’évoluer à travers les époques, comme de
s’intégrer à celle de la Nouvelle Zélande contemporaine, qui en
s’occidentalisant ne laisse plus la place à la culture des peuples d’
origine, peuples qui ont subit cette terrible invasion économico-culturelle
inadéquate et qui se voudrait toute puissante ayant totalement perdu de vue
l’essentiel de la culture ancestrale. Dans cet ouvrage, c’est justement là
où nous mène l’âme des trésors Maoris, à l’essence même de leur culture, le
respect de la nature mère, de l’environnement, de l’esprit des ancêtres, de
la langue oubliée qui renaît, des luttes politiques pour le droit d’exister
et de l’engagement des nouvelles générations qui veulent porter haut leurs
racines, leurs origines et leur culture. Chapitré comme l’exposition
actuellement au musée du quai Branly, on tourne les pages de ce catalogue,
illustré de très belles photos noir et blanc et couleur, dans la douceur et
la rudesse des traditions et du fort symbolisme de la culture Maori. Une
première partie historique donne le ton de la détermination de ce peuple à
exister sur ses terres propres et à en gérer les ressources. A travers les
différents traités signés, c’est la lecture des victoires des Maori qui nous
est démontrée. Dans chaque chapitre qui traite d’un aspect particulier de la
culture et des rites Maori, sont montrés les trésors, œuvres ancestrales et
celles plus contemporaines ; ce savoureux mélange des époques renforce
terriblement l’impression d’avancement des Maori dans l’intégrité de leur
identité et le respect total des traditions sans rejeter l’évolution de
l’époque mais en l’intégrant dans leur démarche culturelle et artistique.
Le Haka de powhiri ou défi de bienvenue (photo de couverture que l’on
retrouve entière p.64) invite à parcourir plusieurs fois ce catalogue et à
relire chaque chapitre attentivement, chacun étant le bienvenu dans la
culture des Maori, culture d’une haute spiritualité, puisque chaque geste
humain y est reconnu à sa juste valeur, donc chaque geste humain est
important.
Notes et glossaires nous aident à intégrer la signification profonde des
termes en langue Maori, dont la subtilité pourrait nous échapper.
Evelys Toneg
Fra Angelico et
les maîtres de la lumière Musée Jacquemart-André, Institut de France,
Editions Fonds Mercator, 2011.
Nous sommes à Florence, au début du XV° siècle. Le style gothique marque
encore de son empreinte l’espace culturel de l’Italie du Nord alors même que
sourde une profonde mutation. L’ouvrage publié à l’occasion de l’exposition
« Fra Angelico et les maîtres de lumière » au musée Jacquemart-André traduit
l’écho de cette période si riche, non seulement en or et en lumière, mais
également en créativité artistique dans cet espace si réduit de l’Europe à
peine sortie du moyen-âge.
L’or rayonne incontestablement dans les œuvres de Fra Angelico qui reste et
demeure avant tout un « moine peintre » comme le souligne Jean-Pierre
Babelon, président de la fondation Jacquemart-André, en introduction au
livre. La foi sera en effet cette lanterne toujours allumée dans la vie de
l’artiste et jettera ses rayons sur toutes ses représentations picturales.
Guido di Pietro naît avec le début du XV° siècle à Vicchio di Mugello et ne
prendra le nom de Fra Giovanni, que vingt ans plus tard, lorsqu’il
prononcera ses vœux au couvent dominicain de Fiesole. D’où vient alors ce
qualificatif « Angelico » ? Un poème rédigé par Domenico di Giovanni da
Corella qualifia le peintre de « Angelicus pictor » avant d’être
décrit dans les mêmes termes par le célèbre Vasari dans ses Vite, Fra
Angelico allait ainsi recevoir un nouveau nom passé à la postérité, nom
emblématique de son œuvre créatrice.
Mais, si le frère Giovanni est un peintre dévot, sa peinture et toute son
œuvre dégagent un sens esthétique et créatif apprécié à sa juste valeur ces
dernières décennies comme le rappelle Giovanna Damiani, commissaire de
l’exposition. Le point d’orgue de sa production artistique se manifestera
avec la décoration à fresque des cellules du couvent de San Marco. Un
éclairage significatif de cette vaste création nous est donné avec
l’admirable Vierge en trône accompagnée de saints, plus connue sous
le nom de Madone des ombres. Cette fresque réunit à elle seule à la
fois les qualités artistiques de son auteur, ses novations audacieuses dans
le traitement de la lumière et des ombres, mais également la profondeur
spirituelle de la Conversation sacrée, réservée pendant longtemps aux seuls
membres du couvent. Nicolas Sainte Fare Garnot, conservateur du musée
Jacquemart-André et commissaire associé de l’exposition, poursuit ce
parcours dans l’œuvre de Fra Angelico en soulignant le fait qu’il s’agit de
la première exposition d’importance réservée au peintre dans notre pays tout
en avouant humblement qu’il est impossible de réunir les œuvres majeures du
peintre hors d’Italie. Toujours est-il que des œuvres comme Le
Couronnement de la Vierge, présente dans l’exposition, offre un bel
exemple des audaces du peintre, entre traditions et novations.
Ce très beau livre permettra également de mieux connaître les autres maîtres
de lumière réunis pour l'exposition avec des études sur toutes les peintres
de cette première moitié du XV° siècle à Florence : Andrea di Giusto ,
Zanobi Strozzi, Domenico di Michelino, Giovanni di Consalvo…
« Au royaume
d’Alexandre le Grand : la Macédoine antique » sous la direction de Sophie
Descamps-Lequime, coéditions Musée du Louvre / Somogy, 2011.
Plus de 700 pages et près de 600 illustrations font de ce catalogue une
somme impressionnante digne de l’évènement organisé au Musée du Louvre pour
l’exposition consacrée au royaume d’Alexandre le Grand. Si la Macédoine
reste indissociable du personnage historique, elle doit également beaucoup à
la promesse de Philippe II, le père d’Alexandre, de venger l’affront subi
par les Perses lors des guerres médiques. Cette revanche à prendre sur
l’ennemi qui animait le père trop tôt assassiné pour l’assouvir a nourri le
jeune Alexandre, élevé avec le culte des héros de la mythologie grecque
ainsi qu’avec une vénération toute particulière pour Achille, le fougueux
combattant. Un homme, un destin et une terre qui allaient ensembles
bouleverser l’équilibre du monde antique en quelques années seulement, voici
les éléments réunis dans cette somme importante réalisée sous la direction
de Sophie Descamps-Lequime. Le lecteur pourra bien entendu retrouver dans
ces pages les six cents œuvres présentées dans l’exposition, certaines
d’entre elles n’ayant jamais été présentées au public. Les découvertes
archéologiques ont été déterminantes ces dernières trente années pour
dresser une nouvelle histoire de la Macédoine antique tel que l’y invite
cette importante exposition. Comme le rappellent les auteurs du catalogue,
c’est une histoire globale de la Macédoine qui est proposée sous l’angle de
ce qu’elle deviendra avec Alexandre, depuis les premiers temps de l’âge de
bronze jusqu’au début du IV° siècle apr. J.-C.
Il convient d’avoir à l’esprit en effet la géographie, l’histoire ainsi que
les premières sociétés de la Macédoine pour mieux apprécier le tournant que
représentera la royauté macédonienne d’Alexandre Ier à Alexandre le Grand
aux Ve et IVe (p. 250 et s.).
A la périphérie du monde grec antique, la Macédoine mène une vie à l’écart
des conflits plus au sud. Ce n’est que progressivement que la Macédoine
acquiert un certain poids dans les affaires grecques.
Le catalogue souligne l’importance des réformes apportées à l’armée par
Philippe II puis par Alexandre III avec notamment la création de la
redoutable phalange macédonienne qui allait rapidement faire parler d’elle
sur les champs de bataille. L’équipement suit bien entendu ces évolutions
comme il sera possible de le remarquer dans les nombreuses pièces décrites
dans cette section et exposées au Louvre. C’est évidemment l’âge d’or avec
le développement des trois grands centres macédoniens avec leurs palais et
leurs nécropoles dont la parure de « la Dame d’Aigai » témoigne la splendeur
et la richesse.
C’est également au chapitre consacré au royaume de Macédoine à l’époque
hellénistique qu’il faudra également accorder toute son attention. La gloire
et la fascination pour l’empire conquis si brillamment et en si peu de temps
firent du trône de Macédoine l’objet de toutes les convoitises pour ce seul
legs, et ce jusqu’à la domination romaine en 168 av J.-C.
Cette riche publication consacre également de longs développements à la
société macédonienne aux époques classiques et hellénistiques permettant de
mieux comprendre les objets du quotidien présentés dans l’exposition. Les
arts et les croyances au temps des Macédoniens font également l’objet de
synthèses éclairantes avant de conclure sur la Macédoine romaine, dernier
reflet du mythe d’Alexandre et de son empire, repris de manière bien habile
par le nouveau conquérant romain !
____ Notre chronique de
l'exposition ____
« Ecrire la
Sculpture de l’Antiquité à Louise Bourgeois » Sophie Mouquin, Claire
Barbillon, Citadelles & Mazenod Editions, 2011.
La main de l’artiste et la main de celui qui écrit ont souvent été
confondues dans l’histoire de l’humanité. Que le calligraphe élabore ses
volutes ou que le maître zen souligne par quelques traits la vacuité du
monde, l’écriture se fait dessin et le dessin, écriture. Graphein en
grec ancien renvoie à l’idée de faire des entailles, graver des caractères,
évoquant ainsi un lien indissociable entre écriture et représentation
visuelle. Pour Paul Klee, écrire et dessiner signifiait la même réalité. On
dira souvent d’ailleurs d’un artiste créant une icône qu’il l’écrit et non
qu’il la peint. Qu’en est-il alors des liens qui unissent sculpture et
écriture ? Si la peinture a nourri une riche tradition avec la littérature,
la sculpture a-t-elle profité des mêmes attentions ?
La pratique de la rhétorique antique a souligné dès l’empire romain, avec l’ekphrasis,
l’idée d’un discours qui permettrait de dégager une certaine représentation
visuelle de ce qui est évoqué. Il va sans dire que cette pratique a non
seulement influencé la peinture, mais également la sculpture avec, par
exemple, les descriptions de Callistrate sur la statuaire grecque classique.
Ces différents niveaux de discours (celui de l’artiste créant la sculpture,
et celui de l’écrivain décrivant l’œuvre) iront en complexité croissante si
l’on songe aux commentaires pratiqués par les humanistes de la Renaissance
tel Blaise de Vigenère lors de traduction de l’œuvre du même Callistrate.
Ces enchevêtrements de représentations tissent un tissu si serré que l’œuvre
se confond avec le verbe qui les décrit, maillage inextricable qui parfois
dépasse la « réalité » lorsque l’œuvre décrite n’a dans certains cas
peut-être même jamais existé ! (cf notre chronique de
l’ouvrage de Blaise de Vigenère récemment paru aux Éditions La Bibliothèque,
«La Description de Callistrate de quelques statues antiques tant de
marbre comme de bronze (1602) », ainsi que l’interview d’Aline
Magnien responsable de cette nouvelle édition)
Nos contemporains auront donc fort à faire avec cette très belle réalisation
de Sophie Mouquin et Claire Barbillon, toutes deux universitaires en
Histoire de l’art. L’ouvrage est monumental non seulement par son
iconographie exceptionnelle (350 illustrations couleurs dans un format 350 x
290), mais surtout dans la manière où celle-ci a été mise en rapport avec
les textes des plus grands écrivains et essayistes. Car l’acte d’écrire sur
la sculpture ne va pas de soi, contrairement aux nombreux textes inspirés
par la peinture. Par son emprise particulière dans l’espace, le fait qu’elle
ne puisse être appréhendée comme une page d’un livre ou d’un tableau, la
sculpture a besoin de se « dérouler » pour livrer un dialogue avec celui qui
la regarde. Il suffit d’observer dans un musée les visiteurs « abordant »
une sculpture pour relever que l’angle peut être intime en approchant
l’œuvre de côté ou bien encore l’abord peut-être audacieux avec un face à
face hardi pour les plus téméraires, choc qui cède souvent à l’esquive et à
la souplesse du regard dans un second temps… Cette particularité de la
sculpture a ainsi nourri un dialogue bien particulier, en témoignent les
textes ici fort à propos réunis. Le lecteur pourra également à ravir se
délecter des propos introductifs des deux auteurs qui offrent une belle
invitation aux rapports complexes de l’écriture et de la sculpture.
Par la suite, c’est au fil des pages, de manière chronologique de
l’Antiquité à Louise Bourgeois ou au contraire de manière « désordonnée »
que certains goûteront le texte de Rudolf Wittkower sur la sculpture de
Franz Xaver Messerschmidt qui « n’avait jamais douté un instant de
l’existence effective des esprits » ! Ce lecteur pourra encore rêver à
cette « Main de Dieu » d’Auguste Rodin avec le texte de Rainer Maria Rilke
sur ces mêmes mains sculptées par l’artiste, et nous savons la profonde
admiration portée par le poète au grand sculpteur…
Le chemin est pluriel, chacun pourra faire sa lecture du rapport entre la
chaleur du marbre ou de la pierre et les entrelacs dessinés par l’écriture,
nous entrons alors dans un monde bien particulier, un peu secret, dont il
sera difficile de ressortir avec cette très belle édition !
Auteur(s) : Sophie Mouquin, Claire Barbillon
Date parution : 04/04/2011
Dimensions : 350 x 290
Editeur : Citadelles & Mazenod
Format : Ouvrage relié semi toilé sous coffret illustré
Langue : Français
Nombre de pages : 512
Technique(s) : 350 illustrations couleurs
Les auteurs : Sophie Mouquin est maître de Conférences en Histoire de l’art
moderne à l’Université Charles de Gaulle Lille III. Lauréate en 2004 du Prix
Nicole (CFHA) puis de la bourse Focillon (CFHA et Yale University) en 2007,
elle est l’auteur d’ouvrages sur l’ébéniste Pierre IV Migeon, 1696-1758
(2001), sur le Style Louis XV (2003) mais aussi d’articles sur les marbres
de la Couronne. Claire Barbillon est maître de conférences à l’université de
Paris-Ouest Nanterre La Défense et directrice des études de l’Ecole du
Louvre. Spécialiste de l’histoire de la sculpture du XIXe siècle, elle est
l’auteur des Canons du corps humain au XIXe siècle. L’art et la règle
(2004), et a contribué au catalogue de l’exposition Oublier Rodin ? La
sculpture à Paris 1905-1914 (2009) ainsi qu’à l’ouvrage La Mémoire à
l’œuvre. Les archives Antoine Bourdelle (2009).
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MUSIQUE |
Delphine Grivel « Maurice Denis et la musique » Editions Symétrie, 2011.
Maurice Denis a nourri un rapport très étroit à la musique, comme en
témoigne toute son œuvre. L’étude particulièrement détaillée de Delphine
Grival parue aux éditions Symétrie débute par un beau témoignage
emblématique de ces liens. L’organiste Marie-Claire Alain, sœur du
compositeur Jehan Alain, évoque en effet ses souvenirs alors qu’elle se
rendait, petite fille, avec toute sa famille au Prieuré de
Saint-Germain-en-Laye (actuel musée Maurice Denis) rendre visite à la
famille de Maurice Denis pour y jouer de la musique et y suivre les offices
à la chapelle. Ces réminiscences montrent avec quelle spontanéité la musique
côtoyait les autres arts, en accord parfait avec le sacré, omniprésent chez
le peintre.
Maurice Denis aura très tôt un goût marqué pour la musique, et les affinités
qu’il tissera avec d’autres peintres, les fameux nabis, laisseront toujours
une large place à la musique jusqu’au début du XX° siècle, date à laquelle
le groupe se séparera. Si Maurice Denis ne jouait d’aucun instrument, il
semble qu’il connaissait suffisamment la musique pour savoir la déchiffrer.
Très rapidement, il nouera des liens très étroits avec les grands musiciens
de son époque. C’est chez Henry Lerolle, qui apprécie sa peinture, qu’il
rencontrera, non seulement des écrivains (Claudel, Mallarmé, Gide…), des
peintres (Renoir, Degas…), mais également des musiciens de renom tels que :
Claude Debussy, Pau Dukas, Vincent d’Indy.
Il faut imaginer ces salons où les musiques de Beethoven et de Chopin
étaient interprétées sous les doigts d’Alfred Cortot ! C’est également par
l’intermédiaire du même Henry Lerolle que Maurice Denis fit la connaissance
d’Ernest Chausson dont il deviendra très proche.
L’appétit musical du peintre est insatiable et il découvrira les grandes
œuvres de son temps à l’opéra ou dans les salles de concert qu’il visite
assidument. Ce sera pour lui l’occasion de multiples sources d’inspirations
dont les prémisses seront souvent notées dans son précieux Journal. La
musique accompagnera le musicien jusqu’à ses funérailles puisque
Marie-Claire Alain se souvient d’avoir joué elle-même à son enterrement
l’émouvant choral de Bach, Herzlich tut mich Verlangen BWV 727, une
pièce d’Albert Alain, son père, et le profond Troisième Choral de
César Franck que Maurice Denis aimait tant…
Cette très belle étude consacre également de longs développements sur la
musique dans l’œuvre de Maurice Denis et c’est avec ces pages que le lecteur
prendra conscience des rapports intimes entretenus par les deux arts chez le
peintre. Que l’on pense à la frise de la Coupole du Théâtre des
Champs-Élysées ou au panneau « La musique sacrée » décorant la
galerie latérale du théâtre du palais de Chaillot, œuvres dans lesquelles
peinture et musique entretiennent un discours que Maurice Denis a su
percevoir et suggérer dans ses toiles. Tout cela est bien entendu fait avec
grâce et discrétion, mais ces échanges prennent vie dans ses toiles comme
celle intitulée « Le Miracle » de la Légende de saint Hubert réalisée
en 1897 où les sons des trompes de chasse ne cessent de résonner dans la
forêt éclairée par l’apparition du sacré. Cette musique peut également se
faire cantate lors d’un concert d’un « Soir florentin ». La danse,
indissociable de la musique, est également omniprésente dans l’œuvre de
Maurice Denis et il n’est pas rare d’apercevoir dans de nombreuses toiles
des danseuses rythmer de leurs pas légers les accords esquissés par Maurice
Denis…
Ce rapprochement entre musique et peinture à partir de l’œuvre de Maurice
Denis ouvre de nombreuses perspectives, non seulement aux chercheurs et aux
passionnés d’art, mais également à tous les mélomanes. Ce livre démontre en
effet que tout le travail de l’artiste dépasse largement les catégories
académiques en cherchant à appréhender une « réalité » au-delà de toutes
frontières. L’œil de Maurice Denis peut être musique, de même qu’il perçoit
et parvient à rendre le mouvement de toute chose dans ses toiles. Sa quête
de l’absolu justifie sans doute de tels rapprochements et cet ouvrage
permettra d’en apprécier les manifestations dans toute leur étendue ! |
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Berlioz, textes et contextes, édité sous la direction de Joël-Marie
Fauquet, Catherine Massip et Cécile Reynaud,
Société française de
musicologie (distribution
Editions Symétrie), 2011.
A l’image de Franz Liszt, Hector Berlioz a nourri un rapport intime entre
l’écriture et la musique, les écrits et la composition musicale. Le présent
volume rassemble les contributions d’un colloque tenu en 2003 sur ce rapport
bien particulier du musicien à un univers littéraire qui nourrissait
intimement ses compositions. Comme le relèvent les auteurs de l’introduction
à ce livre, Berlioz était un écrivain né, et c’est bien plus dans les
arcanes de ces liens étroits qu’il faut chercher le processus de créativité
du musicien que dans des impulsions dues à une vie survoltée. Son ami,
Heinrich Heine lui-même, s’était trompé sur le compte de Berlioz, au grand
désespoir de ce dernier, en ne voyant dans la production du musicien que
d’énormes monstruosités, un fantastique qui prédominait et autres «
impossibilités entassées ». Plus profonde qu’il n’y parait,
l’inspiration du musicien semble avoir été très largement associée à une
insatiable soif de lectures, multiples et diverses et qui influenceront
l’écriture de nombreuses compositions à différents niveaux. Berlioz est en
effet un grand lecteur. A l’image de Mishima troublé par le tableau du
martyre de saint Sébastien peint par Guido Reni, Berlioz, encore adolescent,
doit interrompre sa lecture de l’Enéide au moment du suicide de Didon,
tellement l’émotion était forte. Goethe bien entendu sera une révélation
avec son Faust, et Shakespeare le foudroiera selon ses propres termes : «
Son éclair, en m’ouvrant le ciel de l’art avec un fracas sublime, m’en
illumina les plus lointaines profondeurs. Je reconnus la vraie grandeur, la
vraie beauté, la vraie vérité dramatiques. »
Et, en écrivain exigeant, lorsqu’il trouvera trop faibles les livrets sur
lesquels il devait composer, il n’hésitera pas à les réécrire lui-même,
manifestant dans cet art un talent souligné par la recherche musicale
actuelle.
Cette écriture n’est-elle que relative et dépendante des compositions
musicales de Berlioz ou alors ses nombreux textes et écrits ont-ils une
valeur indépendante qui les rendrait accessibles à un public autre que celui
des salles de concert ? La force de la narration tient avant tout dans sa
présence rythmique, une pulsation qui anime directement les textes, au-delà
des contenus, comme le souligne une des contributions de ce volume d’études.
Berlioz apparaît ainsi à la lecture de ces nombreuses et riches
contributions sous un jour nouveau, bien plus « rationnel » que l’on a
l’habitude de le considérer. Il est un homme de son temps, les sciences
physiques ont suscité son intérêt, et il pose de la même manière un regard
éclairé sur les grandes questions esthétiques de son temps, battant ainsi en
brèche l’image surfaite d’un Berlioz impulsif. Flaubert avait recommandé en
termes éloquents à Maupassant de lire la Correspondance du musicien, après
lecture de ces actes du colloque, nous comprenons mieux pour quelles raisons
! |
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Anne Boissière « La pensée musicale de Theodor W. Adorno, l’épique et le
temps » Beauchesne éditions, 2011.
Anne Boissière s’attache dans la présente étude à un personnage qu’elle
connaît bien pour lui avoir consacré une thèse ainsi que de nombreuses
analyses, Théodore W. Adorno. C’est sous l’angle de ses écrits musicaux que
l’universitaire place l’analyse de cet ouvrage en posant deux questions
essentielles qui vont structurer sa recherche : quelle articulation mettre
en évidence entre philosophie et musique ? Et de quelle musique peut-il être
question, quel objet d’analyse ? L’auteur souligne, en premier lieu, une
lacune cruelle dans les nombreuses études pourtant réalisées sur le
philosophe de l’Ecole de Francfort depuis sa disparition en 1969, dans
lesquelles la place de la philosophie est quasiment écartée de l’analyse des
écrits musicaux d’Adorno. Le fait même de résoudre dans la question de
l’esthétique, le rapport entre musique et esthétique doit être remis en
cause selon l’auteur. Tout d’abord parce que Adorno n’a pas conçu
l’esthétique comme un domaine de la philosophie, mais également, parce que
le philosophe n’estimait pas que la philosophie pouvait subsumer l’art. Il
ne saurait donc être question d’une sphère séparée chez Adorno. Il faut
donc, selon Anne Boissière, relire sous l’angle de la philosophie les écrits
musicaux d’Adorno. C’est à partir d’une philosophie du concret et développée
dans le livre consacré par le philosophe à Gustav Mahler qu’il faut
appréhender cette pensée d’Adorno, une pensée du temps et de la narration où
prennent place Georg Lukacs, Walter Benjamin ou encore Bertolt Brecht. C’est
ainsi une théorie ayant pour « théâtre l’expérience de l’objet esthétique »
qui aura sa préférence. Adorno ne souhaite plus philosopher sur le concret,
mais à partir de lui, démarche reprise par Anne Boissière dans cette
brillante étude en analysant les écrits musicaux du philosophe, en fonction
de cette exigence philosophique du concret. Il ressort de cette analyse
exigeante que la catégorie de l’ « épique », entre musique et philosophie,
porte tout l’édifice d’une théorie tournée vers le concret, une conception
où pointe « l’archaïque tristesse de la musique », une tristesse qui donne à
la physionomie musicale d’Adorno « celle d’un visage, humidifié par les
larmes, qui ainsi s’isole du monde »…
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« Guide des genres de la musique occidentale » Eugène de Montalembert et
Claude Abromont, Coll. Les Indispensables de la musique, Fayard, 2010.
Voici une somme au sens noble du terme que tout mélomane devra faire sienne
dans sa bibliothèque consacrée à la musique ! Le Guide des genres de la
musique occidentale n’est en effet pas un dictionnaire de plus, plus ou
moins consultable ou consulté. Il s’agit bien plutôt d’un véritable traité
organisé en plus de 300 entrées (331 exactement) couvrant les principaux
genres de la musique occidentale. Qu’il s’agisse de la forme concertante,
vocale ou de la musique religieuse, la richesse du domaine concerné exigeait
une synthèse à la fois facile d’accès (la table des matières est
particulièrement détaillée) et en même temps allant au fond des choses.
C’est chose faite ! Le lecteur aura plaisir à trouver une entrée lui
indiquant l’essentiel grâce à une définition d’une page, définition pouvant
être développée par la suite au gré de chacun par les multiples divisions
qui suivent. La recherche est savante et le style très accessible, chose
rare dans ce domaine aussi le curieux aura plaisir à flâner d’une page à
l’autre et aura le bonheur de faire de nombreuses découvertes : ainsi, la
lauda n’aura plus de secret pour le mélomane qui saura faire la
distinction entre la forme monodique et polyphonique et son évolution au fil
des siècles…
Les auteurs avouent humblement dans la présentation du livre qu’ils ont eu
l’envie d’écrire ce guide non pas en raison de leur savoir, mais de leur
grande envie d’apprendre. Il ne fait nul doute que cette démarche sera
communicative et inspirera tous celles et ceux qui auront l’heureuse
initiative d’acquérir ce Guide des genres de la musique occidentale ! |
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Bruno Moysan « Liszt – virtuose subversif » Editions Symétrie, 2009.
Bruno Moysan a choisi un angle particulièrement original pour ce dernier
ouvrage paru aux éditions Symétrie. À mi-chemin entre art et politique, cet
universitaire qui enseigne à Sciences Po analyse dans cette brillante étude
les fonctions rhétoriques de l’œuvre de Liszt, artiste que l’on a trop
longtemps réduit à celui d’un virtuose « amuseur public ». C’est justement
au cœur de sa carrière de grand virtuose du piano (certaines de ses œuvres
restent encore plus que difficiles à un grand nombre de pianistes
chevronnés) – sur ces années 1830-1848 – que porte l’analyse de Bruno Moysan
et ses recherches concernent principalement la forme de la fantaisie, genre
particulièrement présent chez Liszt dans son rôle de promotion des grands
compositeurs. Liszt a, en effet, toujours défendu les oeuvres d’un grand
nombre de ses contemporains et la fantaisie sur des airs d’opéra était le
moyen idéal de faire partager ces œuvres au plus grand nombre. Il suffit
pour s’en convaincre d’écouter les réminiscences de Lucia di Lammermoor de
Donizetti, la Symphonie fantastique de Berlioz ou les Réminiscences de Don
Juan de Mozart transcrites par Liszt.
Ces magnifiques reconstructions participent d’une idée plus générale chez le
grand virtuose, idée sur le rôle de l’artiste dans la société de son temps
que Bruno Moysan passe au filtre serré d’une analyse sur les circuits du
langage. D’amuseur, le musicien se transforme à l’insu du plus grand nombre
en acteur subversif du discours social en matière d’art. Il est assez rare,
pour ne pas dire unique, de proposer un tel regard sur l’œuvre de Liszt, et
cet ouvrage très complet devrait tout autant passionner les mélomanes
avertis que les passionnés d’histoire du XIX° siècle. |
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Lettres de compositeurs à Camille Saint-Saëns, présentées et annotées par
Eurydice Jousse et Yves Gérard, Editions Symétrie, 2009.
La correspondance a toujours eu un rôle déterminant dans les arts et les
lettres. Sa place et son rôle dans la vie de Camille Saint-Saëns est une
belle illustration de ce qu’elle peut apporter comme témoignages, parfois
spontanés, souvent plus travaillés, dans le rapport entretenu par le
musicien avec ses collègues et amis compositeurs. La masse de
correspondances (10.000 lettres au moins) conservées au musée de Dieppe est
impressionnante ; Saint-Saëns avouait lui-même « vous avez toute raison
de trouver ma correspondance formidable, et pourtant vous n’en voyez qu’une
faible partie ; la presque totalité disparaît dans les flammes et dans
l’oubli… »
Les grands noms côtoient des compositeurs moins connus, mais dont les idées
offrent un regard original sur l’univers musical de la fin du XIX° et du
début du XX° siècle.
Ainsi, Georges Bizet avoue de manière bien familière : « Mille
compliments cher vieux. Je regrette de n’avoir pas concouru. J’aurai eu
l’honneur d’être battu par toi. » Il s’avère que ce même Bizet avait en
fait participé au concours sous un pseudonyme et avait été éliminé à la
troisième lecture sans révéler sa véritable identité… Une correspondance
d’Emmanuel Chabrier (ref 59) dévoile les arrières cours peu reluisantes des
concours de musique de l’époque où le favoritisme règne en maître ! La
lecture des lettres de Paul Dukas adressées à Saint-Saëns vaut le détour
pour leur humour, sous les drapeaux ; Dukas avoue : « J’ai une extinction
de voix ; en dépit d’un rhume, il me faut en qualité de caporal, hurler
toute la journée pour faire pivoter une escouade. Au fond, c’est bête, mais
ça m’amuse. Du moins, ça me change, et puis c’est une préparation aux
répétitions de l’opéra ! » La correspondance nourrie avec Charles Gounod
laisse deviner la profonde amitié qui réunissait les deux hommes : « Mon
cher petit grand Camille, c’est mon cœur, tu le sais, qui te donne la
première de ces deux épithètes, et mon vote qui t’adresse la seconde… ».
La lecture des lettres adressées par Franz Liszt à Saint-Saëns témoigne de
l’estime de celui qui fut toujours l’ami et le soutien des plus grands
musiciens. Liszt applaudit sans réserve le second concerto, puis la Messe
qu’il juge admirable et sans comparaison parmi les œuvres contemporaines
avec une analyse développée en direct dans le cœur de la lettre même…
Ce travail scientifique constitue bien entendu un outil de référence
indispensable au chercheur et à tout musicologue, mais il est avant tout un
beau voyage dans un univers où les petits riens de la vie des musiciens de
cette époque éclairent encore plus les grands moments de leurs créations. |
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Gustav Mahler « A tout jamais » Lieder sur des poèmes du Cor enchanté de
l’enfant, de Friedrich Rückert, Mong-Kao-Jen et Wang-Wei, enregistrés par Bo
Skovhus (baryton) et Stefan Vladar (piano), livre + CD, La Dogana, 2009.
Lorsque la poésie et la musique
s’accordent et livrent leurs plus beaux chants, nous sommes dans
l’antichambre de la nature où les contraires se réduisent pour n’exprimer
que l’excellence et l’innocence. L’innocence de l’enfant est un thème de
prédilection chez Gustav Mahler qui trouvera une résonance dans toute sa
musique en raison d’une enfance difficile déchirée par la mésentente de ses
parents. L’univers à la fois onirique et naïf d’un quotidien hérité des
vieilles traditions germaniques qui inspire ces poèmes du Cor enchanté de
l’enfant forme l’espace préservé de cette candeur dans laquelle se
réfugie l’enfant spontanément. Mahler suivra cette voie toute sa vie marquée
par les évènements tragiques que l’on connaît avec la perte de sa fille
aimée, Anna, sa maladie cardiaque et la perte de son emploi à Vienne la même
année…
Jean Starobinski souligne dans le texte
accompagnant le disque que Mahler a été une des inspirations du poète Pierre
Jean Jouve qui avouait que « le poète en moi a toujours envié les
musiciens » pour cette rare faculté qu’a le discours musical d’étendre
au-delà des notes les horizons ouverts… Mais la poésie inspire-elle aussi le
musicien, et par un généreux retour, retrouve vie chez le poète tissant
ainsi un lien inextricable dont le présent enregistrement est une belle
illustration. Bo Skovhus offre sa belle voix de baryton aux poèmes du Cor
enchanté dans une générosité qui sait magnifier la joie de la candeur
amoureuse, avec le si beau lied « Liebst du um Schönheit ». Le chant
parvient également à faire partager la gravité des instants tragiques avec,
par exemple, ce coucou tombé raide mort d’un saule dont seul le rossignol
saura prendre la relève (« Ablösung im Sommer »). Cet accord parfait
entre la poésie, le chant et le piano offrira des instants rares accentués
par le plaisir de lire des textes de qualité qui invitent à la poésie et à
la rêverie...
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«
Musique, théologie et sacré, d’Oresme à Erasme » ouvrage collectif sous la
direction de Annie Coeurdevey et Philippe Vendrix, Ambronay Editions, 2009.
Musique et sacralité ont entretenu des liens
indissociables depuis la plus haute antiquité, liens renforcés par une
longue tradition héritée du Moyen-Âge et ce jusqu’à l’aube de la
renaissance. D’Oresme à Erasme vont ainsi se succéder d’intenses débats
théoriques sur les rapports entre musique et sacré, faisant intervenir des
interrogations tout autant théologiques qu’artistiques. Ces questionnements
étonneront le lecteur du XXI° siècle trop souvent coupé de ses racines
musicales où la musique des anges trouvait son écho dans la musique des
mortels ! Afin de mieux comprendre l’importance de ces enjeux souvent très
théoriques, ce collectif réalisé dans le cadre du programme Ricercar du
Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance de Tours a réuni les meilleurs
spécialistes de la question. Il s’agissait de mettre en évidence les
rapports complexes entre le fait de composer la musique et l’image de Dieu,
et, dans quelle mesure la pratique musicale relevait de la foi…
Dans la préface, Philippe Vendrix rappelle cette distinction entre l’oreille
externe et l’oreille interne, cette dernière pouvant seule entendre la
musique ineffable et indescriptible de Dieu. Il ne s’agit pas encore de
camouflage du sacré comme le relèvera Mircea Eliade pour le XX° siècle mais
plutôt d’une élévation de l’âme nécessaire à la perception divine. Tous
peuvent l’atteindre à condition de mettre son âme à l’écoute du divin.
L’ouvrage est exigeant comme l’était la musique et la théologie de ces temps
où l’humanisme concevait la société et son intelligence comme un tout. Il
est particulièrement réjouissant, avec un plaisir égoïste, de prendre
connaissance au XXI° siècle de ces débats qui la plupart du temps sont
étrangers au mélomane néophyte que nous sommes : lorsqu’un canon à douze
voix de Mathieu Gascongue par son nombre fait une référence symbolique à la
femme de l’Apocalypse, ou encore lorsque Walter Hilton note dans L’Echelle
de Perfection que : « Le corps n’est plus qu’un instrument et une
trompette de l’âme qui fait doucement retentir les louanges spirituelles de
Dieu »…
Ces études soulignent à la fois la richesse et l’ambiguïté des rapports de
la foi et de la musique, ambiguïté qu’avait déjà relevée saint Augustin qui,
alors même qu’il faisait référence à sa conversion au christianisme
intervenue en entendant chanter une voix d’enfant, soulignait en même temps
les risques d’une trop grande attache aux sens ! |
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« La musique » T. Benardeau et M. Pineau, collection
Repères Pratiques, Nathan, 2009.
Ce livre est destiné tout aussi bien aux étudiants
qu’à tous ceux souhaitant parfaire leurs connaissances musicales. Conçu de
manière pédagogique, l’ouvrage synthétise les grandes notions à connaître
sur la page de gauche alors que la page de droite développe un point précis
de ce contexte général. Ce guide qui fourmille de tableaux et de
représentations est véritablement conçu comme un aide-mémoire
particulièrement complet puisqu’il s’autorise non seulement des résumés
quant à l’histoire de la musique, mais développe également les musiques
extraeuropéennes, et ce, en 160 pages !
Véritable guide didactique pouvant être emporté partout avec soi, il devrait
offrir de précieux services à tout à chacun pour une révision en douceur de
la culture musicale…
A noter dans la
même collection et dans le même esprit : « La Peinture » ouvrage conçu par
F. Giboulet et M. Mengelle-Barilleau |
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Henri Rabaud « Correspondance et écrits de jeunesse »
présentés et annotés par Michel Rabaud, Palazzetto Bru Zane & SYMETRIE
Editions, 2009.
Aux mélomanes qui ne connaîtraient pas encore le nom du compositeur français
Henri Rabaud (1873-1949), ce recueil volumineux de correspondances devrait
apporter un éclairage intéressant sur une figure qui vécut trop souvent à
l’ombre de Debussy et de Ravel. Benoît Duteurtre rappelle dans sa préface
que le nom d’Henri Rabaud évoque au moins deux souvenirs : en premier lieu,
celui de Mârouf, savetier du Caire, un opéra-comique dont certains airs
encore sont connus, soixante ans après sa mort. En second lieu, c’est la
direction du Conservatoire pendant l’entre-deux-guerres qui marquera les
esprits avec la révélation de grands solistes et compositeurs (Messiaen,
Dutilleux…).
Mais avant d’être un personnage incontournable du paysage musical français,
Henri Rabaud est avant tout un esprit créateur ouvert à de nouveaux horizons
et un amoureux des débats intellectuels, la première partie de sa riche
correspondance en témoigne. Dans ses lettres à Daniel Halévy, le jeune homme
s’enflamme pour tout ce qui est plaisir à l’esprit. Il n’hésite pas à
revenir sur les raisons qui l’ont poussé à critiquer « Lohengrin », opéra
qu’il n’hésite pas à qualifier de meyerbeerien…
Sa lettre du 13 septembre 1893 est révélatrice. Si Henri Rabaud n’hésite pas
à dire à son ami « … me voici enfin rentré, après avoir traîné mon corps
inutilement et sans raison d’Etretat au Havre, du Havre à Trouville, de là à
Houlgate, de là à Cabourg,…, Il n’y a eu qu’une chose de vraiment agréable
là-dedans : c’est mon séjour à Trouville. J’y ai découvert Jacques Bizet et
je ne l’ai plus quitté. (…) J’ai passé mes vacances à manger du Bach
(te rappelles-tu Gounod ?). Je n’ai mangé que deux morceaux ou trois petits
morceaux. Mais aussi je crois les avoir complètement digérés. »
Il n’y a pas que Bach qu’il digère, Corneille, Sophocle ou « les
souffrances du jeune Werther » de Goethe qu’il juge admirable, donnent
un exemple de sa frénésie intellectuelle. Songeons à cette période des
années 1890-1900 où tant de courants émergent dans la musique française.
C’est dans ce bouillonnement d’idées et d’émotions artistiques que ces
lettres à Daniel Halévy ou Max d’Ollone ont été écrites et constituent pour
nos contemporains un formidable témoignage de la modernité de cette fin de
siècle. |
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Hugo Wolf « Le Tombeau d’Anacréon » choix de lieder sur des
poèmes de Goethe, Mörike, Eichendorff, Byron et Keller enregistrés par
Angelika Kirchschlager (mezzo-soprano) et Helmut Deutsch (piano), CD +
Livre, La Dogana.
Comment parler de ce livre-disque ou de ce
disque-livre après les si belles paroles de Florian Rodari sur la voix et
l’envol ? Le texte particulièrement délicat qui ouvre un petit recueil à
l’esthétique digne des autres publications des éditions La Dogana amène
idéalement le mélomane à une réflexion sur la voix et les liens étroits
entre ce don éternel et toutes les autres émotions qu’elle suscite. L’écrin
sobre de couleur ambre de la reliure invite au bonheur du bel objet que le
lecteur a plaisir à tenir entre ses mains. Le
CD qui accompagne le livre est de même couleur, témoin d’un goût assuré !
L’habit ne fait pas le moine mais il y
contribue… La qualité des textes, la poésie omniprésente alors que les
commentaires sur la musique sont plus souvent d’ordre musicologique ou
organologique, la beauté enfin des enregistrements, tout encourage à lire en
écoutant un jour, pour inverser l’ordre le lendemain.
Ce recueil intitulé « Le tombeau
d’Anacréon » est un choix de lieder sur des poèmes de Goethe, Mörike,
Eichendorff, Byron et Keller. La poésie et la musique, la voix sublime de la
mezzo-soprano Angelika Kirchschlager et le piano émouvant d’Helmut Deutsch
offrent autant d’émotions artistiques accélérées par l’intimité de la forme
musicale. La voix, l’instrument, la poésie composent un trio qui réclame une
quatrième entité pour un plaisir partagé : pourquoi pas vous ?
Robert Schumann « L’amour et la vie d’une femme » choix de
lieder sur des poèmes de Chamisso, Goethe, Marie Stuart, Heine, Rückert,
Mörike, Eichendorff, enregistrés par Angelika Kirchschlager (mezzo-soprano)
et Helmut Deutsch (piano), CD + Livre, La Dogana.
Le romantisme ne saurait occulter la
figure de Robert Schumann, poète et amoureux de la belle Clara Wieck, la
fille de son maître qui deviendra des années plus tard la fameuse Clara
Schumann… Mais il faudra subir avant les foudres du père possessif qui ne
souhaite pas voir partir sa protégée au bras de son élève. Interdisant tout
contact, Wieck sépare les deux amants. Suivra une période sombre et
désespérée pour Robert Schumann, période qui sera l’humus des plus belles
œuvres pour piano. La période qui suivra verra le bonheur enfin poindre avec
son union avec Clara. A partir de cette date heureuse, Schumann compose de
nombreux lieder exprimant son amour de la musique et de la poésie réunies à
l’image des deux amants enfin unis. Le titre de l’opus 42 de Robert Schumann
s’intitule donc Frauenliebe und leben. Cet amour et la vie d’une
femme sont au cœur du génie créateur du compositeur. Ils forment un tissage
complexe parfois uni d’autrefois désordonné. Les amoureux de la musique de
Schumann savent combien l’amour est au cœur de nombreuses œuvres de
l’artiste qui mourra fou, enfermé dans un asile mais dans les bras de son
épouse qui pour rien au monde n’aurait échangé sa dernière étreinte.
L’amour sublimé par la poésie et par la
musique se décline en un arc en ciel d’émotions : l’amour passion avec la
première rencontre (poème de A. von Chamiso), l’amour contrarié avec Goethe
ou l’amour tragique avec Heine…
L’interprétation d’Angelika Kirchschlager
est redoutable : habitée littéralement par la poésie et la musique, le thème
de ce recueil lui sied à merveille !
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Sciences |
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Trinh Xuan Thuan "Dictionnaire amoureux du
Ciel et des Etoiles" Editions PLON / FAYARD, 2009.
Trinh Xuan
Thuan a réussi ce pari extraordinaire de rendre l'astrophysique et les
origines de notre univers comme étant une mélodie familière à nos oreilles
! Le célèbre astrophysicien d'origine vietnamienne, professeur
d'Astronomie à l'Université de Virginie à Charlottesville, est également
un francophone convaincu puisqu'il partage sa vie
entre les Etats-Unis et la France. Il est auteur de nombreux ouvrages de
vulgarisation en français sur l'Univers et les questions philosophiques
qu'il pose.
Thuan est également chercheur à l'Institut d'Astrophysique de Paris.
Rencontre avec un grand scientifique, mais également avec un troubadour de
l'immensité galactique !
Retrouvez la suite de l'interview...
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Yves Coppens
« L’histoire de l’Homme » 22 ans d’Amphi au Collège de France (1983-2005),
Fayard.
C’est la synthèse de 22 ans de cours au
Collège de France d’Yves Coppens (voir notre interview) qui est réunie dans
ce dernier ouvrage. Après l’abbé Breuil, Teilhard de Chardin et
Leroi-Gourhan, Yves Coppens a en effet régulièrement proposé l’enseignement
d’un demi-siècle d’une passion, la paléoanthropologie, qu’il a grandement
contribué à faire connaître du grand public. Comment cette discipline
a-t-elle pu se développer au cours du XX° siècle, à l’aide de quelles
méthodes scientifiques et de leurs conséquences sur notre connaissance des
origines de l’homme,… toutes ces questions sont abordées dans ces leçons
réunies pour le plus grand plaisir du lecteur. |
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Lucas Salomon, Yann
Verchier « Le corbeau et le renard ou la gravitation du camembert, 25
morceaux de sciences poétiques » illustrations de Gilles Macagno, Editions
ELLIPSES, 2008.
Voici
une initiative inspirée et originale : favoriser la compréhension des
sciences grâce à la poésie, à moins que cela ne soit l’inverse ! A partir de
25 poèmes, ce recueil tente l’impossible, et c’est une réussite. Lisons par
exemple le poème du sonneur de Stéphane Mallarmé « Cependant que la
cloche éveille sa voix claire… »… Une fois l’admirable illustration de
Gilles Macagno découverte et la page tournée, nous pouvons suivre une
explication scientifique très pédagogique sur les différents processus qui
s’enclenchent à partir de la cloche martelée jusqu’à la propagation de son
dans nos oreilles et dans l’espace… Et la magie opère de nouveau avec les
coraux et les volcans, ou encore le fameux poème de Verlaine Chanson
d’automne « les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon
cœur d’une langueur monotone. » qui permet aux auteurs de très belles
digressions sur les feuilles d’automne et les saisons !
Un
ouvrage à recommander pour une lecture en famille… |
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« Le Grand Larousse du corps humain »
Collectif avec validation d’un comité scientifique, LAROUSSE, 2008.
Tout y
est ! Le corps humain est passé au crible de la tête aux pieds qu’il
s’agisse du squelette, des muscles, des nerfs, poils, peau ou ongles… Les
différents appareils sont également décrits dans ce travail remarquable
dressé par des consultants spécialisés : L’appareil digestif, urinaire,
respiratoire, génital,… sont décrits dans
le détail avec, pour chaque fonction l’ensemble de ses organes constitutifs,
cellules et molécules ! Vision macroscopique et microscopique sont
conjuguées afin de nous offrir une formidable exploration des arcanes de
notre corps. Le voyage est impressionnant et il est difficile de ne pas
imaginer toute la complexité qui se conjugue et s’associe pour nous offrir
chaque jour et chaque nuit tous les sens dont nous disposons…
Description détaillée et multiple iconographie :
▪ le
squelette,
▪ les
muscles et tendons,
▪ le
système nerveux,
▪ le
système endocrinien,
▪ le
système cardiovasculaire,
▪
l’appareil respiratoire,
▪ la
peau, les poils et les ongles,
▪ la
lymphe et le système immunitaire,
▪
l’appareil digestif,
▪
l’appareil urinaire,
▪
l’appareil génital et
la reproduction.
25,2 x 30,1 cm, 256 pages, 1 000
illustrations, cartonné.
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« Le Sacre de
l’Homme, Homo sapiens invente les civilisations » sous la direction de Jean
Guillaine et Yves Coppens, textes d’Isabelle Bourdial, photographies de
Patrick Glaize, DVD du film « Homo Sapiens » offert, 200 illustrations, 176
pages, FLAMMARION, 2007.
Très beau complément du dernier volet paru
de la grande épopée de l’espèce humaine sous la direction d’Yves COPPENS, le
livre « Le Sacre de l’Homme » devrait connaître un beau succès, à l’image du
DVD qui sort parallèlement. Yves COPPENS nous le rappelait dans l’interview
exclusive qu’il a accordée à notre Revue : le succès du documentaire
« L’Odyssée de l’espèce » a été au-delà de toute attente (voir l’interview
d’Yves Coppens). Rivalisant avec les scores de la coupe du monde de foot de
1998, le premier essai avait démontré qu’il était possible de réunir
beaucoup de monde autour d’un projet culturel.
Ce dernier ouvrage sous la direction de
Jean Guilaine et d’Yves Coppens nous fait entrer à une époque charnière de
notre évolution. Il y a 12 000 ans, le cerveau de l’homme est à la base de
comportements et de découvertes qui feront de lui l’être vivant doué de
l’intelligence la plus sophistiquée jusqu’à nos jours.
Avec un texte limpide et passionnant
d’Isabelle Bourdial, ce beau livre prend le relais du DVD et complète
parfaitement la magie de l’image. Une iconographie soignée illustre les
grandes étapes de la marche de Sapiens Sapiens vers la naissance de
notre civilisation. Découvrons la sédentarisation, étape cruciale,
accompagnée de l’agriculture et de l’architecture, mais aussi l’élevage et
le commerce,… L’homme prend conscience également du sacré avec la naissance
et la sophistication des premières religions. L’idée de transmission se
développe et par là même celle d’écriture qui aura la destinée que nous
connaissons. Il faudrait être de granit pour ne pas être ému par cet album
de notre propre famille, avec toutes ses qualités, mais aussi ses défauts
qui s’amplifieront tout autant. Oui, il est possible de dire avec cette
belle initiative que l’homme est véritablement l’acteur le plus marquant de
cette pièce jouée depuis 12 000 ans, une pièce qu’il a écrite, interprétée
et dont il se doit, aujourd’hui plus que jamais, d’assurer les
représentations futures.
RETROUVEZ YVES COPPENS DANS UNE INTERVIEW EXCLUSIVE ACCORDEE A LEXNEWS ! |
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Michel Brunet « D’Abel à Toumaï, Nomade chercheur d’os »
Editions Odile Jacob (2006)
Le titre
délibérément provocateur de l’ouvrage de Michel Brunet annonce le style du
livre : une démarche scientifique, une passion sans limites, une quête qui
n’a pas de frontières géographiques, le tout servi par un humour qui
n’hésite pas à emprunter à la dérision ! Michel Brunet est conscient de la
valeur de la démarche entreprise par lui, et son équipe, il y a plus de
quarante ans comme il le rappelle lui-même. Mais il n’hésite pas à rappeler
dans ces très belles pages, les moments de doute, de détresse et même de
peine dans les épreuves subies lors de ce parcours extraordinaire. Le grand
public ne perçoit souvent qu’au détour de quelques lignes le résultat final
d’une découverte de quelques morceaux d’os d’anciens hominidés, mais c’est
bien un parcours au long cours qui caractérise cette entreprise scientifique
qui ne peut être menée qu’en équipe mais avec un seul capitaine à bord,
Michel Brunet endossant parfaitement cette responsabilité. Découvrons avec
ce guide hors-pair les déserts africains, les difficultés du terrain qui ont
tant d’importance dans les découvertes ou les déconvenues. C’est à une
fantastique aventure humaine à laquelle nous invite l’auteur, avec ses
grandeurs mais aussi ses bassesses, parce que c’est avant tout l’homme qui
se regarde dans ce miroir lors de cette quête de notre origine…
RETROUVEZ MICHEL BRUNET DANS UNE INTERVIEW EXCLUSIVE ACCORDEE A LEXNEWS ! |
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Hubert REEVES « Chroniques des atomes et des
galaxies » Editions du Seuil, 2007.
Ce présent volume rassemble les chroniques
du célèbre astrophysicien données sur France Culture. Synthétiques et
pédagogiques, ces réflexions cherchent à rendre accessible la richesse de
l’univers sans pour autant en sous-estimer les complexités. L’astrophysique
est bien entendu l’invité d’honneur de ces petits textes passionnants mais
également la cosmologie, les textes proposés allant de l’infiniment grand à
l’infiniment petit, grâce à l’art de conteur du grand savant à barbe
blanche. Le Big Bang, la naissance de l’hydrogène, l’énergie quantique, les
pulsars, la vitesse de lumière n’auront plus de secret après lecture de ce
petit livre très bien fait et facile à lire. Hubert Reeves offre à notre
réflexion une série d’enseignements qui nous permettent de mieux aborder les
questions fondamentales sur l’origine de notre existence et de notre
univers, un univers que nous oublions trop souvent en ne regardant plus un
ciel de moins en moins étoilé dans nos villes et même nos campagnes !
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L.VINCENT :
« Comment devient-on amoureux ? », Paris, Éditions Odile Jacob Poches, 2006,
191 p. Et si
vous profitiez de ce bel été pour comprendre un état que l’on souhaite à
tout à chacun : « être amoureux ». Un joli programme, non ?
Dans cet
essai « Comment devient-on amoureux », paru chez Odile Jacob, Lucy
VINCENT, Docteur en neurosciences nous rappelle en effet que depuis moins de
20 ans, la science a progressé de manière spectaculaire dans le domaine de
la « biologie de l’état amoureux » pour reprendre les termes de l’auteur.
Et si
plus guère de personnes n’ignorent encore aujourd’hui qu’effectivement
derrière l’amour, même avec un grand A, c’est avant tout l’instinct exclusif
de reproduction et par là même de survie de l’espèce qui l’emporte, l’auteur
ne s’arrête cependant pas à cette seule donnée scientifique propre à casser
les illusions les plus passionnées ; Bien au contraire, Lucy VINCENT, avec
humour et tendresse, nous expose que l’état amoureux, si agréable soit il,
relève cependant d’une pure question d’hormones, de phéromones et de
neurotransmetteurs et que ce qui pousse deux personnes l’une vers l’autre ne
passe pas par la partie consciente du cerveau ; De quoi presque rassurer
ceux qui croient aux coups de foudre, si ce n’est….Si ce n’est le destin
génétique, car dans cette mission inscrite dans nos gènes, ce sont en fait
des molécules, des protéines, des enzymes captés par nos sens olfactif ou
phéromonal, deux sens bien distincts, qui influencent notre cerveau
cognitif, notre désir de l’autre. Bref, ne nous y trompons pas, tomber
amoureux relève de messages strictement chimiques, et l’ocytocine demeure le
filtre magique de l’état amoureux. Certes, ces messages seront transmis par
des signes corporels que l’on connaît ou croît connaître beaucoup mieux – de
là à les maîtriser ? – tels que le sourire, les yeux dans les yeux, sans
oublier le fatal baiser !
Mais si
être amoureux peut être une belle histoire, même chimique…, Lucy VINCENT
nous rappelle cependant que la suite n’est pas toujours aussi simple – on
s’en doutait un peu - et exige des efforts ; C’est en effet dans un style
clair et sans détours que l’auteur aborde également, se fondant sur de
nombreuses analyses et expériences scientifiques, les ennemis du couple, les
raisons qui font que l’on se quitte et celles pour lesquelles on ne se
quitte pas. L.VINCENT souligne d’ailleurs – ce qui rassurera ceux qui
ont plusieurs années de mariage derrière eux – qu’il demeure néanmoins, même
dans les couples les plus solides, toujours 10 sujets qui ne seront jamais
réglés. Reste cependant à s’entendre sur ces 10 sujets de désaccord !
Enfin, à
ceux qui auraient quelques craintes à se pencher sur un tel sujet de peur
qu’il ne perde de ses mystères, qu’ils se rassurent, être amoureux – qu’on
en connaisse ou non le processus – même si c’est chimique, même si c’est
biologique, c’est toujours plus fort que tout ; A vous de savoir si vous
succombez ou non aux neurosciences !
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Alan Cutler
"La montagne et le coquillage, comment Nicolas Sténon a remis en cause la
Bible et créé les sciences de la terre" JC Lattès.
Qui connaît aujourd'hui le nom de Nicolas
Sténon, né en 1638 au Danemark, en dehors des spécialistes de la géologie et
de l'histoire des sciences ? Et pourtant cet infatigable savant, réputé
pour ses études sur l'anatomie avant d'être appelé à la Cour des Médicis où
il commencera à déchiffrer les strates de l'écorce terrestre, est considéré
comme l'un des pères de la géologie moderne ! Celui qui sera canonisé par
Jean-Paul II en 1988, pourrait nourrir des milliers de pages et c'est tout
le mérite d'Alan Cutler que de nous offrir en moins de 300 pages un essai
passionnant sur l'un des figures emblématiques de ce XVII° siècle sans
laquelle la pensée scientifique n'aurait pas pu progresser aussi vite.
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Spiritualités |
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« Encyclopédie
des Mystiques rhénans - D’Eckhart à Nicolas de Cues et leur réception »
édition française par Marie-Anne Vannier, Editions
du Cerf, 2011.
Après l’ouvrage « Les mystiques rhénans, Eckhart, Tauler, Suso » que
nous avions présenté dans ces colonnes lors de sa sortie, voici une
encyclopédie réunissant pour la première fois les principaux courants de
cette même mystique rhénane. Cette vaste entreprise est le fruit d’une
étroite collaboration entre l’Allemagne et la France et permet au lecteur
d’avoir sous la main en un fort volume de plus de 1200 pages des entrées qui
seront précieuses non seulement aux chercheurs et aux enseignants, mais
également à l’honnête homme qui pourra les découvrir au gré de ses envies…
Prenons par exemple le thème si porteur de l’amour chez Eckhart et
nous aurons ainsi une vaste synthèse de plusieurs pages sur ce qui était
considéré chez le maître comme la plus haute puissance de l’âme. Cet amour
doit abandonner l’ego, l’amour propre pour ne retenir que le Verbe éternel.
Dieu est amour et s’est fait homme pour montrer à l’homme qu’avec la Passion
de son Fils, le don d’amour est absolu. Comment ne peut pas passer
immédiatement à l’entrée « Dieu » après une telle définition de
l’amour ! Dieu est bien entendu au cœur même des différents écrits
d’Eckhart. Nous apprenons ainsi le fin tissage des différents langages de la
théologie, de la métaphysique et de la mystique quant à ses analyses. De cet
écheveau ressortent les « paradigmes » de la Transcendance. C’est dans les
Commentaires latins de l’Ecriture que l’on pourra le mieux distinguer
la pensée d’Eckhart. Le célèbre mystique distinguera de manière déterminante
entre le Dieu de la tradition chrétienne et la Déité. Cette dernière est une
entité complexe qui renvoie à la profondeur de Dieu et ne saurait être
appréhendée par l’homme, même si ce dernier ne doit cesser de poursuivre sa
quête afin de tenter de percer cette inconnue vers le fond de l’être divin.
Si la présence de Nicolas de Cues, Jean Tauler ou encore Henri Suso dans de
nombreuses entrées n’étonnera pas, l’entrée consacrée à Jacques Derrida
pourra quant à elle surprendre, le philosophe n’étant pas connu pour être un
exégète assidu d’Eckhart ! Marie-Anne Vannier justifie de manière
intéressante le rapprochement possible entre la notion de déconstruction
propre à Derrida à celle du détachement du maître rhénan en démontrant que
les pensées sont plus proches que l’on pourrait croire et que certains
développements du philosophe du XX° siècle conduisent à cette idée proche
d’Eckhart que « personne ne peut parler de lui ni le comprendre » en parlant
de Dieu…
Le lecteur réalisera vite par-delà ces quelques exemples que ce vaste
travail collaboratif ouvre non seulement de vastes synthèses jamais réunies
en un seul volume jusqu’à présent, mais offre également de manière dynamique
des pistes de recherches et d’interrogations multiples sur cette matière
inépuisable.
A souligner l’iconographie réunie dans un carnet central de cette riche
encyclopédie ! Nous y découvrirons le cloître d’Erfurt où Eckhart fut prieur
et dut plus d’une fois méditer en laissant son regard vagabonder à l’ombre
de ses galeries… De nombreux documents d’archives relatent les bâtiments et
les témoignages de la vie de ces mystiques. |
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« Le gout de
l’excellence – quatre siècles d’éducation jésuite en France » par Philippe
Rocher, Beauchesne éditions, 2011.
L’éducation jésuite a, depuis, longtemps,
suscité les passions, soit pour l’exalter, soit au contraire pour la décrier
notamment depuis le tournant de la séparation de l’Église et de l’État en
France. Le livre de Philippe Rocher, spécialiste de la question, a le grand
avantage de dépasser ces querelles souvent stériles et qui se limitent à des
priori venant de personnes extérieures ou au contraire trop impliquées dans
ce qu’elles évoquent. Abordant cette riche thématique avec rigueur et
analyse, l’auteur nous propose de commencer la réflexion en partant des
bases, c'est-à-dire de la Ratio studiorum, titre abrégé du document
définissant les bases mêmes de l’enseignement jésuite (Ratio atque
Institutio Studiorum Societatis Iesu) élaboré à la fin du XVI° siècle.
Messine et Rome (la future Grégorienne) seront des lieux où les bases de cet
enseignement se constitueront, enseignement qui saura évoluer au fil des
siècles même si de nombreuses critiques regretteront un enseignement trop
littéraire. Mais avant tout, c’est de France dont il faut partir, et même
plus précisément encore de Paris, comme le rappelle Philippe Rocher.
L’éducation jésuite doit en effet son acte de naissance à la France. Ignace
de Loyola a déjà rédigé ses fameux Exercices lorsqu’il arrive à Paris
pour ses études. La Compagnie naitra d’un tout petit groupe de compagnons et
n’avait pas initialement de prétentions à l’extension qu’elle connaîtra par
la suite. C’est dans l’optique de former les nouvelles recrues que les
Jésuites vont alors étendre cette fonction pédagogique. Les critères de
formation seront, dès le départ, exigeants puisqu’ils reposaient sur la
propre expérience des fondateurs. Cette formation devait non seulement
bénéficier aux jeunes ayant une vocation au sacerdoce, mais également à tous
ceux qui entreraient dans la vie professionnelle active. Dans le même
esprit, toutes les couches de la société devaient pouvoir bénéficier de
cette éducation fondée sur l’excellence. C’est sur cette base invariable que
les différents collèges jésuites se développeront en France durant le XVII
et XVIII° siècle jusqu’à la date fatidique de 1762, date à laquelle la
Compagnie de Jésus sera interdite par le Parlement de Paris. La « Nouvelle
Compagnie » renaîtra de ses cendres avec la première Charte et devra
continuellement conjuguer le respect des fondamentaux à la base de la
Compagnie en même temps qu’accompagner les évolutions des époques
traversées. Cette adaptation, parfois subie, d’autre fois souhaitée, a ainsi
conduit à de nouvelles missions où s’expriment les qualités et le
savoir-faire hérités d’Ignace de Loyola et de ses successeurs. C’est cette
très belle aventure qui est retracée et analysée par Philippe Rocher dans
cet ouvrage, une aventure ignatienne qui se perpétue encore, faut-il le
rappeler, jour après jour, en notre XXI° siècle ! |
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Agenda 2012 Benoit XVI, Terra Mare et
Artège éditions, 2011. Nouvelle
année et nouvelle édition de l'agenda Benoît XVI. Cet agenda est devenu en
peu de temps un classique apprécié pour la gestion du temps sous le signe du
Saint-Père ! Un très beau bleu de France vient rappeler le 600e anniversaire
de la naissance de sainte Jeanne d'Arc, une sainte souvent évoquée par le
pape. «Vous êtes la lumière du monde. Osez devenir des saints ardents !
», telle est l'invocation de Benoît XVI pour cette nouvelle année,
encourageant ainsi tout à chacun à être des témoins engagés de leur foi,
sans peur, ni honte, à l'image des premiers chrétiens bravant l'adversité.
Chaque mois, un saint évoqué par Benoît XVI a été retenu, d'autres saints
sont également présents semaine après semaine, dans ce bel agenda toujours
illustré avec goût et esthétisme !
à noter qu'un euro est reversé à la Fondation Lejeune et à Enfants du
Mékong, pour chaque Agenda Benoît XVI 2012 vendu.
Direction éditoriale : Abbé Gabriel Grimaud et Grégoire Boucher
Editeurs : TerraMare et Artège
Date de parution : Novembre 2011
Nombre de pages : 176 pages
Format : 17 cm par 25 cm |
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Marie-Anne Vannier «
Les mystiques rhénans, Eckhart, Tauler, Suso » collection « L’apogée de la
mystique de l’église d’occident », Editions du Cerf, 2011.
La mystique est un concept relativement
récent au regard de l’histoire de l’église puisqu’il ne se distingue de la
théologie qui l’englobait jusqu’alors qu’à partir de la fin du XI° siècle
avec Bernard de Clairvaux. La mystique rhénane naîtra ainsi d’une théologie
bien spécifique avec Albert le Grand à Cologne au milieu du XIII° siècle.
Mais c’est essentiellement avec maître Eckhart que cette mystique se
caractérise autour d’une langue commune : le moyen haut allemand de la
vallée du Rhin. L’unité de l’âme avec Dieu est au cœur de cette intelligence
de la foi qui se veut « une expérience vécue » de Dieu selon Wolfgang
Stammler. Mais cela ne doit pas réduire la part importante prise par la
théologie et la connaissance de Dieu dans cette démarche : Eckhart
n’hésitera pas à se comparer à un second Paul sur le chemin de Damas,
réconciliant ainsi ces deux dimensions. Le présent ouvrage de Marie-Anne
Vannier dans la collection « L’apogée de la mystique de l’église d’occident
» aux éditions du Cerf est au cœur de cette pensée avec une sélection des
principaux textes de maître Eckhart, Jean Tauler et d’Henri Suso. Comme le
relève justement Marie-Anne Vannier, Eckhart est un auteur qui est actuel en
raison d’une pensée propice à un dialogue interreligieux. Il n’est ainsi pas
étonnant de constater un grand nombre d’éditions de ses écrits, non
seulement en langue allemande, mais également en français dans lequel nous
relevons régulièrement de nouvelles publications dans nos colonnes. L’auteur
souligne combien la recherche la plus récente a fait de nombreux progrès
quant à la connaissance de la biographie d’Eckhart. Un petit bémol est
cependant à souligner dans cette actualité du mystique rhénan, si le nom
d’Eckhart orne souvent les grands titres de la presse ou des rayons
d’ésotérisme, c’est la plupart du temps pour quelques lignes extraites de
ses fameux Sermons allemands dont se délectent les cercles du New Age et non
pour la profondeur de sa théologie dégagée de son expérience mystique. C’est
à une actualité bien plus profonde que nous invite Eckhart avec ces
différents textes réunis dans cette anthologie : l’instant d’éternité de
l’Incarnation si bien symbolisé par la reproduction en page centrale du
sceau de maître Eckhart montrant un Christ ressuscitant, un pied sorti du
tombeau tenant de la main gauche le bâton de pèlerin, signe de
l’évangélisation à poursuivre et adressant à l’humanité tout entière de la
main droite un geste de paix jusqu'au jugement dernier.
Cette anthologie est une première et permet de voir ainsi présenté en une
seule source un panorama particulièrement complet de trois auteurs majeurs
de cette mystique rhénane avec des introductions très détaillées pour chaque
auteur et une bibliographie complète. |
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Chantal et Paul Colonge
« Benoît XVI, la joie de croire » L’histoire à vif, éditions du Cerf, 2011.
Il manquait curieusement une biographie
engagée sur Josef Ratzinger, l’actuel pape Benoît XVI. Plus qu’un exercice
de style, les deux auteurs sont manifestement entrés au cœur même de la
personnalité de celui qui est devenu en 2005 le 265e successeur de Pierre.
Comment appréhender un parcours aussi riche et une personnalité beaucoup
plus fine et subtile que ce les caricatures ont tenté d’imposer dès son
élection le 19 avril 2005, après le long pontificat du pape surmédiatisé
Jean-Paul II ? Pour répondre à cette question, Chantal et Paul Colonge,
universitaires, sont allés à la rencontre de celles et ceux qui ont connu
Josef Ratzinger. L’ouvrage prend immédiatement un ton, sinon familier, tout
au moins intime avec une personnalité qui au fil des pages se découvre et
permet d’affiner bien des idées reçues.
Le livre n’hésite pas à repartir très loin dans les souvenirs d’enfance
telle cette touchante histoire d’ours en peluche offert pour Noël à la
grande émotion du tout jeune enfant dans ses premières années bavaroises à
Marktl am Inn. C’est surtout à Tittmoning que les souvenirs seront les plus
importants. La petite ville est à 30 kilomètres de Salzbourg, la ville de
son musicien préféré, l’incomparable Mozart. C’est dans cette ville que les
premiers souvenirs des grandes fêtes religieuses et l’importance de la
liturgie vont prendre racine chez le tout jeune enfant. Cette enfance sera
centrée autour des valeurs traditionnelles de la Bavière de cette époque :
la famille et la foi. Mais, rapidement, des nuages annonciateurs
s’accumuleront sur cette région de l’Europe qui avait vu aussi naître en
1889 à une soixantaine de kilomètres de Salzbourg Adolf Hitler…
C’est ainsi que les bruits de bottes vont rapidement se faire entendre dans
cette campagne pourtant si calme. Chantal et Paul Colonge jettent
définitivement aux oubliettes les prétendues velléités du jeune garçon pour
les Jeunesses hitlériennes. Radicalement opposé à cet endoctrinement,
suivant en cela la position de son père très critique, il eut grâce au ciel,
et au concours de son professeur de maths, le certificat nécessaire pour
figurer dans cette institution obligatoire sans avoir à suivre cependant le
cursus qui s’imposait à toute la jeunesse de cette époque. A seize ans, en
1943, il connaît la triste réalité de la guerre avec son service dans la
DCA. Cette expérience si marquante sera certainement déterminante pour sa
vocation. Suivront les années du séminaire et d’études avant l’ordination,
le fameux 29 juin 1951 où il dira oui à Dieu en même temps que son frère
aîné, Georg.
La biographie de Benoît XVI se poursuit avec les années de recherche et
d’enseignement. A peine plus âgé que ses étudiants, il est très tôt apprécié
pour la clarté et en même temps la profondeur de ses enseignements. Sa thèse
sur saint Augustin sera soutenue brillamment et appréciée par les meilleurs
théologiens de son époque (Congar la citera très tôt en référence), puis
viendra la seconde thèse sur saint Bonaventure acquise avec plus de
difficulté en raison d’une divergence entre ses directeurs de thèse. Sa
puissance de travail et son goût pour la recherche le feront rapidement
remarquer lors du Concile Vatican II où il sera désigné expert en même temps
qu’un certain Hans Küng, qui croisera dès lors régulièrement son chemin.
Le livre développe alors la vie plus connue de Josef Ratzinger
(l’enseignement à Tübingen puis à Ratisbonne) avant d’approfondir la période
romaine en tant que préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
puis l’élection de 2005. Le lecteur s’arrêtera avec intérêt sur des aspects
plus personnels et moins biographiques, tels les lectures d’un pape amoureux
d’une littérature attendue (Goethe, Kafka, Bernanos, Claudel…), mais aussi
plus originale avec Nietzsche, Camus, Sartre et Simone de Beauvoir… Le
chapitre 22 consacré à « la joie de croire » est un florilège de ce qui est
au cœur de la personnalité de Josef Ratzinger avec une joie de la liturgie
qui transcende toutes les divisions à son sujet.
Impossible de résumer la richesse de cet ouvrage qui, plus qu’une
biographie, sans être pour autant une hagiographie, dresse un portrait tout
en nuance d’un homme et du souverain pontife qui a trop souvent fait l’objet
de raccourcis réducteurs. Chacun pourra ainsi, à sa lecture, se faire sa
propre opinion.
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Slawomir Oder
avec Saverio Gaeta « Le vrai Jean-Paul II, l’homme, le pape, le mystique »
Presses de la Renaissance, 2011.
L’actualité de la prochaine béatification de Jean-Paul II, le 1er mai
prochain, rend bien évidemment la lecture de ce livre intéressante. Tout
d’abord en raison de la qualité de son auteur, Slawomir Oder, qui est le
président du Tribunal d’appel du vicariat de Rome et qui a été le
postulateur de la cause de canonisation de Jean-Paul II dés 2005, année de
la mort du souverain pontife. Le lecteur apprendra par là même que la «
fabrique des saints » répond à des règles bien précises et en l’occurrence
particulièrement rigoureuses. Il apparaît évident que le choix et la
rapidité de mise en œuvre de cette procédure ne sont pas anodins pour le
Saint-Siège (un délai de 5 ans à partir du décès doit normalement être
respecté avant d’introduire une cause).
La publication de cet ouvrage l’année dernière en Italie a également fait
couler beaucoup d’encre et a particulièrement gêné comme le reconnaissait
récemment le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les
Causes des Saints. Les « révélations » sur certains aspects du mysticisme de
Karol Wojtyla étaient en effet jusqu’alors connues d’un petit cercle de
proches du pape polonais. Pour être exact, il faut avouer que les pratiques
évoquées de flagellation et autres mortifications ont une place plus que
réduite dans ce livre qui se veut plutôt une introduction à la personnalité
de Jean-Paul II. Mais, comme toutes révélations, elles ont été reprises
rapidement par la presse qui a su les extirper de leur contexte et en faire
des révélations extravagantes… A l’heure où des millions de gens s’affament
pour des régimes amaigrissants ou s’exténuent dans des salles de sport pour
un corps hypothétique, une mise à l’épreuve du corps physique pour renforcer
une dimension mystique peut sembler suspecte. Peu importe, et là n’est pas
l’essentiel, il est bien plus important, semble-t-il, de souligner le nombre
important de témoignages qui sont ici réunis et qui convergent vers la
dimension exceptionnelle de celui qui aurait du être un comédien de théâtre
ou un poète s’il avait suivi ses premières aspirations. Nous apprenons en
effet de la bouche de personnes peu suspectes de sympathies excessives en la
personne notamment de Gorbatchev et du général Jaruzelski combien Jean-Paul
II les laissait admiratifs quant à sa force morale et à son rayonnement.
Pour Gorbatchev, ce n’est pas lui-même qui a contribué à abattre les murs du
communisme avec sa fameuse Glasnost, mais bien le pape polonais ! |
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Benoît XVI «
Lumière du monde, le pape, l’église et les signes des temps » un entretien
avec Peter Seewald, BAYARD, 2010.
Jean évoque les paroles de Jésus Christ lors du fameux épisode de la femme
adultère : « Moi, je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera
pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie. ». Ce message du
salut si essentiel à la foi catholique a été repris comme titre de
l’entretien réalisé en 2010 entre le pape Benoît XVI et le journaliste
allemand Peter Seewald à Castel Gandolfo.
La lumière est en effet au cœur de ces entretiens, une lumière inaltérable
quelles que soient les atteintes qui peuvent lui être portées de l’intérieur
ou de l’extérieur de l’Église. Le journaliste connaît bien l’actuel pape
pour avoir écrit un livre d’entretiens plus de treize ans auparavant alors
que Josef Ratzinger était encore le cardinal responsable de la Congrégation
pour la doctrine de la Foi (Le sel de la terre) et n’hésite pas à
aborder avec lui les questions les plus brûlantes qui ont marqué les
dernières années du pontificat. Si quelques lignes ont fait l’objet d’un
écho encore une fois excessif (propos sur le préservatif en cas de
prostitution), le fond du livre est d’une ampleur autrement plus large,
touchant de nombreux fondamentaux de la foi chrétienne et de la société de
manière plus générale. Science et raison sont invitées à cette lumière de la
foi sans que ce dialogue puisse paraître incongru selon Benoît XVI, bien au
contraire. L’universitaire et chercheur en théologie connaît bien les
exigences de la recherche scientifique et n’estime pas qu’elles soient
antithétiques avec le message profond de la foi. Le livre souligne combien
les sciences butent sur leurs propres limites et ne peuvent parvenir à
expliquer tout et, qui plus est, la raison d’être de ce tout. De nombreux
scientifiques intègrent de plus en plus la foi à la raison sans que cela
impose un nouvel obscurantisme préjudiciable à la connaissance. Ce qui
ressort de la lecture de ce livre stimulant, c’est à la fois cet énoncé d’un
message de foi absolu, qui ne souffre pas du relativisme et du doute
omniprésent, et en même temps une ouverture aux problèmes de notre temps et
à ses exigences en terme de société. Contrairement à ce que ses détracteurs
laissent souvent entendre, l’actuel pape n’estime pas vivre dans une tour
d’ivoire (même s’il reconnaît avoir du mal à pouvoir s’échapper des
appartements du Vatican…). Il souligne combien il est chaque jour à l’écoute
du pouls de l’Église et du monde par l’intermédiaire des nombreuses
représentations qui viennent lui rendre compte de ce qui passe chez elles,
mais également lors des nombreux voyages réalisés dans les continents les
plus éloignés. Benoît XVI ne dresse pas pour autant un paysage idyllique
d’où seraient bannis tous les problèmes, tant s'en faut. Ses jugements sont
même souvent pessimistes, voire tragiques, quant aux difficultés et à
l’évolution de notre société. Profondément blessé par les scandales des abus
sexuels au sein de l’Eglise, il ne nie pas que de nombreux responsables
aient échoué dans leur mission, mais, même dans cette terrible épreuve, il
veut trouver là le signe d’une catharsis qui implique une remise en
question. Cette destruction des valeurs morales poussées au point le plus
effroyable peut être en effet surmontée par une purification, c'est-à-dire
reconnaître que « nous ne pouvons pas vivre n’importe comment » selon
ses propres termes. « Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais
aura la lumière éternelle », voici en termes très actuels, une nouvelle
lecture des paroles de l’évangile à l’heure où de sombres nuages planent sur
nos sociétés en crise…
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Hans Küng «
Mémoires II, une vérité contestée » Novalis – Editions du Cerf, 2010.
Deux histoires se répondent en écho dans ce deuxième volume des mémoires de
Hans Küng : celle, en premier lieu, d'un grand théologien de renom du XXe
siècle, et d’autre part, parce qu’indissociable, l’histoire de l'Eglise et
du monde dans la décennie des années 70. Si le premier volume des mémoires
de Hans Küng retraçait la formation de l'intellectuel avec un parcours
exigeant forgé aux armes délicates de la théologie, de la philosophie et de
la culture, le second volume est marqué par les batailles souvent
éprouvantes auxquelles a dû faire face le jeune théologien rebelle. Hans
Küng lors de sa présentation du livre à Paris au printemps dernier
reconnaissait cependant qu’au-delà des difficultés et des épreuves, le bilan
demeurait positif, car il était resté dans l'Église catholique et ce malgré
l'adversité. Cette bataille de l'un des plus jeunes théologiens du concile
Vatican II a été non seulement menée pour la liberté, mais aussi pour la
vérité. Hans Küng a su en effet profiter de sa grande connaissance des
théologiens de la génération précédente afin de s'engager toujours plus dans
l'action de l'Église catholique plutôt que de rester un observateur neutre
de son évolution. Lorsque Pie XII mit un terme à l'expérience des prêtres
ouvriers, commença alors une suite d'interrogations sur l'infaillibilité
pontificale chez le jeune théologien, et c'est tout le récit de celui qui a
vécu de l'intérieur tous ces événements qui nous sont proposés dans ce
deuxième volume. Les grands conflits qui ont émergé dès le Concile Vatican
II jusqu'à aujourd'hui relèvent, souligne l'auteur, d'un conflit de
paradigmes : qu'il s'agisse du paradigme judéo-chrétien dès les premiers
temps de l'église, de celui hellénistique pour le premier millénaire, puis
du paradigme romain catholique du XIe siècle où toute l'Église romaine s'est
définitivement figée selon Hans Küng. Pour l’auteur de ce deuxième volume de
mémoires, Joseph Ratzinger, par le passé et sous son actuel pontificat,
serait toujours resté à ces niveaux de paradigmes. Le pape actuel
considérerait la philosophie des Lumières et la modernité qui ont succédé
aux paradigmes précédents comme de véritables menaces quant à ces bases
traditionnelles premières…
Ce second volume part des fameux évènements de 1968 qui ont eu de fortes
répercussions y compris dans la faculté de théologie de Tübingen jusqu’à
1980 avec le pontificat de Jean-Paul II. Cette grande décennie fut
particulièrement chargée émotionnellement pour un théologien qui
progressivement sera mis au ban par la hiérarchie catholique voyant d’un
mauvais œil la position critique d’un de ses membres qui refusera cependant
toujours de quitter la prêtrise. La documentation exceptionnelle et de
premières mains réunies par Hans Küng constitue de véritables archives pour
l’histoire de l’Eglise avec les coulisses décrites par une plume sans
concessions. Au fur et à mesure que sa réputation internationale croit avec
des publications qui deviendront rapidement des best-sellers et de nombreux
voyages et conférences autour du monde, une opposition sourde commence à
poindre laissant présager de lourdes conséquences : à la veille de Noël
1979, Hans Küng tente de se remettre de ses émotions d’une année éprouvante
sur les pistes de ski de Lech au Tyrol. Alors qu’il se présente au
remonte-pente pour gravir une piste, on l’interroge avec empressement : «
Professeur Küng ? Toutes les stations vous appellent. Vous devez redescendre
tout de suite dans la vallée. ». L’auteur comprend vite que Rome est à
l’origine de ce message urgent et le lecteur découvrira la suite dans ce qui
aurait pu être un roman haletant s’il n’était le récit de la vie d’un grand
penseur qui a gardé dans cette première décennie du XXI° siècle toute la
fraîcheur de sa liberté ! |
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Le cardinal André
Vingt-Trois présente : "Vatican II, une boussole pour notre temps. Plus de
quarante ans après qu’est devenu le Concile ? Conférences de Carême à
Notre-Dame de Paris 2010" Editions Parole et Silence, 2010, 156 pages.
Les conférences de Carême à Notre-Dame de Paris sont depuis Lacordaire un
rendez-vous de réflexion spirituelle et ecclésiale qui concerne un public
bien plus large que les catholiques de la capitale. Elles ont été imitées
dans de nombreuses autres grandes villes. Le cardinal Vingt-Trois leur a
donné un nouvel élan en en faisant un lieu de dialogue entre des voix
multiples, et en particulier avec des non chrétiens ou des non croyants
(cette année, le rabbin Rivon Krygier a ainsi été invité à prendre la parole
sous les augustes voutes de la cathédrale, ce qui a déclenché la réaction
d’un groupuscule intégriste).
Ces six conférences (dont trois sont à deux voix) offrent un beau panorama
du questionnement contemporain autour de Vatican II. Deux conférences
générales (confiées à deux évêques, E. de Moulins-Beaufort et J.-L. Bruguès)
encadrent quatre conférences thématiques : La Parole de Dieu, L’histoire du
salut, la liturgie et « enracinement et ouverture ». La conférence
d’ouverture propose quelques formules brèves pour résumer l’œuvre du
Concile, par exemple : « il y a une destinée unique de l’humanité, si
diverse soit-elle […] ; cette destinée est divine et l’Eglise est la forme
que Dieu donne à l’humanité pour qu’elle entre dans sa destinée » (p.17). La
deuxième conférence nous offre une belle méditation à deux voix sur
l’articulation entre Ecritures sainte, Parole de Dieu et écoute. M.
Camdessus montre en économiste l’actualité de Gaudium et
Spes, en particulier dans la relecture qu’en a proposé Benoît XVI dans
son encyclique sociale. M. Rougé met lui en lumière qu’en liturgie, seule la
réforme est traditionnelle, et que la liturgie est le cœur brûlant de la
cité terrestre. Le pasteur Krygier répond ensuite à une question décisive en
ces temps de conflits de civilisation : « De quelles marges disposent nos
enracinements respectifs pour progresser dans l’ouverture ? » Enfin, Mgr
Bruguès propose une synthèse de Vatican II autour d’une triple écoute de
l’autre : le goût de l’Autre, le souci de l’autre et la perception de
soi-même comme un autre. Il a cependant quelques propositions qui
mériteraient d’être discutées, en demandant qu’on ne cherche pas à maintenir
un esprit du concile, destiné à disparaître en même temps que ses derniers
témoins et en affirmant que le grand œuvre du pape Jean-Paul II serait le
Catéchisme de l’Eglise catholique, qui devrait être l’instrument
privilégié pour la réception de Vatican II.
Père Dominique Barnérias. |
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Joaquin Navarro
Valls « La passion de l’homme » Editions Parole et Silence, 2010.
Le présent livre réunit les différents articles écrits par celui qui fut le
directeur de la Salle de presse du Saint-Siège pendant plus de vingt ans
durant le pontificat de Jean-Paul II. Si l’ordre des articles ne suit pas la
chronologie, c’est bien parce que, pour leur auteur, ils révèlent quelque
chose de plus profond qui dépasse le cadre de l’actualité journalistique. La
force de l’écriture journalistique pour Joaquin Navarro Valls, c’est
l’aptitude à faire valoir les faits de l’actualité dans le cadre d’une
culture humaniste. Cette démarche évite ainsi deux écueils : la description
brute des faits sans profondeur et son antagoniste, le développement d’idées
sans une connaissance fine de l’actualité se transformant ainsi en une
idéologie. Ce recueil ne se veut être ni l’un, ni l’autre. Celui qui fut
également psychiatre avant de devenir journaliste rappelle ainsi : «
Chaque fait, chaque évènement, chaque contexte particulier – même minime –
est centré sur l’humanité car il tourne toujours autour du facteur humain en
tant que problème et en tant que solution ».
Joaquin Navarro Valls souhaite ainsi que la lecture de ces épisodes
d’actualité puisse ouvrir à une pensée plus générale sur l’homme. Nous
découvrons ainsi derrière les hommes et les idées qui les animent de
véritables leçons de vie. Elles semblent parfois cachées derrière le masque
du pouvoir telle cette entrevue inoubliable avec Mikhaïl Gorbatchev ou
parfois plus apparentes tel ce témoignage sur Josef Ratzinger qui
contrairement à l’image préfabriquée des médias apparaît sous la plume de
Joaquin Navarro Valls comme une personne délicate, discrète, sobre et en
même temps plein de vitalité.
On ressort presque rasséréné par la lecture de ce beau témoignage porté avec
une plume à la fois vive et incisive sur le caractère humain. Il apparaît en
effet très nettement que, malgré les clivages et les dissensions, il reste
toujours une dimension qui tout en partant de notre condition humaine la
dépasse et la transcende bien souvent à son insu. |
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Cardinal
Stanislaw Dziwisz, Angelo Comastri, Vincent Paglia « N’ayez pas peur !
Jean-Paul II – le début du pontificat » Editions Parole et Silence, 2010.
« N’ayez pas peur » cette phrase fameuse prononcée par Jean-Paul II dès le
début de son pontificat résonne encore aux oreilles de nombreuses personnes,
trente années après et alors que le cinquième anniversaire de la disparition
du pape polonais vient d’être commémoré. Ce vaste programme d’ouverture de
l’économie, de la culture, de la civilisation et de la politique allait
anticiper les grandes mutations de l’ancien bloc soviétique. Il apparaît
opportun non seulement en guise d’anniversaire, mais plus largement en
raison de son actualité de rappeler cette confiance à laquelle encourageait
le souverain pontifie, non pas une confiance béate, mais une confiance
fidèle au Christ. Cette apostrophe avait mobilisé la jeunesse dans un vaste
élan qui persiste encore aujourd’hui avec les JMJ qui n’ont pas faibli avec
la disparition du pape charismatique. Le cardinal Stanislaw Dziwisz,
secrétaire de Jean-Paul II, et l’homme le plus proche de Karol Wojtyla,
revient sur le début de ce pontificat et montre combien cette longue
expérience auprès du pape lui a permis de « toucher le mystère » selon ses
propres mots. Le cardinal Dziwisz évoque dans le détail le dramatique
épisode de l’attentat place Saint-Pierre le 13 mai 1981 afin de montrer
comment cette journée allait devenir le révélateur de ce mystère. Vincent
Paglia développe également dans une autre partie de ce livre l’importance de
l’oecuménisme pour Jean-Paul II avec le grand moment d’Assise. Dans le
sillage du Concile, Jean-Paul II a souhaité ainsi encourager le dialogue des
religions. Angelo Comastri évoque quant à lui la surprise de la désignation
d’un pape polonais dans une fin de siècle où l’athéisme d’Etat sembler
vouloir toujours prédominer à l’Est. |
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“Benedetto XVI.
Urbi et orbi, con il Papa a Roma e per le vie del mondo » A cura di Georg
Gänswein, Libreria Editrice Vaticana, 2010. (en italien)
“Benedikt XVI. Urbi et Orbi, mit dem Papst unterwegs in Rom und der Welt”
Herausgegeben von Georg Gänswein, Herder, 2010. (en allemand)
Publié à l’occasion du Jubilé pour les 5 ans du magistère du pape Benoit XVI,
cet album illustré de nombreuses photos est un témoignage de l’activité du
Saint-Père depuis son élection en 2005. Celui que l’on présentait comme un
intellectuel plus effacé que son actif prédécesseur, véritable pape
globe-trotter, a cependant fait la preuve qu’il pouvait mobiliser la
chrétienté avec un autre style. Les kilomètres sont certes moins nombreux,
mais les directions choisies sont symboliques et, grâce à des discours et
des messages rédigés avec soin par le pape théologien, les paroles fortes et
exigeantes portent loin, les polémiques et raccourcis médiatiques qui en
découlent en étant la preuve. Le combat inlassable contre le relativisme et
pour la vérité est au cœur de l’action de Benoît XVI. Josef Ratzinger a vécu
les affres du régime nazi et il connaît les conséquences des valeurs remises
en question au profit du culte de la personne, des idéologies et pire, du
nihilisme. C’est ainsi dans un esprit d’espérance, de foi et d’amour dans
l’humanité que ces cinq premières années ont permis à Benoît XVI de déployer
une action en profondeur, y compris à l’attention des jeunes pour lesquels
il adresse régulièrement un message exigeant et en même temps plein
d’espoir, les derniers voyages de Malte et du Portugal en étant la preuve.
Nous parcourons ainsi les grands voyages du pape depuis 2005 avec le
premier, à Cologne la même année, puis toute une série de directions à
l’intérieur ou proche de l’Europe (Pologne, Valence, Bavière, Turquie…). Il
faudra attendre 2007 pour que Benoît XVI franchisse l’Atlantique et se rende
au Brésil, une région qu’il connaissait bien en tant que cardinal et qu’il
qualifie de « continent de l’espoir » en raison de sa forte concentration
catholique. L’année suivante, 2008, sera l’année des États-Unis, voyage
particulièrement important en raison du fort développement du pentecôtisme
et voyage au cours duquel le pape a su toucher le cœur de New York avec son
recueillement sur le site Ground Zero des tours effondrées par l’attentat du
11 septembre. Sydney, la même année, fut la preuve que Benoît XVI pouvait
parler et toucher le cœur des 220.000 jeunes présents lors de ces JMJ. 2008.
Une année décidément riche de voyages verra le pape rencontrer la fille
aînée de l’Eglise avec son voyage en France. Le fameux discours tenu au
Collège des Bernardins séduira le monde intellectuel français initialement
réservé à l’égard d’un pape suspecté d’être trop conservateur. L’année
suivante s’accélère encore avec deux grands voyages essentiels : le
continent africain (Cameroun – Angola) avec un pape qui reçut un accueil
triomphal sur des terres où l’Islam est très présent et le pèlerinage en
Terre sainte avec des moments forts dans un contexte plus que délicat entre
Israël et les revendications palestiniennes.
Illustré par de nombreuses photos souvent inédites, cet album préfacé par le
secrétaire de Benoît XVI, Mgr Georg Gänswein, est le témoignage de l’intense
activité du Saint-Père. Georg Gänswein n’hésite pas en effet à relever que
le pape n’est pas un homme du consensus, mais qu’il est au contraire
persuadé que le message de la foi doit primer même si son contenu est
souvent jugé trop exigeant. Urbi et orbi, au monde et à la ville, est un
parfait résumé de l’action du pape Benoît XVI depuis cette fameuse journée
du 19 avril 2005, où le théologien, homme de dossiers et d’études, a élargi
son action à l’humanité tout entière !
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François Wernert
: Le Dimanche en déroute, les pratiques dominicales dans le catholicisme
français au début du 3e millénaire. Préface de Mgr Albert Rouet, évêque de
Poitiers, Médiaspaul 2010.
L’auteur part d’un constat que tout le monde peut faire : la forte
diminution de la pratique de la messe dominicale en France. En 1952, 27% de
la population française allait à la messe le dimanche, en 2006, on atteint
le niveau de 4,5%. Le dimanche est désormais devenu le week-end et il est
associé aux loisirs, à la liberté, aux rencontres. La diminution du nombre
de prêtres a aussi conduit à une baisse du nombre de messes, en particulier
dans le monde rural, qui rend pour beaucoup de gens la pratique plus
difficile. Pourtant, l’Eucharistie dominicale est essentielle pour les
chrétiens qui y célèbrent la résurrection du Christ. Pour réfléchir à cette
situation, il faut tenir ensemble trois termes, dont aucun ne peut être
sacrifié : Assemblée – Eucharistie – Dimanche. Cette trilogie a fait l’objet
de plusieurs démarches de réflexion dans des diocèses de France ces
dernières années.
François Wernert, prêtre et professeur de théologie à l’Université de
Strasbourg, initie dans ce livre une démarche de théologie pratique très
structurée et pertinente. Il procède en cinq étapes. Il part de la pratique
qu’il analyse en rendant compte de quatre enquêtes récentes, tant
qualitatives que quantitatives. Ces enquêtes fournissent un paysage assez
précis des propositions faites autour du dimanche, et d’une réelle
fragilisation du tissu ecclésial, qui accompagne le regroupement des
paroisses rurales. La deuxième étape est un repérage des textes magistériels
récents de l’Eglise catholique sur le dimanche (le Concile Vatican II, les
papes, le catéchisme de l’Eglise catholique, les évêques de France et leurs
prises de position). Ces textes rappellent de diverse manière l’obligation
de la pratique dominicale pour les catholiques, (rappels que l’auteur juge
peu efficaces et même contre-productifs).
La troisième étape, « problématiser » est la plus courte (15 pages) : La
problématique proposée est celle de l’évolution du rapport entre «
eucharistie, assemblée et dimanche » et ce que cette évolution dévoile du
rapport entre théorie (doctrine maintenue) et pratique. Peut-on à partir de
cette évolution proposer de nouveaux paradigmes pour la vie des communautés
chrétiennes ? La quatrième étape, « corréler », la plus longue (plus de 160
pages), tente d’éclairer la problématique le plus finement possible à partir
d’approches variées, venant de l’intérieur autant que de l’extérieur du
catholicisme (théologie, réflexions de pasteurs, apport des pères de l’Eglise,
sociologie et histoire) : « Il s’agit de mettre en relation dynamique et
critique réciproque les données de l’analyse interprétée et contextualisée
avec le contenu de la Révélation » (p.227)
Enfin, la dernière partie, « préconiser », fait un certain nombre de
propositions pour aider l’Eglise à retrouver une attitude plus dynamique sur
le dimanche. L’auteur ose lancer quelques pistes nouvelles, par exemple sur
les écoles du dimanche et sur la nécessaire proximité de la vie ecclésiale,
ce qui pose problème surtout dans le monde rural. L’ensemble de l’ouvrage
semble d’ailleurs plus partir des réalités rurales qu’urbaines, et c’est
sans doute le reproche principal qu’on peut lui adresser, alors
qu’aujourd’hui la majorité des français vivent en ville. La question de la
proximité ne s’y pose pas, bien sûr, de la même manière. Mais l’ensemble de
la démarche, bien structurée, est très éclairante pour qui s’intéresse à une
démarche théologique en prise avec la réalité vécue par les chrétiens.
P. Dominique Barnérias.
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Mgr Mieczyslaw
Mokrzycki - Brygida Grysiak « Le mardi était son jour préféré, dans
l’intimité de Jean-Paul II » Editions des Béatitudes, 2010.
Mieczyslaw Mokrzycki était surnommé Mieciu par le pape Jean Paul II
dont il était le second secrétaire personnel de 1997 jusqu’à sa mort. Ce
diminutif affectueux en dit long sur le climat qui entourait la « garde
rapprochée » du Saint-Père ; en fait de garde, il s’agissait plutôt d’anges
gardiens veillant au bon ordonnancement de la vie quotidienne de celui qui
était à la tête de l’Eglise catholique universelle. Ce jeune prêtre polonais
ordonné en 1987 sera le témoin direct des dernières années du pontificat
particulièrement long de Karol Wojtyla. Il n’aura ainsi pas connu le pape
marathonien, mais plutôt un pape conscient de ses limites physiques qui,
avec l’âge et la maladie, allaient s’accroissant. Cependant, il fut le
témoin d’une énergie toujours intacte et parfois même transcendée par les
épreuves du temps et de la douleur. Les paroles ne sont pas reines dans ce
quotidien du pape et son secrétaire est souvent dans l’expectative quant aux
questions posées par la journaliste Brygida Grysiak car le pape dialoguait
surtout avec Dieu et son emploi du temps surchargé jusqu’aux dernières
heures ne lui laissait pas le temps de longs dialogues et autres confidences
avec ses secrétaires particuliers. Mais, cette prière était tellement
rayonnante que les réponses émanaient directement d’elle et « Mieciu
» peut s’avancer sans se tromper sur nombres d’interrogations avancées quant
aux huit dernières années de la vie du pape Jean-Paul II. Nulle flagornerie
dans ce témoignage, le secrétaire chargé du quotidien du pape sait qu’il n’a
pas besoin de cela et que la grande popularité de Jean-Paul II témoigne de
la dimension d’un homme qui a donné toute sa vie à l’Eglise et à Marie dont
la célèbre devise Totus Tuus (tout à toi) est le symbole évocateur…
Le pape n’en était pas moins un homme aimant la vie, les rires et les
chants, ces fameux chants polonais qui résonnaient dans les appartements
pontificaux au moment des grandes fêtes. Ces fêtes réunissaient toujours un
petit groupe de fidèles liés par la même langue et le même amour de la
patrie polonaise. Jean-Paul II aimait aussi les sucreries, les réclamait
même d’un geste discret circulaire tracé avec le doigt sur la table, comme
un enfant qui aurait peur de demander à voix haute. Ce caractère humain
contraste avec l’intensité de l’homme de prière qui pouvait rester de longs
moments dans la méditation sans qu’aucun bruit ni personne ne puissent le
déranger. Ce bloc de prière était là et ses secrétaires ne pouvaient que
préserver ces instants sacrés qui les nourrissaient tout autant par leur
intensité que par leur véracité. Il n’y avait pas deux vies chez Jean-Paul
II, une vie de prière et une vie quotidienne, mais bien une seule vie
nourrie de prières pour affronter ou composer avec le quotidien. C’est en
cela que le témoignage de Mieczyslaw Mokrzycki, maintenant archevêque de
Lvov en Ukraine, est précieux, car, quelque soit les opinions portées sur le
pape polonais, il est un témoignage d’un amour de la vie que rien ne sut
atteindre, ni la maladie, ni la balle d’un tueur professionnel tirée à bout
portant… |
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« Philosophie &
Théologie dans la période antique tome 1 » sous la direction de Philippe
Capelle-Dumont, volume dirigé par Jérôme Alexandre, Cerf Editions, 2009.
« Philosophie & Théologie au Moyen âge tome 2 » sous la direction de
Philippe Capelle-Dumont, volume dirigé par Olivier Boulnois, Cerf Editions,
2009.
Il s’agit de la première anthologie associant les deux disciplines que sont
la théologie et la philosophie pourtant étroitement dépendantes l’une de
l’autre dans leur histoire. Les grands textes de l’histoire des idées sont
organisés en quatre périodes distinctes : l’Antiquité, le Moyen-âge (les
deux premiers volumes parus), puis la période moderne, et enfin la période
contemporaine à paraître. Cette anthologie vise à explorer les liens
nombreux tissés par les deux disciplines et dont émerge un nombre incroyable
de problématiques pour le lecteur moderne. Par ce regard croisé, l’une comme
l’autre peuvent retrouver leur intrication, et Philippe Capelle-Dumont
relève d’ailleurs à ce sujet que la recherche philosophique séculière
atteste d’un renouveau pour les idées théologiques. Il est donc grand temps
de reléguer cette amnésie au rang de l’historiographie, et d’accorder une
recherche approfondie aux relations entre les deux disciplines. Quel chemin
a été parcouru avec l’invention de la philosophie par les Grecs et en même
temps la réflexion sur le divin dont le mot theologias créé par
Platon dans La République souligne l’importance ?
Ce premier volume part effectivement de Platon et couvre les grands noms que
comptent l’Antiquité jusqu’à Jean Damascène au VIII° siècle, figure
emblématique pour l’usage qu’il fit de l’héritage philosophique grec. A ceci
viennent s’ajouter 29 notices qui offriront au lecteur une synthèse des
idées de ces grands penseurs, ainsi qu’une sélection des textes les plus
représentatifs de leur pensée.
La période médiévale objet du second volume débute par la transition
byzantine du IX° siècle, suivie de la réception d’Aristote par la
philosophie de l’Islam avant d’entamer les grandes périodes de la théologie
médiévale. Comme le relevait Jacques Le Goff, lors de l’interview accordée à
notre revue, il a existé un long Moyen-âge que le célèbre médiéviste
n’hésite pas à étendre jusqu’au XVIII° siècle. Malgré l’uniformité trompeuse
du vocable, il faut au XXI° siècle apprendre à distinguer les évolutions
lexicales appartenant à la philosophia et à la theologia,
ainsi qu’invitent à le faire les auteurs du présent volume. C’est tout
l’objet de ce second tome que d’offrir ces nuances indispensables à une
compréhension de ce Moyen-âge si prompt à tromper l’imprudent : la pensée
juste héritée des Antiques rencontre la connaissance de Dieu, rencontre qui
dépasse largement l’acte de synthèse, mais produit plutôt une nouvelle
manière de penser le monde et la transcendance.
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Le nouveau Théo,
l’encyclopédie catholique pour tous MAME Editions, 2009.
Il n’existe pas à ce jour d’équivalent à Théo. Cette vaste entreprise
réalisée sous la direction de Michel Dubost et Stanislas Lalanne, tous deux
évêques bien connus du monde catholique, impressionne non seulement par son
ampleur ( 1500 pages qui ont exigé 5 ans de travail avec un manuscrit de 6
kg !) mais surtout par la qualité et la clarté du plan retenu afin de
présenter cette masse d’information. Cette culture chrétienne qui est mise
sur papier de manière encyclopédique est non seulement validée par des
auteurs et spécialistes de référence dans leur domaine, mais a également
donné lieu à un travail éditorial exceptionnel qui a rendu cette richesse
exploitable grâce à un plan pédagogique à partir duquel toutes ces
informations ont été organisées.
Théo est tout d’abord un lieu de connaissances particulièrement accessible
sur des données souvent disséminées dans plusieurs ouvrages différents, très
peu ou trop développées selon les cas. Une première partie s’attache à
rappeler aux fondamentaux : quels sont les témoins historiques de la foi
(1021 biographies de saints de tous les pays et toutes les époques). La
deuxième partie de Théo relate l’histoire de l’Ancien comme du Nouveau
Testament. 251 entrées de cette encyclopédie vont ainsi encourager et
faciliter l’abord de ces textes souvent ardus et éloignés de la femme et de
l’homme du XXI° siècle. De nombreux repères sont donnés au lecteur qu’ils
soient sous forme de cartes ou de chronologies. L’histoire de l’Église a
constitué un long parcours de plus de XX° siècle et si nos contemporains
peuvent facilement se souvenir des premières missions des saints Pierre ou
Paul, il est déjà plus difficile d’avoir une connaissance précise des longs
siècles qui ont suivi la reconnaissance officielle de l’Église par l’Empire
romain. Qu’il s’agisse des différents conciles et des nombreux schismes qui
ont marqué son histoire, des luttes contre les hérésies ou des différentes
croisades, le lecteur de Théo trouvera toujours une information lui
dispensant une synthèse claire et néanmoins complète sur ces évènements
essentiels de la culture et de la foi chrétienne. Cette dernière est
d’ailleurs au cœur de ce travail encyclopédique : une partie entière lui est
consacrée afin de mieux rappeler les bases de la foi catholique avec 417
notions théologiques clairement exposées. Tous les grands débats du passé ou
de la plus proche actualité (écologie, bioéthique…) sont abordés pour mieux
comprendre la position de l’Église. À noter d’ailleurs, l’effort très
louable de laisser une place importante aux grands textes des papes ou du
Concile qui y sont analysés.
Les deux dernières thématiques dressent un bilan des chrétiens et des
catholiques dans le monde avant d’analyser la place de l’Église dans le
monde d’aujourd’hui. Qu’il s’agisse des grandes tendances actuelles ou de
données très pratiques comme des adresses d’associations catholiques, Théo
apporte des informations rapidement identifiables à l’aide d’une typographie
très claire malgré les 8 millions de signes que compte cet ouvrage de
référence…
Une véritable somme encyclopédique sur le monde catholique en un seul volume
! |
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Histoire - Ethnologie |
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« Jeanne d’Arc, histoire et dictionnaire »
Philippe Contamine, Olivier Bouzy, Xavier Hélary, collection
Bouquins, Robert Laffont, 2012.
Qui était Jeanne, née à Domrémy le 6 janvier 1412, et dont le nom de famille
allait faire trembler les grands de cette époque au point d’obtenir sa
condamnation à être brûlée vive sur le bucher un 30 mai 1431 ? Condamnée
pour hérésie et relapse par l’Eglise, elle sera déclarée sainte et patronne
de la France par cette même Eglise au XX siècle. Cette jeune femme illettrée
a fait l’objet de toutes les interprétations et c’est par le regard porté
sur elle que l’historien apprend bien des choses sur les temps qui l’ont
jugée, suspectée ou vénérée. Cette figure incontournable de l’Histoire de
France et de l’Europe de ce XV° siècle méritait bien, en cette année
anniversaire de sa naissance, un dictionnaire sous la direction de Philippe
Contamine, membre de l’Institut et professeur émérite à la Sorbonne.
Comme le rappelle le grand médiéviste, Jeanne est devenue d’une certaine
manière une icône inexorablement associée au « récit national ». La question
est complexe parce que passionnée et inversement. Entre le réel et
l’imaginaire, entre les questions stratégiques et religieuses, au regard de
la politique et du social, le cas Jeanne d’Arc cristallise d’une certaine
manière toutes ces complexités. Le lecteur comprendra ainsi très rapidement
que toute tentative de démêler cet écheveau prend vite allure de défi.
Philippe Contamine insiste d’ailleurs sur cette idée première selon laquelle
l’histoire de Jeanne d’Arc, avant d’être merveilleuse et mystérieuse, est
avant tout une histoire vraie. C’est incontestablement le premier objectif
réussi de ce Dictionnaire que d’établir les faits, proposer les éléments du
dossier dans toute leur richesse sans pour autant réduire leurs complexités.
Cette démarche n’exclut pas les prises de position et les interprétations
inévitables sur un tel dossier. Le « cas » Jeanne d’Arc est particulièrement
riche d’enseignement dans la mesure où ce personnage hors du commun trouve
des résonnances dans le contexte de son époque. Echo de la pensée de ce XV°
siècle si riche d’enjeux, Jeanne d’Arc est également l’objet dans la
présente étude d’une attention toute particulière sur le rôle des femmes à
son époque. Par ailleurs, Jeanne d’Arc est d’une certaine manière une icône
du XV° siècle vers où regarder pour mieux comprendre les imbrications de
cette période charnière. L’héritage qu’elle a laissé aux siècles suivants,
jusqu’à notre époque la plus récente, témoigne en effet des enjeux dont elle
a pu faire l’objet. De Jeannette à Jeanne la Pucelle, de Jeanne d’Arc à la
sainte patronne de France, que de chemins parcourus à travers la France
d’hier et d’aujourd’hui, chemins retracés avec acuité et finesse par ce très
beau dictionnaire !
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Louise Elisabeth
Vigée Le Brun, histoire d’un regard » de Geneviève Haroche-Bouzinac,
Flammarion, 2011.
Il est impossible d’échapper au regard de
l’autoportrait bien connu de Louise Elisabeth Vigée Le Brun, peint vers
1782. Nous croyons observer ce visage mutin alors que ces yeux au regard
indéfinissable nous ont scrutés bien avant. La bouche entrouverte, dont le
coin des lèvres remonte légèrement, souffle sinon une confidence du moins
une invitation à un partage, celui de la beauté, de l’éphémère. Pour quelles
raisons le port délicat de la main droite étonne par opposition à la prise
presque virile de la palette par la main gauche ? Cette épaule droite
découverte de son châle, ses cheveux presque sauvages surmontés d’un chapeau
valant à lui seul tout un tableau attisent la curiosité. Nous souhaitons en
savoir plus et Geneviève Haroche-Bouzinac va s’employer avec bonheur à
satisfaire nos interrogations en retraçant la vie d’une artiste qui
traversera les régimes troublés à la veille de la Révolution jusqu’à la
monarchie de juillet. La jeunesse de mademoiselle Vigée ne se déroule pas
dans un milieu bourgeois comme cela a souvent été répété par ses biographes.
Elle serait plutôt issue d’un milieu bohême, le père de « Lisette »,
lui-même peintre, encouragera les talents précoces de la jeune fille dès
l’âge de huit ans ! C’est une belle jeune fille qui va dès lors s’épanouir
et charmer son entourage et tous ceux qui la rencontreront jusqu’à son
apothéose dans le cadre de la cour royale. Mais Louise Elisabeth Vigée Le
Brun ne doit surtout pas rester enfermée dans cette position à la fois
confortable, mais réductrice de peintre officiel de la reine
Marie-Antoinette qui l’a fait tant connaître. Le paradoxe est là,
immédiatement souligné par le biographe : Louise Elisabeth n’a pas connu que
le bonheur, tant s’en faut. Elle expliquera ses déconvenues dans ses
mémoires et Geneviève Haroche-Bouzinac a fait un travail impressionnant de
redécouverte et analyse de ces sources (pour certaines inédites), largement
réécrites après la mort de l’intéressée afin de plaire au goût du jour. On a
alors cherché à honorer le souvenir de la reine décapitée et les remarques
en bas de page de son peintre officiel ne sauraient venir ternir une telle
mémoire… Il ne fallait pas de tâches, elles seront donc enlevées, sans
atermoiements pour la vie d’une artiste et d’une femme, plus fragile que le
modèle que l’on souhaitait éterniser. C’est durant l’été 1789 qu’elle entend
le canon de la maison de Madame du Barry à Louveciennes où elle peint son
portrait. Une conscience aiguë l’avertit qu’il est temps de partir alors
qu’un grand nombre de ses contemporains croyaient à une révolte de plus,
sans lendemains. La vie d’exil, courageusement menée, l’Italie, Vienne,
Saint-Pétersbourg, les capitales défilent devant les yeux et la palette
d’une femme qui connaîtra les blessures de la vie sans se départir de la
voie initialement prise : celle de la rectitude et de l’art, de l’émotion
qui n’empêche pas l’ironie. L’œuvre de l’artiste se dessine progressivement
au fil des pages, éclairée par une nouvelle lumière, celle d’un destin
ouvert à toutes les curiosités de la vie…
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« En pays Dogon»
Aurélien Gaborit, directeur du département Afrique au musée du quai Branly -
8 modules dépliants - illustrations couleurs et noir et blanc, Hors-série
Découvertes Gallimard, 2011.
C’est un très astucieux petit guide ludique, à mettre entre toutes les
mains, que vient d’éditer Gallimard dans sa très renommée collection «
Découvertes », sur l’exposition « Dogon » actuellement au musée du quai
Branly.
Son auteur, Aurélien Gaborit nous rappelle qu’au milieu du 20ème siècle, la
découverte de la culture et de l’art Dogon du Mali va profondément
bouleverser les connaissances sur l’histoire de l’Afrique.
Ce guide s’organise en 8 modules dépliants, qui appréhendent la statuaire
dogon dans ses dimensions plastiques, fonctionnelles, historiques et
symboliques.
Ces thèmes sont l’historique, la culture pré-dogon avec les Tellem, la
cosmogonie et le mythe fondateur complexe de la culture dogon, l’habitat et
l’architecture de bois, de terre et de paille, les masques et leurs mises en
scène, l’autorité morale et spirituelle, le hogon, l’art de vivre dogon et
les expéditions et collections autour de ma mission de Marcel Griaule entre
1931 et 1933.
Très bien illustré, chaque thème « se déplie » et montre statuaire, portes,
dessins sur sable, bijoux, objets de culte, masques et paysage dogons.
Aujourd’hui encore, les arts, la langue et la société dogon sont sujets de
recherches et de débats passionnés qui confèrent toujours à l’histoire de
l’Afrique, une profondeur historique et une dimension métaphysique
insoupçonnée qui se dévoilent un peu plus à travers les travaux des
anthropologues, archéologues, ethnologues et historiens de l’art africain.
Un petit bout d’Afrique et de culture dogon à avoir dans sa poche ou dans
son sac pour visiter l’exposition du musée du quai Branly, dans les musées
d’art africain, mais aussi et avant tout pour découvrir assez finement cette
civilisation.
Evelys Toneg |
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A lire également notre interview d'Aline Magnien
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Blaise de Vigenère «La
Description de Callistrate de quelques statues antiques tant de marbre comme
de bronze (1602)», Éditions La Bibliothèque, 2010.
Callistrate, Blaise de
Vigenère, ou la sculpture de mots…
Ouvrir l’ouvrage de Blaise de Vigenère paru aux Éditions La Bibliothèque, «La
Description de Callistrate de quelques statues antiques tant de marbre comme
de bronze (1602)», c’est entrer dans une galerie d’art, un tourbillon de
connaissances, un doux vertige de prose où, sous la pointe de Callistrate
ciselée par la plume de Blaise de Vigenère, les dieux et les maîtres
rivalisent, les figures mythologiques, les statues et sculptures s’animent
et se répondent, où l’espace-temps, les siècles et les lieux se croisent et
s’entrecroisent pour ne laisser apparaître peut-être que l’essentiel…
C’est, en première lecture, une galerie de statues. Une description de
statues antiques du second classicisme grec (probablement du IVe s. av.
J.-C..) qui grâce au texte latin laissé par Callistrate, rhéteur du III ou
IV s. apr. J.-C.., apparaissent et s’animent sous le burin des plus grands
maîtres de l’art grec – Praxitèle, Scopas majeur ou mineur, Lysippe…- ;
quatorze statues au total dans la description de Callistrate : des satyres
parfois dansants, des bacchantes en transe, un centaure, deux Cupidons de
Praxitèle en bronze, mais également Médée, Narcisse, Orphée, ou encore
Esculape…qui vous entraînent dans une valse mythologique qui ravira tant
l’amateur que le passionné de sculpture ou de mythologie. Car, la
description sous le tracé de ce Romain, Callistrate, n’est nullement figée
ou gravée purement dans le marbre, mais ces sculptures par leurs
comportements, leurs attributs, leur matière acquièrent bien une âme. Vous
réalisez alors que déjà six ou sept siècles séparent Callistrate de la
création de ces sculptures ; et lorsque l’on se souvient que très peu
d’originaux nous sont parvenus ou que le nombre de copies à l’époque romaine
était impressionnant, vous restez songeur…Callistrate a-t-il véritablement
vu ces statues ? Doit-on rapprocher Callistrate de Philostrate et des «
Plattes Peintures » ?...
Mais, le tourbillon de l’art vous entraîne de nouveau par la main élégante
de Blaise de Vigenère. Il fallait, en effet, toute la finesse de traduction
du latin en français du XVIe siècle, en cette langue à peine construite,
toute l’éloquence, l’art de la prose de Blaise de Vigenère – traducteur,
auteur, savant contemporain de Michel de Montaigne – pour ce texte antique
de Callistrate. Il a déjà traduit dans le même esprit, dans cet esprit de
partage du savoir de la Renaissance, Philostrate, ou encore Tite-Live ou
César… Mais, surtout, Blaise de Vigenère, en homme de son temps, humaniste,
offre au texte de Callistrate un véritable écrin d’éloquence et d’érudition.
Ainsi, après avoir présenté dans une plus ou moins longue présentation
l’œuvre – L’argumentation -, puis traduit et exposé en français
classique le texte proprement dit de Callistrate, il y apporte un
commentaire -une annotation- qui vous transporte littéralement de
mythologie en lieux, de maîtres en alchimie, de dieux en matières, de
statues en techniques de sculpture…On y croise Michel-Ange que Blaise de
Vigenère a vu sculpter de son vivant… mais également un serpent… Alors, vous
réalisez pour la deuxième fois que treize siècles séparent le rhéteur romain
Callistrate de cet érudit et savant qu’est Blaise de Vigenère, et par là
même, presque vingt siècles le séparent des statues antiques grecques. Or,
qu’a-t-il eu véritablement sous la main cet érudit dont on se plait à
imaginer la bibliothèque…Diplomate, protégé du Duc de Nevers, il se veut
savant homme et homme de partage et de transmission, lui, ce « kabbaliste
chrétien » qui croit aux planètes et à la Renaissance….
Mais, l’espace-temps continue de se dilater, vous êtes au XXIe siècle et
saluez cette initiative et belle édition présentée par Aline Magnien. Cela
fait de nombreuses années qu’elle travaille et songe à cette édition, à
cette traduction subtilement modernisée, l’annotation en témoigne…et
découvrant son travail, le vertige de l’éloquence, de l’art de l’éloquence
vous reprend lorsqu’elle vous souffle à l’oreille que peut-être ces
statues…et bien ?...Et bien, ces statues n’auraient peut-être jamais existé,
qu’elles ne sont peut-être que pur exercice d’éloquence, de prose, rivalité
des arts, faisant ainsi de Callistrate un auteur privilégié aux yeux de cet
humaniste qu’est Blaise de Vigenère. Comment pouvait-il, en effet, lui, cet
érudit, passionné d’art, de beauté, d’éloquence et de prose ne pas en faire
son complice ?... Comment, enfin, Aline Magnien, conservatrice au Musée
Rodin, et Michel Magnien, directeur du volume Michel d’Yquem de Montaigne
dans la Pléiade, pouvaient-ils, eux aussi, ne pas faire de Blaise de
Vigenère, cet érudit et prosateur du XVIe siècle leur compagnon de route et
de travail ? Aline Magnien nous raconte…
L.B.K.
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Jean Erceau « Les jardins initiatiques du château de
Versailles » Editions Thalia, 2009.
Toute initiation réserve des surprises à
celui qui s’y livre et peut-être est-ce en cela que le parcours est-il le
plus important : s’ouvrir à l’inattendu, élargir le champ de sa vision…
Découvrir les jardins de Versailles, c’est très certainement s’offrir à une
initiation exigeant patience et ouverture au risque de passer à côté des
charmilles comme l’on se promènerait dans un parc municipal… Les multiples
références symboliques parfois cachées au point d’avoir été définitivement
perdues à nos yeux ou au contraire trop apparentes pour que nous puissions
les reconnaître exigent une initiation, et Jean Erceau nous propose d’en
être le guide !
L’auteur nous invite ainsi à passer du monde sublunaire à l’univers solaire
par excellence, il tente de nous faire entendre le dialogue entretenu par
les statues, dialogue de pierre qui peut encore faire entendre ses échos à
celui qui sait regarder et écouter…
Tous les éléments sont présents dans ce petit espace symbolisant la nature,
la culture, le pouvoir, les passions… Ce véritable labyrinthe peut-être une
voie vers l’éveil et la transfiguration de la matière ou bien une chute
définitive symbolisée par la terrible fontaine de l’Encelade… Prenons garde
et suivons bien les traces de ce parcours pour pouvoir ressortir de cet
univers merveilleux auquel ce très beau livre nous invite ! |
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Théocrite « Idylles » texte établi par Philippe-Ernest
Legrand revu par Françoise Frazier, bilingue, collection « Classiques en
poche », éditions Les Belles Lettres, 2009.
Si
l’on connaît bien la tradition bucolique représentée par Virgile, on oublie
trop souvent que l’auteur des Eglogues avait puisé son inspiration dans un
genre déjà développé par Théocrite. Qui était ce poète du III° siècle ? Né
probablement à Syracuse ou à Cos dans les années 280-275 av. J.C., il sera
l’un des trois grands poètes de la première génération alexandrine avec
Callimaque et Apollonios de Rhodes. L’hellénisme devient la culture
dominante comme le rappelle Françoise Frazier dans son introduction au
livre. La langue grecque véhicule le savoir de Marseille à Samarcande et le
livre est là pour en témoigner ne serait-ce qu’avec la si fameuse
bibliothèque d’Alexandrie !
Dans
ce contexte foisonnant, la poésie de Théocrite est une fenêtre ouverte sur
la campagne avec ses bouviers, ses bergers, ses moissonneurs… Le chant est
omniprésent et entremêle références pastorales et mythologie. L’univers
chanté est le plus souvent « idyllique » même si parfois quelques insultes
et grossièretés de paysans viennent émailler cette sérénité de la campagne
idéale. En fait le lecteur du XXI° siècle réalise que derrière cette
représentation « bucolique » de la nature fourmille une multitude de
références culturelles à Hésiode comme à Homère, références destinées à une
élite urbaine qui pouvait en apprécier la richesse.
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Stéphane Ratti « Ecrire l’Histoire à Rome » en
collaboration avec Jean-Yves Guillaumin, Paul-Marius Martin et Etienne
Wolff, Editions Les Belles Lettres, 2009.
L’historiographie romaine est particulièrement riche et les noms de César,
Tacite, Tite-Live ou encore Suétone sont connus de tous indépendamment de la
connaissance de leurs écrits. Les sources littéraires restent cependant
encore essentielles pour la compréhension du monde romain même si les
sources archéologiques sont depuis des décennies des éléments déterminants
venant corriger ou appuyer les enseignements puisés aux textes antiques. Or,
si un habitat, une pièce de monnaie ou un tesson de poterie peuvent poser
des difficultés parfois très importantes d’interprétation, elles sont
rarement objets de manipulations et autres figures de rhétorique. Ce livre
qui est avant tout le fruit d’un enseignement livré à des étudiants se veut
également un essai qui n’écarte pas la subjectivité offrant ainsi au lecteur
un tableau particulièrement clair des grands historiens de la Rome antique.
La période couverte est large puisqu’elle part de la fin de la République
pour aller jusqu’à l’Antiquité tardive, fait original, car la plupart des
études de ce genre passent plus vite les derniers temps de l’Empire. Ici,
les auteurs forts de leurs recherches scientifiques rappellent la place
importante tenue par Ammien Marcellin et résument l’actualité scientifique
la plus récente sur la fameuse Histoire Auguste dont l’auteur restait
inconnu. Stéphane Ratti, par une démonstration rapportée dans un chapitre du
livre, attribue en effet à Nicomaque Flavien senior la paternité de ce
recueil majeur réunissant la biographie de trente empereurs romains.
Le style clair et pédagogique de ce collectif est une véritable réussite qui
devrait largement dépasser le cadre universitaire et intéresser tous les
passionnés d’Histoire romaine ! |
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Marcel Bataillon « Les Jésuites dans l’Espagne du XVI°
siècle » Editions Les Belles Lettres, 2009.
La présente édition reprend le cours prononcé au Collège de France en 1946
par Marcel Bataillon. C’est à partir de la correspondance jusqu’alors
inédite d’Ignace de Loyola (1491-1556) avec ses premiers collaborateurs que
l’auteur a présenté une interprétation totalement novatrice selon laquelle
la Compagnie de Jésus se serait distinguée de l’institution de l’Église
catholique pendant toute la seconde moitié du XVI° siècle.
Gilles Bataillon, petit-fils de Marcel Bataillon, signe la préface de cette
leçon majeure d’un grand historien et d’un grand hispaniste. Pierre-Antoine
Fabre, directeur d’études à l’EHESS, a établi et présenté ce travail qui
reste encore de nos jours incontournable.
« Erasme et l’Espagne » fut le grand livre de Marcel Bataillon et
l’universitaire exprima expressément le souhait que ses descendants
poursuivent la réédition de cet ouvrage auquel il travailla jusqu’à la fin
de ses jours. Pierre-Antoine Fabre souligne que Marcel Bataillon avait
envisagé cette publication en 1967 sans que cela soit mené à terme. C’est
ainsi chose faite grâce à la présente édition et c’est à partir de son
Erasme qu’il faut chercher la trame de cette étude sur les premiers temps de
la jeune Compagnie de Jésus au XVI° siècle. Bataillon indiquait déjà dans ce
livre que « nous voudrions considérer un témoin inattendu de (la)
métamorphose de l’illuminisme : Ignace de Loyola en personne. Qu’il ait
mérité ou non le qualificatif d’alumbrado, peu nous importe. Il a
fait figure d’illuminé à l’heure décisive que nous étudions, et, du
même coup, il est apparu comme solidaire de cette révolution religieuse dont
Erasme devenait le symbole en Espagne. »
C’est ainsi l’extension de cette révolution à la Compagnie de Jésus, promise
à la notoriété que l’on sait, qui sera développée dans ce fameux cours au
Collège de France en 1946 et désormais disponible après plus d’un
demi-siècle dans cette belle édition ! |
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« Saga de Hrolf kraki » présentée, annotée et traduite du
vieil islandais par Régis Boyer, Editions Anacharsis, 2008.
Régis Boyer, le grand spécialiste de la
civilisation scandinave, nous offre avec cette saga de Hrolf kraki l’un
des textes les plus anciens témoignant de cet univers légendaire de
l’Islande du VI° siècle de notre ère. Nous sommes en présence d’une lignée
royale maudite du Danemark, celle des Skjöldungar, qui s’entretue pour le
pouvoir. Un enfant décide de venger son père tué par son oncle. Le destin
veut qu’il épouse sans le savoir sa propre fille. Hrolf naîtra de cette
union reposant sur l’amour et la vengeance, la paix et les intrigues.
Il n’existait pas jusqu’alors de
traduction française de ce texte qui
représente pourtant un concentré des mythes et des épopées du Nord. Comme le
rappelle Régis Boyer, le récit n’est pas historique mais appartient à
l’univers littéraire des « anecdotes errantes ». Mêlant légendes et
personnages ayant réellement existés, le but n’est pas de narrer une
histoire ou l’Histoire mais plutôt d’exposer un récit fondateur. Cette
narration concentre ainsi en elle les archétypes des hommes de ces temps
anciens. A l’image de nombreux récits mythiques, le divin est omniprésent
dans le destin des hommes. Pour notre saga, c’est au fameux dieu Odinn
qu’échoit ce rôle, dieu versatile qui n’hésite pas à oublier ses alliances
pour en préférer, à l’occasion, de nouvelles. Notre monde moderne se plait
souvent à évoquer la fatalité ou le hasard, alors qu’avec ces récits
mythiques, l’emprise des dieux est déterminante sur le destin des hommes.
Les différents niveaux de récits qui
structurent bien entendu ces sagas offrent alors une richesse parfois très
complexe à décrypter pour nos contemporains. Ce texte aura non seulement une
destinée essentielle dans la littérature médiévale qui suivra (il sera
repris dans de nombreuses sources majeures du Moyen-âge) mais sera également
à comparer sur le même plan chronologique avec « Beowulf », l’œuvre si
connue initiée également au VI° siècle et s’intéressant aux rapports entre
les Danois et les habitants anciens de la Suède. De nombreuses
similitudes structurent en effet ces deux textes et notamment les
ressemblances entre les deux héros.
La « Saga de Hrolf kraki » s’avère être un
texte passionnant qu’il faut absolument découvrir dans cette très belle
édition !
« Bödvarr dit : « Nombreuse est la
troupe de Skuld, je soupçonne que des morts errent par ici et qu’ils se
relèvent pour se battre contre nous ; il va être difficile de combattre des
revenants. Si nombreux que soient les boucliers fendus ici, les casques,
arrachés, les broignes, mises en pièces, maint chef, dépecé, ce sont les
morts auxquels il est le plus cruel d’avoir affaire et nous n’en avons pas
le pouvoir. » (Extraits p. 147.)
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Aristophane « Ploutos » Edition bilingue
français-grec ancien (Poche) établie par Victor Coulon, Silvia Milanezi
(introduction et notes), Hilaire Van Daele (Traduction), Classiques en
poche, Les Belles Lettres, 2008.
Suétone « Vies
des douze Césars : César – Auguste », édition bilingue français-latin
établie par Henri Ailloud, François L' Yvonnet (introduction et notes),
Classiques en poche, Les Belles Lettres, 2008.
Les classiques sont en poche aux éditions Les Belles Lettres ! Avec
Aristophane et Suétone, l’accès aux sources antiques est facilité par une
édition pratique et économique, sans pour autant sacrifier le précieux
appareil critique également présent. Une introduction, le texte original en
pagination gauche et sa traduction en vis-à-vis, des notes de bas de page,
index, repères chronologiques, bibliographie,… tout est là pour faciliter la
compréhension des trésors des textes anciens.
Deux derniers volumes s’ajoutent à une collection dirigée par Hélène
Monsacré riche de plus de 60 numéros, le « Ploutos » du poète grec
Aristophane (445-380 avant J.-C.) et « Vies des douze Césars ; César ~
Auguste » de l’historien romain Suétone (70 env. – 140).
Aristophane est le plus grand poète grec comique et derrière cette ironie,
souvent grossière, se cache un regard acerbe et sans concessions sur la
réalité humaine et la vanité des actions entreprises par ses contemporains.
Et l’histoire d’Athènes n’est pas avare pour fournir une riche matière pour
le poète. En 405, après la bataille d’Aigos, Athènes est dans une situation
désastreuse. La défaite a causé la ruine de la grande cité jusqu’alors
rayonnante. C’est à partir de cette amertume que le « Ploutos » est conçu.
La comédie n’abandonne pas pour autant le ton satirique, mais ce dernier est
emprunt d’une certaine gravité. L’histoire est la suivante : la Richesse
vient d’être guérie de la cécité dont Zeus l’avait frappée. Elle décide
d’instaurer un ordre nouveau dans lequel les justes seront désormais
récompensés au grand dam des habituels parasites de la société. Cette pièce
oscille entre le rêve inaccessible d’atteindre la richesse et le retour
ironique à la réalité des choses qui ne changeront jamais, en témoigne
l’extrait suivant…
Le Prêtre.- Quoi d’autre que du mauvais ? Depuis que le dieu que tu sais
a commencé à voir clair, je suis mort de faim. Car je n’ai rien à mettre
sous la dent, et cela tout en étant prêtre de Zeus sauveur.
Chrémyle.- Et la cause, quelle est-elle, au nom des dieux ?
Le Prêtre.- Personne ne daigne plus sacrifier.
Chrémyle.- Pour quelle raison ?
Le Prêtre.- Parce que tous sont riches. Et pourtant, au temps où il n’y
avait rien, tantôt un marchand, à son retour, sacrifiait une victime pour
avoir été sauvé, tantôt un homme acquitté en justice ; tel autre sacrifiait
pour avoir des auspices favorables, et il m’invitait, moi le prêtre.
Maintenant pas un n’offre le moindre sacrifice, ni n’entre au temple, hormis
des gens pour y faire leurs ordures, plus de dix mille.
Suétone a fait de la vie de César un récit digne du roman. Plus biographe en
réalité qu’historien, l’auteur latin offre au lecteur du XXI° siècle un
nombre impressionnant d’anecdotes sur le siècle dont il fut le témoin avisé.
Tour à tour élogieux ou critique, le discours de Suétone est d’une érudition
qui l’a classé au premier plan des sources latines. Ami de Pline le Jeune,
et amoureux des bibliothèques, l’étude est son souci premier, reléguant les
charges officielles au second plan. Son œuvre majeure, « Vies des douze
Césars » est ainsi nourrie directement auprès des sources contenues dans les
bibliothèques impériales auxquelles Suétone avait accès. Suivant le plan
classique des oraisons funèbres, chaque vie retrace le parcours de
l’Empereur en partant de sa famille avant sa naissance, jusqu’à sa mort.
Chaque vie décrite par Suétone est précieuse pour le tableau qu’il dresse de
la personnalité de l’homme disposant de la charge suprême. Les différentes
sources qui alimentent le récit peuvent parfois se contredire, mais elles
apportent au récit, grâce à l’art de Suétone, un accent de véracité. C’est
ainsi toute une histoire, à défaut d’être peut-être l’Histoire, qui ouvre
ses pages au lecteur émerveillé !
« LXIX. Quant à ses adultères, ses amis eux-mêmes ne les nient pas, mais
ils les excusent en disant qu’il les commit à coup sûr non point par
libertinage, mais par politique, pour découvrir plus facilement les desseins
de ses adversaires, en questionnant leurs femmes. »
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Louis XIV
« Mémoires, suivis de Manière de montrer les jardins de Versailles »
présentés par Joël Cornette, Collection Texto dirigée par Jean-Claude
Zylberstein, TALLANDIER.
Pouvoir
lire les mémoires de l’un des plus illustres monarques européens de l’Ancien
régime est chose possible avec cette édition de poche de la collection Texto
des éditions Tallandier. Louis XIV a réfléchi très tôt au rôle de sa
fonction et des différentes manières de dépasser le poids du passé qui avait
terni son pouvoir (frondes, guerres,…). Ces textes présentés sous forme de
mémoires sont en fait initialement destinés à l’attention de son fils le
Grand Dauphin afin de parfaire son éducation et l’initier à ce qui serait sa
future tâche selon les règles ancestrales de la dévolution successorale.
Heureusement rescapées du feu en 1714 par le maréchal de Noailles où leur
auteur souhaitait les y voir brûler, ces feuilles offrent, au-delà de leur
valeur immédiate, un enseignement précieux quant à la personnalité du
monarque les ayant rédigées. Ayant sondé très jeune le cœur des hommes et
connaissant pour l’avoir subi le poids incommensurable de la trahison, Louis
XIV a su faire de ces expériences sans cesse répétées un avantage indéniable
lui donnant une longueur d’avance sur les différents cercles de son
entourage. C’est cette « connaissance empirique » de la valeur des hommes et
des ressorts qui les font mouvoir qui est concentrée dans ces très belles
pages. A ceux qui ne connaîtraient pas le petit texte fameux « Manière de
montrer les jardins de Versailles », la présente édition a l’heureuse idée
de l’annexer en fin de volume. Véritable ode aux muses des jardins de
Versailles, ces indications témoignent d’une vision d’ensemble de
l’architecture du parc par celui qui a été non seulement l’initiateur mais
également le « maître d’œuvre » attentif de leur réalisation. A emporter
avec soi lors d’une prochaine visite ! |
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Daniel HALEVY « VAUBAN » Editions de FALLOIS.
2007 marque le troisième centenaire de la
mort du célèbre maréchal dont nul n’ignore le nom longtemps associé à ses
célèbres fortifications. Mais l’homme mérite plus que cela car, celui qui
fut remarqué par le cardinal Mazarin à l’âge de vingt ans, fut non seulement
un stratège et un homme de guerre redoutable (il participera à 14 sièges)
mais également un homme de cœur, soucieux des terribles problèmes résultant
de la révocation de l’Edit de Nantes de Louis XIV et de la misère des
français face à l’imposition. Il fut même à l’origine d’une proposition
originale de réforme de l’imposition avec un prélèvement proportionnel aux
richesses qu’il proposa au Roi dans un livre intitulé : « Projet d’une
dîme royale ». Cet ouvrage reçut un accueil glacial du roi et fut même
interdit la même année. Le portrait ainsi dressé par Daniel Halévy nous fait
découvrir un homme simple et humain face aux responsabilités qui étaient les
siennes et dans sa relation au monarque absolu qui n’aimait pourtant pas les
oppositions. Louis XIV reconnaîtra cependant à sa mort : « Je perds un
homme fort affectionné à ma personne et à l’Etat ».
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« Les grandes Pyramides, chronique d’un
mythe » Jean-Pierre Corteggiani – « L’Affaire Qumrân, les
découvertes de la mer Morte » Jean-Baptiste Humbert, Estelle Villeneuve,
Collection Découvertes Gallimard, GALLIMARD.
Deux Découvertes Gallimard nous emportent
aux portes de notre civilisation : les Pyramides égyptiennes et les
manuscrits de la mer Morte. Comment en effet penser notre civilisation sans
le legs incomparable de ces deux sources de notre histoire ancienne. Erigées
il y a plus de 4500 ans, ces monumentales édifications, odes au sacré et à
l’éternité, ne cessent pas de nous interroger, de nous émerveiller et de
nous surprendre à l’heure de notre modernité. Nos constructions les plus
insensées ne parviennent pas à éclipser ces instants d’absolu, impensables
si l’on veut bien réfléchir aux techniques architecturales de l’époque. Il
ne s’agit pas pour autant de céder aux plus folles élucubrations sur leur
éventuelle origine extraterrestre, la passionnante synthèse de Jean-Pierre
Corteggiani est là pour nous montrer qu’il s’agit d’un réflexe bien ancien,
qui n’appartient pas à notre seul siècle, loin s’en faut.
Autre monument d’éternité, pourtant caché
pendant des siècles dans une grotte, les manuscrits de la mer Morte semblent
bien depuis leur découverte en 1947 ébranler notre confiance en la seule
modernité. Comment en effet comprendre autrement que de vieux rouleaux de
cuir appartenant aux siècles les plus reculés suscitent autant d’intérêts et
de passions à l’heure où des sondes construites par l’homme quittent notre
système solaire ? L’affaire Qumrân, comme on la nomme, démontre que cette
découverte archéologique majeure du XX° siècle fait encore résonner en nous,
quelque soient nos croyances, les échos de nos origines. Ce très beau livre
de la collection « Découvertes Gallimard » nous emporte dans une aventure
extraordinaire où l’homme moderne peut se réconcilier avec lui-même et tout
ses semblables, sans prosélytisme.
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Paul VEYNE « Quant notre monde est devenu
chrétien » Bibliothèque ALBIN MICHEL.
Les ouvrages de
Paul Veyne sont toujours des évènements, propices à l’intelligence et à une
réflexion vivifiante. Ce dernier titre ne fait pas exception, tant ce
quatrième siècle après J.C. marque une étape majeure dans l’histoire
occidentale. Le livre porte en effet un titre évocateur : « Quant notre
monde est devenu chrétien ». La fameuse conversion de Constantin fait de ce
jour du 29 octobre 312 l’une des dates essentielles pour l’avenir non
seulement de l’Empire, mais aussi de la spiritualité à venir jusqu’à nos
jours. De secte, le christianisme passe au statut de religion d’Etat, une
transformation impensable si l’on se reporte aux terribles persécutions de
Dioclétien quelques années auparavant. Quels sont les bénéfices qu’a pu
tirer profit Constantin de cette conversion ? Il semble clair que la
nouveauté de cette religion par rapport aux cultes anciens polythéistes
offre un cadre idéal pour le pouvoir, le césaro-papisme se développant sur
cette base incontestable. Dans son style inimitable, Paul Veyne force les
serrures et dresse un tableau particulièrement saisissant de ces années
essentielles pour le paysage historique. Quelles leçons tirer de cette
conversion ? L’Europe doit-elle encore compter ce christianisme au nombre du
legs hérité de cette antiquité tardive ? Paul Veyne a son idée sur la
question : ce n’est pas le christianisme qui sous-tend l’Europe actuelle
mais l’Europe actuelle qui inspire le christianisme… Un essai de l’un de nos
historiens les plus talentueux à découvrir de toute urgence ! |
CÔTÉ REVUES |
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LA GAZETTE DROUOT –
Hors série – AU COEUR DU QUAI BRANLY
Le musée du quai Branly fête ses cinq ans ! Évènement auquel s'associe la
gazette Drouot en éditant un très beau et bon « Hors série » de plus de cent
quarante pages dédiées aux chefs-d'œuvre des collections du musée. C'est
comme un catalogue ! La gazette explore les différentes facettes de ce lieu
conçu comme un véritable laboratoire de recherches et d'échanges culturels
et artistiques des civilisations des quatre coins de la planète. Il fallait
bien à cette occasion se remémorer l'historique, la conception du bâtiment
et analyser sa place dans la configuration culturelle, architecturale et
urbanistique de la capitale. On notera que Jean Nouvel, son équipe et tous
les collaborateurs associés ont bien créé «une enclave exotique en plein
Paris, au service de collections exceptionnelles», dans un écrin de verdure
grimpante, tombante, de petite jungle, de jardin étonnant, initiatique, lieu
de promenade intérieure, de murs vivants de jour comme de nuit. Chapitré
autour des cultures d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques, ce voyage
au coeur du musée du quai Branly est ponctué d'interviews (Claire Denis pour
l'Afrique, D'Adrew Gn pour l'Asie, Jean-Paul Barbier-Mueller pour l'Océanie,
Philippe Descola pour les Amériques), de mini biographies, de mémos et aussi
de rappels étonnants des ventes de ces oeuvres d'art fascinantes qui ont eu
lieu à travers le monde, montrant ainsi la valeur inestimable de ces
créations, nous rappelant également la chance d'avoir à disposition de
grands lieux de rendez-vous entre nous et les Arts, mêlant connaissances et
curiosité. La gazette parfait son rôle de passeur d'informations avec un
nombre de photos couleur si belles, si respectueuses des oeuvres, que l'on
ne peut qu’imaginer faire partie de la grande famille des collectionneurs !
A travers d'astucieux clins d'oeil aux expositions en cours ou à venir au
musée du quai Branly, Dogons et Mayas, la gazette invite à aller se réjouir
de toute cette créativité universelle qui traverse les temps et représente
la complexité de la vision du monde dans lequel tous les peuples de toutes
les civilisations ont cherché et cherchent encore à comprendre le sens.
Comment aujourd'hui bâtir de nouvelles passerelles entre les traditions et
l'art contemporain sous toutes ses formes d'expressions, comment bouger les
codes de la muséographie de telle façon que tous s'y trouvent les bienvenus
? C'est une des missions du musée du quai Branly, faire entrer l'art
contemporain dans ses murs comme celui d'organiser des rencontres musicales,
chorégraphiques, des colloques thématiques, cinématographiques... La gazette
n'oublie pas les premiers pas de la création du musée du quai Branly en
rendant hommage au Pavillon des Sessions, première section des arts premiers
au Louvre, qui porte haut ces arts longtemps méprisés, avec ses 108
chefs-d'oeuvre d'Afrique, d'Océanie, d'Asie et des Amériques, présentés dans
le plus grand musée du monde.
Stéphane Martin, président du musée du quai Branly, havre de paix pour les
arts d'Afrique, d'Océanie, des Amériques et d'Asie, peut être heureux
puisqu'en cinq ans, le musée du quai Branly est un des lieux culturels
incontournables avec 1,35 million d'entrées chaque année. Mission accomplie,
à la rencontre des autres et des ailleurs, et tant de nouvelles aventures
humaines et artistiques en perspective... Au musée du quai Branly, là où
dialoguent les cultures...
La gazette Drouot, hors série, «Au coeur du quai Branly»
Evelys Toneg |
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Hors-série Le Monde « Simone de Beauvoir, une femme libre »
Simone de Beauvoir est devenue femme, nul doute à ce sujet après la lecture
du passionnant dossier paru dans le dernier Hors-série du Monde consacrée à
celle qui aura marqué le XX° siècle quant à ses réflexions sur la femme.
La femme « devenue », et non pas seulement « née », est au cœur de ce riche
dossier réunissant témoignages, analyses et extraits d’œuvres de la compagne
de Sartre, tout en se dissociant parfois de lui quant à ses idées et ses
combats. La vie de Beauvoir est en elle-même un livre dans lequel tout à
chacun peut lire de nombreux témoignages sur ce combat de tous les jours
pour échapper au « destin » d’une femme née au début du siècle passé. On
peut songer à l’effroi et à la colère qui la saisiront lorsqu’elle apprendra
le mariage forcé de sa plus chère amie, Zaza, qui mourra peu de temps après.
Cette révélation, associée au contre-exemple du couple de ses parents,
favorisera la rencontre avec Sartre. Josyane Savigneau signe un très beau
portrait de Beauvoir intitulé « L’aventure d’être soi ». Il apparaît en
effet que ce « devenir » pour être soi a été au cœur de l’action de cette
brillante intellectuelle. Malheureusement, ses combats apparaissent parfois
aujourd’hui comme faisant parti d’une « vieille garde » de féministes
soixante-huitardes, si éloignés des débats et des crises de notre époque. En
sommes-nous si sûrs ? Ses combats ont certes souvent conduit à des droits
acquis qui font oublier leur origine ; mais la grande leçon de liberté qui a
été au cœur de sa vie est-elle également à considérer comme chose acquise ?
Ce beau numéro offre une lecture diagonale de la vie de Simone de Beauvoir,
une lecture qui invite à découvrir l’œuvre très variée de celle qui était
persuadée « qu’à la fin, les femmes gagneront » ! |
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Le Magazine Littéraire n° 518 avril 2012.
dossier :
Virginia Woolf
Perspectives
10 Peut-on encore transmettre ?
12 Vivre et laisser mourir, par Maxime Rovere
14 « Les estampes étaient le web du xviie siècle », entretien avec Rémi
Mathis
16 Devenir autonome ou compétent ? par Laurent Fedi
18 La médiologie,par François-Bernard Huygue
19 Bibliographie commentée
L’actualité
20 La vie des lettres Édition, festivals, spectacles… Les rendez-vous du
mois
30 Le feuilleton de Charles Dantzig
Le cahier critique
32 Dany Laferrière, Chronique de la dérive douce
34 Patrick Chamoiseau, L’Empreinte à Crusoé
36 Frédéric Boyer, Sexy Lamb
37 Olivier Steiner, Bohème
38 Dominique Fabre, Il faudrait s’arracher le cœur
39 Jean Rouaud, Une façon de chanter
40 Eric Faye, Devenir immortel, et puis mourir
41 Jonathan Coe, Désaccords imparfaits
42 Angelo Rinaldi, Les souvenirs sont au comptoir
43 Ismail Kadaré, La Provocation et autres récits
44 Elfriede Jelinek, Winterreise
46 Steve Tesich, Karoo
47 William T. Vollmann, Fukushima
48 Charles Bukowski, Shakespeare n’a jamais fait ça
49 Herta Müller, Animal du cœur
Le dossier
52 Virginia Woolf, dossier coordonné par Augustin Trapenard
54 Oser être soi-même, par Geneviève Brisac
58 Entretien avec Jacques Aubert
60 Précoces esquisses, par Frédérique Amselle
62 La Hogarth Press, par Alexandra Lemasson
63 Nécessité du snobisme, par Marc Lambron
64 Virginia face à Victoria, par Christine Reynier
66 Bibliographie
67 Reflets d’une chrysalide, par Viviane Forrester
69 Pièces de soi, par Belinda Cannone
70 Écrire le féminin, par Frédéric Regard
72 Des vagues de plus en plus violentes, par Catherine Bernard
74 L’insoutenable vitalité de Vita, par Diane de Margerie
76 Un patient lissage, par Daniel Ferrer
78 Mrs Dalloway, ou la forêt de l’âme, par Camille Laurens
80 Blessée de guerre, par Chantal Delourme
82 À l’assaut des bibliothèques, par Agnès Desarthe
84 Écrire en couleurs, par Catherine Lanone
86 Dalloway ad lib., par Alexis Brocas
88 La rivière de Virginia, par Patti Smith
89 « Oh Wolfie... », par Marie Darrieussecq Le magazine des écrivains
Le Magazine des écrivains
90 Grand entretien avec Claudio Magris
96 Admiration Georges Bataille, par Michel Surya
98 Visite privée Helmut Newton, par Olivier Steiner
100 Traduction inédite « Le quatuor à cordes », de Virginia Woolf
104 Le premier mot. Notre ami l’étranger, par Laurent Nunez
106 Le dernier mot, par Alain Rey |
LIVRES A ECOUTER,
DOCUMENTAIRES,... |
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Les grands
Entretiens « Les lieux de Marguerite Duras » un film de Michelle Porte,
Gallimard / INA, 2009.
Nous entrons avec cette très belle réalisation de Michelle Porte dans
l’univers, les univers devrions-nous dire, de Marguerite Duras. Ce film
divisé en deux parties, dont le texte a été publié aux Editions de Minuit,
ouvre en effet les portes de l’intimité de la romancière, cette intimité où
les lieux et les personnes sont intrinsèquement associés. C’est en 1976 que
Michelle Porte propose à Marguerite Duras de dresser un portrait d’elle à
partir des lieux, sa maison de Neauphle-le-Château qu’elle a tant aimée et
qui reste indissociable de nombreux personnages de ses romans ainsi que de
son film Nathalie Granger tourné dans cette demeure. La réalisatrice,
par un entretien à la fois très discret et en même temps très présent,
parvient à lever certains voiles d’une pensée fascinante et complexe en même
temps. Les silences comptent autant que les mots qui parfois révèlent une
douleur aiguë voire un malaise profond. Cette maison jouxte la forêt à la
fois lieu de l’insouciance de l’enfance et du danger imminent perçu par
l’adulte, lieu historique d’intimité de la femme à l’époque moyenâgeuse des
sorcières et en même temps lieu inquiétant pour la rationalité. Tout est
tendu et à la fois relâché dans ces témoignages à cœur ouvert. Marguerite
Duras est inquiétante de sincérité, ses sourires attirent en même temps
qu’ils font craindre les gouffres de son quotidien, toujours cette tension
créatrice qui a nourri son génie littéraire. Plus qu’une introduction à
l’œuvre et à la personne de Marguerite Duras, ce film est à recommander à
tous celles et ceux qui souhaitent découvrir l’univers d’un auteur majeur du
XX° siècle.
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Paul Veyne,
Lucien Jerphagnon "Paul Veyne Sur l'Antiquité - Entretien avec Lucien
Jerphagnon" - Un livre sonore 1 CD Audio, Editions Textuel, 2008.
Écouter Paul Veyne, conteur hors pair, c’est passer quelques moments exquis
à déambuler dans Rome, c’est se retrouver parmi la foule venue assister à un
combat de gladiateurs, c’est s’arrêter un instant sur l’enseignement des
grandes écoles de philosophies antiques, c’est apprendre l’Histoire
autrement. Une écoute jubilatoire et merveilleusement ludique. Un entretien
avec Lucien Jerphagnon, historien de la philosophie, spécialiste de la
pensée grecque et romaine, lève le voile sur la complicité intellectuelle
qui le lie avec le grand historien de l’Antiquité. En aèdes modernes, ces
deux joyeux trublions de l’histoire et de la pensée antique, nous apprennent
avec enchantement à regarder et à comprendre les Anciens.
Archéologue et historien français né en 1930, professeur honoraire au
Collège de France intronisé par Raymond Aron, Paul Veyne est notamment
l’auteur de Comment on écrit l’histoire (Seuil, 1970), Les Grecs ont-ils cru
à leurs mythes (Seuil, 1983), Sexe et pouvoir à Rome (Tallandier, 2005), et
tout récemment, de Michel Foucault, sa pensée, sa personne (Albin Michel,
2008). Il s’est épris d’archéologie à l’âge de huit ans, alors qu’il
découvrait un morceau d’amphore sur un site celtique près de Cavaillon.
Depuis, il n’a eu de cesse de percer le mystère de l’Antiquité.
Lucien Jerphagnon, né en 1921, est philosophe, spécialiste de la pensée
grecque et romaine. Il est l’auteur de Histoire de la Rome antique (Tallandier),
de Histoire de la pensée de l’Antiquité au Moyen-Âge (Tallandier), et d’Au
Bonheur des sages (Desclée de Brouwer). Il a également dirigé l’édition des
Œuvres de Saint-Augustin dans la Pléiade.
Lucien Jerphagnon et Paul Veyne ont correspondu pendant une vingtaine
d’années sans se rencontrer, discutant de points d’histoire, de philosophie
et partageant leur lecture du monde antique. Ce livre-disque lève le voile
sur une complicité intellectuelle et philosophique aussi touchante que
passionnante.
(lire nos interviews des deux historiens sur LEXNEWS dans nos pages
interviews) |
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Philosophie au
quotidien avec la Librairie Sonore des Editions Fremeaux
Lire en
conduisant ou en préparant un repas n’est pas une activité habituellement
recommandée mais avec les grands classiques de la Librairie Sonore des
Editions FREMEAUX cela devient non seulement possible mais également
vivement recommandé !
Lus par
de grands artistes, ces enregistrements nous font revivre d’une autre
manière des textes découverts par le livre seul. Détaché des lignes à
parcourir, l’ouie prend le relais pour une autre sensibilité, celle des
sonorités des mots, de leurs articulations et de leurs silences.
Découvrons tout d’abord « Le Banquet ou de L’Amour» de
Platon lu par Michel Aumont. « Le Banquet » est avant tout un
éloge de l’amour décliné au pluriel. Les différents discours de ce banquet
particulièrement bien arrosé offrent en effet plusieurs manières de désirer
le Beau, certaines plus crues que d’autres. Mais par cette réflexion sur l’eros,
le « lecteur-auditeur » accède également à une interrogation plus générale
sur ce qui mène au Vrai et au Bien. Ce texte fondateur de la philosophie est
particulièrement bien servi par l’interprétation sobre de l’homme de théâtre
qu’est Michel Aumont.
Le
stoïcisme est à l’honneur avec le fameux « De brevitate vitae »,
De la brièveté de la vie, de Sénèque lu par Jean-Pierre Cassel
récemment disparu. Cette très belle lecture fait parfaitement résonner le
sens de ce texte majeur qui tend à démontrer que si la vie n’est pas si
brève si nous apprenons à la vivre pleinement. Cette leçon de vie comme
pratique philosophique est une exigence de tous les instants. Sénèque nous
rappelle que nous gaspillons trop souvent notre temps au lieu de réaliser de
grandes tâches. Si nous concevons nos journées comme une vie tout entière,
la vie ne sera pas brève en raison de sa richesse…
« Les
Essais » de Michel de Montaigne lu par Michel Piccoli ne
tiennent pas du rêve mais de deux superbes coffrets de la même Librairie
Sonore. Grand prix de l’Académie Charles Cros, cet enregistrement fera en
effet date tant la rencontre du texte et de l’artiste tend à la symbiose
parfaite ! Cette sélection d’écrits ont fait l’objet d’un travail
remarquable de réécriture pour l’oralité. « Que philosopher c’est
apprendre à mourir » ou « De l’inconstance de nos actions » sont
les fruits d’une réflexion qui ne s’est pas donnée de plan a priori.
« Les Essais » occuperont en effet Montaigne jusqu’à sa mort. C’est une
nouvelle fois la connaissance de soi qui est au cœur de ces essais de la
part d’un humaniste qui sut également prendre part à la vie politique de son
temps. Le choix de Michel Piccoli est incontestablement une réussite,
l’intelligence de la voix de l’acteur seyant parfaitement au texte.
Pour
finir, un texte plus moderne d’Albert Camus, « Le mythe de Sisyphe »,
lu par Jacques Pradel, est un moment de véritable découverte. Camus
reconnaissait que c’est lors de la descente pour rechercher la pierre qu’il
aurait à remonter sans cesse que le personnage mythologique de Sisyphe
l’intéressait le plus. Conscient de la vacuité des recherches de l’homme,
Camus regarde son tourment dont il sait qu’il ne connaîtra pas la fin. Mais
c’est également là le génie de ce texte de ne point sombrer dans un
pessimisme nihiliste : le regard est tragique car Sisyphe est conscient mais
la tâche du héros peut également être joyeuse selon Camus car son destin lui
appartient ! La voix de Jacques Pradel met bien en lumière ce texte à
écouter et à partager pour des instants de vrai bonheur ! |
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LE CORBUSIER,
Entretiens avec Georges Charensol (1962), et Robert Mallet (1951),
Collection La Librairie Sonore – Notre Mémoire Collective, Editions FREMEAUX
& ASSOCIES, 2007.
Qui ne connaît le nom de l’un des plus
célèbres architectes au monde, Le CORBUSIER, synonyme de renouveau de
l’architecture après la seconde guerre mondiale. Pour pouvoir approcher de
plus près ce personnage atypique qui refusait les honneurs, ces Entretiens
de la Librairie Sonore FREMEAUX ASSOCIES marquent incontestablement un
témoignage clé dans la mémoire de ce visionnaire infatigable.
Charles-Edouard Jeanneret naquit le 6
octobre 1887 à la Chaux de Fonds et ne prendra son pseudonyme Le Corbusier
qu’en 1920 d’après le nom de l’un de ses ancêtres albigeois. Le Corbusier
est avant tout un peintre avant d’être architecte comme il le rappelle dans
l’un des deux entretiens proposés. Très sensible à l’art pictural (qui aura
sa place dans la conception même de ses créations architecturales), il
fondera un mouvement, le mouvement puriste, avec son ami Amédée Ozenfant.
Ces deux entretiens (avec Georges Charensol en 1962, et Robert Mallet en
1951) montrent bien que l’homme est en rupture avec l’académisme de ses
débuts. Jetant un œil acerbe, et même parfois acide, sur les institutions
académiques trop souvent responsables d’un art figé selon lui, Le Corbusier
soutient une architecture purifiée et revisitée grâce à de nouveaux
matériaux tel le béton armé dont il exploitera toutes les possibilités
techniques et esthétiques. La dimension sociale est essentielle dans le
travail créatif de l’artiste. Il sera même d’ailleurs l’un des rares
architectes à avoir pu concevoir une capitale (Chandigarh). Même si certains
critiqueront ses réalisations, le génie est à ce prix et Le Corbusier est
définitivement entré dans le panthéon culturel du XX° siècle comme en
témoignent ces enregistrements à découvrir absolument.
« Je fais mon architecture comme un
organisme vivant, elle est biologique, il y a un support osseux, des forces
musculaires, des réseaux sanguins lymphatiques nerveux,… » Le CORBUSIER,
1962. |
Politique,
Société, Médias,... |
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Miguel Benasayag,
Angélique del Rey et des militants de RESF « La chasse aux enfants – l’effet
miroir de l’expulsion des sans-papiers » préface de Stéphane Hessel, Coll.
Sur le Vif, Éditions La Découverte, 2008.
N’a-t-on jamais la sourde impression
d’une partie arrachée à un tout lorsque un membre de sa famille, de sa
communauté ou de ses relations de travail vient à disparaître ?
Un arbre déraciné laisse rarement
insensible même le plus acharné défenseur du pouvoir de l’homme sur la
nature. On regarde souvent un bateau s’éloigner du port avec nostalgie sans
forcément penser au port soudainement esseulé par ce départ. Et pourtant,
qui aurait pu penser que le « départ », le mot convient-il encore…, des
sans-papiers laisserait tant de traumatismes pour les témoins qui ne peuvent
que subir l’absence, donnant ainsi son sens plein à la notion de dommage
collatéral.
C’est toute l’interrogation portée par la
vaste enquête entreprise par RESF et dont le livre écrit par Miguel
Benasayag, Angélique del Rey et les militants de RESF « La chasse aux
enfants » paru à La Découverte vient exposer « l’effet miroir », reflet
douloureux de ce que la partie ôtée d’un tout peut avoir comme conséquence.
Une fois de plus, ce sont les cœurs purs,
ceux qui n’ont pas encore été suffisamment formatés par le discours social,
qui prennent de plein fouet ce vent violent de la disparition inexpliquée.
Comment faire comprendre à un tout petit que son camarade de classe, certes
à la peau plus sombre que lui, ne sera plus là pour partager ses jeux, ses
joies et ne lui laissant plus que la peine d’une chaise vide à l’école ?
Plus violent encore, comment lui faire comprendre certaines traques, ces
drôles de bracelets en fer accroché sans sourire aux poignets crispés par la
peur et la crainte… Ces instants de vie marquent à jamais un enfant, de même
qu’il meurtrit le corps enseignant, le voisinage, les témoins impuissants.
On aurait pu croire ces scènes reléguées à la mémoire collective du passé, à
cette époque honnie où des enfants étaient enlevés de la patrie au nom du
droit certes mais dont la légitimité nous fait encore rougir de honte plus
de soixante années passées.
Il ne s’agit pas de diaboliser mais de
poser des questions : d’éviter ces soupirs gênés, ces conjonctions
additionnées et autre onomatopées qui cherchent à faire éteindre ce lourd
sentiment d’être face à un problème que l’on ne souhaite pas voir.
Pourra-t-on une fois de plus dire : on ne savait pas…
Ces choses là commencent à être soulignées
grâce à des actions courageuses qui n’ont d’autre motif que de préserver un
tissu et un lien social toujours fragilisés, l’action du RESF en est la plus
belle expérience. La prise de conscience est là, à nos portes, devant et
dans nos écoles.
« Ma fille s’est retrouvée au mauvais
endroit au mauvais moment, en pleine arrestation policière , celle de M.
Chen : avec les policiers en lutte contre les parents, les voitures, les
chiens (qui l’ont beaucoup impressionnée), les cris ; elle a respiré les gaz
lacrymogènes. Elle était choquée, ne pouvait plus s’arrêter de pleurer (…)
Le soir, elle n’a plus pleuré, elle m’a raconté qu’elle croyait que c’était
la guerre, a eu très peu, sans comprendre ce qui se passait, elle s’est
sentie en danger. J’ai dû lui expliquer, la rassurer, mais elle s’inquiétait
encore sur un point : avions nous des papiers ? Elle m’a posé cette question
une quinzaine de fois… »
Témoignage d’un parent (p. 62)
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Développement
Personnel, Management,... |
Tony Buzan « Muscler son cerveau avec le Mind
Mapping » Eyrolles, 2008.
Le Mind Mapping gagne en notoriété ces
dernières années et ce dernier livre de Tony Buzan, créateur du concept, est
là pour en témoigner. De quoi s’agit-il ? Nous pouvons représenter nos
pensées non plus exclusivement par des phrases mais par des représentations
cartographiques, de véritables schémas, plus ou moins complexes selon les
personnes et les situations. Il faut en fait imaginer une représentation
mentale d’une idée, d’un projet ou d’un problème sur un papier, à l’aide de
bulles, de flèches, de petits dessins, la créativité du pratiquant étant la
seule limite. Si l’exercice peut sembler un peu élémentaire de prime abord,
il n’en est rien lorsque l’on approfondit l’exercice. Il s’agit en fait de
développer ce que tout à chacun possède en lui, à savoir sa pensée créative.
Or, pour que cette dernière puisse irradier et développer toutes ses
possibilités, la schématisation organisée de manière spécifique par le Mind
Mapping est redoutable si l’on veut bien accepter cette nouvelle manière de
penser. Un outil à découvrir et à exploiter régulièrement pour accroître ses
fonctions créatives.
Thierry Audoux, Jean-Marie Defrance « Dreamweaver
CS3 » Eyrolles, 2008.
La bible sur Dreamweaver CS3 vient enfin
de paraître aux éditions Eyrolles, l’éditeur de référence en la matière. La
dernière version du célèbre logiciel éditeur de sites Web commercialisé par
Adobe mérite véritablement que l’on fasse une mise à jour de ses
connaissances ou bien que l’on aborde ce programme en cas de migration. Il
ne s’agit en effet pas d’une nouvelle version de façade mais bien d’une
refonte du produit en vue d’une plus grande facilité de conception de pages
à l’interface complexe et au graphisme élaboré. Grâce à cette nouvelle
version, l’utilisateur peut faire l’impasse de Javascript alors même qu’il
souhaite élaborer des pages interactives.
Cette somme (572 p.) aborde tout l’univers
de Dreamweaver pour créer des sites modernes, intégrer des formulaires, des
tableaux, des vidéos et autres éléments sonores permettant de s’inscrire
dans l’évolution vers le Web 2.0
De nombreux exemples et exercices sont
également proposés pour permettre l’apprentissage de ce logiciel
incontournable, exercices dont le code source est disponible sur le site de
l’éditeur.
Une véritable réussite de pédagogie !
« Le Yoga des
paresseuses » de Davina Delor, Coll. Le Petit Guide des paresseuses,
Editions MARABOUT, 2008.
Yoga et paresse peuvent-ils faire bon
ménage ? Derrière la question insolente, se cache l’intention louable de
l’auteur d’offrir une porte d’entrée la moins contraignante possible (sinon
nous connaissons toutes la suite…) pour faire de son corps son alliée entre
deux courses et un rendez-vous chez le médecin pour le petit. En fait avec
la dénomination « paresseuse », il faut entendre la femme active
d’aujourd’hui ! Surchargée d’activités multiples et de genres différents,
sollicitée de toute part pour être vraie, pleine et entière alors que les
soustractions de la journée nous laissent au final morcelées et divisées…
Quelle place reste-t-il alors pour une autre activité, le yoga de surcroit !
Et bien justement, c’est là que ce petit livre a tout son rôle : inciter la
femme que nous sommes à accepter pleinement ces contradictions, prendre
conscience de ce corps parfois martyrisé par les obligations pour mieux les
dépasser. La démarche est souple (heureusement !) et progressive afin de ne
pas effrayer les plus farouches. A essayer…pour mieux paresser.
Abdelatif Benazzi « XV
leçons pour coacher votre équipe et réussir dans vos entreprises »
Collection Master Class, Editions MAXIMA – Laurent Du Mesnil Editeur, 2007.
XV leçons pour apprendre le coaching avec
Abdelatif Benazzi qui connaît bien à l’évidence non seulement ce chiffre
mais également ce que signifie l’encadrement ! L’auteur, Capitaine de l’Equipe
de France de Rugby, a en effet très largement dépassé son expérience de
capitaine de la prestigieuse équipe pour faire de la dynamisation du groupe
l’objet d’une science qui s’apprend et ne s’improvise pas… C’est le thème de
ce Master Class dont le but est de transposer des données expérimentées et
tout à fait applicables dans le monde de l’entreprise. La gestion d’une
équipe fonctionne, en effet, relativement sur les mêmes données que l’on se
trouve dans le milieu du sport ou bien dans le domaine de l’industrie ou du
service. L’auteur analyse avec la rigueur qui le caractérise ces règles de
l’encadrement qui permettent de gérer le quotidien d’une équipe, toujours
fragile et réactive. Ce sont avec ces données qu’il faut apprendre à
composer. La clarification des objectifs est une étape souvent sous-estimée,
voire méconnue, et pourtant déterminante pour la suite des évènements :
apprécier à sa juste sa valeur son adversaire, agir rapidement, dépasser ses
limites, assumer sa fonction, désamorcer une crise et savoir se remettre en
cause… sont autant de thématiques également abordées dans le détail par
Abdelatif Benazzi dans cet ouvrage stimulant. On connaissait le grand joueur
de rugby, il faudra dorénavant compter sur un fin stratège du management qui
marque avec ce livre un bel essai à renouveler !
J. MESSINGER : « Ces
gestes qui vous trahissent.», Paris, Editions FIRST, 2005, 344p.
Ouvrage
de référence en la matière, il se présente sous forme d’un guide
alphabétique des différents codes gestuels usuels. Y sont répertoriés,
décryptés avec photos à l’appui dans un style acidulé, pas moins de 500
gestes et attitudes corporelles qui vous trahissent quotidiennement ou vous
révèlent – en si peu de temps - le caractère de votre interlocuteur. Une
vraie bible, qui vous évitera de perdre – entre autre - sans vous en rendre
compte votre interlocuteur lorsqu’il se gratte la main depuis déjà cinq
minutes…, ou de perdre désespéramment votre temps alors même qu’il vous
désigne si souvent de la pointe de son menton…, ou encore de vous laisser
mener en bateau lorsqu’il s’assoit de manière si paternaliste sur le rebord
de son bureau…
J.MESSINGER : « Le petit décodeur gestuel », Paris, Editions FIRST, 2006,
166p.
Et pour
les inconditionnels de la symbolique gestuelle
, les Editions FIRST, vous proposent depuis 2006, « Le petit décodeur
gestuel », pas
moins de 160 pages de gestes habituels, décryptés et analysés, et qui
tiennent dans n’importe quelle poche ou sac à main. Malin et efficace, il
vous évitera de courir vérifier vos connaissances en symbolique gestuelle ou
de téléphoner en urgence à votre meilleur ami pour lui demander de
vérifier à la page tant…Un petit objet qu’il faudra, à l’évidence, un jour,
intégrer à la liste des objets qui nous trahissent !
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Développement
Personnel, Management,... |
« Le développement personnel tout en 1 pour
les Nuls » Editions First, 2008.
Ce fort volume regroupe en 656 pages le
meilleur des 4 livres phares de la collection, à savoir La PNL, Les
Thérapies Comportementales, l’Hypnothérapie et le Coaching (déjà présentés
dans ces colonnes). Il est parfois difficile de savoir ce qui correspond le
mieux à ses attentes, ses besoins et sa personnalité. Le fait de regrouper
ces techniques de développement personnel en un seul volume devrait répondre
à un certain nombre de questions et d’interrogations qui reviennent souvent
sur ces sujets. Ecrites par de grands spécialistes réputés pour la pédagogie
de leurs écrits, ces 4 parties vont au fond des choses et ne se contentent
d’aborder superficiellement les choses comme c’est parfois le cas d’articles
ou d’ouvrages de trop grande vulgarisation. Les auteurs savent jusqu’où
aller et prodiguent de nombreux conseils pour éviter des erreurs qui
pourraient être pires que le mal. Il ne s’agit pas d’un encouragement à une
autothérapie sans limites mais plutôt de l’exposé des modes de
fonctionnement de l’être humain et de ses complexités. Des maux de faible
importance gagnent à être pris en considération avant qu’ils ne se
transforment en avalanches de doutes psychologiques. Les auteurs n’hésitent
pas à proposer des outils pratiques, des exercices, des bilans à réaliser
pour dresser une carte de nos représentations mentales quotidiennes.
A découvrir de toute urgence !
Jean-Jacques Prahin, Jean-Luc Tournier
« Guérir de son père, père et fils : la thérapie du lien » Editions de
Boeck, 2007.
La relation au père est déterminante pour
le jeune individu, et plus tard l’adulte livré au monde qui l’entoure. Les
deux auteurs, psychothérapeutes, ont consacré leurs recherches sur les
éléments qui marquent cette relation et dont on trouve déjà les
interrogations dans l’Antiquité la plus ancienne. Le fait de ne pas avoir eu
suffisamment de liens avec son père, un manque de partage et d’intimité avec
lui, peut avoir pour conséquence de ne pas donner un modèle suffisamment
complet pour construire sa propre individualité. Selon les auteurs, le fils
est alors un homme sans l’être vraiment. Face à ce constat inquiétant, où
l’incomplétude est source de désorientation, de blessures, de carences, et
de comportements qui « gardent » en enfance.
Les deux psychothérapeutes ont ainsi
conduit depuis plus de dix ans des ateliers de thérapie avec des patients
souffrant de leur relation à leur père. C’est cette expérience qui est ici
résumée. Le style est direct, les auteurs n’hésitent pas à reproduire
l’ambiance du début de la séance de travail en montrant les peurs et les
réticences d’hommes réunis à parler de choses qui d’habitudes ne sont pas
abordées dans l’univers des mâles. Il s’agit alors de découvrir ce « père
intérieur », cette construction interne d’un modèle présent dans notre
esprit et qui parfois prend une réelle indépendance dans notre cerveau et
exerce une influence dans les décisions de tous les jours. Cette prise de
conscience est lourde et difficile et ce livre montre que si ces étapes
impliquent l’individu, elles permettent cependant de faire évoluer nos
représentations mentales et de s’épanouir progressivement avec d’autres
repères que ceux « hérités » de la plus petite enfance. Cet ouvrage est
captivant tant il souligne par des cas concrets relevés lors des ateliers de
travail les difficultés d’une relation saine avec son père, difficultés qui
semblent cependant n’être jamais
irréversibles !
"Le Yoga" de Kiran Vyas avec DVD, Editions
MARABOUT, 2007.
Ce
sera probablement un choix cadeau valeur sûre pour toutes celles et ceux qui
souhaiteront apporter un air de sérénité à leur entourage qui en
manifesterait la demande. L'ouvrage est remarquable par sa clarté, toutes
les gestes et positions étant parfaitement montrés grâce aux belles photos
de Brigitte Baudesson. L'auteur est originaire d'Inde. Si cela ne lui donne
pas en tant que tel une légitimité absolue, le fait qu'il ait enseigné
depuis plus de 20 ans le yoga et qu'il ait fondé des centres de yoga et d'ayurvéda
à Paris et en Normandie lui confère une expérience incontestable, ses
nombreux ouvrages en témoignent. La méthode est simple et repose sur les
fondamentaux indiens puisque l'auteur a retenu le Hatha-Yoga comme loi
d'équilibre. La respiration (Pranayama) et les postures (Asanas) sont au
coeur de cette méthode afin de prendre conscience des dimensions de notre
corps et écarter les tensions inutiles qui s'amoncellent, année après
année. Le DVD offre parallèlement un complément de 45 mn constituant à lui
seul un cours de yoga à domicile.
Stephen R.
Covey "Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu'ils entreprennent"
avec nouvelle préface et postface de l'auteur, FIRST EDITIONS, 2005.
Les chiffres éloquents de plus de 15
millions d'exemplaires vendus dans 27 pays donnent une idée de l'ampleur de
la pensée de leur auteur ! Stephen R. Covey est, sans conteste, l'une des
figures marquantes du développement personnel du XX° siècle. Diplômé de
Harvard et président du Covey Leadership Center, l'auteur a été le
conseiller du Président Clinton. L'ouvrage clé de la pensée de
l'auteur, les 7 habitudes..., n'est pas un livre de plus offrant des
recettes miracles pour réussir sa vie. En fait de miracles, c'est sur le
long terme que se place la démarche de Stephen R Covey. C'est en effet, pas
à pas, jour après jour, que de profonds changements pourront survenir, assis
sur des principes justes et immuables. On l'a compris, c'est à un effort
d'exigence vis à vis de nous tout d'abord auquel nous invite ce magnifique
livre qu'on ne cesse d'ouvrir et d'exploiter, lecture après lecture. Que ce
soit l'approche personnelle, sociale ou professionnelle, rien n'est écartée
dans la démarche globale de l'auteur. Profitons de cette dernière édition,
augmentée d'une nouvelle préface et d'une nouvelle postface de l'auteur,
pour repenser les fondements de notre vie !
Stephen R. Covey "La
8ème Habitude" FIRST EDITIONS, 2006.
Après lecture des 7 habitudes, il faut
absolument découvrir ce nouvel opuscule de la pensée féconde de Stephen R.
Covey. Si son premier ouvrage n'a pas pris une ride, ce nouveau titre se
place résolument dans le cadre actuel de notre société occidentale en crise.
Plus que jamais, une réflexion de fond sur la signification de nos choix
personnels et professionnels s'avèrent indispensable afin d'éviter le flot
incessant de névroses et autre mal de vivre si fréquent dans notre
quotidien. C'est tout le mérite de ce dernier livre du grand penseur que de
nous inviter à une confrontation directe avec tous ces maux dont on évite de
parler jusqu'au moment où cela s'avère trop tard. Stress,
découragement, frustration,... toutes ces souffrances trouvent leur réponse
dans ce dernier ouvrage à lire au plus vite pour mieux vivre avec son siècle
!
Stephen R. Covey
"L'étoffe des leaders" FIRST EDITIONS, 2005.
Les éditions FIRST ont décidément
l'heureuse idée que de rééditer les ouvrages de référence du penseur
américain, et ce dernier titre devrait tout spécialement intéresser
l'univers professionnel. C'est à partir de questions simples comme "Savez
vous dire non ?", "Qu'avez vous retenu de vos études ?", "Consacrez
vous assez de temps à vos enfants ?" ou "Pensez vous être apprécié à
votre juste valeur ?" que Stephen R Covey nous rappelle que notre vie
professionnelle repose également sur un parfait accord avec une boussole
qu'il nous appartient de déterminer et de suivre. Déterminer les principes
cardinaux de votre vie professionnelle n'est pas chose facile surtout à
notre époque. L'auteur nous apprend comment découvrir cet univers à portée
de main et qui pourtant est trop souvent remis au lendemain. Une première
idée, demain en allant ou revenant du travail, arrêtez vous chez votre
libraire et acheter ce livre qui pourrait changer votre vie professionnelle
et votre vie tout court ! |
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BD
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"Clair-obscur
dans la vallée de la lune"
auteurs ALCANTE et MONTGERMONT Collection : Air libre,
DUPUIS, 2012.
Cet ouvrage signé MONTGERMONT et ALCANTE à
mi-chemin entre le roman et la bd, nous emmène au travers de la rencontre de
deux personnages à la découverte des paysages somptueux
du nord du Chili, en alternance avec la face sombre de la dictature.
Joan, une jeune touriste américaine part à la découverte du Chili avec José
Suarez son guide...
Une histoire qui débute comme un simple voyage touristique, mais qui au fil
des pages laissera place à une grande émotion mêlée d'intrigues, accentuées
par une qualité graphique exceptionnelle : Les moments de légèreté où les
personnages sont dans un état serein sont exprimés dans une ambiance claire
où l'intensité de la lumière transporte le lecteur dans un dédale de
paysages à couper le souffle. Les périodes sinistres de l'ère Pinochet sont
quant à elles traduites dans un dessin dont l'ambiance obscure nous plonge
dans l'horreur de la dictature. Incontestablement, cet album porte bien son
titre ! La qualité du dessin et de l'écriture donne à cette bande dessinée
des allures romanesques. Un album où les références artistiques ne manquent
pas et qui sera certainement une des bandes dessinées les plus marquantes
pour cette année 2012.
Un grand bravo au tandem MONTGERMONT/ALCANTE qui s'était déjà distingué lors
de la parution de "Quelques jours ensemble". C'était leur première
collaboration dans un album où les thèmes de la maladie et de la différence
étaient traités avec une grande finesse.
Bref, "Clair-obscur dans la vallée de la lune" est un ouvrage à lire
absolument.
Ludovic Szagata
Une Nuit de
pleine lune, scénariste Yves H., dessinateur Hermann Collection: Grafica
Format : 240 x 320 mm 56 pages, GLENAT Editions, 2011.
Après plusieurs collaborations sur des ouvrages comme "Lien de sang",
"Rodrigo" ou encore "Manhattan beach", le père et le fils (Hermann et Yves
H) reviennent avec un nouvel album
où les amateurs de polars ne seront pas en reste. Un cambriolage organisé
par une bande de jeunes inexpérimentés va virer au cauchemar. Leur plan est
simple, s'introduire dans la villa d'un couple de notables du village afin
d'ouvrir leur coffre-fort. Mais, voilà, le plan ne se déroule pas comme
prévu et une succession de dérapages va conduire nos cinq jeunes à connaître
l'enfer. C'est un peu l'histoire de l'arroseur arrosé qui nous est contée !
Un scénario mis en avant par une qualité graphique exceptionnelle, les
dialogues sont bien choisis et le cadrage participe au côté lugubre. On
saluera également l'excellent travail du coloriste Sébastien Gerard qui
contribue à accentuer cette ambiance sombre.
Par moment cette succession de dérapages n'est d'ailleurs pas sans rappeler
l'album "Lune de guerre" où Vann Hamm avait à l'époque écrit en
collaboration avec Hermann un Thriller
à couper le souffle.
"Une nuit de pleine lune" est résolument un excellent album, et nous prouve
une fois de plus que la collaboration entre Hermann et Yves H fonctionne à
merveille.
Il est à noter qu'il existe deux versions l'une en couleur et l'autre en
noir et blanc.
Ludovic Szagata
L'art de voler -
Scénario : Altarriba, Antonio - Dessin : Kim, DENOEL GRAPHIC, Editions
Denoël, 2011.
"L'art de voler", c'est l'histoire réelle
d'un homme qui mettra fin à ses jours en se jetant du quatrième étage d'une
maison de retraite. Un dernier combat pour retrouver la liberté.
Une BD qui nous plonge dans le parcours fascinant d'un homme "ordinaire" en
quête de justice et de liberté sur fond de guerre civile espagnole.
Une traversée dans ce qui fût l'une des plus grandes tragédies de l'histoire
du 20e siècle : Naissance de la jeune République espagnole pleine d'espoir,
guerre civile et régime franquiste, exil dans les camps de réfugiés du sud
de la France, participation de combattants espagnols auprès des résistants
français... Autant de grands moments de l'Histoire que nous fait partager
ALTARRIBA en racontant les mémoires de son père. Un père plein d'idéaux et
d'espoir.
Difficile de ne pas faire le parallèle avec "Maus" d"Art SPIEGELMAN qui
raconte le sort de son père durant la Seconde Guerre mondiale. A l'instar
d'Art SPIEGELMAN, Antonio ALTARRIBA nous livre donc un roman historique
palpitant. Le graphisme de Kim (créateur de l'hebdomadaire satirique très
populaire "El Jueves") contribue à donner de la vie à cet excellent ouvrage
notamment en usant de la métaphore.
Lors de sa sortie en Espagne, cet ouvrage a reçu plusieurs prix, et c'est
plus que mérité, car il s'agit là bien d'un chef-d’œuvre sans conteste de la
bande dessinée !
Ludovic Szagata |
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Les deux du
balcon, Masse, GLENAT Editions, 2011.
Quelle bonne nouvelle cette réédition de Masse ! "Les deux du balcon", parue
en 1985, est une bd incontournable qui réunit tous les ingrédients d'un chef
d'oeuvre tant sur le plan artistique que créatif. En effet, le style de
Masse est unique en son genre dans les techniques utilisées comme le collage
et le grattage, mais également dans l'originalité de ses oeuvres. Dans cet
ouvrage, on parle plutôt de conversation que d'histoire, des propos échangés
entre deux personnages depuis un balcon et orientés sur la création de
l'univers ou sur des thèmes scientifiques ; mais, rien de rébarbatif, bien
au contraire ! Dans « Les deux du balcon", on parle science ou physique sans
jamais s'ennuyer, tout est abordé avec humour et finesse.
Au fil des sujets, on retrouve un environnement chaque fois différent, les
vues depuis le balcon nous emmènent dans un monde surréaliste qui n'est pas
sans rappeler l'ambiance de Fred dans les aventures de Philemon (encore un
autre grand de la bd).
Le talent de Masse est reconnu aussi bien dans le monde de la bd que dans
celui de la peinture, car n'oublions pas qu'en plus d'être un formidable
auteur de bd, Masse est également un grand peintre.
Une œuvre magistrale donc et un grand classique qui saura ravir les lecteurs
avides de bd décalée. !
Ludovic Szagata Lucien, Tome 11 : La
bande à Lucien de Frank Margerin, Fluide Glacial, 2011.
Franck Margerin fait son "come-back" avec
ce nouvel album où règne toujours une ambiance très Rock and roll
accompagnée d'une bonne dose de camaraderie. Même si le style de Lucien peut
paraitre dépassé aux yeux de certains jeunes, c'est pourtant comme ça qu’on
l'aime, et le fait d'avoir conservé sa banane en la grisonnant a permis de
garder l'âme rock and roll de celui qui a accompagné toute une génération.
Car Lucien sans sa banane ne serait plus, c’est certain, Lucien ; alors
pourvu que la calvitie ne touche pas notre héros !!!
Si dans les derniers tomes Lucien retrouvait des vieilles connaissances
comme Riton, Gillou ou Ricky, cette fois, c'est Nanard qui fait son
"come-back". Nanard, c'est le bon vieux cousin hippie chez qui Lucien
passera un p'tit séjour champêtre dans "Lucien se met au vert".
Dans ce tome 11, Nanard a perdu son look "baba cool", mais reste néanmoins
très branché énergies renouvelables, agriculture bio etc... Margerin même
s'il n'a jamais prétendu faire de "la bd engagée" participe ainsi à nous
faire prendre conscience de l'importance de certains sujets parmi lesquels,
et pas la moindre, celle de préserver notre planète. De la même façon, il a
su mettre en perspective les petits soucis et les inquiétudes des quinquas :
problèmes de santé et de travail...Mais pas de panique !!! Tout ça est
traité avec la finesse et l'humour, et ce qui caractérise Margerin demeure ;
le passage le plus bidonnant est à découvrir dans le dernier acte de cette
bd où notre bande de joyeux lurons se raconte leurs " bons plans séduction",
et surtout leurs déboires…
On peut dire que Lucien et ses potes, ou plutôt la bande à Lucien
vieillissent bien. Ils sont toujours aussi drôles et pleins d'humanité. On
attend la prochaine avec impatience !!!
Ludovic Szagata
Far Away
Scénaristes Maryse Charles, Jean-François Charles, Dessinateur Gabriele
Gamberini, Editeur GLENAT , 2011.
Certainement l'un des plus beaux livres de
ce début d'année ! Cet album est une invitation à la poésie et à la
mélancolie.
Un road-movie où chaque planche est soignée et offre un dessin d'une rare
délicatesse.
L'histoire est celle de Martin BONSOIR, un chauffeur routier qui va se
retrouver bloqué par les intempéries, ce qui l'amènera à faire
une rencontre inattendue. Une rencontre entre deux êtres solitaires en plein
cœur de la forêt canadienne. A partir de cet instant va débuter
un long voyage qui va nous plonger dans un dédale de paysages plus beaux les
uns que les autres.
Un récit à la fois dramatique, mystérieux, servi par un dessin tout en
peinture où les décors et les paysages sont un régal pour les yeux.
Le scénario est simple, mais la qualité des dialogues correspond
parfaitement au graphisme donnant ainsi à l'ensemble une grande homogénéité
et beaucoup de subtilité.
Ludovic Szagata JEAN-CLAUDE TERGAL -
Tome 10. ... Ne rentre pas seul ce soir
Dessin et scénario : Tronchet - Editeur : Fluide Glacial, 2011.
Dans un train, un inconnu demande à
Jean-Claude de veiller quelques instants sur sa femme qui a absorbé un peu
trop de somnifères. Ce dernier accepte et va même aider l'homme à débarquer
son épouse à l'arrivée du train en gare. Assis sur un banc aux côtés de la
belle inconnue le temps que le mari aille trouver un taxi, Jean-Claude
attend patiemment l'époux qui ne reviendra jamais...C'est alors qu'envahi
par le stress de la situation, une multitude de questions viennent tarauder
notre héros. La femme est-elle morte ? Pourquoi sa valise contient-elle
trois grilles pains ?
Encore une histoire rocambolesque de l'inimitable Jean-Claude TERGAL vêtu de
sa doudoune rouge et de son habituel pantalon "feux de plancher".
Jean-Claude TERGAL, personnage phare de TRONCHET, nous emmène dans son
univers glauque où la misère sentimentale prend toute sa dimension sur un
fond d'humour noir et décapant. Jean-Claude est un habitué des déboires
amoureux, en quête du grand Amour, on retrouve cet antihéros dans des
situations cocasses qui parfois peuvent nous rappeler quelques souvenirs en
matière de "plans foireux" ! Et, c'est d'ailleurs certainement ce qui
contribue à rendre ce personnage si attachant. Mais, dans ce tome 10,
scénario extraordinaire et quelque peu différent, notre compère trouve
enfin une femme...
Le dessin parfois aléatoire qui fait le charme de TRONCHET se marie
parfaitement avec l'ambiance déjantée de la BD. Quant à l'histoire, TRONCHET
entretient merveilleusement le suspens ce qui nous a conduits à lire ce
petit joyau en une seule traite !
Une fois de plus l'auteur conjugue habilement satire, tendresse et humour et
nous fait ainsi partager un grand moment de bonheur !
Ludovic Szagata |
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Le Narval T2 : Terrain Vague
De Supiot et Beuzelin, Treize Etrange - Glénat 2010.
Comme dans le précédent album du NARVAL, Olivier SUPIOT et
Boris BEUZELIN nous présentent cinq histoires courtes et extrêmement bien
construites.
L'intrigue tient rapidement le lecteur en haleine grâce à des scénarios
concis et des illustrations aux traits nerveux précis et expressifs.
Ces graphismes s'inscrivent dans la plus pure tradition Franco-Belge et
évoquent notamment l'ambiance de Spirou et Fantasio.
Comme eux, le héros vit une série d'aventures rocambolesques.
Au menu : de l'action!! Des rencontres imprévues et des endroits insolites.
Comme ce complot dans les égouts de Paris... Ou encore cette plongée
atypique en plein désert... Dans ces cinq histoires, le lecteur va de
surprise en surprise et il est vrai que chacune des aventures du NARVAL
pourrait donner naissance à un album à part entière, mais les auteurs ont
préféré le format "recueil de nouvelles".
Un grand coup de chapeau à Olivier SUPIOT et Boris BEUZELIN pour ces
aventures rythmées, dynamiques et passionnantes !
Ludovic Szagata
Tard dans la nuit de Jean-Blaise Djian,
VoRo et Jocelyne Charrance Collection Les Intégrales Vents d'Ouest 2010.
La rencontre entre le scénariste français
Jean Blaise DJIAN et le jeune dessinateur Quebecois VORO donne naissance à
une trilogie captivante entre thriller, drame psychologique et faits
historiques. En effet, cette série parue entre 2004 et 2006 s'inspire
d'évènements tragiques datant du milieu du XXe siècle (L’affaire des
orphelins de Duplessis).
Le tandem DJIAN VORO nous transporte dans un univers plein d'intrigues et de
rebondissements où le jeune shérif Émile tente d'élucider une série de
meurtres ayant eu lieu dans le petit village de Nid-de-Roche. Un petit
village perdu dans l'Est du Quebec où les habitants vivent reclus dans la
rudesse des longs hivers qui caractérisent cette région. L'atmosphère qui se
dégage de cette BD nous rappelle d'ailleurs un peu l'ambiance de
l'excellente série "magasin général" de LOISEL & TRIPP .
La qualité de narration sur la base d'un scénario complexe, mais très bien
construit allié à un dessin réaliste et dynamique, contribuera à plonger le
lecteur dans une ambiance lugubre où le profil psychologique de chaque
personnage est mis en scène avec beaucoup de finesse. Au fur et à mesure que
l'on se rapproche du dénouement, l'histoire gagne en puissance, le scénario
devient de plus en plus fouillé et les dessins se précisent. Ils contribuent
à créer une ambiance mystérieuse, justement celle d'un petit village où les
habitants vivent en cercle fermé, un endroit confiné et très secret…
Une série qui à l’évidence saura ravir les amateurs de polars et tous ceux
qui recherchent une bonne BD captivante
Ludovic Szagata |
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La pire espèce
Scenario : Agathe ANDRE et Richard MALKA
Dessin : PTILUC
Editeur: GRASSET/VENTS D'OUEST 2010
La collaboration entre Agathe ANDRE, PTILUC et
Richard MALKA donne naissance à un road-movie passionnant à travers "l'île
perdue".
Cette île mystérieuse peuplée de bonobos, d'hippopotames banquiers, ou
encore de paresseux écolos-warrior nous reserve bien des surprises !
L'histoire est celle de Badin un singe bonobo qui part à la recherche d'un
antidote pour guérir sa fille atteinte d'un mal étrange appelé le virus
Zarako... Au fil de son periple, Badin notre sage bonobo accompagné de sa
fille Bonie et d'un petit lézard surnommé Mr Sinic vont devoir traverser des
terres hostiles et étranges comme : "La vallée des fous, horror city...
Nos deux scénaristes Agathe ANDRE et Richard MALKA nous livrent un récit et
des dialogues d'une grande qualité, un petit bijou d'humour à double lecture
où cohabitent des citations de poètes, de philosophes et d'hommes
politiques, on est sur les terres de la satire et de l'humour. Enfin, Ptiluc
vient apporter par un dessin bien léché et plein d'humour une ambiance
déjantée dans cette fable animalière ressemblant étrangement à un « connu,
vécu déjà », peut-être bien notre société... Bref, un album à lire
absolument !
Ludovic Szagata
Ca n’arrive qu’à moi-
Livre premier / Tronchet / Futuropolis, 2010.
Tronchet c'est l'art de mettre en scène
des gens ordinaires et des histoires ordinaires en y mêlant une bonne dose
d'humour et d'ironie.
Chacun de ses personnages apporte leur lot de péripéties et même si de prime
abord ses héros ou plutôt antihéros sont un peu bruts de décoffrage dans
leur apparence, à l'arrivée on finit toujours par s'y attacher et y trouver
une forme de tendresse. Et, c'est le cas pour Jean-Claude TERGAL,
certainement le plus social de ses personnages, qui redouble d'imagination
et use de stratagèmes dignes des plus grands losers pour tenter de trouver
l'âme soeur. Mais, on soulignera également Raymond CALBUTH, un des
personnages phare de TRONCHET, qui a beaucoup contribué au succès de ce
dernier. Et si TRONCHET a pu déjà dans d’autres albums mettre en scène des
personnages féminins tels que Monique CALBUTH (femme de Raymond), Christine
(le premier amour de Jean-Claude THERGAL) ou bien encore Régine POISSART(la
famille POISSART), c'est cependant la première fois que l'auteur donne un
rôle principal à une héroïne. Dans "ça n'arrive qu'à moi", on découvre en
effet "Prunelle" une jeune femme adepte de l'écologie et de la nature. Tout
un programme ! La vie de Prunelle est ponctuée de gaffes et de maladresses
qui font de cette héroïne un personnage extrêmement sympathique et amusant.
Quand Prunelle s'emmêle les pinceaux avec les expressions de la langue
française en "tombant comme un cheval dans la soupe", on sourit et
lorsqu'elle gaffe on se marre comme un bossu.
Même si le scénario est plutôt simple, il n'en reste pas moins efficace, et
à la fin de ce premier tome on a vraiment le sentiment d'avoir pris une
bonne bouffée d'oxygène !
Et c’est ce qui nous faut pour les vacances…
Ludovic Szagata |
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Le Narval, L'homme de
fond de Boris Beuzelin et Olivier Supiot, Glénat, 2010.
Bob Narval, plongeur-aventurier à l'aise
comme un poisson dans l'eau, nous invite à vivre ses aventures aux quatre
coins du globe dans l'univers
passionnant de la plongée sous-marine : Cap sur la Polynésie à la rencontre
d'un archéologue peu scrupuleux, rendez-vous avec des pirates désespérés au
large de la Somalie, mission à haut risque dans l'Arctique, bref de
l'aventure à l'état brut dans la plus pure tradition franco-belge.
D'ailleurs, les connaisseurs pourront y retrouver diverses sources
d'inspiration parmi lesquelles Maurice Thillieux (Gil Jourdan), Yann/Conrad
(les innommables) et Frankin (Spirou et Fantasio "Le Repaire de la Murène").
Dans le Narval, on renoue avec la BD d'aventure classique. Olivier SUPIOT
nous a concocté cinq histoires très bien ficelées aux dialogues percutants
incluant une bonne dose d'humour et une mise en scène très bien orchestrée.
Quant à Boris BEUZELIN, il nous livre un dessin au graphisme nerveux, au
trait rapide et expressif d'une grande qualité. Le héros devient vite
attachant et les personnages ont vraiment "de la gueule".
Vivement le prochain album!
Ludovic Szagata |
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"Correspondance avec
les corps obscurs", 13e tome de la série Pacush Bues de Ptiluc, Vents
d'Ouest, 2010.
Une atmosphère monochromatique plus que
sombre, un personnage un peu paumé nous faisant réfléchir sur des grands
thèmes de société dans un décor plutôt glauque, pas de doute possible, c'est
bien du Ptiluc !
Ptiluc, c'est un peu le spécialiste de la fable animalière, capable de
mettre en scène des rats et de leur donner un visage très humain, un peu à
la manière de Jean de la Fontaine mais en beaucoup plus trash !
"Correspondance avec les corps obscurs", 13e tome de la série Pacush Bues
nous emmène donc dans une réflexion existentielle emprunte de philosophie et
d'un soupçon de poésie. On y retrouve un héros "discutant le bout de gras"
avec l'âme d'un de ses semblables en état de putréfaction... bref après
s'être attaqué à des sujets comme l'intolérance, le pouvoir ou encore les
travers de notre société de consommation (tome 12 autopsie de mondes en
déroute), Ptiluc nous invite à méditer sur des sujets comme la mort et la
vieillesse. L'ambiance générale de cette dernière BD n'est d'ailleurs pas
sans rappeler "Jefferson ou le mal de vivre" (tome 2).
Un ouvrage qui mérite que l'on prenne tout son temps pour apprécier la
grande qualité de ses dialogues associé à un dessin tellement expressif que
l'on a envie de s'attarder sur chaque case. Seul Ptiluc est capable de
mélanger avec autant d'habileté le cynisme, la déprime, et de conserver un
humour corrosif et décapant. On peut dire que ptiluc est un excellent
dessinateur, scénariste, mais aussi un sociologue vraiment doué !
Ludovic Szagata |
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Sports, Santé |
Votre
dos - Bien-être, santé, performance de Jack SAVOLDELLI et Lionel LAIDET, 224
pages 16,5 X 21 cm en couleurs - 105 photos et 23 dessins, Amphora, 2010.
Selon une étude
récente, près de 80 % des Français ont, ont eu ou auront mal au dos. Depuis
quelques années, ces traumatologies touchent des personnes de plus en plus
jeunes.
L'usage fréquent de la voiture, une position inadaptée devant son
ordinateur, de mauvaises postures lors de la manutention d'objets lourds, le
manque d'activités physiques et une musculature trop faible... les origines
de ce mal sont nombreuses.
Après vous avoir présenté les différentes composantes anatomiques de la
région dorsale et son fonctionnement, les auteurs font un inventaire des
diverses origines du mal de dos et des traitements à suivre pour le
soulager.
Par la suite, ils vous donnent les informations et les conseils spécifiques
pour prévenir ces douleurs, et vous proposent des exercices et des
programmes variés pour éduquer, renforcer ou soulager efficacement votre
dos.
Un ouvrage concret et accessible à toute personne déjà concernée par ces
douleurs ou qui souhaite les éviter.
(présentation de l'éditeur)
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Objectif
Abdominaux - Entretien, performance, esthétique de Laurent LOPEZ,
Amphora, 2010.
Pourquoi et
comment solliciter au mieux vos abdominaux pour votre santé et votre
bien-être quotidiens ? Quels sont les exercices les plus efficaces pour vous
muscler en toute sécurité ? Quels sont les meilleurs programmes adaptés à
vos objectifs : entretien, développement de la puissance ou recherche d’un
corps esthétique ? Quelles sont les règles de diététique à respecter pour
optimiser les bénéfices de votre entraînement ?
Les abdominaux sont des muscles essentiels qui assurent votre maintien et
votre équilibre corporel. Une sollicitation régulière préviendra les
problèmes de postures et le mal de dos. Elle aura également un rôle
primordial sur vos fonctions respiratoire et digestive… Découvrez les
exercices et les conseils indispensables à votre santé et votre bien-être.
Vous êtes un sportif et souhaitez améliorer votre explosivité et votre
gainage, indispensables à la performance ? Vous désirez vous construire un
corps esthétique, une silhouette harmonieuse et dessiner les fameuses «
tablettes de chocolat » ? Laurent Lopez vous propose un travail approfondi
et ciblé afin de vous permettre d’obtenir les résultats recherchés.
Découvrez des exercices, des programmes d’entraînement et des conseils
diététiques adaptés à vos propres besoins.
(présentation de l'éditeur) |
"A cheval ! S'initier à l'équitation avec
plaisir" de Lebherz Heike, Collection : Hors collection Larousse Pratique,
Larousse.
Le livre pour
apprendre à monter à cheval avec bonheur.
Un guide pratique qui insiste sur l'importance de la relation
cavalier/cheval, la connaissance approfondie de l'animal et de son
comportement dans l'apprentissage de l'équitation.
Véritable cours d'initiation dédramatisant, accompagné de nombreux conseils,
d' anecdotes vécues et de témoignages de cavaliers, le livre est découpé en
5 parties :
- Le désir d'apprendre à monter.
- Ce qu'il faut savoir à propos du cheval.
- La peur de monter à cheval et comment y remédier.
- A cheval : des exercices pratiques.
- Enfin libre : monter seul sans longe. |
Christophe Geoffroy « Guide pratique des
étirements » Collection Les Guides Pratiques, Edition C. Geoffroy, 2008.
Christophe Geoffroy vient de publier dans
le cadre de la Collection Sport +, Le Guide pratique des Etirements qui en
est à sa 5ième édition et vient apporter des réponses simples et claires
dans un domaine où très souvent l’inverse et son contraire sont énoncés. Si
vous ne savez pas répondre à la question : doit-on pratiquer les étirements
avant ou après la séance de travail ? Et si vous mettez dans le même sac
tout type d’entraînement, cet ouvrage est fait pour vous. 150 exercices sont
proposés pour être en forme, ces exercices pouvant être pratiqués soit en
tant que tel au cours d’une séance spécifique ou bien dans le cadre d’une
pratique d’un sport. La conduite des exercices est progressive et des
niveaux de difficultés sont proposés afin de personnaliser l’entraînement.
Ce guide ne se limite pas à une compilation d’exercices mais offre une
véritable compréhension de leurs effets sur l’anatomie et la physiologie du
corps. Parfaitement illustré avec de nombreux schémas montrant les muscles
et les tendons sollicités, c’est une véritable somme sans équivalent en
français en matière d’étirements. Après sa lecture, on serait même tenté de
le rendre obligatoire au même titre qu’une visite médicale sérieuse et
approfondie avant toute début ou reprise de pratique sportive. Christophe
Geoffroy nous fait bénéficier de son expérience de Kinésithérapeute du sport
(M.K.D.E.), kinésithérapeute attaché à la F.F.F., chargé d'enseignement
universitaire, et également organisateur de raids multisports.
« BodySports – La
Bible des exercices » de Josette Roche-Shuey et Lucien Demeillès, Editions
JIBENA.
A
l’heure des manuels de musculation trop rapidement élaborés avec des photos
plus ou moins en situation, ce dernier ouvrage des Editions Jibena conçu par
deux spécialistes de la forme et de la musculation (les auteurs
interviennent en effet régulièrement depuis de nombreuses années dans la
Revue « Le Monde du Muscle) fait figure d’évènement. Un évènement
pédagogique tout d’abord en raison du travail iconographique exceptionnel
réalisé grâce aux dessins de Lucien Demeillès, véritable artiste en la
matière, qui offrent non seulement une vision dynamique des exercices
présentés mais forcent également leur compréhension en isolant les muscles
et parties du corps concernés. Avec ses 500 dessins d’exercices, cet ouvrage
couvre également, autre mérite, l’ensemble de la musculature du corps humain
pour une remise en forme, un entraînement régulier voire même un
perfectionnement après des années de pratique. Chacun trouvera des mines
d’informations dans cette Bible des exercices afin d’apprendre, à terme, à
composer soi-même ses programmes et
mieux coller à la spécificité de son métabolisme et de son anatomie.
Cet objectif ne pourra être atteint qu’en étudiant dans le détail et dans
ses interactions l’ensemble des exercices ici présentés afin de parvenir à
cette compréhension de l’idéal culturiste tant souvent décrié et pourtant
magnifié dés la plus ancienne statuaire grecque classique !
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Sabine Juras, Jérôme Baicry « Le gainage pour
tous, renforcer son corps pour le bien-être et la performance » collection
Sport+ Editions C. Geoffroy, 2008.
Le gainage gagne progressivement ses
lettres de noblesse dans la préparation sportive et dans la vie de tous les
jours. Cette nécessité de renforcer l’ensemble des muscles qui entourent la
colonne vertébrale (gainage) est de plus en plus constatée eu égard au
nombre important de lombalgies au quotidien. Cet ouvrage particulièrement
complet est le fruit de l’expérience de deux kinésithérapeutes spécialisés
dans le sport de haut niveau (Sabine Juras est le kiné de l’équipe de
basket-ball de Valenciennes depuis 1995 et de l’équipe de France féminine de
basket-ball depuis 2000 ; Jérôme Baicry est le kiné de l’équipe de
basket-ball de Bourges depuis 2001 et de l’équipe de France féminine de
basket-ball depuis 1999). Les contraintes articulaires et musculaires étant
souvent très impressionnantes lorsqu’elles sont traduites en poids au niveau
de la colonne (des pressions dépassant largement la tonne au niveau des
lombaires), la nécessité d’un bon verrouillage grâce à une bonne sangle
musculaire semble incontournable. Les auteurs insistent bien sur cette idée
erronée qui consiste à croire que faire des abdos devrait suffire. Il n’en
est rien, non seulement certains de ces exercices peuvent contribuer à
endommager plus le dos mais, de plus, ils ne seront pas suffisants à ce
gainage complet et équilibré de la colonne. Le livre offre ainsi toute une
méthodologie parfaitement détaillée à l’aide de programmes selon ses besoins
et ses objectifs avec pas moins de 400 exercices consacrés au gainage.
« Iron on my mind » by Dave Draper, On Target
Publications, 2006.
Nous retrouvons l’unique philosophe de la
fonte en la personne de Dave Draper. Si pour le pratiquant lambda, la salle
de musculation n’est qu’une succession de machines, de poids, de glaces et
d’odeurs de sueur, pour l’auteur, la fonte se transforme en métal précieux,
les séances fastidieuses en tournoi chevaleresque, le tout dans une
inspiration onirique impressionnante et communicative ! Dave Draper a
incontestablement un talent d’écriture égal à celui nécessaire pour la
construction du corps de légende qui l’a rendu si célèbre. Le travail de la
plume relève de l’introspection la plus sincère ce qui n’exclut pas
l’humour, l’ironie et la joie partagée d’une passion immodérée après temps
d’années passées. « Iron on my mind » est la réunion de ces pensées
quotidiennes qui jalonnent la vie du sportif dans ces entraînements, pouvant
être lues dans n’importe quel ordre puisqu’elles sont indépendantes les unes
des autres. Ce livre devient alors non pas le livre de chevet du pratiquant
mais le journal de bord quotidien de qui cherche une source d’inspiration
continue afin de persévérer dans la délicate voie de la forme et de la
musculation. Nul doute que «Iron on my mind » n’a son équivalent ailleurs,
Dave Draper ayant déjà fait la preuve de sa générosité dans ses conseils
donnés gratuitement chaque semaine sur le site qu’il anime avec son épouse
Laree. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, « Iron on my mind »
se doit de figurer dans la bibliothèque de tout amoureux de la fonte en
espérant de prochains volumes tout aussi inspirés !
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« Titans » photographies d’Al Satterwhite, 335 x
285 mm, 262 pages, 187 photographies en noir et blanc, Dalton Watson Fine
Books, 2009.
Le grand
photographe Al Satterwhite nous invite dans un livre au nom prédestiné
« Titans » à une comparaison entre deux géants, le célèbre boxeur Mohammed
Ali et le bodybuilder Arnold Schwarzenegger, actuel gouverneur de la
Californie. La comparaison avec les six fils de la terre et du ciel de la
mythologie grecque de ces deux figures de légende a inspiré le photographe
américain Al Satterwhite qui a travaillé pour les plus grands médias Life,
Look, Time, Newsweek,…
Ayant
connu la Californie des années 70 où il s’établit, les années 80 le virent
s’installer à New York pour réaliser de nombreuses campagnes publicitaires
pour des clients nationaux et internationaux. Depuis les années 90, il est
revenu en Californie où il pratique son art. Alors qu’il est réputé pour son
travail photographique sur la couleur saturée, Al Satterwhite nous propose
dans cet ouvrage un aspect moins connu de son art avec des clichés en noir
et blanc de deux sujets masculins, sportifs de renom. Le photographe eut le
privilège de rencontrer Mohammed Ali en personne en 1970 à Miami alors que
le boxeur préparait son combat contre Joe Frazier. C’est en 1976 qu’il fit
la connaissance d’Arnold Schwarzenegger en Californie au fameux Gold’s Gym
où le champion venait d’interrompre par une semi-retraite une longue série
de victoires en bodybuilding. L’objectif d’Al Satterwhite suit ces deux
géants, Titans, dans leur quête inassouvie de l’excellence. Leur
détermination sans faille imprime littéralement la pellicule du photographe
de talent qui a su trouver les angles, le cadrage et la lumière pour fixer
ces instants d’éternité. Que l’on soit amateur ou non de force et de
puissance, le résultat artistique est saisissant. Qu’il s’agisse de la vie
de tous les jours, dans la sueur et l’effort, ou dans des instants du
quotidien insolite, la magie opère grâce au fabuleux travail du photographe.
Un
ouvrage de toute beauté à recommander !
Pour se
procurer le livre sur le site de l’éditeur :
www.daltonwatson.com –
info@daltonwatson.com
Site du
photographe Al Satterwhite :
www.alsatterwhite.com
Lucy Knight « Marcher pour maigrir »
Collection Marabout Pratique, Marabout, 2008.
La marche est reconnue depuis de
nombreuses années comme étant la meilleure pratique sportive d’entretien
tant par le corps médical que par les préparateurs sportifs. A l’inverse du
running, elle sollicite moins les genoux et la colonne vertébrale du fait
d’un impact sur le sol bien plus limité. Elle est même recommandée dans la
convalescence des patients ayant eu une crise cardiaque. Graduelle dans sa
difficulté, la marche peut être rééducative tout aussi bien que sportive.
Elle peut également accompagner avec succès un programme de perte de poids,
objet du présent livre. Lucy Knight, professeur de fitness et coach, a mis
au point un programme d’entraînement fitness pour la marque Kelloggs. Ce
sont les enseignements de cette expérience qui sont réunis dans ce petit
guide à emporter avec soi en vacances pour suivre, étape par étape, cet
accompagnement dans la marche sportive.
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« La Cuillère d’argent » Nouvelle édition, 1500 pages, 400 illustrations
couleurs, Editions Phaidon, 2011.
Voici Le livre de référence de la cuisine italienne avec une nouvelle
édition qui ajoute 400 nouvelles photographies accompagnant plus de 2000
recettes ! « La Cuillère d’argent », c’est ainsi qu’il se nomme, vous
accompagnera dans toutes vos recettes, qu’elles soient festives ou du
quotidien avec une palette d’idées qui viendra à bout de toutes les pannes
d’inspiration…
Comment expliquer une telle réussite ? Cette bible de la cuisine italienne a
pour elle d’être tout sauf un texte de circonstances qui aurait été
rapidement écrit pour l’occasion. Le livre est né dans les années 50 grâce
au magazine d’architecture et de design Domus sur une initiative de
l’architecte Gio Ponti. Il est depuis devenu une institution avec laquelle
tout Italien compte tout au long de sa vie. Véritable legs culinaire, cet
ouvrage est non seulement exhaustif, mais également agréable à consulter
grâce à ses nombreuses illustrations et à ses nombreuses thématiques et
autres informations permettant de réellement comprendre la cuisine italienne
de l’intérieur. Des menus tout spécialement conçus par de grands chefs
italiens ont même été réunis afin d’offrir de A à Z un programme italien
haut de gamme pour vos convives ! Un index bien utile complète cette belle
réalisation afin de faire un bon plat italien à partir des ingrédients
disponibles dans son réfrigérateur. Avec « La Cuillère d’argent », toute
l’Italie entre dans votre cuisine avec 1500 pages de saveurs à réaliser tout
au long de l’année ! |
Cuisine |
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François Couplan
: « Cuisine sauvage, accommoder mille plantes oubliées. », éditions Sang de
la Terre, collection Encyclopédie des plantes sauvages comestibles et
toxiques de l’Europe », 2010.
Les plantes sauvages sont à l’honneur dans la cuisine ; Les Chefs – et des
plus grands – les ont déjà accommodées et cuisinées depuis quelques saisons.
Reste qu’on ne saurait sous le simple prétexte que ce sont des plantes
sauvages faire n’importe quoi avec ! Cuisiner les plantes sauvages, cela
s’apprend. C’est pour cette bonne raison que les Éditions « Sang de la Terre
» nous proposent cet été une véritable encyclopédie des plantes sauvages à
cuisiner. Car, outre, bien sûr, qu’il faut mieux savoir reconnaître les
plantes comestibles de celles qui ne le sont malheureusement pas, encore
faut-il savoir les préparer, les accommoder pour en garder toute la saveur
et leurs vertus : Il y a, ne nous y trompons pas, soupe à l’ortie et soupe à
l’ortie ! Et les cuisiniers le savent bien, eux qui demeurent toujours si
avares de leurs secrets… « Cuisine sauvage » est le deuxième tome, après «
Le régal végétal » de cette encyclopédie des plantes sauvages comestibles et
toxiques de l’Europe de François Couplan, ethnobiologiste, docteur ès
sciences, enseignant depuis plus de trente ans ; il sait donc de quoi il
parle ! Préfacé par Marc Veyrat, cet ouvrage propose plus de 300 recettes
selon vos cueillettes, découvertes, saisons ou vos envies ; soit plus de
mille plantes sauvages pour la plus part aujourd’hui oubliées ou du moins
délaissées ou dédaignées ; de quoi étonner, surprendre et régaler votre
famille et amis ! Que diriez, par exemple, lundi d’un Parmentier de
violettes ou de beignets de glycine ? Et mercredi, pour amuser les petits de
« Nituké » ou de compote de pissenlits ? Et dimanche, pour changer du trop
traditionnel dessert dominical, d’une délicieuse bûche au coquelicot ? Vous
y trouverez aussi des recettes de sirop, thé, vin et liqueur ou encore de
vinaigre…Rangées selon leur catégorie – graines, racines, jeunes pousses…-,
les recettes sont originales, savoureuses et pleines de bonne humeur. Vous y
trouverez également des conseils pratiques de cueillette et de conservation
et un index des recettes proposées vous aidera à retrouver vos préférées.
Enfin, un livre qui ne vous fera plus détester sans raison et sans
discernement toutes les plantes sauvages de votre jardin ! Les noisetiers,
tilleuls, sureaux reprendront à vos yeux couleurs et saveurs…. |
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« Le Petit
LAROUSSE du POTAGER FACILE », Édition Larousse, 2010.
Avant de vous lancer tête baissée et à bras le corps dans la création de
votre potager, ou avant de tout arrêter, de renoncer à vos tomates fraîches,
votre ciboulette ou vos poireaux et de dire intempestivement « stop ! »...
Prenez le temps de découvrir et de lire « Le potager facile » paru aux
Éditions Larousse : Ce livre est véritablement une mine d’or et vous
réconciliera avec vos rêves et désirs de cultiver votre jardin que ce soit
en pleine terre, pots ou jardinières sur votre balcon. Véritable guide
d’initiation à usage de débutants, des déçus ou rusés des potagers, il
offre, en effet, plus de 50 légumes faciles, simples et basics à cultiver
sans erreurs, mais indispensables et délicieux pour quiconque veut commencer
et apprécier son potager : choux, concombres, radis, tomates, mais aussi
potirons, topinambours, épinards…s’y montrent sous une agréable
iconographie. Pour chacun de ces légumes incontournables, une fiche
technique claire, précise et pédagogique vous est proposée. Chacune de ces
fiches techniques est précédée de l’avis averti de Claude Bureaux, maître
jardinier au Jardin des Plantes de Paris. Vous y trouverez ainsi de nombreux
conseils astucieux de choix, mode de culture, emplacement et récolte,
l’auteur n’hésitant pas à vous glisser à l’oreille en plus quelques conseils
et idées culinaires, nutritionnelles ou de conservation. Enfin, parce que
son auteur connaît parfaitement la magie du potager, il vous offrira pour
votre plus grand plaisir, ses astuces, secrets et tours de main de maître
jardinier…A lire au plus vite, pour pouvoir offrir avec fierté vos plus
belles tomates cerise de l’été ! |
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Le gâteau au
chocolat de Victoire Paluel-Marmont COLLECTION : Cuisine, Marabout, 2010.
10 recettes à la portée de tous pour
découvrir tous les modes de préparation et de cuisson des gâteaux au
chocolat et devenir incollable. Il est aujourd’hui impossible de savoir à
l’avance quel sera l’aspect, le goût ou la texture d’un gâteau au chocolat
rien qu’en lisant la recette. Victoire Paluel-Marmont, nous donne donc les
clés scientifiques pour comprendre le pourquoi du comment du gâteau au
chocolat, en décortiquant les 10 grandes recettes de gâteaux au chocolat :
le moelleux, le fondant, le coulant, la génoise,le brownie, le fudge…Des
explications claires et ludiques, schémas et photos à l’appui. |
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Meringues de
Alisa Morov COLLECTION : Petits Plats, Marabout.
Des meringues salées au parmesan ou aux
herbes pour l'apéritif ou accompagner une soupe, il fallait y penser ! Des
meringues sucrées aux noisettes et au chocolat ou à la vanille pour le
goûter ou pour accompagner un café, ça va faire beaucoup d'effet ! 35
recettes de meringues sucrées ou salées faciles et rapides à préparer + des
conseils et des astuces pour un résultat parfait + de nombreuses idées de
décorations |
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La collection
"Recettes en confidence" des éditions Gramond
Du côté des "Recettes en confidences"...
Après un premier livre très réussi "Les bons petits plats des copines",
cette collection est devenue emblématique pour la maison ! L’humour, la
fantaisie auxquels se livrent ces écrivains cuisiniers donnent un registre
inédit au genre.
La collection s’enrichit d’une suite "les bons petits plats de nos
grands-mères", suivie par "Les bons petits plats des mamans
débordées". Ou pleins d'astuces pour cuisiner rapidement et BON, pour toute
la famille et les amis invités à la dernière minute.
La collection prend également un axe bio et écolo avec "Transformer son pain
en recettes gourmandes" ou l'art de recycler son pain sec, et "Du panier à
l'assiette", 2 volumes, Automne-Hiver et Printemps-été. Ou comment
conserver, préparer et cuisiner les légumes de saison !
Un traitement original de la cuisine afin de réinventer l'art de préparer
des recettes savoureuses...
"Transformer son
pain en recettes gourmandes" de Didier et Clotilde Borgarino
Ne gaspillez plus de pain! Apprenez à le réutiliser pour en faire de
savoureuses recettes économiques !
Caractéristiques techniques :
16x20,5 cm, 128 pages, broché cousu
Photos et Illustrations 4 couleurs, 16x20,5 cm,
Broché cousu.
"Du panier à
l'assiette - la cuisine des Paniers marseillais - Automne-Hiver"
Le dernier opus de cette collection de "Recettes en confidence". Plus qu'un
livre de recettes, une manière originale de concevoir la cuisine, à partir
de légumes Bio. Une aide concrète pour cuisiner.
les légumes récurrents de l'hiver : choux, cardes...
Caractéristiques techniques :
Illustrations couleurs, 16x20,5 cm,
rabats de 7 cm, broché cousu. |
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Trish Deseine "I
love Cake" photographies de Deirdre Rooney, MARABOUT, 2009.
Le dernier "Trish Deseine" est sorti ! La
référence en matière de livres de cuisine nous offre une nouvelle fois un
ouvrage qui deviendra certainement un classique présent dans toutes les
cuisines branchées. L'auteur de nombreux best-sellers présentés dans notre
revue a choisi cette fois-ci de nous faire partager son amour des gâteaux et
le mot n'est pas trop fort puisqu'un gros coeur trône au beau milieu du
titre... C'est une véritable bible qui fait la synthèse des origines
irlandaises de l'auteur et de sa passion pour la cuisine française avec un
nombre incroyable de recettes plus appétissantes les unes que les autres. Le
livre contient 320 pages de recettes de gâteaux et est orné d'une belle
couverture rigide avec de très belles photos de Deirdre Rooney. Plus
d'excuse pour ne pas prendre le rouleau à pâtissier !
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"Les Basiques
Chocolat" 80 recettes illustrées pas à pas de Orathay Souksisavanh et Vania
Nikolcic, photographies de Pierre Javelle, collection Mon Cours de Cuisine,
MARABOUT, 2009.
Une déclinaison autour du chocolat, des
variations presque infinies sur le thème de la célèbre fève, une ode au
cacao... les amateurs seront aux anges avec ces Basiques offrant 80 recettes
illustrées sur le thème de leur passion. Crèmes, ganaches et mousses forment
la structure de base de ces recettes. Après avoir maîtrisé ces classiques,
le lecteur est invité à essayer des recettes plus sophistiquées ou plus
occasionnelles proposant des gâteaux de fête ou des chocolats
pâtissiers à faire soi-même. Le chocolat se décline sous toutes ses formes
de l'impressionnant gâteau à plusieurs étages aux petites friandises
ludiques qui raviront les plus jeunes !
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« Japan Bar,
sushis, soupes, yakitori… » collection Larousse Tendance, Larousse, 2009.
La cuisine japonaise est à l’honneur ces derniers temps. Pas une chronique
de télévision ou de presse écrite qui ne vante à juste titre ses mérites non
seulement culinaires, mais également diététiques. La cuisine japonaise est
non seulement belle à voir, délicieuse à déguster, mais également très saine
pour notre santé. Elle n’a recours en effet qu’exceptionnellement aux
graisses (essentiellement pour les tempuras) et préfère plutôt la fraîcheur
absolue des aliments aux sauces et assaisonnements compliqués. Cela ne
signifie pas pour autant que cette cuisine puisse se faire n’importe
comment, si les principes de base parfaitement rappelés dans ce précieux
guide sont accessibles, les Japonais ont cultivé de tout temps l’art du
raffinement, et toute la difficulté tient justement aux respects des
détails. Les 90 recettes retenues dans « Japan Bar » ont pris le parti de la
simplicité pour nous attirer dans cet univers culinaire érigé en art au pays
du soleil levant. Les soupes, les sushis, les tempuras, les maki … n’auront
plus de secrets après la découverte de ce livre très pédagogique où toutes
les étapes sont bien détaillées, photos à l’appui !
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« Petits dîners
autour d’une table basse », « Les petits 4 heures de mon enfance » et «
Cheese-cakes moelleux et savoureux » collection Albums Larousse, 2009.
La collection Albums Larousse accueille de beaux livres de recettes, bien
présentées et qui donnent envie de cuisiner ! Avec leur couverture reliée
façon toile sur le dos et agrémentés d’une photo résumant le thème retenu,
ces albums ont une esthétique bien à eux qui permet de les reconnaître
immédiatement. Les trois dernières parutions devraient attirer les amoureux
de cuisines, car il ne s’agit que de douceurs dans les thèmes abordés : «
Petits dîners autour d’une table basse », « Les petits 4 heures de mon
enfance », et « Cheese-cakes moelleux et savoureux ». Le premier, « Petits
dîners autour d’une table basse », part de l’idée selon laquelle il peut
être parfois plus judicieux d’inviter ses convives autour d’une table basse
bien accueillante que de retenir la traditionnelle table de salle à manger.
Souvent perçue comme plus intimiste, cette solution permet de lever bien des
barrières et d’instaurer une bonne ambiance immédiatement. Pour y parvenir,
les savoureuses recettes réunies et concoctées par Noëmie André
(photographies de Francis Waldman) devraient recueillir l’assentiment de
tous ! Petites bouchées à piquer, des brochettes appétissantes et autres
réjouissances relèguent ainsi les fourchettes et les couteaux au placard !
Pour les nostalgiques des goûters d’autrefois, l’Album « Les petits 4 heures
de mon enfance » aura des allures proustiennes ! Les crèmes au chocolat de
grand-mère, les quatre-quarts maison, le riz au lait ou des guimauves toutes
moelleuses feront tomber aux oubliettes les gâteaux industriels des grandes
surfaces !
« Cheese-cakes moelleux et savoureux » viendra compléter à merveille ce
tableau enchanteur à partir de la véritable recette du cheese-cake frais et
onctueux venu des pays anglo-saxons… Cette base se décline en mille et une
versions venant renouveler à chaque fois les sensations gustatives. Une
excellente idée pour introduire un peu de changement dans nos habitudes
culinaires ! |
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Loisirs |
Déco |
Jardin |
« 100 Films pour
une cinémathèque idéale » présentés par Claude-Jean Philippe, collection
Albums, 224 pages, Cahiers du Cinéma, 2008.
Claude-Jean Philippe que l’on ne présente plus tant le personnage est
associé à la présentation des plus grands moments du cinéma a conçu cette
cinémathèque idéale avec tout l’amour pour le 7ième art qu’on lui connaît.
Sa passion irrésistible l’a conduit à une tâche impossible : établir un
palmarès des 100 plus grands films de l’histoire du cinéma ! Lorsque l’on
connaît la verve du personnage, on imagine sans peine les nuits blanches et
autres atermoiements qui ont dû être les siens pour mener à bien une telle
tâche… Et pourtant, le résultat est surprenant. Cent personnalités du cinéma
allant des critiques et des cinéastes, en passant par des producteurs et des
directeurs de festivals ont proposé ces « 100 plus beaux films ». Quels sont
les premiers nominés ? « Citizen Kane » d’Orson Welles, suivi par « La nuit
du chasseur » de Charles Laughton, et « La règle du jeu » de Jean Renoir. Il
vous faudra également découvrir les 97 autres réunissant tous les genres.
Chaque film sélectionné est présenté sur deux pages avec deux photos en
grand format et un texte rédigé par l’un des membres du comité de sélection
avec le résumé de l’intrigue et un générique.
Cette cinémathèque idéale devrait rencontrer un vif succès tant son ton est
libre et ouvert et ses choix justifiés, ce qui n’empêchera en rien le
lecteur de rajouter ses sélections préférées en fin de livre, pour une
nouvelle édition !
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« La Maison Japonaise » Alexandra
Black, Noburu Murata, 216 p., Collection FLAMMARION Décoration, , 2005.
Référence en matière
d’architecture et de design japonais, cet ouvrage a remporté un vif succès qui
justifie cette troisième réédition. Les auteurs nous livrent leur propre
sensibilité sur cet art si spécifique à l’île nippone. Alexandra Black a en
effet vécu cinq ans au Japon et y a même étudié la langue et la culture du pays.
Noburu Murata est un des photographes d’intérieurs japonais les plus renommés.
Ses superbes prises de vue en témoignent, plus belles les unes que les autres !
Ce livre est un enchantement pour
celles et ceux que les maisons japonaises inspirent. Pour les néophytes, il sera
l’occasion de découvrir un univers passionnant, où le lecteur découvrira la
richesse qui se cache très souvent à partir de tous petits détails à peine
perceptibles. L’ouvrage s’organise autour de différents thèmes représentatifs de
la maison japonaise. Pas moins de 13 maisons nous ouvrent leurs panneaux
coulissants, aussi différentes les unes des autres et pourtant toutes muées par
une sensibilité commune.
Nous partirons ainsi à la
découverte d’un modeste refuge de montagne ou une chaumière traditionnelle d’un
artisan. La demeure d’un riche samouraï ainsi qu’une prestigieuse résidence
impériale permettront de découvrir la richesse de l’architecture japonaise.
La modernité n’est pas absente des
exemples traités, et une maison contemporaine clôt ce superbe voyage au pays du
soleil levant. Nous y découvrons une maison très clair et ouverte vers
l’extérieur mais pourtant si rattachée aux racines du passé.
Cet ouvrage sera une superbe idée
cadeau pour tous les passionnés du Japon et pour les curieux qui souhaiteraient
anticiper un voyage !
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Pierre et
Susanne Rambachi "Le jardin japonais, l'art de dresser les pierres" HAZAN,
2005.
Le Japon compte parmi les pays qui ont le
plus accordé du temps à la méditation sur les éléments naturels. Le
Sakutei-ki, un manuscrit datant du XI° siècle, est le plus bel exemple de
cet art de constituer un jardin, non pour le seul plaisir visuel, mais pour
appréhender une dimension beaucoup plus vaste. S'il existe une voie du sabre
(iaido), du bouquet (ikebana), le lecteur occidental connaîtra également,
grâce à ce très beau livre, la voie de la pierre, qui ne résume pas à un
amoncellement de rocailles... Il faut découvrir les codes permettant l'accès
à cet art ancestral qui impressionne tout visiteur d'un jardin japonais.
Pierre Rambach, architecte et Susanne Rambach,
plasticienne, tous deux de grands spécialistes des arts du Japon,
nous rendent parfaitement la délicatesse et la profondeur de cet art à
découvrir avec patience à travers ce livre qui fera référence !
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Voyages |
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Rome, insolite et secrète, Guide Point2, Seuil,
2012.
Voici un petit guide fort réussi sur la ville de Rome écrit par ses
habitants, ce qui est chose originale ! L'idée qui a été retenue pour
cette édition est d'offrir une vue insolite sur la ville sans pour
autant négliger les classiques. Ce petit livre, mais fort épais en
raison de son papier bible, tient dans une poche et se lit comme un
carnet à l'italienne, ce qui ajoute à l’originalité de la réalisation.
C’est un peu comme si vous déambuliez dans votre propre ville et,
habitué à ses richesses, vous en découvrez d’autres, moins évidentes,
plus cachées et réservées aux initiés ! Gagnons ainsi du temps et osons
une messe en araméen, la langue de Jésus, dans l’église Santa Maria in
Campo Marzio (p. 101) ou, de manière plus profane, découvrons les
latrines romaines de la Via Garibaldi, témoins prosaïques du quotidien du
II° siècle après J.-C. ! Et si malgré tout cela, vous êtes en panne
d’idée dans votre visite de Rome, vous apprendrez qu’il existe un musée
de la pathologie du livre qui n’attend plus que votre venue…
DROUOT Louis : « Pyrénées ; fugue en sol
sauvage », Editions TOILLIES.
Et si vous partiez pour les Pyrénées ?
Où, quand ? Quelle importance, tout simplement là maintenant, immédiatement,
un soir d’hiver ou d’été, en lisant, en parcourant, en rêvant au fil des
pages du livre « Pyrénées fugue en sol sauvage » de Louis DROUOT.
L’auteur nous invite, en effet, à
l’accompagner tout au long de sa traversée de la chaîne des Pyrénées sur une
période de dix années avec son fidèle ami… De Saint-Jean-Pied-de-Port au
Prieuré de Serrabone, au travers de cinq chapitres-étapes retenus pour nous
transmettre toutes les couleurs, senteurs, les paysages et sensibilités
propres aux Pyrénées, Louis DROUOT nous livre chronique après chronique
avec poésie et humour son quotidien, ses joies, espoirs et interrogations …,
mais c’est également l’occasion pour l’auteur, lors des étapes, de nous
faire partager de jolis textes pleins d’une subjectivité toute pyrénéenne…
ou encore lors de ces longues soirées, lorsque l’on se prend à rêver, de
nous offrir des contes, cinq au total, parce que…parce que c’est avant tout
cela les Pyrénées : rêver, s’échapper, s’éloigner et revenir. A noter, pour
la bonne cause : ce livre a été imprimé à l'aide d'encres végétales sur du
papier sans chlore provenant de forêt gérées de façon durable !
DESTINATION : SOLEIL avec les Guides GALLIMARD !
La Méditerranée offre un éventail sans
cesse renouveler de couleurs, de senteurs, de goûts,… où les artistes, les
écrivains, les poètes ont de tout temps puiser leur inspiration. Pourquoi ne
en profiter pour recharger ses batteries ?
Direction
l’Italie tout d’abord, un des pays méditerranéens les plus proches
géographiquement de notre pays et ayant tant à offrir en diversité de
paysages et de cultures. Indécis quant à la direction ? Le Guide général
« Italie » de la Collection « Encyclopédies du Voyage » GALLIMARD nous
emmène loin, que ce soit dans le Piémont ou la Sicile, la Vénétie ou la
Toscane. Véritable petite encyclopédie à lui seul, ce guide est une mine
d’informations qui sont à dévorer avant de partir pour mieux voyager, en
cours de route, pour ne pas se tromper, et après le voyage, pour revivre ces
grands moments !
Répondant à l’organisation classique de
ces guides devenus incontournables, le titre « Italie » offre des clefs pour
mieux comprendre la géographie si variée de ce pays s’étirant des Alpes
jusqu’à la Méditerranée. Rien n’est oublié dans cette approche
pluridisciplinaire : la cuisine, bien sûr, mais aussi l’Histoire, l’art,…
Après les clefs, 12 circuits offrent des
itinéraires superbes donnant envie d’être découverts dés leur lecture ! Pour
accompagner l’ensemble, une mine d’informations pratiques répondent à toutes
les questions (et bien plus encore) inimaginables…
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Entrons dans le cœur de l’Italie avec 3
guides spécifiques « Naples et Pompéi », « Venise » et « Sardaigne », ce
dernier faisant partie de la Collection « Bibliothèque du Voyageur ».
Naples
et sa région, la côte amalfitaine, Capri… si tous ces noms vous laissent
rêveur, il ne reste qu’une solution : acquérir ce précieux guide pour mieux
découvrir cette région aussi savoureuse que volcanique et qui ne peut
laisser indifférent !
Un
guide entier pour Venise, c’est possible avec les « Encyclopédies du
Voyage » Gallimard ! Et ce ne sera pas trop pour arriver à embrasser tout
ce que cette ville aussi riche peut offrir. Le Grand Canal, Rialto, la Place
Saint Marc, L’Accademia, l’Arsenal mais aussi les îles de la lagune vous
ouvrent leurs portes avec de nombreuses photos, informations pratiques,
bonnes adresses,…
Le
Guide consacré à la Sardaigne dans la Collection « Bibliothèque du
Voyageur » est une étude passionnante en elle-même sur cette île magnifique,
souvent moins connue, que les autres régions d’Italie. Ce travail collectif,
plus de vingt auteurs ayant contribué à son élaboration (journalistes,
écrivains, universitaires,…) est en effet bien plus qu’un guide classique.
Si l’iconographie est superbe, le texte l’est encore plus avec un partie
Histoire et Société captivante. A mi-chemin entre ethnographie, sociologie
et histoire, ces lignes nous emportent dans cette région si spécifique de la
Méditerranée et qui est à découvrir absolument.
L’autre grande direction méditerranéenne
est bien entendu la Grèce et ses deux couleurs fétiches : le bleu de la mer
et du ciel rivalisant de beauté avec ses blancs éclatants de la chaux
recouvrant les murs des maisons !
Deux guides pour partir sans surprise : le
numéro spécial Grèce de la « Bibliothèque du Voyageur » et la Grèce :
Athènes et le Péloponnèse de la Collection « Encyclopédies du Voyage ».
Le
Guide « Bibliothèque du Voyageur » est selon nous incontournable à tous ceux
qui n’ont qu’un faible souvenir de la riche histoire de ce berceau de
l’Europe. Homère, Platon, Alexandre… sont autant de noms qui nous offrent la
compréhension de la Grèce contemporaine. Point de discours inutiles mais des
explications claires et pédagogiques pour voyager malin et intelligemment,
une belle réussite ! Mais ce Guide réserve aussi une très large part aux
itinéraires à réaliser selon ses préférences touristiques avec toujours dans
la ligne directrice de ces collections un foule d’informations simplifiant
la vie du voyageur.
Dans
un style plus graphique, mais tout aussi passionnant le Guide intitulé « la
Grèce : Athènes et le Péloponnèse » de la Collection « Encyclopédies du
Voyage » réunit la synthèse des connaissances permettant d’appréhender ce si
beau pays. La mythologie, une chronologie très bien faite, des zooms sur des
personnages clés,… précèdent les 18 circuits préparés pour vous pour mieux
découvrir la capitale bien sûr, mais aussi l’Attique et la Boétie, le golfe
Saronique et le Péloponnèse,… Nous retrouvons également les infos pratiques
rangées de A à Z, une section à garder sous la main pour toutes les
interrogations avant ou pendant son périple vers le pays des dieux de
l’Olympe ! |
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Les Rencontres de LEXNEWS
: Un métier, une passion ...
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Editions Le Bruit du Temps
Interview d'Antoine JACCOTTET
9 février 2009 |
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Antoine
Jaccottet a longtemps travaillé aux éditions Gallimard jusqu'à l'année
dernière en étant éditeur à la collection Quarto. Il a décidé de franchir le pas
et de créer librement les livres dont il avait toujours rêvé. Libéré de
certaines contraintes économiques, c'est un plaisir personnel que l'éditeur
souhaite faire partager au plus grand nombre. L’acte de naissance des
éditions Le Bruit du Temps est scellé sous le signe d’une amitié pour
certains auteurs et traducteurs. Ces affinités électives littéraires sont au
cœur de ce projet qui voit le jour en ce début de printemps. LEXNEWS a
choisi de présenter cette très belle initiative à ses lecteurs en
interviewant Antoine Jaccottet qui nous a reçus dans une charmante demeure
familiale du XVIIIe siècle rue du Cardinal Lemoine, avec au fond de la cour,
la célèbre enceinte de Philippe-Auguste et de l'autre côté de la rue la
résidence de Valery Larbaud....
LEXNEWS : « Pour quelles raisons avoir choisi pour
votre nouvelle maison d’édition, Le Bruit du Temps, le titre d’un recueil du
poète russe Ossip Emilievitch Mandelstam ? »
Antoine Jaccottet : « Il y a plusieurs raisons à cela. La première est très
simplement biographique. Le premier travail que j'ai réalisé a consisté à
participer à un numéro d'une revue, la revue de Belles-Lettres, dont un
numéro spécial avait été consacré à Mandelstam. J'avais fait ma première
traduction de l'anglais d'un texte d'un grand spécialiste de Mandelstam, le
professeur Clarence Brown qui nous a fait l’honneur d’une postface. C’est
également une raison amicale qui a présidé à ce choix, à savoir la rencontre
de Ralph Dutli qui est le traducteur en allemand des oeuvres complètes de
Mandelstam. Je l'ai connu ici à Paris et il est devenu un très grand ami.
C'est un hommage que je lui rends et cette nouvelle maison d'édition sera le
lieu pour publier ses poèmes et autres réalisations. À cela s'ajoute
l'immense admiration que j'ai pour Mandelstam. Ce titre « Le Bruit du Temps
» évoque une image de la littérature elle-même, un peu comme chez Proust,
tout en incluant mon goût pour la musique. »
LEXNEWS : « Partagez-vous cette nostalgie de la
culture universelle du poète russe et cela influencera-t-il le choix de vos
futures parutions ? »
Antoine Jaccottet : « Oui, c'est une bonne idée de présenter les choses
comme cela. Il y a à la fois le goût des classiques puisque le mouvement
littéraire auquel il appartenait était une revendication du classicisme face
au futurisme de l'époque, et en même temps ce sentiment très profond
d'appartenir à la culture méditerranéenne dont Mandelstam avait une grande
nostalgie avec un goût très marqué pour l'Italie. C'est également cette
approche qui nous a conduits au choix du deuxième livre que nous éditons, le
Browning, qui se déroule à Rome et qui est presque un roman historique.
J'avoue en effet qu'il y a un goût pour l'Italie, la Grèce… »
LEXNEWS : « Quels sont les enjeux d’une nouvelle
maison d’édition au XXI° siècle qui connaît en Occident une crise à la fois
générale et également spécifique au livre dans de nombreux pays ? »
Antoine Jaccottet : « je crois que c'est sans aucun doute une réaction à
cette crise que vous évoquiez. On nous annonce tous les jours la disparition
du livre et je suis profondément convaincu, que contrairement aux
Cassandres, cette disparition n'est pas encore pour demain. Bien entendu,
nous sommes forcés de constater ce qui se passe et nous voyons bien que la
culture littéraire n'occupe plus le premier plan. Cela s’observe notamment
dans les médias et cela devient assez effrayant. Ce qui est encore plus
inquiétant, c'est que cette culture a tendance également à disparaître dans
la conscience générale. Si vous prenez par exemple l'univers politique, il y
a toujours eu une révérence certaine pour la chose littéraire ; or cela même
a sans doute disparu aujourd’hui… Mais, je suis persuadé qu’il existe
parallèlement de nombreux passionnés de littérature, y compris chez les
jeunes gens. Je pense que l'on peut très bien défendre l'idée que le livre a
encore de très beaux jours devant lui en réaction à tout ce qui se passe. Le
véritable amateur de livres aura de plus en plus besoin de petites maisons
d'édition qui défendront l’objet de sa passion. Les réactions des personnes
que nous sollicitons par rapport à notre projet sont tellement positives que
c'est plutôt encourageant ! Il me semble que la curiosité existe encore et
toute la difficulté réside dans le fait de proposer des choses de qualité
avec suffisamment de conviction. Il ne suffit pas de prendre un livre oublié
et de le mettre sous une couverture.»
LEXNEWS : « Vous rappelez que les vrais livres ne
meurent pas, quels sont ceux que vous souhaitez remettre à la lumière du
jour ? et pouvez-vous préciser à nos lecteurs ce qu’est un vrai livre selon
votre subjectivité ?»
Antoine Jaccottet : « Il peut-être très prétentieux de dire que les vrais
livres ne meurent pas et en même temps, certains exemples comme l'histoire
de cette traduction étonnante du poète victorien Robert Browning invitent à
penser en ce sens. Browning était très célébré de son vivant et il a
d’ailleurs encore une gloire certaine dans les pays anglo-saxons. Il est par
contre presque totalement oublié en France. Or, je crois profondément que
c'est un vrai chef-d'oeuvre. Il s’agit d’un livre qui a une histoire
incroyable. Il a été traduit pendant la guerre par un professeur
d'université qui a réalisé cela par pure passion. Il s'était pris d'amour
pour ce livre et l’avait traduit en même temps qu'il faisait de la
résistance !
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Par la suite, le
manuscrit a été proposé à Gallimard qui a attendu longtemps avant de le
publier. Pendant ce temps, le manuscrit a été apporté en Belgique puis s'est
perdu pour enfin être retrouvé par un de ses amis... Le livre a été publié
une première fois en 1959 par Queneau chez Gallimard. Nous avons décidé de
ressortir ce livre, car il était quasiment introuvable en dehors des cercles
de bibliophilie. Il s'agit d'une sorte de chronique italienne à la Stendhal.
Browning a été l'inventeur d'un genre au XIXe siècle, le monologue
dramatique. Il faisait parler des personnages historiques dans ses poèmes.
Un jour, il tombe à Florence dans un marché aux puces sur des archives, le
grand livre jaune, qu'il achète pour trois sous. À peine a-t-il commencé à
le feuiller qu'il réalise que c'est la chance de sa vie. Il s'agit d'une
histoire criminelle assez sordide qui se passe dans la Rome baroque peu
après le Caravage. C'est à la fois un poème et un roman historique, et le
premier livre raconte le fait même de cette découverte : comment en rentrant
chez lui, il voit les personnages de cette chronique prendre vie. C'est très
beau, car nous constatons à la lecture du texte cette transition de
l'archive à la chose imaginée. À partir de là, il va construire son poème en
douze chants avec des monologues où chacun des protagonistes vient raconter
sa version. Cela donne une dimension assez moderne au texte avec des points
de vue différents sans qu’il y ait en même temps une seule vérité.
Pour revenir à la deuxième partie de votre question, je crois qu'il existe
des livres utilitaires qui répondent à des fonctions à un moment donné, et à
côté de cela, les vrais livres avec la littérature. Il s'agit d'oeuvres dont
l'ambition est telle qu'il entre en elles une part d'éternité. Il y a des
distinctions en art entre une petite oeuvre et une oeuvre majeure. Il ne
s'agit pas pour autant d'un discours élitiste. Si j'adore écouter du tango,
je n'en conclurai pas pour autant qu'il s'agit de la même chose que la
neuvième symphonie de Beethoven ! C'est ainsi que je souhaite publier des
livres qui manifestent cet effort d'une certaine forme en plus des émotions.
»
LEXNEWS : « Quel est le travail de l’éditeur dans
cette tâche de réincarnation d’un livre dans une nouvelle édition ? »
Antoine Jaccottet : « Nous devons essayer de trouver pour chaque livre la
forme qui le mettra le mieux en valeur. Nous avions envie pour un livre
comme celui de Browning d'avoir un texte bilingue parce que le vers de
Browning est quelque chose de très particulier que je souhaitais faire
partager au lecteur. C'est une oeuvre qui avait l'ambition, à la suite de la
Divine comédie, d'être une grande épopée ce qui nous a conduits à la publier
avec un appareil critique. Je désire que l'on ait un plaisir à goûter à ses
oeuvres et nous avons travaillé sur tout ce qui peut faciliter ce plaisir.
Notre tâche a donc consisté à prévoir des annotations, un grand essai
introductif… À cela s'ajoute un travail sur les traductions et sur les
relectures pour essayer d'être au plus près de l'original. »
LEXNEWS : « Les choix doivent être difficiles pour
certains textes entre la valeur sûre d’une traduction déjà établie et le
risque d’une nouvelle traduction ? Pour Mandelstam et Browning, vous avez
conservé l’existant, alors que pour D.H. Lawrence, vous entreprenez tout un
cycle de traductions de ses Nouvelles complètes. »
Antoine Jaccottet : « C'est un problème insoluble ! Par le hasard des
rencontres, j'ai connu quelqu'un qui avait très envie de retraduire cette
prose très délicate. Dans le cas de Mandelstam, il est publié chez beaucoup
d'éditeurs avec beaucoup de traductions différentes. Nous avons eu la chance
de retrouver une traduction qui était parue dans la revue Commerce par
Larbaud. C'est une sorte de miracle, car deux ans après la parution de
l'original en Russie, cette magnifique traduction a pu être menée à bien par
Georges Limbour, une personne qui avait un grand sens littéraire, ainsi que
le prince Mirsky. À l'inverse, pour D.H. Lawrence, je n'étais pas du tout
satisfait des traductions existantes. Nous allons tenir compte des recueils
anglais existants et nous allons reproduire les recueils originaux tel que
D.H. Lawrence les avait composés à l'époque. Nous publierons petit à petit
et dans l'ordre chronologique la totalité des nouvelles. »
LEXNEWS : « Vous réservez également une place aux
contemporains dans votre programmation. »
Antoine Jaccottet : « L'idée de départ était de publier des personnes ayant
elles-mêmes un lien avec les classiques que nous avons retenus. C'est le cas
des poèmes de Ralph Dutli, traducteur de Mandelstam. Ce n'est pas en
revanche le cas de Gabriel Levin qui est un très talentueux poète israélien
de langue anglaise. Ce poète a un rapport étroit avec la Méditerranée, ces
sujets sont souvent à thème presque archéologique et qui correspond assez
bien ce que j'évoquais tout à l'heure. Vous avez également le manuscrit de
Paulette Choné qui nous est arrivé totalement par hasard et que je ne
connaissais pas. C'est une historienne de l'art, spécialiste de la gravure
du XVIIe, qui au lieu d'écrire une biographie de Jacques Callot a préféré
décrire des mémoires imaginaires de cet artiste. Cela a produit un petit
livre très singulier qui m'a beaucoup plus. »
LEXNEWS : « Vous souhaitez que les fruits de vos
éditions puissent également être appréciés esthétiquement. Quelle importance
cela a-t-il pour vous et le lecteur au XXI° siècle et comment concilier ces
exigences avec les impératifs économiques de ce même XXI° siècle ? »
Antoine Jaccottet : « Nous avons souhaité réaliser des livres si possible
jolis tout en n’étant pas trop chers. Il n'y a pas du tout un désir de
bibliophilie ou d'édition de tête. Nous voulons proposer de jolis petits
livres agréables à avoir en main, simples, mais bien imprimés avec une
couverture avec des rabats. Nous ne voulons pas d'images criardes sur la
couverture ce que l'on va me reprocher, car sur les tables des libraires, on
ne les aperçoit pas forcément ! Peut-être vont-ils justement se distinguer
sans ces images clinquantes du fait de leur simplicité. Si nous choisissons
tout de même une couverture en vélin et du papier bible, nous essayons de
concilier néanmoins cela avec des impératifs économiques. »
Merci Antoine Jaccottet, nous souhaitons
longue vie à cette nouvelle maison d'éditions qui promet de nous offrir de
belles pages à l'image de celles des deux premiers livres qui viennent de
sortir !
Le site des Editions Le Bruit du Temps
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LA DOGANA
Editeur
Interview de Florian RODARI
17 décembre 2008 |
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Photo François Raoul-Duval
Florian Rodari dirige depuis 1981 les Éditions La Dogana
créées dans ce beau pays qu'est la Suisse, à Genève. C'est la poésie qui est
le fil conducteur de ce magnifique travail entrepris dans des domaines aussi
différents que les essais, les souvenirs, des méditations et même des lieder
chantés. L'excellence est au coeur de ce processus créatif, les Éditions La
Dogana ne retenant que ce qui fait écho à la beauté. Beaux papiers, superbe
mise en page, textes raffinés... offrent le plaisir du bel objet, écrin
indissociable de la belle pensée. Voyage en Helvétie avec un esthète du
livre !
LEXNEWS : « Quel a été le parcours qui
vous a mené aux éditions La Dogana ? »
Florian Rodari : « j'ai baigné très tôt dans l'univers des lettres.
Mon père était journaliste, mon oncle (Philippe Jaccottet) était poète et
traducteur, et tous nous aimions les livres à la maison. Nous avons
également découvert que nous avions un cousin célèbre en Italie, Gianni
Rodari, qui écrivait des livres pour enfants. L'environnement a
manifestement joué dans mon parcours ! J'ai assez naturellement commencé des
études de lettres à l’Université de Genève. Pour gagner ma vie, à vingt ans,
je suis entré au musée de Genève, au Cabinet des estampes pour y classer des
collections de gravures anciennes. Il y avait là une équipe à l’esprit très
ouvert. Grâce à elle j'ai vite appris le métier de conservateur puisqu’ils
m’ont généreusement laissé monter seul des expositions et fabriquer leur
catalogue. Quand je suis devenu responsable de la Revue de Belles-Lettres,
en 1971, au moment de la rédaction du numéro consacré au poète Paul Celan,
j’ai aussitôt mis en pratique ce double regard de lecteur et d’amateur
d’art. Conduire une revue littéraire, c’est un atout formidable pour un
futur éditeur, car on apprend à découvrir d’autres voix, à accorder dans un
livre des approches différentes… Je lisais essentiellement des poètes,
j’écrivais un peu et je rédigeais de plus en plus souvent des textes sur
l’art. Cette activité multiple je l’ai menée de front pendant presque
quarante ans déjà. On ne se rend pas toujours compte du temps qui passe,
surtout en ce qui vous concerne ! Je pensais pratiquer chacune de ces tâches
comme des hobbies et finalement je me rends compte qu’elles étaient devenues
des activités principales. Les choses se sont enchaînées : vers 1979 on m’a
demandé de diriger le Musée de l’Elysée à Lausanne, mais cela n’a pas duré
longtemps. A peine quatre ans : le désir de faire des livres et d’écrire
était si obsédant que, devant les surcharges et les tracas administratifs,
j’ai renoncé. Les éditions Skira m’ont alors demandé de travailler pour eux
et d’écrire un ouvrage sur le collage. Ils se sont aperçus que je savais
fabriquer des livres et, c’est comme ça que je suis devenu directeur de
collection chez eux. En 1993, Skira a subi la crise du livre de plein fouet.
Il fallait trouver quelque chose. Depuis longtemps, avec mes amis artistes
de l’atelier de Saint-Prex, avec qui j’avais préparé plusieurs projets dans
le cadre de mon activité à la Fondation Cuendet (où sont conservées des
planches de Dürer, Rembrandt, Corot et de bien d’autres maîtres de
l’estampe, nous avions envie de monter une exposition sur l’invention de la
gravure en couleur. Nous avons proposé de la montrer à la Bibliothèque
nationale de France où, grâce à l’appui de Maxime Préaud, nous avons pu
concrétiser ce projet qui a porté le beau nom d’Anatomie de la couleur.
Cette exposition a été pour moi le point de départ de nombreux autres
engagements. Dans la foulée, on m'a en effet demandé de monter au Drawing
Center de New York une exposition sur les dessins de Victor Hugo, puis deux
ans plus tard sur l’œuvre graphique d’Henri Michaux. Au même moment, Jean
Planque, un oncle de ma femme qui avait travaillé comme conseiller de la
galerie Beyeler, m'a demandé de m'occuper de la Fondation qu’il voulait
constituer à partir de sa collection de tableaux. Voilà pourquoi,
aujourd'hui, je partage mon temps entre cette Fondation et les éditions La
Dogana. Ces dernières prennent une place grandissante ! Nous comptons
aujourd'hui plus de soixante titres avec plus de quarante auteurs, des
traductions, des rediffusions, et nous sommes insuffisamment nombreux pour
cela, il faut ainsi préserver un équilibre toujours précaire. »
LEXNEWS : « Quel a été le point de départ de la création des éditions La
Dogana ? »
Florian Rodari : « Les éditions de La Dogana sont nées en 1981, de la
décision d’un petit groupe d'amis: un imprimeur, un ami peintre et amateur
de musique, et moi-même. L’idée de départ était d’éditer des textes dont
nous n’avions publié que des extraits dans la Revue de Belles-Lettres. Nous
avons mis de l'argent en commun, en nous promettant de ne jamais commencer
un nouveau livre tant que le premier ne serait pas remboursé, mais peu à peu
tout cela s’est emballé ! Et à partir de 2000, les orientations se sont
diversifiées, beaux-arts, musique.»
LEXNEWS : « Le nom La Dogana peut surprendre pour une maison d'édition ?
»
Florian Rodari : «La Dogana signifie « douane» en italien. Comme un
employé des douanes qui ne fait pas que stopper la marchandise, un éditeur
est celui qui permet à un texte étranger d'être vu et partagé, de passer une
frontière. Après l’avoir réceptionné, nous l’examinons et nous lui délivrons
en quelque sorte un visa! Pour moi, un éditeur est essentiellement celui qui
permet à un texte d'être lu. C’est pourquoi nous accordons tant de soin à
l’aspect extérieur de nos ouvrages »
LEXNEWS : « La forme et la présentation sont essentielles dans votre
choix de faire connaître ces textes que vous évoquez, ce qui nous ramène à
votre propre parcours. »
Florian Rodari : « C'est en effet d’une importance capitale ! La
typographie, le papier, la gravure... J'ai toujours marqué une attention
très grande au dessin de la lettre, à la mise en page, aux marges ; mes
recherches dans le domaine de l’estampe m’ont beaucoup apporté. J'aime lire,
je peux dévorer en quelques jours des livres, même mal imprimés, mais je
crois que les textes des poètes ont besoin d’autre chose qu’un simple
contenant, ils ont besoin d’espace pour résonner, pour se déployer, surtout
de nos jours. Je me rappelle qu’un ami avait publié sa version des poèmes de
Leopardi, un des auteurs que je préfère, et que je lui avais reproché
d’avoir confié ces traductions à un éditeur qui n’accordait pas le moindre
soin à la respiration des textes ! Quelques années plus tard, j’ai réédité
ces poèmes sous une forme qui satisfaisait mon goût de la mise en page :
nouvelle édition qui pouvait paraître une opération aberrante sur le plan
commercial, mais qui, malgré tout, s’est avérée être un très beau succès...
».
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LEXNEWS : « Le livre n'est pas qu'un
écrin, il fait corps avec le texte... »
Florian Rodari : « Absolument, je crois que l'on avance dans un livre
page par page, que les lettres accompagnent la pensée, formant peu à peu la
magie d’un volume. Le rapport du contenu et de la police de caractère censée
le déployer est primordial à mes yeux et il faut accepter de mettre en page
chaque livre différemment.
Au tournant du siècle, nous avons décidé de renouveler un peu l’aventure.
Peteris Skrebers et moi-même, nous nous sommes dit : pourquoi ne
ferions-nous pas un livre d'art ? L’ouvrage consacré à « Quinche» (un
peintre suisse NDLR) est le fruit de ce pari et cela a très bien marché,
grâce à la générosité de l'artiste qui, en nous offrant des dessins, a
permis de financer cet ouvrage. La qualité de l’impression était telle que
l'on nous a demandé quelques années après de réaliser un nouvel ouvrage
consacré au peintre italien Gregorio Calvi di Bergolo, grand et beau livre à
l'image de ceux que je pouvais réaliser chez Skira, plus de 200 pages et 120
illustrations couleur. Par la suite, nous sommes allés plus loin encore.
Nous avons en effet décidé d’associer poésie et musique dans une série
d’ouvrages consacrés à l’art du lied, en donnant naissance à des livres qui
contiennent un CD enregistré irréprochable sur le plan technique. Nous avons
travaillé pendant près de six mois avec un graphiste afin d'éviter cette
insatisfaction souvent éprouvée devant ces emballages en plastique qui
renferment des textes mal traduits et illisibles. Deux livres d’un nouveau
genre, un Hugo Wolf et un Schumann, sont parus grâce à la participation de
la mezzo-soprano Angelika Kirchschlager. Cette expérience a créé des envies
chez d’autres chanteurs qui sont venus vers nous pour renouveler
l'expérience. Nous avons en projet un Mahler pour lequel Jean Starobinski a
écrit une étude. Nous voudrions multiplier ces approches à l'avenir... »
LEXNEWS : « Vous venez de faire
paraître de très belles éditions consacrées à des œuvres de peintre très
différentes l'une de l'autre…»
Florian Rodari : «Oui, d’un côté une aquarelliste, Anne-Marie
Jaccottet, et de l’autre un graveur au burin, Albert-Edgar Yersin, on ne
peut pas faire plus différent, en effet, même si ces deux artistes, nés en
Suisse, se sont bien connus. Yersin a suivi un parcours assez exceptionnel
dans la mesure où il a exercé la gravure toute sa vie, exclusive et, dans ce
domaine, la technique qui nécessite la plus grande patience, la plus grande
habileté de la main : le burin, presque abandonné aujourd’hui. C’est que cet
artiste aime la résistance du cuivre dans lequel il enfonce son burin. De
même lorsqu’il s’est mis à graver sur pierre, c’est la ductilité du matériau
qui l’a séduit. J'entendais récemment à la radio qu’on disait de lui qu’il
était surréaliste ; ce n'est absolument pas le cas. En conduisant sa pointe,
cet artiste se laisse certes guider par les propositions du hasard, mais
c’est pour retrouver une géographie intérieure. Il est plus proche de Dürer
ou de l’inextricable forêt allemande que des incertitudes du surréalisme. »
LEXNEWS : « On a en effet l'impression à le voir d'une vision
microscopique alternant avec une vision macroscopique. »
Florian Rodari : « C’est très juste, il est toujours en train de
jouer sur l'échelle des proportions, d’opposer les contraires, et en cela,
il est héraclitéen. Il reconnaît l'univers dans l’atome, et inversement,
l’animalcule, le lichen peuvent contenir à ses yeux l’infini stellaire. L’un
de ses textes préférés est L’Aleph de Borges, et il est beaucoup plus
proche, selon moi, d’un Michaux, à qui il dédie une planche, que d'un
Breton. À l'image de Victor Hugo, il aimait recréer à partir du spectacle
des choses vues et de leurs correspondances formelles d'autres possibles.
Grâce à ce don d’observation, Yersin a inventé en gravure des structures qui
n'existaient pas jusqu'alors. Dans les années 60 il a eu la chance de
collaborer avec Pietro Sarto, son élève, qui s’était aperçu que cette
manière de graver « appelait » en quelque sorte la couleur. Ils se sont mis
à tirer ses cuivres en couleurs et c'est à partir de cette époque tardive de
sa vie que les gravures de Yersin ont trouvé leur public.
La deuxième œuvre que nous révélons aujourd’hui, qui est en France aussi peu
connue que celle de Yersin, manifeste du même coup une sensibilité
diamétralement opposée. Contrairement à Yersin qui doit creuser son cuivre
avec une attention de tous les instants, Anne-Marie effleure à peine sa
feuille de papier pour que la lumière y tremble et que tout ce qu'elle aime
voir et qui l’entoure, les fruits, les fleurs, les arbres… soit perçu comme
subrepticement. A ce propos, les pages que Philippe Jaccottet consacre à sa
femme est d’une justesse extrême : il reconnaît à cette artiste qui
travaille depuis toujours à ses côtés, discrètement, une volonté qui a
permis, à force de retours opiniâtres à l’atelier, de capter ce moment qui
passe, si difficile à saisir, si fragile. Ce livre se veut un hommage à
cette peinture qui a été faite en silence à côté de son propre travail et
dans la même direction. Ni l'un ni l'autre n’a jamais cherché à affirmer
quoi que ce soit. Philippe Jaccottet dit dans un poème que l'effacement est
sa manière de resplendir, mais c'est exactement la même chose avec
Anne-Marie. »
LEXNEWS : «Il y a ainsi une convergence entre ces deux esprits créatifs.
»
Florian Rodari : « Oui, tout à fait. Ils ont d'ailleurs réalisé de
nombreux ouvrages ensemble, notamment un livre lumineux, contenant une prose
du poète sur le Cerisier dont les fruits se retrouvent fréquemment dans les
aquarelles d’Anne-Marie Jaccottet. Il y a dans les compositions de cette
dernière qui n’ont l’air de rien une lumière aussi intense que celle que
contiennent les poèmes de Jaccottet, même si chez lui toute méditation
repose sur un socle très sombre, très nocturne. »
LEXNEWS : « Comment entreprend-on de tels livres au XXIe siècle ? »
Florian Rodari : « Le plus dur, c'est de trouver les artisans qui
veulent bien encore vous suivre sur ce chemin. Il est, en effet, de plus en
plus difficile de dénicher des papiers de belle main et tout aussi difficile
de trouver un imprimeur qui prenne le temps de réfléchir à la qualité des
reproductions. Inévitablement, tout cela a un coût ! J'ai la chance de
travailler depuis 30 ans avec le même imprimeur, j'ai ainsi fidélisé des
rapports. De telles entreprises nécessitent énormément de temps et je ne
sais pas si les gens aiment encore ce genre de livres. Je crois tout de même
que la qualité dans ce domaine attire encore les amateurs. Moi-même,
j'éprouve un réel plaisir à faire de tels livres et j’espère que ce plaisir
transparaît d'une certaine manière dans le résultat final. Mon but serait de
faire éprouver ce même plaisir aux autres… »
LEXNEWS : « Vous défendez ainsi une vision d'esthète du livre en
considérant que cela n'est pas dépassé à notre époque. »
Florian Rodari : « Non, en effet, comme je vous le disais, je crois
qu'il y a encore des amateurs. Bien entendu, en terme commercial, nous ne
sommes pas dans la logique qui se développe actuellement. Les artistes dont
nous parlions tout à l'heure travaillent sur du papier, dans une distance et
une temporalité qui est celle du livre d’autrefois, non celle de
l’ordinateur. Mais pourquoi les textes qui les accompagnent devraient-ils
être sur un autre support et dans une autre dimension que ce qui a donné
satisfaction depuis des siècles ? C’est si pratique de tenir en mains un
volume de quelques centaines de grammes à peine ! Changer de support ne se
justifie pas vraiment. Je crois que nous sommes nombreux à croire à cette
réalité, et l'édition ne se porte pas si mal que cela. À la fin des années
90, lorsque Skira a mis la clé sous la porte, il disait : « Je m'en vais
avec le livre ! » Je trouvais cela un peu hâtif et prétentieux. Il est vrai
qu'aujourd'hui il n'est plus guère possible d’entreprendre ce que Skira
réalisait il y a cinquante ans, avec ses chantiers de photographies,
construisant tout exprès des échafaudages pour photographier les fresques de
Piero à Arezzo. Mais, si ce genre d’ouvrages n'est plus possible, il me
semble néanmoins qu’il restera toujours de la place pour des livres qui sont
en relation avec les besoins et les données de l’époque dans laquelle nous
vivons. »
Merci, Florian Rodari, pour ce témoignage
qui laisse une lueur d'espoir pour la beauté et l'excellence au début de ce
XXI° siècle. Grâce à des éditions comme la votre, le beau livre a encore de
longues années devant lui !
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Éditions La Dogana
Distribution: Les Belles-Lettres
www.ladogana.ch
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Entretien avec Jacques DAMADE
Directeur des Editions LA BIBLIOTHEQUE |
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Jacques Damade, directeur des Editions La Bibliothèque, est l’un des
éditeurs parisiens les plus charmants ; d’une politesse et d’une prévenance
rares aujourd’hui – chez lui nulle grandiloquence, nulle affectation – il
est tout simplement à l’image de ses éditions. Comme Jorge Luis Borges qu’il
admire et dont une citation - « Me sera-t-il permis de répéter que la
bibliothèque de mon père a été le fait capital de ma vie ? La vérité est que
je n’en suis jamais sorti. » - orne chacun de ses ouvrages, Jacques Damade
a eu pour berceau une bibliothèque, source de sa passion des beaux livres,
des beaux récits et écrits, et de l’édition avec la création des Editions
La Bibliothèque.
Fondées en 1992, les Editions La Bibliothèque
font partie tant par la présentation subtilement choisie et soignée de ses
titres que par l’exigence de leur contenu de ce que l’on nomme dans le
milieu des lettres des « Belles Editions ». Appréciées d’un public averti et
fin connaisseur, les Editions La Bibliothèque, présentées notamment à
la Galerie Rauch à Paris, offrent en effet plus de quarante titres d’une
qualité et d’une exigence éditoriales rares aujourd’hui avec notamment des
ouvrages audacieux tel que « Paris, 1860 », magnifique livre consacré
à Charles Baudelaire et Charles Meryon, des écrits anciens et précieux tels
que le texte inédit d’Alexandre Dumas, « Mes Chasses », le « Traité
de la Concupiscence » de J-B Bossuet ou tel que « Professeur de
Beauté » de R. de Montesquiou et Marcel Proust, ou encore des auteurs
contemporains de plume subtile, légère et raffinée avec notamment les
délicieux ouvrages de l’écrivain Pierre Lartigue. Dans ce souci extrême
d’une esthétique sobre et raffinée, les Editions La Bibliothèque
publient quatre à cinq ouvrages par an toujours très attendus.
Jacques Damade, directeur des éditions La Bibliothèque, fondateur du
Prix Gaillon, participe également à la Revue FARIO, revue de littérature et
d’art ; Il a accepté pour les lecteurs de LEXNEWS de répondre à nos
questions.
LEXNEWS : "Le nom de vos Editions « La Bibliothèque » dévoile à lui
seul les racines de cette belle réalisation puisqu’au delà de votre passion
du livre même, c’est également votre amour pour une magnifique bibliothèque
familiale et votre amour pour un personnage extraordinaire, votre
grand-père, qui vous ont conduit à créer celles-ci…."
Jacques DAMADE
: "Amour
un peu contrarié, puisque cette bibliothèque a en partie disparu en 1982. Il
y a quelque chose d’élégiaque dans beaucoup de choses que l’on entreprend.
On est souvent ces ethnologues de tribus disparues. C’était une pièce
austère où certains livres dataient du XVIe et les plus modernes
de 1830. Pour un enfant, ces reliures serrées, souvent couvertes de
poussière, impressionnaient, étaient hors de portée. Pour mes parents, mes
oncles et mes tantes aussi. On préférait déjà la salle de télévision. Seul,
mon grand-père y vivait, y dormait dans son fauteuil, lisait l’hébreu, le
latin, le grec et semblait en totale familiarité avec ces fantômes. Il est
mort quand j’avais neuf ans, je revois son chapeau, sa canne, ses
cigarettes, son siège près de la fenêtre. Je crois que cette silhouette est
l’intercesseur, celui qui dit qu’on peut ouvrir ces bouquins."
LEXNEWS : "Sans oublier peut-être Jorge- Luis Borges…"
Jacques DAMADE :
"Lui,
je l’ai tout de suite aimé, avant de me rendre compte que c’était un autre
grand-père. Il y a des personnes qui cherchent des substituts du père. Mon
cas est plus désespéré, je cherche des grands-pères. Lui convient
parfaitement. Silhouette aveugle, ironique dans une bibliothèque conversant
avec Cervantès, Kipling ou Chesterton. Ma maladie est aiguë, d’ailleurs,
puisque, quoique j’aie un peu de mal avec l’espagnol, je lis Borges,
comme s’il écrivait en français."
LEXNEWS : "Vos éditions comptent aujourd’hui six collections qui comportent
pour chacune d’entre elles des éditions rares, des ouvrages choisis avec
soin, de beaux textes bien écrits ; quels sont vos critères éditoriaux ?"
Jacques DAMADE
:
"Au début je ne sortais pas de la bibliothèque. Tous mes auteurs étaient
morts et le plus moderne datait de 1830. Cette plaisanterie a duré deux ans.
Maintenant je publie des gens vivants avec plaisir, et ils voisinent avec
les autres. Je crois qu’il n’y a plus de critères. Vous avez cependant
raison, il faut que ce soit écrit, même si on peut trouver dans la
cinquantaine d’ouvrages publiés deux ou trois textes mal écrits. Je pense à
ce témoignage de Leclair dans Histoire des brigands, chauffeurs et
assassins d’Orgères de la collection « Les Bandits de la Bibliothèque ».
Le texte est indigent, il n’en est que plus affreux et c’est ce qu’il faut
dans ce cas, non ? En fait pour essayer de répondre le mieux possible à ce
que vous me dites, à un moment après une ou deux lectures, je vois le livre,
son intérêt, et je le vois quasiment comme une personne, je vois comment il
peut s’intégrer dans mes collections, atterrir chez les libraires, j’imagine
la préface, les illustrations. C’est un procédé de naissance assez bref, une
incubation, puisque après la lecture l’idée se forme, la proposition surgit,
parfois cela vient d’amis, (je pense à Michel Orcel, un bon écrivain qui me
guide parfois) et cela dure une semaine à peu près. C’est un moment exaltant
pour lequel vous acceptez de subir des tâches plus ingrates. Une espèce de
rencontre… Soit le livre entrevu résiste, se dessine, s’étend pour des
raisons tellement diverses ou bizarres qu’il m’est difficile de les
énumérer, soit il s’efface."
LEXNEWS : "Au-delà de ces choix, n’est-ce pas également un intérêt prononcé
pour une recherche qui vous anime ? Recherche qui répond peut-être plus à
un amour immodéré de la littérature que de la seule érudition ?"
Jacques DAMADE
:
"L’érudition m’ennuie. On me croit érudit. C’est amusant comme costume.
Juste parce que je publie un auteur d’autrefois peu connu ou que le livre
est cousu et fait avec du beau papier ! Je pense à Aphra Behn (dont j’ai publié
un récit épatant Oronoko, l’esclave royal), une aventurière anglaise,
féministe, romancière, du XVIIe siècle, une vivace très célèbre
là-bas et dont Virginia Woolf disait que toutes les femmes devraient poser
un bouquet sur sa tombe. Elle n’a jamais vraiment traversé la manche. Alors
je me dis parfois que c’est un quiproquo, les gens confondent curiosité pour
le passé, plaisir qu’un auteur du second rayon peut procurer par son
talent avec érudition. Si on est un peu plus sérieux, on peut juste dire
qu’il y a une offre de spectacle, de divertissement, de loisir à la fois
large et répétitif, qu’on a tellement la religion du grand nombre, du connu
et du veau d’or, que mon parti pris a l’air d’un vice."
LEXNEWS : "Des six collections précédemment évoquées, la collection « Les
Utopie de la Bibliothèque » compte deux petits joyaux : un ouvrage
magnifique consacré à Charles Baudelaire et aux gravures de Charles Meryon,
« Paris, 1860 », et un ouvrage consacré aux jardins d’Albert Kahn, « Albert
Kahn, les jardins d’une idée » ; quels sont vos critères pour ce que
l’on appelle « un beau livre » ? Et, cette dernière collection a-t-elle
votre préférence ?"
Jacques DAMADE
: "Préférence peut-être pas, disons un goût
certain pour cette collection qui est un peu un cousin d’Amérique. Elle est
au-dessus de mes moyens, c’est peut-être pour cela que je l’aime et qu’il
n’y a que deux livres. Ils sont d’un grand format avec des illustrations. Il
me faut pour réaliser ce type d’ouvrage un mécène, un bienfaiteur. Je
l’ai trouvé pour Meryon-Baudelaire et pour Albert Kahn. J’ai un très beau projet
depuis des années qui dort. Il est très coûteux. Ce serait le troisième
livre en quinze ans ! J’attends le prince charmant. En même temps être
éditeur c’est avoir quelques rêves inassouvis dans lesquels on puise une
énergie."
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LEXNEWS : "Un auteur tient une place privilégiée dans votre catalogue, je
pense à Pierre Lartigue, avec de très beaux textes d’une rare sensibilité
tels que « L’Inde au pied nu » dans la collection « L’Ecrivain
voyageur », « Léger, légère » dans la collection « Les Billets de la
Bibliothèque » ou encore votre toute dernière parution « L’or et la nuit » ;
Comment avez-vous rencontré cet auteur et de quelle manière aimeriez vous le
présenter à nos lecteurs ?"
Jacques DAMADE :
"Il y a aussi un quatrième livre, Le ciel dans l’eau Angkor. Je vais
être lyrique. Vous me pardonnerez, c’est un homme délicieux. Juste un peu
trop jeune pour que je puisse l’ajouter à la liste de mes grands-pères. Mais
il mérite d’y être. Il faut le lire, son écriture, c’est un gaz plus léger
que l’air, euphorique et grave. J’avais lu son livre Plumes et rafales
et je le reprenais de temps en temps. Il parlait de Montaigne du
seizième siècle. Je croyais entendre Perrault et un peu Nerval. Il y avait
du mouvement, de la lumière, de l’enfance. Je le lisais à haute voix. Je ne
le connaissais pas alors. Une nuit, j’ai croisé Pierre Lartigue, dans une
soirée, chez un ami commun. Je m’en souviens parfaitement. Un petit homme
charmant, élégant, vêtu d’un costume blanc qui s’adressait à moi pour me
dire qu’il avait écrit un livre sur l’Inde (L’Inde au pied nu) où il
venait de voyager et pour savoir si cela m’intéressait. Je n’en
croyais pas mes oreilles. Comment ai-je réussi à cet instant à rester un
éditeur digne, attentif ?"
LEXNEWS : "On ne peut aborder les Editions « La Bibliothèque » sans
souligner l’extrême soin que vous apportez également à la présentation de
vos ouvrages : une présentation sobre, une couverture choisie, un papier et
une typographie de qualité…Pouvez-vous souligner ces étapes essentielles qui
précédent la naissance d’un livre et qui ont leur importance dans le
résultat final ? Et, est-ce là encore votre amour du livre qui vous dicte
cette exigence éditoriale ?"
Jacques DAMADE
:
"Je crois que le livre à des armes qu’on sous-estime parce qu’on a peur de
ne pas être dans le coup ou de rater je ne sais quel TGV (on pense au lapin
blanc avec sa montre dans Lewis Carroll !) : la taille de la main, le poids,
la disponibilité, la douceur du papier sous les doigts, le dessin des
caractères, le silence que tous les casse-pieds, et ils sont nombreux,
oublient, ils nous parlent des écrans, du bruit, du portable, du village
planétaire, de la fin du livre. Comme si on ne savait pas ce que c’était que
le silence, la musique, comme si on ne pouvait pas se retirer, revenir,
repartir. Il y a un texte de Patrick Mauries, l’éditeur du Promeneur, qu’il
place dans tous ses livres, que j’aurais souhaité écrire qui s’appelle Le
Cabinet des lettrés. Je vous en cite la fin :
« Ils
forment à eux seuls une bibliothèque de vies brèves. Ils s’entrelisent dans
le silence, à la lueur des chandelles, dans les recoins de leur bibliothèque
tandis que la classe des guerriers s’entre-tue avec fracas et que celle des
marchands s’entre-dévore en criaillant dans la lumière tombant à plomb sur
les places des bourgs. »
Pour revenir à ce qu’on disait, je choisis
souvent le papier et la couleur de la couverture avec les auteurs ou les
préfaciers quand les auteurs datent du XVIIIe. On va dans un
entrepôt où il y a des papiers, avec des grains, des couleurs, des grammages
différents. On en sélectionne quatre ou cinq. Puis on délibère. Après la
couverture est composée par un typographe, d’où le léger relief du sigle et
des lettres que l’on sent avec l’œil du doigt : cette façon qu’a l’encre de
pénétrer le papier, de l’épouser, bien différente de celle de la
photocomposition."
LEXNEWS : "Aujourd’hui, les Editions « La Bibliothèque » ont plus de
quinze ans – seize exactement, je crois – ; en qualité d’éditeur
indépendant, vous avez déjà relevé de lourds défis notamment lors de
l’incendie des Belles Lettres ; Quels sont aujourd’hui, vos nouveaux défis
ou projets ?"
Jacques DAMADE
:
"ça a été un fameux incendie.
Trois millions de livres, je crois, à proximité de Gasny, dans l’Eure, en
pleine campagne française. Ce que le feu a commencé, l’eau l’a achevé. Les
pompiers ont été terribles. D’après ce que je sais, il n’y a pas un seul
livre qui ait survécu. Je me demande si ce n’était pas plus important en
nombre d’ouvrages que celui de la grande bibliothèque d’Alexandrie. En plus
il y avait énormément de textes bilingues gréco-latins de la collection Budé
des Belles Lettres. César, Pline, Aristote, Platon, Philostrate… L’histoire
aurait plu à Borges qui aimait que le temps joue à se répéter. Moi, j’ai eu
peur que ce soit la fin de la mienne, de bibliothèque. Mais, après s’être
fait un peu tirer l’oreille, le Centre National du Livre nous a sauvés. Je
n’appellerai pas cela un défi, mais plutôt un bref chapitre, pas un des
pires, de L’Histoire de l’Infamie. Aussi est-ce avec le sourire du
survivant qui remercie le ciel que je poursuis mon activité artisanale,
saisonnière, quasi agricole de deux ou trois livres au printemps et à
l’époque des vendanges."
LEXNEWS : "J.M.G. Le Clézio relevait récemment qu’il avait besoin de voyager
pour écrire, être dans des lieux inconnus ou anodins pour que son
inspiration créatrice soit vivifiée par ces horizons nouveaux, comment
percevez vous ce rapport de l’écrivain au voyage ?"
Jacques DAMADE
:
"Vivifiant, bien sûr : rompre avec les habitudes jusqu’à se débarrasser du
soi, voir d’autres coutumes, d’autres gens, essayer de comprendre les
gestes, une langue que l’on devine, semi obscure et donner ces variations en
partage. L’écrivain voyageur, quelle noblesse ! C’est la collection la plus
importante de ma maison (une vingtaine de titres). L’écrivain voyageur,
c’est grâce à lui d’abord qu’on a découvert le monde. Je songe au somptueux
travail d’édition de la Magellane de Michel Chandeigne et d’Anne Lima.
Splendeur des livres, précisions et voix multiples des missionnaires,
voyageurs, marchands scandant la découverte de l’Afrique, de l’Amérique, de
l’Asie, des Indes… Même si à la découverte de l’autre s’ajoute à notre
époque une autre mission que Bouvier, Marker, Orcel ou Lartigue incarnent.
Je vais publier en mai un livre de Georges Groslier (Eaux et Lumières)
qui date de 1930 sur le Mékong cambodgien où il montre le bonheur,
l’importance du fleuve pour nourrir, faire vivre la population. Pierre
Lartigue expose dans son dernier livre L’or et la nuit combien en
2007 la déforestation, les déchets chimiques mettent en danger ce fleuve.
L’écrivain voyageur n’est plus simplement ce roi mage qui rapporte l’or,
l’encens, la myrrhe, même s’il l’est encore, heureusement, il est aussi le
guetteur qui avertit des dangers que subit la terre. Danger pour la vie des
hommes, pour la diversité du monde, pour la liberté, et même pour la survie
de cette petite planète…"
Merci beaucoup, Jacques Damade, pour cette si agréable interview qui donnera
à n’en pas douter à tous nos lecteurs l’envie d’ouvrir un à un les ouvrages
de La Bibliothèque à la manière dont J.L. Borges écrivait « La grille du
jardin s’ouvre avec la docilité d’une page »…
Paris,
24 avril 2008
L.B.K.
pour LEXNEWS
Editions
La Bibliothèque
http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/-La-bibliotheque-.html
Diffusion Distribution Belles Lettres : 01 45 44 92 88 |
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Interview Diane de
SELLIERS, la passion de l'édition d'art...
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© Giacomo Bretzel |
LEXNEWS : « Quelles sont les
origines des Editions Diane de Selliers qui portent votre nom ? »
Diane de SELLIERS :
« Le livre m’accompagne en fait depuis mon enfance dans la mesure ou j’ai
toujours aimé lire et que j’ai accompli des études littéraires. J’avais comme
objectif de travailler comme critique culturel et littéraire. J’avais réalisé un
mémoire sur un sujet d’édition. Belge de nationalité, je suis arrivé à Paris et
j’ai commencé à travailler dans une maison d’édition. Après cette expérience,
j’ai décidé de monter ma propre maison d’édition, afin d’éviter certaines
contraintes et grâce à l’insouciance de mes 25 ans !
J’ai commencé avec des guides qui n’avaient pas besoin d’un
nom d’éditeur. Ces éditions permettant de financer le reste de mes projets. A
l’origine je n’avais pas d’objectif de collection, cela l’est devenu par la
suite. J’avais découvert de superbes gravures mises en couleur par OUDRY au
XVIII siècle dans une librairie ancienne. En les consultant, je me suis dit
qu’il n’était pas possible que ces superbes gravures restent inconnues de tous
et mon sang d’éditeur n’a fait qu’un tour ! J’ai pris le risque de lancer
l’ouvrage avec l’intégralité des textes des Fables de La FONTAINE et des images.
Cet ouvrage est sorti en 1992 et nous en sommes aujourd’hui à la cinquième
édition. Par la suite, j’ai souhaité réaliser un autre livre consacré quant à lui
aux contes du même auteur. Mais je n’avais pas d’illustrations pour ces
derniers. C’est alors qu’à l’occasion d’une exposition au Musée du Petit Palais
consacrée à FRAGONARD et le dessin au XVIII° s, j’ai eu l’occasion de découvrir
dans la dernière salle, soixante lavis de FRAGONARD pour une édition manuscrite
des Contes de La FONTAINE. Il s’agissait de dessins qui n’étaient pas, et ne
sont plus, montrés au public. »
LEXNEWS : « Quelles sont les
difficultés pour traiter ces sources originales ? »
Diane de SELLIERS :
« Pour ce dernier livre, la réalisation a été très délicate en raison de la
difficulté d’obtenir ces lavis en photogravure dans de bonnes conditions. Nous
avons été obligés d’aller voir les originaux avec les techniciens de l’atelier de
photogravure grâce à la coopération essentielle du Musée. Si vous prenez les
lavis de FRAGONARD, la plus grande difficulté réside paradoxalement dans les
blancs ! Rendre les blancs vivants et restituer les nuances de blanc dans les
visages par exemple est une tâche particulièrement délicate. »
LEXNEWS : « Cela exige donc un
gros travail artistique en amont ? »
Diane de SELLIERS :
« Oui, tout à fait. Il y a énormément pour ces livres de réflexion pour
être le plus fidèle possible à ces œuvres, et en même temps pour ajouter un plus,
compte tenu des moyens techniques à notre disposition et de la modernité de
l’ouvrage ».
LEXNEWS : « Quel est le point
de départ de vos projets ? »
Diane de SELLIERS :
« J’ai toujours réalisé un livre dès que j’ai l’alliage de l’artiste et du
texte. Pour les Fables, c’est le hasard qui m’a mis en présence des textes et de
cette iconographie. Quant aux Contes, cela a résulté d’une démarche volontaire
jusqu’à ce que je trouve une illustration qui ait la même force narrative que le
texte. C’est grâce à un ami que j’ai eu l’idée du troisième livre. Il m’avait
parlé d’une Divine Comédie de DANTE illustrée par BOTTICELLI qui devait se
trouver en Italie. Après de longues recherches, j’ai pu travailler sur des
dessins de BOTTICELLI qui se trouvaient dispersés à Berlin et au Vatican. Pour
analyser ces œuvres de BOTTICELLI, j’ai pu bénéficier du concours du
conservateur du Musée de Berlin, grand spécialiste du peintre et qui était alors
à la retraite. C’est d’ailleurs de cette collaboration qu’est née l’idée du
Faust de GOETHE illustré par DELACROIX. Les 18 lithos de DELACROIX ne
suffisaient pas elles seules pour illustrer ce projet. Je suis donc partie à la
recherche de tous les travaux et dessins préparatoires de DELACROIX sur ce
Faust ! J’ai ainsi pu constater que le thème de Faust avait obsédé le peintre
pendant toute sa vie, ce qui m’a fourni un grand nombre d’études préparatoires.
La recherche de la qualité est ainsi au tout premier plan. »
LEXNEWS : « Il est même
possible d’ajouter, eu égard au résultat, qu’il s’agit d’un véritable travail
de recherche en tant que tel ! »
Diane de SELLIERS :
« Il est vrai que chaque livre exige un immense travail préparatoire
allant de 3 à 5 ans. Ce sont de véritables jeux de piste, qu’il faut à chaque
fois parvenir à remonter. La meilleure récompense de cette entreprise vient des
diverses institutions qui très souvent après un premier refus d’autorisation
quant à l’exploitation des sources reviennent sur leur décision dés qu’ils ont
pris connaissance de l’ampleur du travail accompli.
Mon éditeur italien m’a donné le thème de l’ouvrage
suivant, le Décameron de BOCCACE. Les miniatures n’étaient pas suffisantes pour
retenir l’attention du lecteur tout au long de l’ouvrage. Je souhaitais quelque
chose d’extrêmement vivant qui reflétait la Toscane à l’époque de BOCCACE. Nous
avons contourné le problème en prenant des détails de fresques qui montraient
des scènes de la vie de tous les jours. Ces fresques sont à elles seules un
véritable témoignage de la vie profane associée au thème mystique. Nous avons
pris tous ces détails dés qu’ils pouvaient être en rapport direct avec le texte.
Je pense que c’est le premier livre qui a offert un véritable travail de
création iconographique dans notre collection. La Légende Dorée de VORAGINE me
tentait depuis plusieurs années, mais la richesse iconographique me paralysait
jusqu’à ce que je réalise que les décorations d’Eglise me serviraient
directement pour cette illustration. La tâche a été immense : les photographes
se sont rendus dans de nombreuses églises en Italie pour y effectuer leurs prises,
avec au final des surprises sur le rendu de certaines fresques ! ».
LEXNEWS : « Quels sont pour
vous les rapports entre l’œuvre et l’iconographie, cette dernière venant
accompagner un texte qui renvoie lui même à ses propres images ?Cela fait il
naître des doutes chez vous quant à ces rapports ? »
Diane de SELLIERS :
« Je n’ai pas le sentiment de ressentir ces doutes quant aux relations
entre texte et image car ces relations sont à la base même de mon travail. Je
m’implique tellement dans ce souci d’harmonie entre l’iconographie et le texte
qu’il me semble que le résultat implique une symbiose. Si vous prenez l’exemple
de VORAGINE, rares sont les personnes qui lisent l’œuvre sans iconographie. Une
fois que les images accompagnent le texte de la Légende dorée, le texte reprend
toute sa saveur car les interprétations des peintres de ces fresques se
nourrissent à la spiritualité émanant du texte lui-même ! Votre question me
semble par contre plus concerner un livre comme celui du Don Quichotte de
CERVANTES. C’est en effet très différent car nous nous trouvons en présence d’un
artiste contemporain, Gérard Garouste, qui a sa propre interprétation de
l ‘œuvre. Il n’est pas un illustrateur mais bien un artiste. Il a tellement
plongé dans l’esprit du texte qu’il a fait une œuvre de créateur dans le cadre
d’une œuvre originale appartenant à CERVANTES. Cela lui offre des opportunités
de rebondir sur une phrase correspondant à une idée de sa lecture de l’œuvre !
Donc je ne pense pas que cela puisse en aucune façon réduire la liberté de
lecture, bien au contraire. Nous veillons à ce qu’il y ait un équilibre entre le
texte et l’image afin qui ni l’un ni l’autre ne prenne le dessus. Pour le
« Voyage en Italie » de STENDHAL, l’iconographie a été particulièrement
difficile à réunir en raison de la diversité des thèmes abordés. Nous avons
cherché à reproduire dans la mesure du possible l’univers de l’auteur tel qu’il
l’avait connu à son époque. Nous avons saisi sur ordinateur tous les mots de
personnes, de lieux, de scènes de genres,… Les recherches ont été faites dans
les plus grandes bibliothèques telles celles de Paris, Rome, Londres,… avec
comme cadre temporel une période très courte : 1800-1840. Nous avons ainsi
réalisé un travail très rigoureux sur le thème de l’Italie par rapport à nos
entrées informatisées. Cela a été un travail de titans ! ».
LEXNEWS : « Diane de SELLIERS,
merci pour toutes ces explications qui rendent plus passionnant le métier qui
est le votre, et dont nous présenterons régulièrement les nouveautés ! »
LEXNEWS A
LU POUR VOUS ...
OVIDE "Les Métamorphoses"
illustrées par la peinture baroque, 576 pages format 24.5 x 33 cm en volumes
reliés pleine toile sous coffret illustré, titres de couverture aux fers à
dorer, papier couché mat 170 g.
Ce ne sont pas moins de 360 peintures dont un grand nombre
inédites qui viennent mettre en lumière l'éternel récit d'Ovide, legs éternel de
la littérature antique latine ! A oeuvre d'exception, édition exceptionnelle,
tel est le cas de la présente sortie de l'ouvrage préparée sous la direction
éclairée de Diane de Selliers.
Une centaine de peintres italiens tels le CARAVAGE,
CARRACHE, CASTIGLIONE, ... mais aussi espagnols,français ou du Nord éclairent un
texte dont la poésie a inspiré de tous temps les artistes les plus divers. C'est
sous l'éclairage baroque que les Métamorphoses ont trouvé un regard nouveau
quant à la présentation édition, un choix judicieux au regard du texte dont les
vertus bucoliques et la force des thèmes évoqués se partagent avec passion et
ardeur. La Nature, les dieux et les hommes tissent entre eux des liens
inextricables que seuls des choix souvent violents viennent interrompre,
la superbe iconographie des Editions Diane de Selliers venant souligner ce trait
de caractère tel le plus cadre pour une peinture délicate. Point de double
langage ou de choix excessif, tout est mesure dans un univers qui portant porte
en soi les valeurs extrêmes des passions humaines. L'art baroque transgresse
souvent l'ordre établi par la sage Renaissance et pourtant cet éclairage
pictural se veut respectueux de la célèbre oeuvre latine !
Retrouvons dans une édition d'exception, nos racines
antiques en compagnie de Jupiter, Sémélé ou encore Bacchus, goûtons les joies
d'une mythologie accessible non seulement par la beauté du texte mais également
par la contemplation du regard sur des oeuvres tout autant immémoriales...
Un travail à la fois délicat et artistique pour lequel un
regard plus attentif révèlera une démarche digne des oeuvres scientifiques les
plus rigoureuses !
Pour plus de renseignements :
www.editionsdianedeselliers.com
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