Interview de Mgr
Joseph Doré, archevêque émérite de Strasbourg
Collection « La grâce d'une cathédrale »
(éditions La Nuée Bleue)
Paris, le
10 septembre 2011 |
© S. Kalimorov
A l'occasion
d'une nouvelle collection de livres d'art sur les cathédrales aux éditions
La Nuée Bleue, collection dirigée par Monseigneur Joseph Doré, nous avons
eu l'honneur de rencontrer celui qui est depuis longtemps "habité" par les
murs et les voutes de la cathédrale de Strasbourg dont il est aujourd'hui
l'archevêque émérite. Il était donc normal que le premier volume soit
consacré au fameux édifice sacré de la ville de Strasbourg. Ouvrons
ensemble les portes de cette cathédrale en compagnie de Monseigneur Doré,
guide prestigieux pour nos lecteurs à cette occasion !
LEXNEWS : « Pouvez-vous nous rappeler quel fut
l’esprit qui anima les bâtisseurs de cathédrales et est-il encore possible
d’en saisir toute la portée en notre XXI° siècle ? »
Joseph Doré : « C'est un chantier
gigantesque que celui des cathédrales ! À partir du moment où l'on a
commencé à construire des édifices autour de la cathèdre – le siège de
l’évêque qui leur a valu leur nom –, les cathédrales se sont multipliées à
travers les siècles : on en compte une bonne centaine pour le seul
territoire français. On peut dire que trois facteurs principaux ont défini
l'esprit dans lequel elles ont été à la fois bâties et entretenues.
Il faut tout d'abord mentionner l'intention essentielle, qui est de
rassembler les croyants autour de leur évêque pour les célébrations
majeures à l’occasion desquelles s'exprime la foi chrétienne en
Jésus-Christ comme Sauveur et en Dieu comme Père, Fils et Saint-Esprit. Il
a fallu pour cela des édifices appropriés, capables d'accueillir le nombre
croissant des fidèles. Le premier facteur est ainsi la foi et son annonce
ou sa proclamation, avec le rassemblement au nom de cette foi, pour la
célébrer.
Un deuxième facteur réside dans la situation économique et dans les
techniques qui ont pu être mises au point au cours des siècles. Nous avons
tout d'abord, sur le schéma des grandes basiliques romaines, de grands
édifices rectangulaires … que transformeront plus tard les voûtes en plein
cintre, les ogives, les arcs-boutants, etc. Tout cela a évidemment une
influence sur le déroulement de ce qui se passe à l'intérieur. Par
exemple, dans le cas des premières basiliques, on peut constater une
organisation de l'espace qui se calque sur celle du Sénat romain. En tout
cas, c'est aussi l'affinement des moyens techniques, en même temps que la
diversification et l'appropriation des matériaux qui permettra d'aboutir à
ces immenses cathédrales dont les murs sont à la fois de pierre et de
verre – ce qui était évidemment impensable à l'époque originelle. Mais
cette évolution n'a par ailleurs été possible que dans des conditions
économiques précises : il fallait bien financer ces vastes entreprises !
Nous avons la chance d'avoir ici et là de précieuses archives ; or, pour
certaines cathédrales, elles concernent les salaires distribués aux
différents corps de métiers engagés sur les chantiers. Contrairement en
effet à ceux qui sont intervenus dans la construction des pyramides, les
ouvriers des cathédrales n'étaient pas des esclaves, mais bien des hommes
libres, appréciés pour leurs compétences et rémunérés en conséquence. Les
financements étaient de divers ordres, à l'initiative la plupart du temps
des évêques, car ils bénéficiaient souvent d’importants moyens, même s'il
s'y ajoutait la plupart du temps des aides venant de seigneurs et princes
de tout rang.
Un troisième élément, et non le moindre, est le sens esthétique, jouant
comme champ et lieu d'expression de la foi à travers les moyens de la
technique. Les bâtisseurs des cathédrales ont eu à cœur de faire
apparaître dans la pierre, le bois, ou le verre que si l'existence humaine
est certes logée à l'enseigne du corps, du monde et de la matière, elle
est aussi appelée à des expériences de type spirituel, voire mystique. Or
l'expérience de la beauté a toujours été tenue, en christianisme, pour
essentielle à l'expression de la foi.
Conviction croyante, conditions techniques et économiques, sens esthétique
: tels sont donc les facteurs à travers lesquels s'est exprimé ce qu'à
juste titre vous appelez « l'esprit » des bâtisseurs des cathédrales.
Puisque ces dernières sont toujours là parmi nous, il est essentiel de ne
pas oublier le jeu de ces facteurs, si nous voulons avoir accès aux
trésors dont elles demeurent porteuses pour nous. »
LEXNEWS : « Une cathédrale est avant tout une
litanie architecturale, en quoi se distingue-t-elle des autres édifices
légués par le passé le plus ancien tels les pyramides,
les temples ou autres ziggourats ? »
Joseph Doré : « Lorsque vous regardez une pyramide, elle vous
apparaît comme un édifice complètement « plein » … et si, cependant, on y
fait de la place, c'est pour y mettre un cadavre ! Une cathédrale est, au
contraire, largement ouverte, et non pas seulement à qui souhaite y
entrer, mais également vers le haut. Quand on en franchit les portes, on
entre dans un espace qui n'en finit pas de s'élargir, et de se déployer
vers le haut. Et plus se développe leur histoire, plus elles
s'agrandissent et s'amplifient. Faire place à la lumière et entraîner à
regarder vers le ciel : l’idée est d'accueillir dans un espace de beauté
qui à la fois parle au cœur et enchante l'esprit. »
LEXNEWS : «Cette idée d’horizontalité et celle de
verticalité se rejoignent ainsi dans la cathédrale en parfaite communion
avec le symbole de la croix. »
Joseph Doré : « Tout à fait ! C’est extrêmement suggestif, et
c'est d'ailleurs cette idée qui a été au cœur de mes pensées lorsque nous
avons eu à faire des travaux dans le chœur de la cathédrale de Strasbourg.
Cela m'a conduit à proposer à l'architecte de placer tout au fond de
l'abside, et bien visible, une grande croix dorée. Nous sommes dans un
lieu où l'horizontalité de notre monde, de notre histoire et de nos vies
se croise avec la verticalité du Dieu tout puissant et tout bienveillant
qui s'est porté à notre rencontre, et nous accueille chez lui.
Il me semble essentiel de garder à l’esprit cette idée de croisement, que
vous releviez vous-même à juste titre. Imaginez la cathédrale de
Strasbourg lors des grandes célébrations de l'année, avec deux ou trois
mille personnes réunies sous ses voûtes ! C'est un espace très largement
ouvert, à la différence des pyramides, des ziggourats, de la muraille de
Chine, ou des aqueducs romains … C'est un édifice fait pour rassembler un
peuple uni, heureux, et chantant. Y a-t-il tellement de lieux dans le
monde où, quels que soient l'âge, la nationalité ou la classe sociale, on
se rassemble en foule pour chanter ? Une cathédrale est au summum de ce
qu'elle est et est appelée à être, lorsque l'évêque y préside, entouré de
son presbyterium et des fidèles, et lorsque les orgues se mettent à sonner
pour accompagner, et amplifier le chant de toute l'assemblée. À ce
moment-là, la cathédrale n'est plus seulement un monument prestigieux ;
c'est alors un édifice constitué de « pierres vivantes » comme dit
l'Écriture, et dont toutes les pierres chantent. »
LEXNEWS : « Comment le jeune homme, puis le
théologien et l’archevêque appelé aux plus hautes fonctions pastorales
ont-ils successivement perçu ces édifices éternels ? »
Joseph Doré : « Votre question me touche beaucoup ! Je n'aurais
pourtant pas eu grand-chose à y répondre pendant de longues années de ma
vie. Dans ma jeunesse, ce genre d'édifice ne m’était bien entendu pas
inconnu, à cause de la cathédrale de Nantes, la ville de mes origines. Je
connaissais du reste également un peu d'autres édifices comparables, tels
ceux de Chartres ou de Paris ; mais à vrai dire, tout cela m'apparaissait
bien grand, bien loin, et bien froid.
Á mon entrée au Séminaire, c'est par la figure de l'évêque que,
progressivement, j'ai découvert la cathédrale comme le lieu d'une vie
spécifique, d'ailleurs très largement dépendante de ce personnage que
j'apprenais à situer. C'est à travers de grandes célébrations avec la
maîtrise de la cathédrale de Nantes, à laquelle j'appartenais, que j'ai
pu, d'une certaine manière, entrer un peu plus dans la compréhension de ce
genre si remarquable de monument. Peu à peu, ma familiarité avec lui s'est
développée, toujours lors de grandes célébrations, notamment à l'occasion
de la Semaine Sainte. Ces bâtiments lointains ont ainsi fini par prendre
pour moi une signification ecclésiale précise, autour de l'évêque qui y
officiait.
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Un troisième
élément est cependant intervenu ensuite : ma spécialisation de théologien
et d'enseignant de théologie pendant plus de trente ans. Je me suis en
effet rendu compte que l'art avait à apporter sa contribution à la
réflexion de la théologie, et cela m'a même conduit à fonder, un Institut
des Arts sacrés, dans le cadre de la Faculté de théologie et de sciences
religieuses de l'Institut catholique de Paris lorsque j'en étais le Doyen.
Car il me semblait que l'art, à commencer par celui qui, justement,
resplendit dans les cathédrales, pouvait et devait être mis à contribution
aussi bien pour la compréhension que pour l'annonce de la foi.
Par contraste, j'ai été de plus en plus étonné de la distance qui
m'apparaissait exister entre ces édifices si chargés de sens, et nos
contemporains. Les grandes cathédrales restent certes de nos jours bien
présentes dans le quotidien de nos villes, mais en même temps, comme elles
apparaissent éloignées sinon scellées à tant d'hommes d'aujourd'hui ! Il
m'a en conséquence semblé essentiel de fournir à qui le voudrait bien des
clés pour leur compréhension. Il y a tant de choses à dire sur elles (y
compris au plan théologique !)
Pour autant, mon chemin ne s'est pas arrêté là, puisque j'ai moi-même été
appelé à l'épiscopat. Or devenir évêque est bel et bien, d'une certaine
manière, se trouver « incorporé » à l'édifice appelé cathédrale : c'est
précisément le fait de vous asseoir sur la « cathèdre » qui, au cœur du
rituel de l'ordination, vous établit dans votre charge. Pour mon compte,
j'ai de surcroît été ordonné évêque dans la cathédrale même du diocèse du
diocèse de Strasbourg, auquel j'étais envoyé. Cela veut dire qu'avant de
m'asseoir sur la cathèdre, j'ai eu à m'allonger de tout mon long à même le
sol de la cathédrale, pendant que tous les présents suppliaient tous les
saints du ciel de m'assister dans la charge en laquelle j'entrais ... Et
voilà qu'à ce moment-là, j'ai réalisé qu'en cet endroit même je serai un
jour enterré, puisque les caveaux des évêques défunts du diocèse se
situent sous ce dallage du choeur sur lequel j'étais prosterné.»
LEXNEWS : « Votre émotion est particulièrement
perceptible à cette seule évocation. »
Joseph Doré : « Oui, en effet. Vous réalisez alors que votre
existence se trouve en quelque sorte incorporée non seulement à l'édifice,
mais également à l'Église diocésaine elle-même dont la cathédrale est le
symbole. À ce moment-là, toute votre existence change de sens. Désormais,
elle sera fondamentalement liée à celle du peuple tout entier auquel vous
avez été envoyé, et que représente par excellence l'assemblée au sein de
laquelle vous venez d'être ordonné évêque.
LEXNEWS : « Votre témoignage démontre s’il en
était besoin que la cathédrale reste une réalité extrêmement vivante. »
Joseph Doré : « Absolument ! Ces monuments sont porteurs d'une
grande richesse de vie toujours actuelle. Certes, il y a les messes qui y
sont célébrées ou la confession qu'on peut y pratiquer ; il y a surtout
les grandes célébrations épiscopales que sont avant tout les ordinations
de prêtres et de diacres et, chaque année, la messe chrismale. Je me
réjouis bien évidemment de tout cela ; mais j'ai aussi à cœur que le plus
grand nombre possible de personnes puisse avoir accès, avec mon aide si
possible, au prodigieux héritage à la fois esthétique, artistique,
culturel, et donc largement humain, que nous ont légué les siècles – et
qui est là, en ces cathédrales, offert à tous et disponible à tous,
croyants ou non, visiteurs d'un jour et touristes de passage. »
LEXNEWS : « Nous semblons de plus en plus avoir
des difficultés à lire cette théologie minérale. En quoi la vaste
entreprise lancée avec la collection « La grâce d’une cathédrale » des
Editions La Nuée Bleue peut-elle atténuer ce hiatus ? »
Joseph Doré : « Il me semble important, reprenant votre
expression de théologie « minérale », de souligner qu'avec la cathédrale,
le minéral devient vivant ! Nous avons certes la pierre dès le
commencement, et rien ne se fera sans elle. Mais si vous considérez les
choses de plus près, vous vous apercevez que cette pierre a été dès la
carrière l'objet d'un choix soigneux : les trois ouvrages déjà parus à ce
jour dans notre collection (sur les cathédrales de Strasbourg, de Reims et
de Lyon) le montrent bien. Qu'il s'agisse du grès rose de la cathédrale de
Strasbourg, de la lave si noire de celle de Clermont-Ferrand ou de la
pierre tout ensoleillée d'Albi, vous avez, après la sélection dans la
carrière, un traitement tout aussi soigneux qui, d'une certaine manière,
va aboutir à « humaniser » cette pierre. En particulier, elle va faire
l'objet d'une taille rigoureuse, où l'artisan – l'artiste plutôt – va
étroitement dialoguer avec elle. Ensuite, l'assemblage de toutes les
pierres ainsi travaillées va lui-même donner une vie à la construction,
lui imprimer une certaine dynamique. Une fois édifié, le bâtiment pourra
ensuite prendre pleinement vie grâce au peuple qui, après l'avoir
construit, le fréquentera. Et le son des orgues pourra alors faire entrer
assemblées et édifice en une profonde résonance.
Et puis, à la pierre, viendront s'ajouter les vitraux ; grâce à eux, la
cathédrale, édifice de pierre, sera aussi foyer de lumière, chatoiement et
rayonnement de couleurs. Ajoutez à cela les sculptures, les peintures, les
tentures ... et vous aurez une véritable transfiguration de cette vaste
construction de pierre. Si l'on peut dire que l'être humain est corps et
âme, on peut aussi considérer que les cathédrales ont elles-mêmes un corps
et une âme : un corps de pierre, et une âme de lumière et de couleurs,
d'harmonie et de musiques.
Puisque telle est la richesse des cathédrales, on comprend bien que des
clés soient utiles pour accéder à leur mystère, à leur âme. En proposer à
un large public est justement l'intention qui anime la nouvelle collection
que j'ai lancée avec les éditions La Nuée Bleue. Toute l'histoire sainte
de Dieu avec son peuple, Ancien et Nouveau Testament, mais aussi toute
l'histoire de l'Église et de ses Saints, sont inscrites dans les
cathédrales. Ces dernières se présentent dès lors comme de véritables
livres ouverts qu’il nous appartient de savoir lire et de donner à lire.
Or, pour un grand nombre, une telle lecture n'est-elle pas devenue
aujourd'hui quasiment impossible ? J'enrage – excusez l'expression – de
constater que tant de gens manquent des indications et informations qui
leur ouvriraient les portes de tant de trésors accumulés. Environ quatre
millions de visiteurs entrent chaque année dans la cathédrale de
Strasbourg. Or, malgré les nombreux guides et les nombreuses études
techniques, malgré les albums de belles photos et les beaux livres tout
pleins d'images, il n'y avait pas, me sembla-t-il, d'ouvrage suffisant
pour permettre une véritable initiation à toutes les richesses d'un tel
chef-d’œuvre. Aussi ai-je eu l'idée de proposer moi-même, avec l'aide
d'une vingtaine de collaborateurs choisis, un livre qui fournisse toutes
les clés de lecture nécessaires à une vraie découverte.
Cela m'a conduit à estimer utile de commencer par l'histoire de la
construction de l'édifice ; on continue en présentant l'état actuel de la
cathédrale sous tous ses aspects ; en troisième lieu, on fait état de tous
les événements majeurs qui se sont déroulés dans l'édifice à travers plus
de dix siècles. Inutile de vous préciser que la matière est ample,
d'autant qu'on se trouve alors inévitablement conduit à évoquer toute
l'histoire de la ville et même de la province environnantes – ce qu'aucun
autre édifice ne permettrait pareillement !
LEXNEWS : « Les cathédrales ne sont pas que des
sanctuaires historiques de la foi, elles ont un rôle à jouer dans une
époque où le mot même de transcendance est quasi absent de notre
vocabulaire. »
Joseph Doré : « Je pense qu'avant toute chose elles sont un
lieu de beauté, un lieu du Beau. De l'extérieur, vous les voyez de loin,
mais vous ne les voyez pas sans tout ce qui les entoure. Certes, on s'est
habitué à leur présence, mais lorsque vous en franchissez le seuil, vous
êtes littéralement saisi ! Il y a là une richesse qu'il convient de mettre
à portée de qui voudra bien les fréquenter. Je constate du reste avec joie
que l'on s'y intéresse de plus en plus, y compris parmi les jeunes. Y
compris aussi dans les sphères gouvernementales (n'oublions pas en effet
qu'il s'agit de monuments historiques classés et dont, en France, le
propriétaire est l'État lui-même).
Quand, même en dehors des célébrations liturgiques, vous entrez dans une
cathédrale, vous pouvez y faire une expérience assez unique, et si de
surcroît vous avez alors la chance que l'organiste joue pendant votre
visite, vous avez tout à coup le sentiment d'être comme environné, saisi,
emporté. Quelque chose vient vers vous, que vous n'avez manifestement pas
construit vous-même et qui vous parle à la fois à l'esprit et au cœur.
Vous êtes muet d'étonnement et d'admiration, et en même temps quelque
chose vous dispose à l'écoute, à l'accueil, quelquefois même à
l'exultation. Vous êtes environné de beauté, et cela vous « prend », vous
« transporte », et vous met en paix avec vous-même et avec tout ce qui
vous environne. Vous êtes comme visité par la grâce. Ce n'est pas pour
rien, vous pensez bien, que j'ai souhaité retenir pour notre collection le
titre « La grâce d'une cathédrale ».
LEXNEWS : « Et il est important de souligner que
ce que vous évoquez se fait librement, sans contraintes… »
Joseph Doré : « Absolument ! Il n'y a pas, là, de propagande ;
et dans cette découverte, personne ne vient vous faire du prosélytisme. Il
n'y a pas besoin de faire une profession de foi pour s'estimer « concerné
», et c'est bien pour cela que je parle ici de grâce. Grâce à cette
cathédrale que je visite aujourd'hui dans ma misère ou dans ma joie, je me
découvre moi-même visité par quelque chose qui à la fois me déborde,
m'apaise et m'enchante – bref, j'expérimente qu'une grâce m'advient. Et
cette grâce peut de fait se renouveler en chaque cathédrale.
Je souhaite de tout cœur que quiconque fréquente les cathédrales fasse
pour lui-même l'expérience de la grâce à laquelle elles peuvent donner
accès tout simplement parce que, ayant présidé à leur construction, cette
même grâce continue de les habiter, et qu'elles ne cessent jamais de
l'offrir et de la diffuser. »
Mgr Doré est
également l'auteur d'une autobiographie "A cause de Jésus" parue chez Plon
sur laquelle nous reviendrons très prochainement. |
Strasbourg, la grâce d’une cathédrale
sous la direction de Mgr Joseph Doré
Editions La Nuée Bleue, 2010. |
Surgie du sol par la grâce, élevée vers le ciel avec grâce, la cathédrale
de Strasbourg est la première architecture de pierre à honorer la nouvelle
collection dirigée par Monseigneur Joseph Doré aux éditions La Nuée Bleue.
Et pourtant, les nombreux familiers de ce vénérable édifice multiséculaire
auraient pu conclure trop rapidement : était-ce bien nécessaire ? Le
monument si connu des Strasbourgeois avait-il encore besoin d’un livre de
plus ? Si l’on interroge l’un de ceux qui la connaît le mieux, Joseph
Doré, archevêque de ces dentelles de pierre édifiées depuis la fin du XII°
siècle, les écrits, bien que nombreux, ne pouvaient satisfaire
l’intelligence de la globalité de la cathédrale. Le pari audacieux et fou
de cette nouvelle collection est en effet de réunir tous les points de vue
imaginables afin d’édifier un livre à la manière des bâtisseurs de
cathédrales. Pas moins de vingt-deux auteurs sont mis à contribution pour
livrer leur lecture de la vaste construction.
La ligne droite, rappelle Georges Duby, est au cœur même de la cathédrale
gothique et s’avère être le vecteur de la chrétienté en ces temps
mouvementés. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la magnifique
vision offerte par ce livre d’art et d’histoire du portail principal de la
façade occidentale dont les portes sont exceptionnellement ouvertes pour
l’occasion. Si les ogives assouplissent parfois la ligne, tout n’est
qu’ode à la verticalité, à commencer par l’émouvante statue de la Vierge à
l’Enfant sur qui repose l’ensemble du tympan du portail, juste en dessous
du Christ en croix. Derrière cette statue emblématique, cathédrale à elle
seule, se dessine dans la pénombre une véritable fugue de l’ordre divin,
dont seule la musique sait en partager les échos.
Le lecteur, soucieux de mieux comprendre l’art des cathédrales, aura grand
intérêt à partager l’avant-propos qui retrace en quelques pages concises
et agréables à lire le phénomène unique des cathédrales, depuis la
reconnaissance constantinienne de la religion chrétienne jusqu’à la
cathédrale d’Evry terminée en 1995.
|
Une cathédrale
avant d’être un édifice est tout d’abord un vaste chantier, au sens propre
et figuré du terme, objet de la première partie du livre. Nous avons la
chance de posséder de nombreuses archives qui ont rendu possible son
histoire et la diffusion de nombreux détails sur l’art des cathédrales à
partir des temps les plus anciens. Si une cathédrale est « élevée » de
terre, il faut à jamais écarter de nos esprits ces fausses vues qui
apparenteraient cette construction à celle des pyramides ! Nul esclave
ici, point de longues cordées tirant des pierres à coup de fouet… Nous
apprenons à notre plus grande surprise que le chantier médiéval ne
réunissait guère plus qu’une cinquantaine de personnes, à peine plus que
pour un vulgaire immeuble de trois étages en notre XXI° siècle… Et à
partir de ces archives, nous feuilletons littéralement les pages de la
cathédrale, qu’il s’agisse de son enfantement, du IV° au début du XIII°
siècle, avant l’apothéose gothique des XIII° et XIV° siècles. Si l’on
souhaite être encore surpris, ce ne sera pas la dernière fois, on
découvrira les dessins d’architectures du XIV° siècle qui constituent un
ensemble de plus de quatre mètres de hauteur ! Et là, le regard découvre,
médusé, une cathédrale de papier où la rose et la galerie se dessinent en
un subtil lavis rehaussé par de l’encre noire et de délicates couleurs qui
soulignent les drapés des statues…
La grâce d’une cathédrale, c’est d’être ainsi le miroir
de la beauté divine, le reflet de ce qui est impensable à l’homme et
improbable aux éléments. Et pourtant, la cathédrale de Strasbourg a
réussi, grâce à la foi de ses artistes, à dépasser ces limites humaines.
Toutes les parures dont se revêt la cathédrale, qu’elles soient de pierre,
de verre, d’or ou de bois, ont un lien avec la transcendance, celui de la
beauté de ce qui dépasse l’homme et pourtant le constitue de la manière la
plus intime. L’amour, dans un don absolu, a fait naître la beauté pour la
magnifier et c’est cette intelligence de ce qui grandit toute œuvre qui a
littéralement inspiré tous ces trésors habillant l’Eglise de pierre et
l’Eglise humaine. Les pages qui constituent cette deuxième partie
pourraient faire partie d’un musée si elles n’étaient le reflet d’une
réalité bien vivante qui se renouvelle chaque jour, lorsque nos pas nous
guident vers une cathédrale. Bien entendu, la cathédrale est vivante
(troisième partie) notamment lors de ses instants les plus forts, ceux de
ses célébrations liturgiques. Toutes les pages d’une année peuvent se
vivre dans une cathédrale, à l’ombre des fêtes des saints et des martyrs,
des grandes fêtes liturgiques (Avent, Noël, Pâques) et des grands moments
de la vie de chacun, baptême, mariage, obsèques. La cathédrale n’est pas
un musée, elle est au cœur de la cité avec laquelle elle a su toujours
entretenir des liens privilégiés. Ces liens ont été tissés par des hommes
qui ont marqué sa vie, notamment les évêques de la cathédrale qui ont su
et savent encore – ce livre en témoigne - la préserver même pendant ses
heures les plus sombres tel Mgr Ruch qui pendant la Seconde Guerre
mondiale refusera de livrer son trésor aux nazis menaçants. Pour
Monseigneur Doré, la cathédrale de Strasbourg est avant tout une présence
incontournable de la ville qui attire puissamment le touriste tout aussi
bien que le croyant. Elle est ainsi un lieu de convergence où le
rassemblement est rendu possible avec toutes ses diversités. Pour ces
seules et importantes raisons, il importe à l’homme du XXI° siècle de
mieux connaître un lieu aussi symbolique…
Philippe-Emmanuel Krautter
www.nueebleue.com
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En chemin vers Pâques... |
La croix, chemin de Révélation Frère David Père-Abbé d'En Calcat,
Artège, 2011.
Chemin de Croix texte de Sylvie Germain, Bayard, 2011
Voici deux chemins de croix parus l'année dernière et qui, en cette
période de carême, devraient retenir l’attention de nombreux lecteurs sur
leur chemin vers Pâques, à la veille de la Semaine sainte. Le premier est
l’œuvre de Sylvie Germain (Bayard) dans une belle présentation format à
l’italienne avec de très belles photographies de Tadeusz Kluba. L’auteur a
publié de nombreux livres et a reçu le prix Femina en 1989. L’écriture de
Sylvie Germain est sans concession dans cette version très contemporaine
d’un des sommets du temps liturgique de l’année chrétienne. L’analyse
perce aussi surement que les clous sur le bois de la croix : « Mais si
le don est rejeté, le chant moqué, l’amour refusé, ils refluent vers leur
dispensateur avec brutalité, ils s’indurent et s’alourdissent – de larmes
et de douleur. Ils se font croix et déchirement dans l’âme du donateur.
»
Les évènements tragiques de la Via Dolorosa s’égrènent telles les
perles d’un chapelet et les mots de Sylvie Germain entourent le destin de
Celui qui a tout donné à ceux qui ne pouvaient rien recevoir. La douzième
station est particulièrement émouvante avec des évocations d’une grande
sensibilité : « Mourir est une immense tâche où le temps à la fois se
dilate et s’aiguise, où la solitude s’intensifie jusqu’à l’extinction de
soi. »
Mais avec ses mots d’une force redoutable, l’auteur souligne l’étape
inéluctable de la mort prélude à la Vie du Christ, éternel printemps
jusqu’à la fin des temps…
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Parole et Prière « Mon Carême » 2012.
Monseigneur Patrick Chauvet, vicaire général du diocèse de Paris rappelle
dans sa préface à ce nouveau hors série de Parole et Prière que le Carême
est un aventure intérieure qui doit conduire tout croyant dans la
contemplation d'une nouvelle vie, celle du Christ. Pour se faire aider
dans cette voie spirituelle, « Mon Carême » est conçu comme un guide
quotidien pendant ces quarante jours où la parole de Dieu, le témoignage
des saints et de nombreuses prières vont rythmer le quotidien du croyant
durant cette période essentielle de l’année. Pour chaque jour, une
méditation est également proposée, ainsi que la réponse à une question
thématique. Ce guide décidément très riche se termine par un dossier
complet pour se préparer au sacrement de réconciliation.
Parole et Prière « Mon Carême » 2012 ARTEGE Editions |
Béatification
Jean-Paul II
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De
nombreuses parutions et hommages ont précédé la béatification du pape
Jean-Paul II. Parmi tous ces témoignages, soulignons la parution de la
deuxième partie du très beau film de Giacomo Battiato avec Piotr Adamczyk
« Karol, le combat d’un Pape » aux Editions Artège et La Procure ; film
qui retrace le long pontificat de celui qui allait être non seulement une
personnalité incontournable du monde chrétien, mais également un acteur de
la vie internationale de son époque.
Deux très beaux albums photographiques permettent
également de retracer en images la vie de Karol Wojtyla : « Bienheureux
Jean-Paul II, en marche vers la sainteté » paru aux Editions Bayard, et «
100 photos, Jean-Paul II pour comprendre » de Bernard Lecomte paru chez «
L’Editeur ».
Le cardinal
Angelo Comastri signe un très intéressant portrait de Jean-Paul II qu’il a
bien connu étant lui-même prédicateur au Vatican : « Jean-Paul II, au cœur
du monde » (Editions Médiaspaul), ouvrage également paru en Italie sous le
titre « Nel cuore del mondo » aux mêmes éditions Médiaspaul.
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Un petit recueil de textes de Jean-Paul II en format
poche permettra aussi de mieux connaître la pensée de celui qui fut le
plus médiatisé des papes, mais dont les écrits restent encore trop
méconnus (François Dussaubat « Jean-Paul II » Editions Artège). «
Jean-Paul II, Totus tuus » de la Sœur Marie-Bénédicte paru aux Editions Le
Livre Ouvert constitue un très beau témoignage sur l’homme et sur le
prêtre à partir des moments clés de sa vie. Francis Barbey, prêtre du
diocèse de San Pedro en Côte d’Ivoire, a fait paraître quant à lui un
livre au thème porteur : « Jean-Paul II et la communication » (Editions Publibook) livre dans lequel il analyse la communication sociale souhaitée
par le souverain pontife et son recours aux médias.
Wanda Poltawska signe « Journal d’une amitié » aux Editions Médiaspaul, un témoignage touchant et exceptionnel de celle qui fut l’amie
de Karol Wojtyla pendant 55 ans, et ce, jusqu’au dernier soupir du pape
polonais. Véritable journal tenu au jour le jour, nous voyons ainsi
revivre la force et la grandeur de Jean-Paul II dans les grands moments de
la souffrance et de la maladie, mais aussi dans la richesse de ce
quotidien qu’il ne négligeait jamais.
Pour les
lecteurs lisant l'italien, une biographie incontournable de Andrea
Riccardi "Giovanni Paolo II la biografia" qui retrace le parcours
de celui qui a eu la lourde tache d'introduire l'Eglise dans le nouveau
millénaire. Ce guide influencé par les terribles expériences de la guerre
contre le nazisme et la résistance au régime communiste a su développer
dans ce contexte douloureux un message d'espoir dans tous les actes de son
magistère. Andrea Riccardi retrace avec intelligence ce parcours hors du
commun dans une biographie plus que complète (562 pages denses) et qui
fera date. |
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DOSSIERS
SPIRITUALITES |
Chapelets et Rosaires : la
dévotion mariale.
Le mois de mai est traditionnellement consacré à la Vierge Marie comme le
rappelait encore récemment le pape Benoît XVI lors d’un Regina Coeli. Le
rosaire est la prière par excellence dédiée à Marie, une prière pratiquée
à l’aide d’un chapelet, cet objet de dévotion bien connu jusqu’au siècle
dernier et un peu délaissé depuis quelques décennies. Son origine remonte
au moins au Moyen-Âge, saint Bernard y faisant déjà référence. C’était
pour les moines qui ne savaient pas lire les Psaumes le moyen de réciter
ainsi des prières par cœur. Elargi par la suite à la sphère privée, le
chapelet entra dans le cadre familial et était habituellement offert lors
des communions et autres grands évènements de la vie du croyant. Ce
collier est constitué de perles de toutes natures (pierres
semi-précieuses, nacre, corail, perles, bois, ivoire, émaux…) enfilées par
dizaines et séparées par une perle unique.
Le mot chapelet désigne par étymologie un petit chapeau, souvent composé
de fleurs, qui était donné à porter aux jeunes mariées. Des couronnes de
roses dont on ornait les représentations de Marie a progressivement dérivé
le chapelet, l’objet tel que l’on connaît encore de nos jours.
Le chapelet catholique est composé de cinq dizaines de grains et le
rosaire quant à lui est fait de quinze dizaines de grains. Le mot chapelet
et rosaire renvoie non seulement à l’objet, mais également à la prière
spécifique qui est pratiquée sur ces objets de dévotion.
Le pape Jean-Paul II a particulièrement contribué à redonner son sens à
une prière qui marquait tout l’amour qu’il portait à Marie depuis sa plus
tendre enfance. Sa devise pontificale, Totus Tuus (tout à toi) s’adressait
à celle qu’il priait tous les jours de sa vie, même dans les moments les
plus surchargés de son ministère et ce jusqu’à sa dernière heure. Jean
Paul II a même consacré une Lettre apostolique spécifique au rosaire :
Rosarium Virginis Mariae. Ce texte particulièrement complet sur cette
dévotion mariale relègue à un passé plus éloigné les a priori que nombre
de croyants pouvaient avoir sur une prière jugée comme trop répétitive et
qui était souvent rangée sous le vocable de prières des humbles (en raison
de ses origines historiques) car moins intellectuelle. La répétition du «
Je vous salue Marie » encourage bien au contraire à une certaine
contemplation propice à la prière, à l’image d’un grand nombre de
religions depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours qui
pratiquèrent ces phrases et mots répétitifs.
« Le Chapelet est la chaîne d'amour qui nous lie à Jésus par Marie.
Réciter le chapelet signifie se mettre à l'école de Marie et apprendre
d'Elle, mère et disciple du Christ, comment vivre en profondeur et
pleinement les exigences de la foi chrétienne. »
(Jean-Paul II le 2 octobre 1963). |
Depuis plus de 150 ans, Béraudy & Vaure et Le Chapelet d'Ambert
appartenant au groupe Martineau sont également une adresse
incontournable pour des chapelets de qualité. Installés à Ambert dans le
Puy de Dôme, les ateliers sont à la recherche des plus beaux matériaux
pour la fabrication des chapelets. Le choix des bois (buis, olivier,
chêne, charme…) pour les perles ou pour les croix, le montage fait main
par l’artisan ainsi que toutes les autres étapes de fabrication font
l’objet d’un soin méticuleux.
On retiendra parmi les nombreux modèles disponibles un superbe chapelet en
perles d’ambre et dont le cœur et la croix sont en argent 925/1000 (Ref:
04HGPAMB-LC001-LC002-221).
Pour les amoureux de la pure nacre blanche, deux modèles à découvrir :
l’un en version perles nacrées séparées par une perle en cristal (Ref :
04HV4831-LC006-LC002-04) ; l’autre en couleur argent et dont le cœur et la
croix sont en couleur saphir (Ref : 04HV4831-LC006-LC002-79)
Pour les amateurs de bois, le chapelet argenté en perles d’olivier (Ref :
04HO4878EM-LC006-LC003-87) et le chapelet doré en perles de buis olive (Ref
: 04HB5976EM-LC006-LC002-06).
Pour finir, le bel éclat du chapelet Argent 925/1000 en perles Swarovski (Ref
: 04HG7931-08385-05070-82) terminé par une petite croix en crystal du plus
bel effet !
En vente directement sur le site du groupe Martineau
www.groupe-martineau.fr/chapelets
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Pour prier le chapelet :
L’atelier des Tailleurs d’Images propose depuis près de 60 ans des
articles religieux élaborés et créés en France dans le cadre d’une
entreprise familiale. C’est en effet l’artiste Pierre Piéchaud qui fonda
cette entreprise qui, parallèlement aux objets de dévotion, développa
également ses activités aux bijoux médiévaux, bagues à fleurs de lys…
Faits de pierres naturelles, les chapelets de L’atelier des Tailleurs
d’Images sont le fruit d’un véritable savoir-faire.
Le chapelet plaqué or en sodalite (un minéral tenant son nom du sodium
qu’elle contient) est un très bel objet d’un bleu profond et orné d’une
croix plaquée or sobre et discrète. (Ref : CH15-0240PO)
Avec une esthétique des plus réussies, le chapelet en malachite et argent
(Ref : NAC12-50) est présenté avec sa très belle croix en émail véritable
cuit à 900° et décorée d’une fleur de lys.
En vente directement sur le site de la société
www.tailleurs-images.com
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QU’EST-CE
QUE LA LITURGIE DES HEURES ? Notre revue
tient à remercier tout spécialement Soeur Odette Sarda d'avoir accepté de
rédiger cet article à l'attention de nos lecteurs.
Généralement, les chrétiens connaissent
bien la messe mais la liturgie des heures, pourtant destinée à tous les
baptisés, est moins pratiquée par eux (cf. Constitution sur la Sainte
Liturgie, chapitre IV). La Liturgie des heures est la prière officielle
de l’Eglise. Quant aux livres, elle se présente sous deux formes, soit
Prière du Temps présent (en un volume), soit Liturgie des Heures
(en quatre volumes). Prière du Temps présent a le même contenu que la
Liturgie des heures sauf les lectures bibliques et patristiques de
l’Office des lectures.
Dans l’Eglise, la prière s’exprime de diverses manières : le chrétien peut
faire oraison et y progresser vers le silence profond ; il peut nourrir son
recueillement par la répétition incessante de brèves formules (cf. la prière
de Jésus) ; il peut pratiquer la lectio divina et s’y imprégner de la
Parole de Dieu ; il peut aussi partager l’Evangile avec d’autres ou
pratiquer les dévotions dites « populaires ».
1. La Liturgie des heures est une
prière de louange et d’action de grâce
La Liturgie des heures est une forme de la
prière à un titre tout à fait particulier et important : elle est reconnue
comme le moment privilégié où le croyant reçoit dans l’Eglise le don de
s’entretenir avec Celui qui l’a créé et sauvé. Elle comprend tous les actes
par lesquels Dieu notre Père nous conforme à son Fils et nous habilite à la
« louange de sa gloire », selon la belle et forte expression de saint Paul.
L’Eglise y vit un moment important de son existence : la rencontre de Dieu
et de son peuple pour la célébration de l’Alliance. Cela s’exprime
particulièrement dans les psaumes qui sont une grande partie de la
célébration des heures.
Temps présent, heures, désignent bien ce qui spécifie cette prière
liturgique. L’Eucharistie et les autres sacrements transmettent la vie de
Dieu sous des signes visibles, la Liturgie des heures est une Liturgie de la
Parole déployée tout au long de la journée (et de la nuit), de la semaine,
et de l’année pour les sanctifier dans la louange, l’adoration, l’action de
grâce et l’intercession.
2. La Liturgie des heures est une prière communautaire dans le Christ
Nous pouvons évidemment, seuls, rendre
grâce à Dieu sous différentes formes. Mais le devoir de la louange ne
s’impose pas seulement aux individus : il s’impose à l’Eglise comme telle,
et normalement il s’exprime dans la parole et le chant, et donc à des
groupes. C’est bien le propre de la liturgie. L’étymologie de ce mot évoque
une œuvre populaire, une action sacrée accomplie par le peuple (laos)
de Dieu. Il n’y a liturgie que lorsque la communauté agit en tant qu’Eglise,
et cela parce que l’Eglise elle-même le reconnaît, sous la motion du
Saint-Esprit, qui est son âme et sa conscience : tel est le cas de la
liturgie des heures comme de la messe. Et lorsque l’Eglise célèbre la
liturgie, le Christ y est réellement présent (cf. Mt 18, 20).
3. La Liturgie des heures s’inscrit
dans l’histoire du Salut
Quand l’Eglise, et le Christ présent en
elle, célèbre la Liturgie des heures, nous ne nous contentons pas
d’entretenir un souvenir et de célébrer jour après jour le même mystère, de
redire la même prière. Par cette célébration qui se fonde et s’enracine
pourtant dans un mémorial, l’Eglise vit, progresse, invente, prend
conscience de sa situation présente et s’avance vers son avenir. Elle a
ainsi une dimension universelle dans le temps et dans l’espace.
4. La Liturgie des heures donne un
avant-goût du ciel
La Liturgie des heures nous fait louer
Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit en union avec le ciel. Toutes celles et
ceux qui célèbrent la Liturgie des heures, qu’ils soient moines, ministres
ordonnés ou laïcs, ne se contentent pas d’accomplir un exercice de prière
qui sanctifie leur vie terrestre et où ils trouveraient force et consolation
: ils anticipent la vie du ciel et en savourent déjà un avant-goût.
(Constitution sur la Liturgie, n. 83)
5. La Liturgie des heures est une école de prière
Dire que la liturgie des heures est la prière officielle pourrait faire
croire à certains qu’elle est impersonnelle, ritualiste et dépourvue de
sentiments. Il n’en est rien ! Il est vrai qu’elle est structurée et qu’elle
existe avant de devenir la prière de chaque personne. Nous la recevons d’une
Eglise de baptisés qui nous ont précédés : c’est en cela qu’elle est une
école de prière. Elle est un trésor incomparable pour toutes celles et ceux
qui la pratiquent et un modèle extraordinaire pour la prière privée. Elle
nous forme comme à notre insu. Plus on la célèbre avec une communauté ou une
autre plus on éprouve la joie profonde de faire partie de ce peuple de
croyants qui loue son Seigneur.
Pour en savoir plus :
www.liturgiecatholique.fr
pour la Revue Lexnews,
Sœur Odette SARDA
Dominicaine
Conférence des Evêques de France
Faculté de Théologie – Institut Catholique de Paris
© Soeur Odette Sarda - Revue Lexnews
Vous souhaitez approfondir la Liturgie des
Heures ?
Allez plus loin dans LA PRIÈRE DES HEURES avec un stage
d'initiation et d'approfondissement dans le cadre de l'ABBAYE NOTRE DAME DES
NEIGES en ARDÈCHE du du Vendredi 27 août 2010 à 17 h au Mercredi 1er
septembre 2010 à 14 h avec les moines de l’Abbaye et la collaboration du
Service National de Pastorale Liturgique et Sacramentelle - Une formation
est également organisée à La Pierre Qui Vire, début juillet 2010.
pour plus de renseignements :
odette.sarda@cef.fr
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Comment prier l’Office divin ou
Liturgie des heures ?
La Liturgie des heures en 4 volumes a été réalisée par l’A.E.L.F.
(Coéd. Cerf-Desclée-DDB-Mame 1996-1998)
- tome I : Avent-Noël-Temps Ord 1 à 9 (6 août 1980), 1799 p.
- tome II : Carême-Temps pascal (24 décembre 1979), 1718 p.
- tome III : Temps Ord 7 à 21 (25 avril 1980), 1620 p.
- tome IV : Temps Ord 22 à 34 (1erjuin 1980), 1492 p.
Cette réalisation importante de quatre volumes de plus de 6000 mille pages
est incontournable pour tous ceux et celles qui veulent faire au quotidien
cette prière. La longue présentation générale dans le premier volume (Avent-Noël-Temps
Ord 1 à 9) fournira une aide précieuse aux lecteurs sur l’origine, les
caractéristiques et l’importance de cette liturgie remise en avant par le
Concile Vatican II. Chaque volume comprend les lectures bibliques et
patristiques, l’Ordinaire, les temps spécifiques aux grandes fêtes de
l’année, le choix des hymnes, les fêtes des saints, les propres nationaux,
ainsi que les références des lectures bibliques. Cette édition exclusivement
en français, très répandue, est celle retenue par de nombreux religieux.
(La version en un seul volume Prière du Temps Présent offre l’avantage de sa
légèreté et d’un coût moindre, mais elle n’inclut pas les lectures
bibliques).
Breviarium Romanum Editions Nova &
Vetera e.K., Bonn, 2 vol.
Cette édition est exclusivement rédigée en latin et selon le rite romain de
la Liturgie des heures. C’est la première fois depuis 1962 qu’une telle
entreprise a été réalisée selon les exigences romaines (les deux volumes
suivent les rubriques énoncées dans le Motu Proprio 'Rubricarum
Instructum' du Bienheureux Pape Jean XXIII paru le 25 juillet 1960 et
ont reçu l’imprimatur de Rome). Tradition latine et héritage des premiers
imprimeurs de bréviaires ont nourri la réalisation de cette entreprise
d’importance dont la qualité extérieure reflète les critères d’exigence
retenus. La répartition des différentes parties du bréviaire a été conçue
afin de faciliter leur consultation par le lecteur. Le respect des rubriques
édictées par Jean XXIII, ainsi que la répartition classique en deux colonnes
et une numérotation continue des pages contribuent également à la clarté du
bréviaire. L’ensemble de l’Office tient en deux volumes et une partie des
textes du Temporal a été introduite dans le Psautier (invitatoires, hymnes
et antiennes). Ce choix offre le grand avantage de diminuer le nombre de
pages du Temporal et permet ainsi une consultation de deux volumes de taille
raisonnable.
Une mention spéciale doit être également attribuée au soin apporté au choix
de la police ainsi qu’à la mise en page du texte. Perpétuant l’ancienne
tradition de l’imprimerie de qualité, le Breviarium Romanum des
Éditions Nova & Vetera bénéficie d’un soin rarement réalisé de nos jours en
composant tout spécialement les signes nécessaires au texte du bréviaire et
absents des polices modernes. Ce souci de la typographie contribue à une
lisibilité remarquable du texte grâce à des marges confortables et une mise
en page réfléchie pour le confort optimal de la lecture.
Cette édition se permet même le luxe de renouer avec une vieille pratique
des bréviaires anciens en intégrant trente-trois illustrations et quelques
vignettes au fil des pages. Il s’agit de vieilles gravures du XIX° siècle.
Ce bréviaire n’a pas non plus négligé la présence d’un appendice et d’un
index facilitant la recherche.
Un papier bible d’une finesse incroyable (28 g/m² au lieu des 80 g/m² d’une
feuille ordinaire) de couleur sépia donne tout son sens à l’expression de
papier bible. Cette finesse de la feuille autorise l’impression de deux
volumes peu épais puisque le plus fort est de 32 mm. Un très beau cuir noir
de vache protège les deux volumes avec une dimension très raisonnable de
11.8 x 18 cm. Le dos est orné de cinq faux nerfs et d’un titre doré. Les
coins arrondis, la tranche dorée et la présence de six signets (chose rare
de nos jours où très souvent un maximum de trois signets est réalisé)
complètent cette édition luxueuse.
Le Breviarium Romanum des Éditions Nova & Vetera est ainsi
remarquable non seulement par la qualité apportée à l’élaboration d’un texte
conforme aux exigences du rite romain, mais aussi par l’excellence du soin
apporté à sa réalisation.
Les livres peuvent être directement commandés auprès des Éditions :
www.breviariumromanum.com
Les Heures Grégoriennes réalisées par La Communauté Saint Martin
offrent pour la première fois en trois volumes un bréviaire latin-français
couvrant toute l’année (sauf l’office des lectures). Le grand intérêt de
cette édition réside dans la possibilité de suivre la prière dans la langue
universelle de l’Église tout en s’aidant d’une traduction en français en cas
de difficulté. On sait que tout récemment Benoît XVI a émis le souhait que
le latin soit de nouveau au cœur de la formation des jeunes séminaristes,
son usage ayant tendance à disparaître depuis quelques décennies. L’autre
intérêt de cette très belle édition est d’introduire le fidèle à la liturgie
grégorienne, la Communauté Saint Martin contribuant ainsi à cette
préservation du trésor du chant grégorien. Il est désormais possible d’avoir
accès à ce trésor musical comme le souligne Jean-Marie Le Gall, Modérateur
général de la Communauté. Cette édition est le fruit d’une riche
collaboration entre l’abbaye de Solesmes dont l’Atelier de paléographie
musicale a préparé le matériel musical pour la Liturgia Horarum et
l’abbaye Saint-Joseph de Clairval pour la composition de l’édition. Ces
trois volumes comprennent ainsi l’ensemble des partitions des antiennes,
hymnes et répons. Le travail d’édition est soigné avec une reliure solide et
prête à résister aux longues heures de prière ; la typographie et le papier
retenus traduisent également ce souci digne de l’époque ancienne où les
abbayes réalisaient les plus beaux bréviaires pour la chrétienté !
Communauté Saint Martin
les Heures Grégoriennes
BP 34
F - 41120 Candé sur Beuvron
www.communautesaintmartin.org
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ACTUALITES
DU LIVRE, DVD... |
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Le Figaro Hors-série « Jean-Paul II Karol le Bienheureux »
La béatification qui aura lieu le 1er mai place Saint-Pierre de Rome va
non seulement être un évènement mondial pour les nombreux catholiques qui
ont connu le précédent pape, mais également un évènement historique
dépassant le cadre de la foi tant ce pape a su œuvrer pour la défense des
droits de l’homme et la libéralisation de nombreux régimes autocratiques.
Pour mieux saisir cette figure riche, le Figaro a réalisé un numéro hors
série particulièrement complet qui dresse en un peu plus d’une centaine de
pages un portrait fidèle et diversifié de celui que l’on surnomma «
l’athlète de Dieu » durant un ministère qui fut l’un des plus longs de
l’histoire de l’Eglise.
Il est impossible de bien saisir la personnalité de Jean-Paul II sans
l’inscrire dans son siècle tant ce fervent mystique a été un homme de son
temps, se tenant tous les jours informé de l’actualité internationale bien
avant d’être désigné comme successeur de Pierre.
Il a vécu l’occupation nazie en Pologne, les dures années du communisme
prêchant l’athéisme dans l’ensemble de son empire, il a très largement
contribué également à la chute de ce régime comme en témoigne Gorbatchev
lui-même. Un pape politique Jean-Paul II ? Assurément non, car la foi
prime le pouvoir temporel chez ce pape convaincu que l’évangélisation ne
saurait s’abstraire des choses de ce monde. Dans ce riche tableau,
Jean-Paul II peut également paraître intransigeant, voire même fermé à
tout dialogue en témoignent ses positions très tranchées à l’égard du
droit à la vie et son refus catégorique de toute contraception et de toute
atteinte à la vie, mais également son opposition radicale à la théologie
de la libération qu’il combattra sans aucune concession.
Etait ce le prix du scandale de la vérité ? L’Histoire répondra à cette
question. Toujours est-il que Jean-Paul II jouit encore d’une haute estime
chez les catholiques, les foules qui se presseront nombreuses le dimanche
1er seront là pour en témoigner !
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A l’heure de la prochaine béatification du pape
Jean-Paul II, les éditions San Paolo Multimedia ont édité un très bel
hommage au pape polonais sous la forme d’un DVD intitulé « Santo Subito !
». En effet, lors des funérailles du pape, de nombreuses
pancartes dans la foule avaient été brandies affichant ce message : Saint
immédiatement !
Leur souhait n’aura pas été immédiatement réalisé, mais entendu tout de
même par le successeur au siège de Pierre puisque Benoît XVI aura autorisé
une entorse au délais normalement requis pour entamer le procès en
béatification.
C’est donc avant l’heure une belle réalisation élaborée par Giulio Neroni
et Vincent Messina servie par une musique originale et entraînante de
Simon Boswell qui a d’ailleurs signé également la musique du dernier CD
Alma Mater consacré à Benoît XVI.
Sous forme de dix chapitres, ce spectacle visuel a très largement recours
à de nombreux discours et paroles prononcées par Jean-Paul II tout au long
de son pontificat. Les images d’archives alternent avec des effets visuels
mettant en valeur la force des paroles prononcées. Cette réalisation dont
le rythme est enlevé sous forme de clips correspond bien à l’esprit de
joie et de ferveur du précédent pontificat qui n’hésitait pas à introduire
dans de nombreuses manifestations publiques des musiques modernes dont les
échos pouvaient séduire les jeunes venus y assister. Une production qui
devrait plaire à un très large public à l’occasion des prochaines fêtes de
la béatification de Jean-Paul qui auront le lieu le 1er mai prochain !
CONTENU PRINCIPAL
1. CANONISEZ-LE TOUT DE SUITE!
2. MONT SINAÏ
3. CHRIST SAUVEUR!
4. DIEU, NOTRE PÈRE
5. ESPRIT D’AMOUR ET DE PAIX
6. DIEU DE MISÉRICORDE
7. DIEU EST AMOUR
8. JE SUIS TOUT À TOI
9. MONT DES BÉATITUDES
10. VOUS ME SEREZ TÉMOINS!
Zone: NTSC 0 (multizone)
Audio: 2.0 Dolby Stereo & 5.1 Dolby Digital Surround
Production: Multimedia San Paolo
Theological project and supervison: Giulio Neroni
Screenplay and Direction: Mimmo Verduci
Original Music: Simon Boswell
Music Production: Vincent Messina
Slovak Radio Symphony Orchestra, Bratislava conducted by Terry Davies
‘The Schola’ Boys Choir, London Oratory School conducted by Lee Ward
Executive Production: Vincent Messina
www.santosubitoonline.com/fr
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« Au jour le jour
avec Jean-Paul II » textes réunis par Aldino Cazaggo, Editions Parole et
Silence, 2010.
Tout à chacun a à l’esprit le fameux appel lancé à l’humanité tout entière
lors du début du pontificat de Karol Wojtyla qui allait ainsi devenir le
pape Jean-Paul II : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les
portes au Christ ! ». Cette invitation était celle d’un homme nourri et
élevé par la prière, celle de tous les jours et de tous les instants,
jusqu’au moment ultime où il quitta cette terre. C’est ainsi à une
invitation au recueillement dans l’esprit de celui du pape polonais que nous
proposent les éditions Parole et Silence en publiant cette sélection des
textes les plus forts de Jean-Paul II destinée à accompagner chacun des 365
jours de l’année. Aldino Cazaggo a en effet rassemblé les thèmes de
prédilection du pape écrivain, poète et philosophe dans cette anthologie :
le mystère trinitaire, le mystère du Verbe incarné, les thèmes de l’Église,
la figure si importante de Marie, la place de l’art, de la famille et bien
d’autres thèmes chers au pape Jean-Paul II.
Les extraits des textes sont suffisamment longs pour être porteurs de
réflexions avec des références complètes pour en retrouver l’intégralité
dans les sources citées. La journée du 1er janvier débute par une invitation
à prendre en considération les conséquences terribles pour l’humanité des
guerres qui appellent d’autres guerres : « avec la guerre, c’est
l’humanité qui perd. » (Le texte cité intervient après le conflit
bosniaque), alors que la dernière page du recueil réservée au dernier jour
de l’année invite à l’élan missionnaire. Ces deux bornes symbolisent à
merveille l’action d’un pape qui a œuvré toute sa vie à la prévention des
conflits humains en en soulignant les dangers non seulement pour les
protagonistes, mais également pour l’humanité tout entière. Pour mener à
bien cette invitation à la paix, Jean-Paul II a su prendre son bâton de
pèlerin et arpenter toutes les contrées du monde dans un élan missionnaire
planétaire jamais réalisé avant lui. |
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“Benedetto XVI.
Urbi et orbi, con il Papa a Roma e per le vie del mondo » A cura di Georg
Gänswein, Libreria Editrice Vaticana, 2010. (en italien)
“Benedikt XVI. Urbi et Orbi, mit dem Papst unterwegs in Rom und der Welt”
Herausgegeben von Georg Gänswein, Herder, 2010. (en allemand)
Publié à l’occasion du Jubilé pour les 5 ans du magistère du pape Benoit
XVI, cet album illustré de nombreuses photos est un témoignage de
l’activité du Saint-Père depuis son élection en 2005. Celui que l’on
présentait comme un intellectuel plus effacé que son actif prédécesseur,
véritable pape globe-trotter, a cependant fait la preuve qu’il pouvait
mobiliser la chrétienté avec un autre style. Les kilomètres sont certes
moins nombreux, mais les directions choisies sont symboliques et, grâce à
des discours et des messages rédigés avec soin par le pape théologien, les
paroles fortes et exigeantes portent loin, les polémiques et raccourcis
médiatiques qui en découlent en étant la preuve. Le combat inlassable
contre le relativisme et pour la vérité est au cœur de l’action de Benoît
XVI. Josef Ratzinger a vécu les affres du régime nazi et il connaît les
conséquences des valeurs remises en question au profit du culte de la
personne, des idéologies et pire, du nihilisme. C’est ainsi dans un esprit
d’espérance, de foi et d’amour dans l’humanité que ces cinq premières
années ont permis à Benoît XVI de déployer une action en profondeur, y
compris à l’attention des jeunes pour lesquels il adresse régulièrement un
message exigeant et en même temps plein d’espoir, les derniers voyages de
Malte et du Portugal en étant la preuve. Nous parcourons ainsi les grands
voyages du pape depuis 2005 avec le premier, à Cologne la même année, puis
toute une série de directions à l’intérieur ou proche de l’Europe
(Pologne, Valence, Bavière, Turquie…). Il faudra attendre 2007 pour que
Benoît XVI franchisse l’Atlantique et se rende au Brésil, une région qu’il
connaissait bien en tant que cardinal et qu’il qualifie de « continent de
l’espoir » en raison de sa forte concentration catholique. L’année
suivante, 2008, sera l’année des États-Unis, voyage particulièrement
important en raison du fort développement du pentecôtisme et voyage au
cours duquel le pape a su toucher le cœur de New York avec son
recueillement sur le site Ground Zero des tours effondrées par l’attentat
du 11 septembre. Sydney, la même année, fut la preuve que Benoît XVI
pouvait parler et toucher le cœur des 220.000 jeunes présents lors de ces
JMJ. 2008. Une année décidément riche de voyages verra le pape rencontrer
la fille aînée de l’Eglise avec son voyage en France. Le fameux discours
tenu au Collège des Bernardins séduira le monde intellectuel français
initialement réservé à l’égard d’un pape suspecté d’être trop
conservateur. L’année suivante s’accélère encore avec deux grands voyages
essentiels : le continent africain (Cameroun – Angola) avec un pape qui
reçut un accueil triomphal sur des terres où l’Islam est très présent et
le pèlerinage en Terre sainte avec des moments forts dans un contexte plus
que délicat entre Israël et les revendications palestiniennes.
Illustré par de nombreuses photos souvent inédites, cet album préfacé par
le secrétaire de Benoît XVI, Mgr Georg Gänswein, est le témoignage de
l’intense activité du Saint-Père. Georg Gänswein n’hésite pas en effet à
relever que le pape n’est pas un homme du consensus, mais qu’il est au
contraire persuadé que le message de la foi doit primer même si son
contenu est souvent jugé trop exigeant. Urbi et orbi, au monde et à la
ville, est un parfait résumé de l’action du pape Benoît XVI depuis cette
fameuse journée du 19 avril 2005, où le théologien, homme de dossiers et
d’études, a élargi son action à l’humanité tout entière !
pour acheter ce livre dans la version italienne :
www.paxbook.com
pour acheter ce livre dans la version allemande :
www.herder.de |
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François Wernert
: Le Dimanche en déroute, les pratiques dominicales dans le catholicisme
français au début du 3e millénaire. Préface de Mgr Albert Rouet, évêque de
Poitiers, Médiaspaul 2010.
L’auteur part d’un constat que tout le monde peut faire : la forte
diminution de la pratique de la messe dominicale en France. En 1952, 27% de
la population française allait à la messe le dimanche, en 2006, on atteint
le niveau de 4,5%. Le dimanche est désormais devenu le week-end et il est
associé aux loisirs, à la liberté, aux rencontres. La diminution du nombre
de prêtres a aussi conduit à une baisse du nombre de messes, en particulier
dans le monde rural, qui rend pour beaucoup de gens la pratique plus
difficile. Pourtant, l’Eucharistie dominicale est essentielle pour les
chrétiens qui y célèbrent la résurrection du Christ. Pour réfléchir à cette
situation, il faut tenir ensemble trois termes, dont aucun ne peut être
sacrifié : Assemblée – Eucharistie – Dimanche. Cette trilogie a fait l’objet
de plusieurs démarches de réflexion dans des diocèses de France ces
dernières années.
François Wernert, prêtre et professeur de théologie à l’Université de
Strasbourg, initie dans ce livre une démarche de théologie pratique très
structurée et pertinente. Il procède en cinq étapes. Il part de la pratique
qu’il analyse en rendant compte de quatre enquêtes récentes, tant
qualitatives que quantitatives. Ces enquêtes fournissent un paysage assez
précis des propositions faites autour du dimanche, et d’une réelle
fragilisation du tissu ecclésial, qui accompagne le regroupement des
paroisses rurales. La deuxième étape est un repérage des textes magistériels
récents de l’Eglise catholique sur le dimanche (le Concile Vatican II, les
papes, le catéchisme de l’Eglise catholique, les évêques de France et leurs
prises de position). Ces textes rappellent de diverse manière l’obligation
de la pratique dominicale pour les catholiques, (rappels que l’auteur juge
peu efficaces et même contre-productifs).
La troisième étape, « problématiser » est la plus courte (15 pages) : La
problématique proposée est celle de l’évolution du rapport entre «
eucharistie, assemblée et dimanche » et ce que cette évolution dévoile du
rapport entre théorie (doctrine maintenue) et pratique. Peut-on à partir de
cette évolution proposer de nouveaux paradigmes pour la vie des communautés
chrétiennes ? La quatrième étape, « corréler », la plus longue (plus de 160
pages), tente d’éclairer la problématique le plus finement possible à partir
d’approches variées, venant de l’intérieur autant que de l’extérieur du
catholicisme (théologie, réflexions de pasteurs, apport des pères de l’Eglise,
sociologie et histoire) : « Il s’agit de mettre en relation dynamique et
critique réciproque les données de l’analyse interprétée et contextualisée
avec le contenu de la Révélation » (p.227)
Enfin, la dernière partie, « préconiser », fait un certain nombre de
propositions pour aider l’Eglise à retrouver une attitude plus dynamique sur
le dimanche. L’auteur ose lancer quelques pistes nouvelles, par exemple sur
les écoles du dimanche et sur la nécessaire proximité de la vie ecclésiale,
ce qui pose problème surtout dans le monde rural. L’ensemble de l’ouvrage
semble d’ailleurs plus partir des réalités rurales qu’urbaines, et c’est
sans doute le reproche principal qu’on peut lui adresser, alors
qu’aujourd’hui la majorité des français vivent en ville. La question de la
proximité ne s’y pose pas, bien sûr, de la même manière. Mais l’ensemble de
la démarche, bien structurée, est très éclairante pour qui s’intéresse à une
démarche théologique en prise avec la réalité vécue par les chrétiens.
P. Dominique Barnérias. |
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Mgr Mieczyslaw
Mokrzycki - Brygida Grysiak « Le mardi était son jour préféré, dans
l’intimité de Jean-Paul II » Editions des Béatitudes, 2010.
Mieczyslaw Mokrzycki était surnommé Mieciu par le pape Jean Paul II
dont il était le second secrétaire personnel de 1997 jusqu’à sa mort. Ce
diminutif affectueux en dit long sur le climat qui entourait la « garde
rapprochée » du Saint-Père ; en fait de garde, il s’agissait plutôt d’anges
gardiens veillant au bon ordonnancement de la vie quotidienne de celui qui
était à la tête de l’Eglise catholique universelle. Ce jeune prêtre polonais
ordonné en 1987 sera le témoin direct des dernières années du pontificat
particulièrement long de Karol Wojtyla. Il n’aura ainsi pas connu le pape
marathonien, mais plutôt un pape conscient de ses limites physiques qui,
avec l’âge et la maladie, allaient s’accroissant. Cependant, il fut le
témoin d’une énergie toujours intacte et parfois même transcendée par les
épreuves du temps et de la douleur. Les paroles ne sont pas reines dans ce
quotidien du pape et son secrétaire est souvent dans l’expectative quant aux
questions posées par la journaliste Brygida Grysiak car le pape dialoguait
surtout avec Dieu et son emploi du temps surchargé jusqu’aux dernières
heures ne lui laissait pas le temps de longs dialogues et autres confidences
avec ses secrétaires particuliers. Mais, cette prière était tellement
rayonnante que les réponses émanaient directement d’elle et « Mieciu
» peut s’avancer sans se tromper sur nombres d’interrogations avancées quant
aux huit dernières années de la vie du pape Jean-Paul II. Nulle flagornerie
dans ce témoignage, le secrétaire chargé du quotidien du pape sait qu’il n’a
pas besoin de cela et que la grande popularité de Jean-Paul II témoigne de
la dimension d’un homme qui a donné toute sa vie à l’Eglise et à Marie dont
la célèbre devise Totus Tuus (tout à toi) est le symbole évocateur…
Le pape n’en était pas moins un homme aimant la vie, les rires et les
chants, ces fameux chants polonais qui résonnaient dans les appartements
pontificaux au moment des grandes fêtes. Ces fêtes réunissaient toujours un
petit groupe de fidèles liés par la même langue et le même amour de la
patrie polonaise. Jean-Paul II aimait aussi les sucreries, les réclamait
même d’un geste discret circulaire tracé avec le doigt sur la table, comme
un enfant qui aurait peur de demander à voix haute. Ce caractère humain
contraste avec l’intensité de l’homme de prière qui pouvait rester de longs
moments dans la méditation sans qu’aucun bruit ni personne ne puissent le
déranger. Ce bloc de prière était là et ses secrétaires ne pouvaient que
préserver ces instants sacrés qui les nourrissaient tout autant par leur
intensité que par leur véracité. Il n’y avait pas deux vies chez Jean-Paul
II, une vie de prière et une vie quotidienne, mais bien une seule vie
nourrie de prières pour affronter ou composer avec le quotidien. C’est en
cela que le témoignage de Mieczyslaw Mokrzycki, maintenant archevêque de
Lvov en Ukraine, est précieux, car, quelque soit les opinions portées sur le
pape polonais, il est un témoignage d’un amour de la vie que rien ne sut
atteindre, ni la maladie, ni la balle d’un tueur professionnel tirée à bout
portant… |
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« Philosophie &
Théologie dans la période antique tome 1 » sous la direction de Philippe
Capelle-Dumont, volume dirigé par Jérôme Alexandre, Cerf Editions, 2009.
« Philosophie & Théologie au Moyen âge tome 2 » sous la direction de
Philippe Capelle-Dumont, volume dirigé par Olivier Boulnois, Cerf Editions,
2009.
Il s’agit de la première anthologie associant les deux disciplines que sont
la théologie et la philosophie pourtant étroitement dépendantes l’une de
l’autre dans leur histoire. Les grands textes de l’histoire des idées sont
organisés en quatre périodes distinctes : l’Antiquité, le Moyen-âge (les
deux premiers volumes parus), puis la période moderne, et enfin la période
contemporaine à paraître. Cette anthologie vise à explorer les liens
nombreux tissés par les deux disciplines et dont émerge un nombre incroyable
de problématiques pour le lecteur moderne. Par ce regard croisé, l’une comme
l’autre peuvent retrouver leur intrication, et Philippe Capelle-Dumont
relève d’ailleurs à ce sujet que la recherche philosophique séculière
atteste d’un renouveau pour les idées théologiques. Il est donc grand temps
de reléguer cette amnésie au rang de l’historiographie, et d’accorder une
recherche approfondie aux relations entre les deux disciplines. Quel chemin
a été parcouru avec l’invention de la philosophie par les Grecs et en même
temps la réflexion sur le divin dont le mot theologias créé par
Platon dans La République souligne l’importance ?
Ce premier volume part effectivement de Platon et couvre les grands noms que
comptent l’Antiquité jusqu’à Jean Damascène au VIII° siècle, figure
emblématique pour l’usage qu’il fit de l’héritage philosophique grec. A ceci
viennent s’ajouter 29 notices qui offriront au lecteur une synthèse des
idées de ces grands penseurs, ainsi qu’une sélection des textes les plus
représentatifs de leur pensée.
La période médiévale objet du second volume débute par la transition
byzantine du IX° siècle, suivie de la réception d’Aristote par la
philosophie de l’Islam avant d’entamer les grandes périodes de la théologie
médiévale. Comme le relevait Jacques Le Goff, lors de l’interview accordée à
notre revue, il a existé un long Moyen-âge que le célèbre médiéviste
n’hésite pas à étendre jusqu’au XVIII° siècle. Malgré l’uniformité trompeuse
du vocable, il faut au XXI° siècle apprendre à distinguer les évolutions
lexicales appartenant à la philosophia et à la theologia,
ainsi qu’invitent à le faire les auteurs du présent volume. C’est tout
l’objet de ce second tome que d’offrir ces nuances indispensables à une
compréhension de ce Moyen-âge si prompt à tromper l’imprudent : la pensée
juste héritée des Antiques rencontre la connaissance de Dieu, rencontre qui
dépasse largement l’acte de synthèse, mais produit plutôt une nouvelle
manière de penser le monde et la transcendance. |
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Le nouveau Théo,
l’encyclopédie catholique pour tous MAME Editions, 2009.
Il n’existe pas à ce jour d’équivalent à Théo. Cette vaste entreprise
réalisée sous la direction de Michel Dubost et Stanislas Lalanne, tous deux
évêques bien connus du monde catholique, impressionne non seulement par son
ampleur ( 1500 pages qui ont exigé 5 ans de travail avec un manuscrit de 6
kg !) mais surtout par la qualité et la clarté du plan retenu afin de
présenter cette masse d’information. Cette culture chrétienne qui est mise
sur papier de manière encyclopédique est non seulement validée par des
auteurs et spécialistes de référence dans leur domaine, mais a également
donné lieu à un travail éditorial exceptionnel qui a rendu cette richesse
exploitable grâce à un plan pédagogique à partir duquel toutes ces
informations ont été organisées.
Théo est tout d’abord un lieu de connaissances particulièrement accessible
sur des données souvent disséminées dans plusieurs ouvrages différents, très
peu ou trop développées selon les cas. Une première partie s’attache à
rappeler aux fondamentaux : quels sont les témoins historiques de la foi
(1021 biographies de saints de tous les pays et toutes les époques). La
deuxième partie de Théo relate l’histoire de l’Ancien comme du Nouveau
Testament. 251 entrées de cette encyclopédie vont ainsi encourager et
faciliter l’abord de ces textes souvent ardus et éloignés de la femme et de
l’homme du XXI° siècle. De nombreux repères sont donnés au lecteur qu’ils
soient sous forme de cartes ou de chronologies. L’histoire de l’Église a
constitué un long parcours de plus de XX° siècle et si nos contemporains
peuvent facilement se souvenir des premières missions des saints Pierre ou
Paul, il est déjà plus difficile d’avoir une connaissance précise des longs
siècles qui ont suivi la reconnaissance officielle de l’Église par l’Empire
romain. Qu’il s’agisse des différents conciles et des nombreux schismes qui
ont marqué son histoire, des luttes contre les hérésies ou des différentes
croisades, le lecteur de Théo trouvera toujours une information lui
dispensant une synthèse claire et néanmoins complète sur ces évènements
essentiels de la culture et de la foi chrétienne. Cette dernière est
d’ailleurs au cœur de ce travail encyclopédique : une partie entière lui est
consacrée afin de mieux rappeler les bases de la foi catholique avec 417
notions théologiques clairement exposées. Tous les grands débats du passé ou
de la plus proche actualité (écologie, bioéthique…) sont abordés pour mieux
comprendre la position de l’Église. À noter d’ailleurs, l’effort très
louable de laisser une place importante aux grands textes des papes ou du
Concile qui y sont analysés.
Les deux dernières thématiques dressent un bilan des chrétiens et des
catholiques dans le monde avant d’analyser la place de l’Église dans le
monde d’aujourd’hui. Qu’il s’agisse des grandes tendances actuelles ou de
données très pratiques comme des adresses d’associations catholiques, Théo
apporte des informations rapidement identifiables à l’aide d’une typographie
très claire malgré les 8 millions de signes que compte cet ouvrage de
référence…
Une véritable somme encyclopédique sur le monde catholique en un seul volume
! |
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John P Meier « Un
certain juif Jésus, les données de l’Histoire » Tome IV La loi et l’amour,
Lectio Divina – Editions du Cerf, 2009.
Avant-dernier volume de l’immense ouvrage entrepris par John P. Meier, ce
tome IV souhaite balayer une image erronée communément répandue : celle d’un
Jésus venu opposer l’amour à la Loi. Grâce à un travail d’érudition
exceptionnel, l’auteur, grand spécialiste du Nouveau Testament, a passé au
crible d’une analyse critique époustouflante les différentes sources sur la
question. C’est par la méthode historique la plus rigoureuse que Meier a
entrepris depuis la parution du premier volume en 2004 de nous proposer les
différents legs de l’Histoire à partir des premières traditions et
complétées par les quatre évangiles. John P. Meier rappelle dans son
introduction ce qu’il avait déjà développé dans les précédents volumes : il
ne s’agit pas de présenter un « Jésus théologique » (c'est-à-dire la
présentation de Jésus selon ce que dicte la foi) mais un Jésus historique,
qui, à défaut d’être le Jésus « réel » se rapproche le plus possible de ce
que l’Histoire a inscrit dans sa mémoire.
Le présent volume s’attache à mieux comprendre quelle pouvait être la
perception du judaïsme de Jésus. Loin de s’opposer radicalement à ces
racines essentielles, l’action de Jésus est explicitement ancrée dans la
tradition qu’il n’a cesse de rappeler : « Je ne suis pas venu abolir mais
accomplir »…
L’auteur rappelle dans un premier chapitre ce qu’était cette conception de
la Loi et de la Halaka du temps de Jésus. Elle dicte toute la vie
quotidienne, les relations sociales, cultuelles, personnelles… Si l’on
étudie dans le détail les récits de la vie de Jésus, ce que fait Meier, il
apparaît manifeste que la judéité caractérise l’action et les messages
laissés par celui qui donnera naissance à une nouvelle religion. Comment ce
paradoxe a-t-il été possible ? L’ouvrage propose d’analyser en profondeur
quatre angles de la Torah particulièrement développés par Jésus dans les
sources qui nous sont parvenues : le divorce, les serments, la pratique du
sabbat et les règles de pureté alimentaire. Et c’est à ce niveau que l’on
peut noter des divergences quant à l’interprétation donnée sur ces quatre
points essentiels de la religion juive. La position modérée de Jésus
vis-à-vis de l’observance du sabbat, son interdiction totale du divorce et
des serments invite à s’interroger sur le sens de l’enseignement de la Loi
proposé par Jésus et c’est là une constatation qui souligne l’importance de
son témoignage. La réponse à ces questions permettra selon Meier d’avoir une
claire vision de l’apport de son enseignement par rapport à ce qui était
entendu jusqu’alors comme allant de soi (la Loi).
Cette redéfinition de la Loi par Jésus ne la remet pas en question, mais au
contraire la rapproche de l’intention divine initiale.
John P. Meier termine son analyse avec une dernière partie consacrée aux
commandements d’amour de Jésus. Il est important de distinguer la forme qui
vient directement de Jésus de celles qui résultent de l’Église primitive. Il
faut ainsi non seulement distinguer ces commandements d’amour (amour pour
Dieu et pour son prochain) mais aussi souligner l’originalité d’un
commandement que l’on ne trouve nullement dans l’Ancien Testament, à savoir
l’amour de ses ennemis. C’est sûrement là le cœur du message de Jésus dans
cet amour immodéré et sans réserve.
L’œuvre érudite, mais néanmoins accessible au plus grand nombre (l’auteur ne
cesse de résumer ou d’accompagner ses lecteurs, conscient de la difficulté
de la démarche) est un exemple du genre et ce quatrième volume permet de
classer l’ouvrage, qui attend le cinquième et dernier volume pour être
terminé, dans les sources les plus complètes et les plus réussies sur le
sujet ! |
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Larry W. Hurtado « Le Seigneur Jésus Christ, la
dévotion envers Jésus aux premiers temps du christianisme » Lectio Divina –
Editions du Cerf, 2009.
Larry W. Hurtado est professeur de Nouveau Testament à l’université
d’Édimbourg et dirige le centre d’études des origines chrétiennes. Son
dernier livre est justement consacré à la question majeure : quelle
évolution a conduit au culte de dévotion et de foi en Jésus ? L’auteur se
démarque de la doctrine classique qui voyait dans cette dévotion un
processus lent et progressif. Or, pour Hurtado, il n’en est rien ! C’est à
partir des premiers écrits sur Jésus, de Paul à Justin (de 30 à 170) qu’il
porte son analyse. Suivant la démarche de John P. Meier, c’est par une
démarche d’historien et non de théologien, que le chercheur isole, une à
une, les traces du culte voué à Jésus. Jésus s’inscrit délibérément dans le
judaïsme de son époque et ne peut que prôner son monothéisme. Or, Jésus a un
statut divin incontestable dès les premiers temps de l’Église tout en
s’inscrivant dans la religion juive ne connaissant qu’un seul Dieu. Comment
un tel paradoxe a-t-il été possible pour ce christianisme naissant ?
L’évolution ultérieure de cette Église ne changera rien en cette fidélité au
Dieu unique d’Israël et à l’Écriture sainte même lorsque les païens
viendront de toute part s’inscrire dans ses rangs.
L’auteur, universitaire accessible dans ses écrits pourtant scientifiques,
rappelle les influences du monothéisme juif et de l’environnement religieux
qui verront naître les premiers temps du christianisme. Paul et sa pensée
sont bien entendu au cœur de ces influences directes qui conduiront dés les
premières années de l’Église à l’instauration d’une dévotion à Jésus dans
toute la méditerranée. L’influence serait ainsi née à l’intérieur même du
judaïsme et de pratiques religieuses contemporaines de Jésus plus que des
influences païennes et grecques. La thèse est bien entendu novatrice et ne
manque pas de susciter des commentaires, qui sont pour la majeure partie
d’entre eux élogieux même lorsque leurs auteurs se trouvent eux-mêmes
critiqués dans ce livre qui fera date ! |
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Luc Ferry, Lucien
Jerphagnon « La tentation du christianisme », Grasset, 2009.
Un dieu de plus n’aurait pas choqué les Romains ni même les Grecs. Il est
bien connu qu’il existait même un autel dédié au dieu inconnu dans le
panthéon romain. Mais qu’il n’y ait qu’un seul dieu relève de l’impensable
pour les contemporains de Jésus pourtant habitués à intégrer de manière
relativement ouverte les dieux des peuples conquis. Comment donc cette
tentation du christianisme a-t-elle pu être dans ce contexte philosophique
et religieux de l’Antiquité ?
L’ancien ministre de l’Éducation nationale et philosophe Luc Ferry a associé
sa plume à celle de Lucien Jerphagnon, grand spécialiste de la philosophie
antique que nos lecteurs connaissent bien (voir notre interview) pour
répondre à cette question.
Comment de secte combattue pour ne pas sacrifier au culte de l’empereur, le
christianisme est-il devenu religion de l’empire ? Comment de secte cachée
dans les catacombes a-t-elle su rayonner de ses basiliques et de ses
institutions aux confins de la terre ?
Ces interrogations que l’on devine essentielles pour comprendre notre
culture contemporaine sont celles auxquelles tentent de répondre le
philosophe et l’historien de la philosophie dans ce petit livre de la
collection Nouveau Collège de Philosophie lors d’une rencontre en Sorbonne
dans l’amphithéâtre Descartes le 16 février 2008. Le point de vue des
Romains est ainsi analysé par Lucien Jerphagnon avec sa verve et son esprit
habituels. Il n’hésite pas à nuancer les catégories avec lesquelles nous
cherchons à comprendre ces interactions : qu'est-ce qu’un païen ? qu’est-ce
qu’un chrétien et à quelle époque ? Selon que l’on se place au début du
christianisme ou sous Constantin, beaucoup de choses ont déjà changé. Il
cite saint Augustin qu’il connaît si bien distinguant la cité céleste faite
par l’amour de Dieu et l’oubli de soi et la cité terrestre construite par
l’amour de soi au mépris de Dieu !
Luc Ferry souligne quant à lui les enseignements de la philosophie grecque
reposant sur la mythologie qui seront pris à contre-pied par le
christianisme.
Les deux interventions sont suivies d’un débat avec le public, débat
retranscrit qui donne une idée du dynamisme réussi de cette rencontre. |
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Benoît XVI /
Joseph Ratzinger « L’Église, une communauté toujours en chemin » Bayard
Editions, 2009.
Cette réflexion de Joseph Ratzinger date de 1990, à l’époque où il était
cardinal. Cet ouvrage s’inscrit résolument dans une interrogation
ecclésiologique : est-il possible de réformer l’Église et comment ? Pour
répondre à cette question, Joseph Ratzinger tient à apporter un fil
conducteur à travers l’ecclésiologie catholique. Le théologien commence par
rappeler quelle est la nature de cette Église qui traverse une crise de
conscience. Jésus a-t-il voulu cette Église et selon quelle conception ?
Joseph Ratzinger n’écarte aucune des hypothèses des exégètes souvent opposés
quant à l’interprétation de la volonté du Christ. Le livre caractérise dans
un deuxième chapitre la primauté de Pierre et de sa succession pour l’unité
de l’Eglise. Il s’agit d’une primauté romaine souhaitée de ses vœux par
Jésus et non par la seule volonté des papes selon l’argumentation développée
par le théologien. Sont ensuite abordés le rôle de l’évêque dans cette
Église universelle et dans l’Église particulière (locale) et le rôle du
sacerdoce. Mais cette « communauté en chemin » rencontre un renouvellement
incessant selon les propres termes de Joseph Ratzinger. Ce renouvellement ne
peut se faire que dans une dimension de l’absolu de la conscience devant
Dieu. Il n’est pas possible de concevoir l’Église sans s’interroger sur la
manière dont l’Église pénètre au plus profond de l’individu, de son âme et
de sa conscience. Cette interrogation dépasse les cadres locaux et les
querelles partisanes en cela il faut parler de l’Église de Jésus Christ et
non d’un parti du Christ selon le théologien dans la conclusion de son
ouvrage. La foi n’est pas le choix d’un programme qui satisfait l’individu
ou rencontre sa compréhension. La foi est une conversion rappelle le futur
pape, une conversion qui transforme la personne pour une nouvelle naissance. |
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Dietrich von
Hildebrand « Liturgie et personnalité » préface de Joseph Ratzinger / Benoît
XVI, Ad Solem Spiritualité, 2008.
Joseph Ratzinger alors qu’il était encore cardinal a prononcé ce jugement
sur l’auteur du livre récemment paru aux éditions Ad Solem : « Je suis
personnellement convaincu que, tôt ou tard, quand sera écrite l’histoire
intellectuelle de l’Église catholique au 20e siècle, la figure de Dietrich
von Hildebrand sera reconnue comme l’une des plus grandes de ce temps ».
On ne peut difficilement attendre meilleure critique que celle du futur pape
Benoît XVI et théologien reconnu depuis de nombreuses décennies. A la
lecture de cette brillante étude de celui qui fut considéré comme l’un des
plus grands théologiens laïcs du XX° siècle, on comprend aisément l’aval
prestigieux adressé à sa pensée. Dietrich von Hildebrand a placé au cœur de
sa réflexion théologique la personne du Christ, la deuxième Personne de la
Trinité. Or, on le sait, Benoît XVI a fait de la christologie une priorité
de l’Église dans le renouveau qu’il appelle depuis sa désignation comme
successeur de Pierre. C’est par la liturgie justement que l’esprit du Dieu
fait homme nous parle avec ses rites. La personne et la liturgie sont donc
étroitement liées. Hildebrand estimait que c’était à tort que l’on pouvait
considérer la liturgie comme moins personnelle et moins affective que
d’autres rituels de la foi catholique. Or c’est pour s’inscrire en faux à
cette idée qu’il jugeait contraire à la vérité et contraire à l’idée même de
liturgie. Pour le théologien, « la liturgie intègre en fait l’affectivité
authentique dans ce qu’elle a de plus intense ». Il précise même que
c’est la plus personnelle des prières, car c’est celle de la personne
parfaite, le Dieu fait homme, Jésus-Christ. On comprend ainsi l’affinité
intellectuelle et théologique de Benoît XVI et du théologien allemand.
L’actuel pape a fait de la liturgie une de ses priorités en réintroduisant
des rituels qui étaient tombés en désuétude et en n’hésitant pas à rappeler
que l’Église d’aujourd’hui ne pouvait se faire sans les enseignements du
passé, entraînant certains grincements de dents chez les partisans d’un
Vatican II progressiste. Indépendamment de ces questions d’actualité souvent
polémiques, il importera pour le lecteur intéressé par ces questions
captivantes de lire cette passionnante étude de Dietrich von Hildebrand afin
de mieux comprendre cette vigilance spirituelle à laquelle invite un penseur
exigeant dont certains accents font penser aux exhortations de saint
Augustin. |
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« Le sens
littéral des Ecritures » édité sous la direction de Olivier-Thomas Venard,
o. p., Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, Editions du
Cerf, 2009.
Le sens littéral a toujours été une question qui a occupé les hommes de
religion et les hommes de loi, les deux étant longtemps restés confondus en
une seule et même entité. Il s’agit en effet de rechercher ce qui est
conforme à la lettre et au texte, ce qui n’est pas une mince affaire,
contrairement à ce que l’on pourrait trop rapidement croire. Dans une
première acception, la Bible relaterait ce qui s’est passé, c'est-à-dire
l’Histoire en y intégrant la part de ce que l’auteur souhaitait transmettre
dans ces écrits. L’autre acception de la recherche littérale des Écritures
sera de s’attacher à la lettre du texte : ce que l’auteur a écrit
explicitement ou implicitement.
Douze universitaires sont ici réunis afin de débattre et de développer les
innombrables implications de cette recherche de sens des Écritures. C’est
ainsi qu’une démarche pluridisciplinaire a été souhaitée par Olivier-Thomas
Venard invitant la littérature comparée, la théologie, l’herméneutique, la
patrologie, la philosophie du langage et bien d’autres disciplines… Le
résultat est un tableau particulièrement éclairant sur les conséquences de
telle ou telle approche influant sur les définitions possibles du sens
littéral associées à un contexte culturel qui a également une grande
influence. Mais la conclusion de cette recherche collective va dans le sens
d’une place importante laissée à la théologie qui, en dialoguant avec
l’Histoire et la littérature, peut encore largement contribuer à développer
notre connaissance du sens littéral des Écritures. |
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« Conversation
avec Benoît XVI », Tempora, 2009.
C’est à un entretien imaginaire avec le pape Benoît XVI auquel invite ce
livre avec cette limite que les réponses du Saint-Père sont bien réelles
puisqu’elles ont été sélectionnées à partir de différentes rencontres avec
des prêtres, des laïcs ou des religieux. Le ton est délibérément réaliste
sur des questions souvent fondamentales comme celles de la souffrance, du
célibat, de l’indissolubilité du lien du mariage ou de la place des jeunes
dans l’Eglise. C’est un pape très accessible qui apparaît dans ces réponses
sans que la profondeur de son raisonnement ne soit occultée. Belle réponse
aux caricatures souvent véhiculées sur un pape dont les discours et la
pensée sont souvent ignorés, ces lignes sont précises et claires sur ce
qu’est la position non seulement du Saint-Père mais également celle de l’Eglise
qu’il représente en tant que successeur de Pierre. L’argumentation est
développée avec l’intelligence qui caractérise le théologien raffiné, elle
devrait aider non seulement à mieux connaître des idées du pape mais
également à mieux percevoir les réponses que l’Eglise peut apporter aux
grandes questions qui divisent notre société moderne. |
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Claude Dagens «
Aujourd’hui l’Evangile » Parole et Silence, 2009.
Claude Dagens, récemment élu à l’Académie française pour succéder à René
Rémond, a nourri de longue date une réflexion sur le rôle de l’Église dans
la société. Successivement prêtre, doyen de la faculté de théologie de
l’Institut catholique de Toulouse et évêque d’Angoulême, Claude Dagens
connaît de l’intérieur les questions qui sont posées par ses contemporains
et que ces temps de crise économique ne font qu’accroître. Or l’homme de foi
croit à la vertu du défi, le défi que peut relever tout être humain face à
l’adversité lorsqu’il ne se sait pas seul. C’est dans le tissu même de la
société que l’académicien veut apporter ce message d’espoir, au niveau
individuel, auprès des jeunes, et pour tous les exclus. Cette réflexion a
été menée sur le long terme, avons-nous dit, et le présent volume rassemble
différentes interventions de Claude Dagens lors de son ministère d’évêque.
Qu’il s’agisse des défis de l’évangélisation face à l’indifférence qui se
généralise ou des différentes manières de toucher les jeunes dans un message
de la foi qui puisse parvenir jusqu’à eux, l’engagement de Claude Dagens est
total et emporte conviction. Dépassant les obstacles sans pour autant les
ignorer, l’évêque et l’intellectuel sont convaincus que ces temps troublés
peuvent constituer le terreau fertile d’une nouvelle conversion à l’image
des premiers temps de l’Église qui malgré les persécutions et l’ignorance
générale a su démontrer une confiance absolue dans le message d’amour sans
réserve délivré par le Christ. Ces premiers temps, Claude Dagens les connaît
bien pour les avoir longtemps enseignés à ses étudiants en faculté, nul
doute que cette riche réflexion pourra à nouveau nourrir de nouvelles
vocations pour refuser une fatalité à laquelle nul croyant ne veut croire ! |
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Pseudo-Justin «
Ouvrages apologétiques » Sources Chrétiennes n° 528, Editions du Cerf, 2009.
Ce volume n° 528 de la fameuse collection « Sources Chrétiennes » réunit ici
trois textes apologétiques du Pseudo-Justin : Exhortation aux Grecs,
Discours aux Grecs et Sur la monarchie. Bernard Pourderon,
dans une riche introduction, rappelle que sous le nom de Justin sont
conservés une série d’ouvrages apologétiques pseudépigraphes pour la plupart
postérieurs au second siècle. Ces trois récits ne sont pas de la main de
Justin, mais sont représentatifs de la tradition apologétique des origines.
Ces textes n’ont pas été rédigés par une même main et relèvent d’époques et
de milieux différents, mais se trouvent rangés sous le nom de Justin car ils
forment l’un des premiers grands corpus pseudépigraphes en dehors de la
tradition testamentaire. Eusèbe est le premier à attester un corpus d’œuvre
de Justin, il sera suivi bien plus tard par Photius, un éminent patriarche,
qui le cite également dans sa bibliothèque.
L’exhortation aux Grecs est le texte le plus important de ces ouvrages
apologétiques. La Cohortatio ad Graecos est en effet un texte qui
prend la forme d’un discours décomposé en trois parties : une critique des
erreurs des doctrines païennes où Homère, Hésiode, mais encore Aristote ou
Platon sont très largement mis au banc des accusés pour ne pas avoir écouté
la vraie source de la connaissance : celle des porte-parole du vrai Dieu, à
savoir les prophètes qui leur sont antérieurs. Et si les Grecs ont pu
parfois enseigner des doctrines conformes à la piété sur Dieu, c’est parce
qu’ils les ont « empruntées » aux Ecritures juives lors de leurs séjours en
Égypte. Cette exhortation n’admet pas de discussions, et c’est sans réserve
que l’auteur encourage à se détourner de ces faux enseignements. Il s’agit
pour lui de réattribuer ces doctrines à leur juste auteur, conformément à la
foi chrétienne. |
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Georges
Chantraine « Henri de Lubac, les années de formation (1919-1929), tome II »
Etudes Lubaciennes VII, Editions du Cerf, 2009.
C’est aux années essentielles de formation intellectuelle du théologien
Henri de Lubac que Georges Chantraine consacre ce deuxième volume de plus de
800 pages. Ces années sont en effet déterminantes dans le parcours
intellectuel d’un des plus brillants théologiens du XX° siècle, car elles
voient tout d’abord le jeune homme forger ses armes philosophiques et
théologiques en puisant aux meilleures sources classiques : Platon, Plotin,
saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, Pascal ou Bergson défilent ainsi de
manière vertigineuse sous les yeux insatiables de celui entretint une
correspondance nourrie avec Robert Hamel, Valensin ou encore Teilhard de
Chardin…
Donnant lieu à un véritable bouillonnement intellectuel, ces riches années
sont marquées par une date déterminante, Pâques 1920, date à laquelle de
Lubac prononcera ses vœux.
Le grand théologien Hans Urs von Balthasar avait en son temps souligné la
cohésion « organique » de son maître et ami, et nul doute que ces années de
formation y sont pour beaucoup. Cette soif inextinguible de savoir va
constituer un soubassement particulièrement efficace à la naissance d’une
pensée très tôt indépendante toute en résonance avec les grandes pensées de
son époque. S’inscrivant dans une philosophie de l’action puisant largement
sa source dans la pensée de Maine de Biran, de Lubac a fait véritablement
œuvre de philosophie contrairement à ce qu’une lecture trop rapide de son
œuvre pourrait laisser croire comme le rappelle Emmanuel Tourpe dans son
introduction au volume. Métaphysique et théologie s’enchevêtrent chez de
Lubac, et c’est dans ces années de formation que ce riche volume va puiser
les racines de cette pensée féconde. |
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Adrian Nichols «
La pensée de Benoît XVI, introduction à la théologie de Joseph Ratzinger »,
Ad Solem, 2008.
Adrian Nichols, dominicain britannique, est l’un des meilleurs spécialistes
de la pensée de Hans Urs von Balthasar, théologien ayant fortement influencé
le jeune Ratzinger. C’est également avec une affinité non feinte qu’il
consacre cette riche étude à la pensée du théologien Joseph Ratzinger,
pensée indispensable à connaître si l’on souhaite mieux apprécier la
conduite aux affaires de l’Église de l’actuel successeur de Pierre. La
pensée théologique de Joseph Ratzinger est exigeante et complexe à l’image
de la discipline dont les auditeurs du discours au Collège des Bernardins
ont eu un petit aperçu l’année dernière lors de la venue du pape en France.
Pour se familiariser à la pensée du théologien de toujours (Benoît XVI
affectionne malgré son agenda surchargé de consacrer le peu de temps libre
qui lui reste à sa chère théologie), l’ouvrage d’Adrian Nichols présentera
le grand intérêt de résumer une bonne centaine de livres du pape-théologien
! Les œuvres sont analysées de manière chronologique (certaines d’entre
elles ne sont d’ailleurs pas encore disponibles en français) en en exposant
les lignes forces. Il apparaît évident à la lecture de cette heureuse
synthèse, que la pensée de l’actuel pape pointait déjà dans de nombreux
écrits du théologien qui deviendra le préfet de la Congrégation pour la
doctrine de la foi sous le pontificat de Jean-Paul II. Saint Augustin et
saint Bonaventure, auquel il a consacré une recherche d’habilitation,
forment le substrat intellectuel de base du jeune théologien. Farouche
défenseur de la liturgie et des traditions léguées par l’histoire de
l’Église, Joseph Ratzinger ne voit pas dans le Concile Vatican II une
rupture, mais plutôt une continuité. Le théologien Joseph Ratzinger, ainsi
que le pape Benoît XVI, combattent le relativisme, véritable plaie du monde
moderne. L’exigence de la foi préside à toutes les questions non seulement
dans la liturgie, mais également quant à l’ouverture aux autres religions.
Si Joseph Ratzinger accepte un dialogue entre les religions, cette rencontre
se saurait réduire ces dernières, et avant tout le catholicisme, à un seul
dénominateur commun. Il ne saurait être question ici de débattre des 496
pages qu’Aidan Nichols consacre aux œuvres et à la pensée de Joseph
Ratzinger, mais l’ampleur des questions évoquées invite le lecteur soucieux
de connaître cette pensée fertile de commencer par cette non moins brillante
étude ! |
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« Ordo Missae,
forme extraordinaire de la liturgie romaine » latin-français, Pierre Téqui
Editeur, 2008.
En établissant la possibilité pour les paroissiens qui le souhaitent de
suivre la messe selon le rite dit de saint Pie V (Motu Proprio Summorum
Pontificum), Benoît XVI a ainsi rappelé l’importance de l’idée de
continuité dans la liturgie. C’est une interprétation erronée, selon le
pape, qui aurait relégué à un passé révolu la messe tridentine après le
concile Vatican II. Cette manière de dire la messe héritée de l’histoire n’a
jamais été abolie par le concile, selon Benoît XVI, mais se devait de
coexister avec d’autres formes plus modernes. Il semble que ce retour aux
traditions anciennes de l’Église qui s’inscrit dans cette vaste entreprise
du pape contre toute forme de relativisme, y compris en son sein, n’a pas
provoqué les conflits que certains promettaient. Indépendamment des
convictions religieuses de chacun en matière de rite, il peut être
intéressant de comprendre cette forme extraordinaire de la liturgie romaine,
que l’on décide de la pratiquer ou au contraire qu’on lui préfère celle
devenue classique depuis le concile Vatican II. C’est tout l’objet de ce
petit livret très bien présenté, qui n’est pas pour autant un missel, que de
permettre de comprendre, au sens propre avec une traduction du latin en
français, comme au sens figuré, le déroulement de la messe tridentine. On
trouvera ainsi dans ce petit ouvrage les textes de l’Ordinaire, l’ensemble
des préfaces, les Kyriales les plus utilisées et quelques chants
caractéristiques de la liturgie. Ce petit volume a ainsi une vocation
pédagogique remarquable qui permet une compréhension globale de la messe
tridentine dont les éléments essentiels remontent à saint Grégoire le Grand
et a marqué la culture de l’Église pendant de nombreux siècles. |
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Joseph Ratzinger
« La communion de foi ** Discerner et agir » Communio et Parole et Silence
Editions, 2009.
Voici près de trente ans de collaboration du théologien Joseph Ratzinger à
la revue Communio qui se trouvent réunis dans ce deuxième volume
intitulé « Discerner et agir ». L’actuel pape est l’un des cofondateurs de
la revue Communio sous l’impulsion de Hans Urs von Balthasar à la fin
des années 60. L’édition francophone paraîtra dés 1975 et traduira
l’ensemble des communications de Joseph Ratzinger pendant trente ans ! Ce
deuxième volume analyse le rapport du chrétien au monde comme le rappelle
Jean-Robert Armogathe dans son introduction. Les quatorze articles qui le
composent ont pour titre les réunissant la communion de foi : il s’agit bien
en effet de partager la connaissance du Dieu de Jésus-Christ dans une
communio. Les contributions du théologien devenu pape portent ainsi sur
des interrogations générales comme « Qu’est-ce que la théologie ? »
ou « Foi, philosophie et théologie » ou bien sur des questions plus
précises telles « Jusqu’où porte le consensus sur la doctrine de la
justification ? ». Dans toutes ses contributions, Joseph Ratzinger
n’hésite pas à souligner les défis que l’Église eut et a encore à relever,
ce qui sera particulièrement instructif pour mieux comprendre les positions
actuelles du pape Benoît XVI. C’est en effet un théologien engagé que l’on
devine dans ces lignes comme le souligna en son temps le pape Jean-Paul II
qui le plaça à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Ce
second volume qui vient de paraître clôt ainsi l’ensemble des trente
contributions de Joseph Ratzinger pour la revue Communio réunies en
deux volumes et qui offrent une synthèse cohérente de la théologie de
l’actuel pape ! |
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Bernard Lecomte «
Les secrets du Vatican » Perrin, 2009.
Les « coulisses » du Vatican passionnent de plus en plus le cinéma qui brode
souvent plus qu’il ne décrit le quotidien souvent moins esthétisant. Bernard
Lecomte a décidé dans cet essai de démêler ce qui constitue ce secret
indéniablement cultivé par ses principaux responsables. Toute personne
travaillant au Vatican se doit de s’engager à ne rien divulguer de ce que
ses fonctions pourraient l’amener à voir ou à entendre. La tâche n’est donc
pas facile pour l’auteur, ancien journaliste à la Croix, qui a su tout de
même recueillir après deux ans d’enquête un grand nombre d’informations et
anecdotes auprès des plus hautes instances à la condition de respecter le
sacro-saint respect du secret sous couvert d’anonymat. « Les secrets du
Vatican » remontent ainsi la date historique de 1917 jusqu’à l’élection du
dernier pape, Benoît XVI. Si le Vatican est le plus petit État du monde (un
quart de la Principauté de Monaco) sur une quarantaine d’hectares, il n’en
reste pas moins un État avec toutes ses prérogatives et une direction
spirituelle sur plus d’un milliard de catholiques. Aussi n’est-il pas
surprenant d’apprendre que des émissaires intriguent chez Staline ou chez
Franco. Il ne faut pas oublier ce que la Cité du Vatican doit à Mussolini
qui a présidé à sa naissance. Bernard Lecomte n’écarte pas les silences
gênants de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale même si de récents
témoignages viennent nuancer les reproches d’attentisme du pape concernant
les terribles répressions faites aux Juifs en Italie et bien entendu aux
portes du Vatican. Du saint suaire de Turin au schisme de l’affaire Lefebvre
en passant par le scandale du « banquier de Dieu », la petite histoire
côtoie les grandes heures du XX° et même du XXI° siècle puisque le livre
termine sur la surprise de l’élection de Benoît XVI qui n’aurait pas dû
succéder à Jean-Paul II, et dont nous réservons l’explication de Bernard
Lecomte au lecteur curieux des secrets du Vatican ! |
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Catherine Salles
« Saint Augustin, un destin africain » Editions Desclée de Brouwer, 2009.
Saint Augustin fut un grand homme d’Église et le théologien a marqué pour
toujours les siècles à venir par sa pensée. Or, Catherine Salles, auteur
réputé pour ses nombreux ouvrages sur le monde antique, a décidé de nous
présenter l’homme vivant, « l’Africain », et non l’icône qui a pu être faite
à partir de sa renommée. Pari difficile, mais réussi ! Comment mieux
comprendre l’œuvre et l’homme sans partir de ce bain culturel qu’était
l’Afrique romaine à l’époque du IV° siècle de notre ère. Augustin est un
Romain et un Africain. Dès lors, son éducation suit celle de tous les
enfants de son âge et c’est auprès d’un pédagogue qu’il fera son
apprentissage des choses de la sagesse et des lettres. Les Confessions de
saint Augustin offrent un matériel de choix pour imaginer ce que furent ces
premières années si importantes pour la maturation intellectuelle du futur
évêque d’Hippone. Augustin a été élevé selon les principes de la foi
chrétienne et si l’on évoque sa fameuse « conversion » dans le jardin de
Milan, son baptême à l’âge de trente-trois ans était pratique courante à son
époque où l’on ne baptisait pas les enfants.
Augustin sera un homme de son siècle et avant de représenter exclusivement
la foi chrétienne, il aura fait l’expérience de tous les courants de pensée
y compris auprès des manichéens !
Paradoxalement, mais est-ce encore un paradoxe, c’est lorsqu’il quittera
brusquement Carthage et l’Afrique en 383 pour leur préférer Rome qu’il ira
vers le destin qu’on lui connaît. Le retour en Afrique fera de lui un homme
prêt à affronter tous les défis. Cette fin de siècle connaît de plus en plus
de crises avec un empire vacillant tant sur le plan intérieur qu’extérieur
avec les menaces de plus en plus concrètes des invasions barbares.
Cette étude se lit comme un roman, mais avec la rigueur des impératifs de
l’Histoire, une belle initiative à recommander ! |
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« Histoire de la
théologie » sous la direction de Jean-Yves Lacoste, Editions du Seuil, 2009.
Voici une entreprise courageuse et ambitieuse à l’heure où l’on oublie trop
souvent que la théologie fut naguère, certes en des temps anciens, la
discipline maîtresse qui englobait la philosophie. Or, de nos jours, ces
souvenirs n’appartiennent plus qu’à une petite confrérie bien
confidentielle, les théologiens, et quelques rares curieux penchés sur des
grimoires qui effraient plus qu’ils n’attirent…
Cette Histoire de la théologie vient à point nommé ! Et, si la discipline
théologique a certes régné en maître pendant de très nombreux siècles, elle
garde encore une riche actualité au XX et XXI° siècles (cf nos interviews du
grand théologien Hans Küng dans ces colonnes). Même si Jean-Yves Lacoste et
ses auteurs ont choisi de privilégier la théologie classique en lui
réservant les plus amples développements, la théologie contemporaine n’en
est pas pour autant passée sous silence, tant s'en faut, puisque plus de
cent pages lui sont réservées sur les 475 que compte l’ouvrage. La théologie
chrétienne n’est ainsi pas qu’une affaire de croyants et la chasse gardée
d’érudits. Il ne s’agit pas d’une langue morte rappellent les auteurs et
mérite ainsi toute notre attention.
Le défi de résumer vingt siècles d’histoire intellectuelle est réussi. Les
auteurs ont fait court, mais dense, sans jamais dénaturer la richesse des
questions abordées. Conçus sous forme ouverte, les articles ouvrent vers une
riche bibliographie sélectionnant les sources les meilleures.
Il faudra, de préférence, commencer par le commencement en lisant les «
Fondements bibliques » de Pierre Gibert, s’interrogeant sur la question de
la Bible, âme de la théologie. Il faudra de l’attention au lecteur du XXI
siècle pour aborder la théologie patristique et byzantine (Patrick
Descourtieux) ainsi que la théologie médiévale (Marc Ozilou et Gilles
Berceville), mais son effort sera vite récompensé par le plaisir sans
limites de recevoir un tableau clair et didactique de questions majeures (le
monophysisme, la querelle des images, la théologie de Bède et de Scot
rappelées récemment dans les audiences du pape Benoît XVI, Thomas d’Aquin…).
Jean-Yves Lacoste a également la lourde charge des deux dernières parties,
avec la théologie réformée (indispensable avec l’anniversaire de Calvin
cette année !) et l’époque contemporaine évoquée précédemment.
Ce livre peut être découvert selon ses affinités intellectuelles et
spirituelles, au hasard des pages, les plus courageux le découvriront page
après page, pour réaliser que la théologie est une discipline bien vivante
au XXI° siècle, la richesse des contributions de cet ouvrage en témoigne ! |
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Piero Ottaviano «
Les fondements du christianisme, le christianisme est-il recevable ? »
Editions Salvator, 2009.
Voici une question bien surprenante sous la plume d’un salésien de Don Bosco
qui a passé sa vie durant à diffuser l’Evangile ! Or, l’homme est également
formé aux mathématiques et à la physique, disciplines qu’il a longtemps
enseignées, ce qui explique un peu plus cette idée de recevabilité dans le
titre. Piero Ottaviano a en effet sa vie durant cherché à expliquer et à
répondre aux nombreuses questions des non chrétiens et des chrétiens sur le
christianisme, ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, ce sur quoi repose cette
croyance et quelle est la réalité de l’existence chrétienne. Le but de ce
livre, rappelle l’auteur dans son introduction, est de faire connaître les
fondements du christianisme ; or, ces derniers sont souvent ignorés,
justifiant par là même un rejet rapide ou une acceptation tout aussi rapide,
ce qui serait également dommageable.
Le ton est bien entendu didactique puisqu’il s’agissait à l’origine d’un
cours, mais sans pour autant être alourdi par la volonté d’enseigner. Les
répétitions que l’on pourra constater servent à appuyer le raisonnement et
non à l’alourdir. La typographie a été conçue afin de distinguer les
développements essentiels des autres pouvant être omis, les textes bibliques
sont écrits dans une police propre et font l’objet d’une traduction
littérale de l’auteur afin d’aller le plus possible à la source même de la
Bible. Il est bien entendu que cette présentation de la foi chrétienne est
faite de « l’intérieur » dans ce sens où l’auteur n’écarte pas sa foi dans
la façon de présenter ses développements, mais cette présentation de la foi
chrétienne n’écarte aucune question ni même les objections qui sont à chaque
fois posées avec immédiatement la réponse proposée.
Cet ouvrage intéressera directement bien entendu le catéchèse ou le
formateur, mais il aura également une destination élargie à un public
beaucoup plus large. En lisant en effet ces « Fondements » le lecteur, athée
ou croyant, y trouvera matière à réflexion et à argumentation. |
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Philippe Cardinal Barbarin
– Luc Ferry « Quel avenir pour le christianisme » Editions SALVATOR, 2009.
Ce livre est la retranscription d’un débat entre Philippe Barbarin et Luc
Ferry animé par Jean-Marie Guénois dans le cadre du jubilé des 150 ans de la
basilique Sainte-Clotilde. L’archevêque de Lyon, primat des Gaules et
cardinal depuis 2003, est à la fois un théologien et un homme de terrain qui
a cœur à communiquer sur son engagement spirituel et sur les défis que
l’Église se doit de tenir en ce début du XXI° siècle. Luc Ferry, philosophe
et ancien ministre de la jeunesse, n’est plus à présenter. Le cardinal
Barbarin n’hésite pas dire « il faut travailler, et la seule façon de
travailler, c’est d’aimer, c'est-à-dire de nous donner complètement. », et
il faut avouer que l’énergique homme d’Église ne ménage pas sa peine pour
combattre la morosité ambiante et la perte de sens du quotidien vécues par
un grand nombre de personnes. Le salut est-il dans la foi ? Si les deux
personnalités ont évidemment des vues divergentes sur la question, le
cardinal ne pouvait pas ne pas réagir à la tendance rappelée par le
philosophe selon laquelle la proportion de la population française qui a
quitté la foi est supérieure de 20 à 30 % par rapport à l’époque de son
enfance tout en soulignant une revitalisation des valeurs chrétiennes ces
dernières années. Or, si Philippe Barbarin confirme cette tendance à la
baisse sur le plan quantitatif, il n’hésite pas à relever qu’un élan
véritable contredit ces statistiques toutes relatives (dans ses comparaisons
avec le passé). Peut-on comparer un paroissien au milieu du XX° siècle et
celui du début du XXI° siècle ? Le cardinal Barbarin rappelle que plus que
la quantité, c’est de la grâce qu’il importe, c'est-à-dire de la profondeur
de l’engagement (le nombre des catéchumènes adultes a augmenté de 1 200 % en
quelques années). Cette qualité de l’engagement, reconnue par Luc Ferry,
serait la note d’optimisme de ce constat qui ne saurait écarter les motifs
d’inquiétude pour les chrétiens (baisse des vocations, financement de plus
en plus difficile, remise en question de nombreuses institutions…). Un
échange stimulant que l’on soit croyant, athée ou… entre les deux ! |
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Christoph
Cardinal Schönborn « Une vie réussie » Editions Parole et Silence, 2009.
L’auteur est un proche de Benoît XVI, Cardinal de son état, il est
archevêque de Vienne depuis 1995 et préside la conférence épiscopale
autrichienne. Ce théologien a été le principal maître d’œuvre du Catéchisme
de l’Eglise catholique. Homme de terrain et homme d’esprit, il vient de
signer « Une vie réussie », un ouvrage reprenant des articles de sources
diverses dont le titre ne manquera pas d’attirer un grand nombre de lecteurs
qui sauront y trouver une réflexion stimulante sur ce défi sans cesse
renouvelé d’une quête du bonheur initiée par Aristote. Tout homme cherche le
bonheur. Derrière l’apparente simplicité de l’assertion, c’est tout le
conflit antique, classique et moderne du but poursuivi par l’homme qui se
profile. Si nous raisonnons a contrario, la phrase ne peut être que vraie.
On imagine mal, un homme reconnaître qu’il ne recherche pas une vie réussie.
Mais qu’entend on par bonheur ? et comment y parvenir ?
On voit bien que ces questions dont on soulignera le caractère
philosophique, relèvent également de la discipline initiale, la théologie,
qui propose un certain nombre d’éléments de réponse. Il n’est pas illusoire
de croire au bonheur à la lecture des nombreux témoignages étudiés par le
cardinal Schönborn. La différence de l’approche chrétienne par rapport aux
autres réponses de la philosophie est d’aborder cette interrogation dans un
cadre élargi au-delà de la vie terrestre, et c’est toute la différence…
Saint Thomas d’Aquin voit dans l’amitié la forme d’expression de l’amour qui
mène au bonheur. Cette amitié avec Dieu conduit au plus grand bonheur
concevable. Certes cette quête du bonheur ne saurait écarter son antagoniste
indissociable, le malheur et la douleur. La grande erreur de notre époque
moderne étant de croire, à tort, que l’on puisse éliminer cet autre côté du
miroir. Attention, n’allons pas faire un procès d’intention au cardinal
dominicain proche du sommet du Vatican ! Nul dolorisme gratuit dans sa
pensée, il avoue d’ailleurs avec quelle réticence il alla, jeune homme, avec
son curé, faire la visite du célèbre stigmatisé Padre Pio qui portait dans
son corps les souffrances du monde mais dont cette visite eut un effet
pourtant rassérénant. Schönborn affirme que « celui qui n’est pas apte à
jouir de ces petites joies passera aussi à côté du grand bonheur » et il
n’hésite pas à citer parmi ces petites joies quotidiennes, un bon verre de
bière fraîche par une chaude journée d’été, un bon repas ou une partie de
cartes le dimanche. Mais cela ne suffira pas à éteindre ce grand feu que
nous avons tous en nous. L’aspiration au bonheur passe par la recherche
originelle de cette joie du Bonheur entraperçue occasionnellement lors des
bonheurs du quotidien. A celui qui s’émerveille du sourire spontané d’un
tout petit ou d’une main tendue pour traverser une route, il y a
certainement autre chose, une dimension à approfondir et à laquelle nous
invite le théologien dans ces pages inspirantes ! |
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Thomas de Celano
« Les vies de saint François d’Assise » collection Sources franciscaines,
coédition Editions franciscaines Editions du CERF, 2009.
Introduction de taille (85O pages !), cette édition des Vies de saint
François d’Assise de Thomas de Celano est le premier titre qui préfigure
l’édition complète des œuvres du saint en 2009/2010. Nouvelles éditions
dotées d’un appareil critique approfondi ainsi que de nouvelles sources.
Thomas de Celano est le premier hagiographe avec sa Vita prima qui a légué à
la culture médiévale les fameuses scènes du saint qui nous sont parvenues
jusqu’à aujourd’hui. Il est le premier et il est également celui qui a
rédigé le plus de versions de la vie de saint François (4 à 6 récits)
pendant près de vingt ans de sa vie. Véritable source de méditation, son
écriture a puisé à l’expérience du saint avec un renouvellement
exceptionnel. Cette quête a ses limites rappelle le grand médiéviste Jacques
Dalarun. Thomas de Celano dans sa recherche de l’essence absolue du message
du saint a buté sur les limites de son entreprise. La vérité tant recherchée
sur le saint demeurait insaisissable. Cette prise de conscience fut une
grande déception pour l’auteur et en même temps un enseignement important
pour le lecteur du XXI° siècle.
Avec la présente édition, nous disposons de la première traduction française
de la totalité du corpus des légendes franciscaines dues à Thomas Celano. A
la Vita prima et Vita secunda s’ajoutent la Légende de chœur, la Légende
ombrienne, le Traité des miracles.
La Vita prima est bien entendu le premier texte qu’il faudra lire dans cette
nouvelle édition. Longtemps suspectée d’être un texte de complaisance
correspondant à l’image souhaitée par Grégoire IX d’un saint soumis en tout
à l’Eglise romaine, cette vie est aujourd’hui considérée comme la source de
première importance sur le grand saint. François y est présenté comme le
grand pécheur qui sort de la boue de ses premières années (voir les
premières images du très beau film de Roberto Rossellini, sur le saint présenté dans nos
colonnes) par une conversion, non pas instantanée à l’image d’un Paul, mais
plus progressive à l’image de la chrysalide du papillon comme le rappelle
joliment Jacques Dalarun.
Le conteur que se révèle être Thomas de Celano restitue cette longue marche
à laquelle nous invite Jacques Dalarun dans sa riche introduction (plus de
soixante pages). C’est en lisant ses écrits que l’on peut s’approcher de
François d’Assise. C’est par les actes et non par les mots que l’homme doit
témoigner au Seigneur selon le saint. La recommandation vaut également pour
le saint homme, c’est en découvrant ses Vies que le lecteur pourra apprécier
son message grâce à ce travail de grande envergure accessible pour la
première fois au public français ! |
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Chantal Reynier « Saint Paul sur les routes du
monde romain, infrastuctures, logistique, itinéraires » MédiasPaul, éditions
du CERF, 2009.
Réalisé dans le cadre de l’année Saint Paul, ce livre devrait passionner
plus d’un lecteur ! L’apôtre des Nations a été un grand arpenteur des routes
antiques de son époque. Marcheur insatiable, sa foi n’avait pas de limites
géographiques. Le très beau livre de Chantal Reynier, seul en son genre en
français, nous invite à parcourir, sinon physiquement mais au moins par la
lecture, les voyages innombrables de l’avorton de Dieu comme il se nommait
lui-même. Paul devait cependant avoir une bonne résistance physique en
témoigne les milliers de kilomètres parcourus dans des conditions qui
n’étaient pas celles que nous connaissons aujourd’hui. Il est
particulièrement émouvant de découvrir la façon dont il se représentait
l’espace géographique de l’empire en homme de son temps. L’apôtre s’est
progressivement déplacé en cercles concentriques vers l’extrême occident (il
finira ses jours en martyr à Rome en Italie). Et ses choix ont déterminé
l’émergence de communautés locales desquelles se développera un
christianisme essaimant sans cesse. Découvrons avec cette très belle étude,
les routes terrestres et maritimes de son époque, partageons les conditions
de voyage parfois très rudes pour mieux se représenter les sacrifices
consentis jusqu’à l’ultime et dernier voyage vers Rome. |
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Carlo Maria
Martini « Le rêve de Jérusalem, entretiens avec Geor Sporschill sur la foi,
les jeunes et l’Eglise » Desclée de Brouwer, 2009.
Archevêque de Milan de 1979 à 2002, le cardinal Martini, haute figure du
Vatican et pressenti pour succéder à Jean-Paul II, s’est retiré à Jérusalem
où Georg Sporschill, jésuite et aumônier de jeunes, l’a rencontré pour ces
entretiens. Nous avons avec ces entretiens, un véritable regard d’espoir et
en même temps de lucidité sur les grandes questions qui touchent la jeunesse
et l’Eglise du XXI° siècle.
Rien n’est en effet écarté dans ces entretiens au ton très libre. Le célibat
des prêtres, la contraception ou encore l’homosexualité sont abordés de
manière directe et sans détours. Le cardinal estime d’ailleurs que tous ces
défis qui donnent souvent lieu à des controverses, en témoignent les
récentes flambées médiatiques, sont le signe que là où il y a des conflits,
le feu brûle et le Saint Esprit est à l’œuvre ! « L’Eglise doit élaborer une
nouvelle culture de la sexualité et de la relation. » souligne le cardinal
Martini, en rappelant la triste réalité qu’un mariage sur deux ou trois fait
l’objet d’un divorce dans les pays occidentaux. Cette nécessité d’une
nouvelle écoute s’impose face à la souffrance occasionnée par ces ruptures.
C’est, dans le même esprit, à une plus grande écoute qu’invite le cardinal
concernant l’homosexualité. Il relate avec tristesse le cas de ce jeune
homme tourmenté par ses préférences homosexuelles au sujet desquelles il
n’osait parler à personne, par honte. Il est tombé malade avec une
dépression et n’a trouvé une écoute qu’avec un psychiatre.
C’est à une Eglise plus ouverte vers qui tous ces propos convergent. Le rêve
de Jérusalem est entre autre d’imaginer ce que Jésus dirait et ferait
aujourd’hui s’il arpentait nos rues et nos cités. Cette « réforme » du
quotidien à laquelle invite le cardinal Martini ne brandit pas des
programmes politiques et de nouveaux conciles. La voie proposée est celle de
la prière et du bon sens : tendre une main, ne pas fermer les yeux et savoir
plus écouter ceux qui souffrent, un testament plein d’espoir pour une
société qui en manque tant au quotidien ! |
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« Le Coran,
Sourates et fragments. », traduits par Michel Orcel avec la collaboration de
Mohammed Aït Laâmim, Paris, Editions La Bibliothèque, 2009.
Dans ce dernier ouvrage paru aux Editions la Bibliothèque, Michel Orcel –
auteur notamment de « Les larmes du traducteur », Grasset, 2002 et de «
Voyage dans l’Orient prochain » également aux Editions La Bibliothèque en
2004- nous propose un choix de sourates et fragments du Coran traduits par
ses soins avec la collaboration de Mohammed Aït Laâmim ; il nous offre plus
exactement, devrait-on écrire, car il s’agit bien de par sa générosité et
son entière subjectivité d’un véritable coup de cœur. Coup de cœur parce ce
que l’auteur, traducteur de longue date, arabisant averti s’intéressant au
monde arabo-musulman depuis des années n’ignore pas à l’évidence les
difficultés et l’audace que représente cette traduction de fragments du
Livre saint de l’islam ; Texte, en effet, fondateur, révélé en langue arabe,
il ne saurait et ne souffre dès lors, sans s’exposer à la critique même la
plus indulgente, d’être traduit. Choix audacieux, donc, mais également
peut-être chemin le plus direct pour interpeller le lecteur et l’amener à
une certaine intersubjectivité, et en fin de compte, peut-être, le toucher
droit au cœur… Car avec ce florilège choisi au sein du Livre saint de
l’islam, Michel Orcel nous invite avant tout et surtout à une rencontre ou
des rencontres.
Rencontre, en premier lieu, avec l’Orient. Car l’Orient, au-delà de la
rupture ou du choc des cultures tant rabâchés aujourd’hui, c’est aussi
Aladin et les Mille et Une Nuits…c’est également la Reine de Saba et le Roi
Salomon…mais, aussi, Marie et Jésus…et en fin de compte, une culture, un
texte sacré, une parole révélée à un prophète, qui peut être lu, découvert,
apprécié et aimé comme peut l’être une rencontre, une ouverture à quelque
chose de précieux.
Mais, en allant à la rencontre de l’Orient, c’est également, en deuxième
lieu, une expérience de l’altérité, la découverte et la connaissance de cet
Autre. Car, qui, vraiment à la lecture de cet ouvrage, ne trouvera pas une
sourate, un verset, un mot, un seul mot qui ne l’interpellera pas et ne le
laissera pas étranger ? Qui ne sera pas tenté de lire à haute voix à son
amie, à un ami ou pour lui-même, une des peut-être plus belles et anciennes
Sourates du Coran ? Même si le Coran, texte révélé, n’est en lui-même ni
poésie ni art, mais bien plus et tout cela, qui demeurera insensible à l’art
du Maître calligraphe Ghani Alani lorsqu’il met en tracés et volutes la
Sourate « La lumière » ? Qui ne ressentira pas le chant, la mélodie, la
poésie de ces pages? Michel Orcel, au-delà des critiques liées aux
difficultés de la traduction, tant celles, parfois sévères, adressées par
lui-même, que celles auxquelles il sait s’exposer, a, ainsi qu’il le
souligne dans sa postface, « …tenté, autant que nous en avions les
moyens, de donner à ces fragments en français un rythme et une poéticité
qui, sans trop trahir la spécificité de l’arabe coranique, puissent en
français rendre justice à la beauté de l’original en « claire langue arabe
». Car pour aller à la rencontre de l’autre, encore faut-il savoir entendre
et écouter les murmures… les murmures sacrés… ces murmures et échos d’un
texte sacré… d’un texte révélé, parole de Dieu, appel et Parole d’Allah…
Puis, qui sait, si en parcourant, en lisant ou feuilletant cet ouvrage, ces
sourates et fragments du Coran, le lecteur, vous, moi, nous n’aurons pas
l’expérience d’un hapax qui, s’il n’est spirituel ou du moins existentiel,
pourra peut-être se révéler être, et cela sera déjà beaucoup, un véritable
hapax d’intelligence du coeur…Car cet ouvrage demeure une invite à admirer «
…le jaillissement des sourates apocalyptiques ou menaces divines, le vertige
ou la douceur des versets mystiques, la mélodie où bruissent les arbres du
paradis, les singuliers serments qui convoquent les météores, les anges, les
nombres et les astres »…
L.B.K
« Le Destin
Nous l’avons fait descendre en la nuit du Destin
Et que sais-tu de la nuit du Destin ?
Cette nuit du destin vaut mieux que mille mois ;
Les anges et l’Esprit descendent en elle avec la permission de leur Seigneur
pour récapituler les choses
Qu’elle soit donc la Paix jusqu’au lever de l’aube ! »
Extrait, « Le Coran, Sourates et fragment», p.30. |
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Jean Emériau «
Atlas des pays bibliques » Desclée de Brouwer, 2009.
Le lecteur du XXI° siècle est souvent désemparé à la lecture de la Bible. La
géographie antique portait souvent des noms qui ont changé ou disparu
depuis, et les civilisations qui les caractérisaient sont souvent méconnues
de nos contemporains. Le présent atlas viendra offrir une aide précieuse
dans cette optique. L’auteur est un passionné de la Bible à laquelle il
avait déjà consacré un « Guide biblique de la Terre sainte » ainsi qu’un «
Guide de saint Paul », tous deux parus chez Desclée de Brouwer. Conçu de
manière très pédagogique et doté d’une riche iconographie et cartographie,
cet atlas débute par une première partie qui offre une synthèse des livres
essentiels composant la Bible ainsi que les découvertes de l’archéologie
pour mieux comprendre la géographie biblique qui sera développée dans la
deuxième et troisième partie à l’aide de nombreuses cartes et tableaux. Que
l’on souhaite se reporter à la géographie de Rhodes ou de Bethléem, la
recherche est aisée grâce à l’index et le lecteur trouvera immédiatement une
synthèse des informations essentielles à connaître. Un outil
particulièrement efficace à garder à portée de sa Bible ! |
Interview
Cardinal Philippe BARBARIN |
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Ferruccio Nuzzo
- SEDICOM Lyon
Le cardinal
Philippe Barbarin, le très médiatique
archevêque de Lyon, offre depuis de
nombreuses années une image particulièrement dynamique de l'Église
catholique. Nommé cardinal par Jean-Paul II, il fut le benjamin du dernier
conclave. La jeunesse d'esprit qui le caractérise se manifeste non seulement dans
son
discours interreligieux qu'il entretient depuis de nombreuses années, mais
plus encore par une foi vécue au quotidien qui n'exclut jamais un franc
parler. Découverte au sein de la hiérarchie de l'Eglise d'une voie moderne
qui sait se faire entendre !
LEXNEWS : "Superbe parcours que le vôtre,
prêtre à 27 ans, évêque à 48, cardinal à 53. Pourtant, rien n’était écrit
d’avance avec une grand’mère auvergnate pour qui la religion était un
tissu d’erreurs et prêtre, « un métier de mendigot ! »."
Philippe Barbarin : "C’était un cœur en or, mais elle avait connu
la blessure affreuse de perdre son papa à onze ans. Du coup, comme
beaucoup de gens qui souffrent trop pour croire en un Dieu bon, elle a
tout envoyé promener. Quand elle était très âgée – elle m’aimait beaucoup
et je le lui rendais bien -, je lui ai souvent parlé de ce père qu’elle
allait retrouver, c’était sûr. Je la sentais un peu ébranlée. Cela dit,
mes grands-parents maternels et mes parents étaient, eux, profondément
croyants. La messe du dimanche était un événement qu’on vivait en famille.
Le dimanche soir, mon père nous lisait un passage de la Bible, puis nous
avions un temps de prière en commun."
LEXNEWS : "Sur onze enfants, il y
aura un prêtre et trois filles consacrées à Dieu …"
Philippe Barbarin : "Autant ma mère s’est réjouie pour la première,
autant elle a vécu difficilement le choix de sa petite dernière : comme
toutes les mères, elle avait sans doute imaginé son mariage … La foi était
au cœur de nos vies, c’était une histoire toute simple, sans contraintes
imposées ni grandes déclarations, sans la moindre bigoterie. Une ouverture
aux autres. Une attention portée à chaque enfant. Nous avons longtemps
vécu à Rabat où mon père, après avoir quitté l’armée, était devenu
secrétaire général des Mines du Maroc. A notre retour en France, il est
entré dans une banque. Il a mis mes frères dans l’enseignement catholique
mais, sentant monter en moi la vocation, il m’a inscrit au lycée de Saint
Maur des Fossés, pour que je me frotte à d’autres idées. Et il m’en a
retiré pour la terminale, ayant appris que le prof de philo se vantait de
faire perdre la foi à ses élèves en trois mois – à l’époque, en 1967, le
corps enseignant était largement marxiste : « Je ne peux pas prendre ce
risque-là, m’a-t-il dit »."
LEXNEWS : "Aujourd’hui, c’est
d’abord pour leur donner les meilleures chances de réussite scolaire que
nombre de familles confient leurs enfants à une école chrétienne …
Celle-ci a-t-elle encore, à côté des parents, son rôle à jouer dans la
transmission de la foi ?"
Philippe Barbarin : "Ce peut être un très beau rôle. Tout dépend
des endroits. Parfois, l’enseignement catholique est de pure étiquette
mais, lorsque l’équipe éducative est motivée et sait proposer des temps de
prière et une catéchèse adaptée, des célébrations, des activités diverses
- une retraite, une nouvelle manière de vivre le carême, une action envers
les laissés-pour-compte -, alors les jeunes sont passionnés, Dieu entre
vraiment dans leur vie. L’important est que tout se passe dans le respect
de chacun. Ainsi, à « l’Immaculée Conception », un établissement de
Villeurbanne qui compte une proportion notable de Juifs et de Musulmans,
ceux-ci ont la liberté de ne pas venir le 8 décembre, jour de la fête de
l’école. Mais l’ambiance est telle ce jour-là que bien peu manquent à
l’appel !"
LEXNEWS : "Vous avez été aumônier
de lycée. Au lendemain des JMJ de Sidney auxquelles ont participé en
juillet 2008, 4 500 Français, quel discours avez-vous envie de tenir à des
jeunes souvent mal à l’aise face aux positions exigeantes de l’Eglise en
matière de mœurs ? "
Philippe Barbarin : "Je leur dirai des choses très simples et
directes. Qu’un être humain repose sur un trépied fondamental : son corps,
sa personnalité et sa dimension spirituelle. Les deux premiers éléments,
notre société, riche et bien dotée, leur accorde toute son attention.
Notre corps est l’objet d’une surveillance médicale attentive, on le
nourrit bien, on lui fait faire du sport. L’intelligence et la
personnalité aussi, on les développe avec de bonnes études, qui seront
l’assurance d’un bon métier. Mais l’être spirituel, lui, est souvent
abandonné. Une mutilation injuste. Les parents le savent pourtant : bien
sûr, ils veulent pour leur enfant une santé solide et de bons diplômes,
mais s’il vit fermé sur lui comme un bloc de béton et n’a aucun copain,
ils s’inquiètent. Tout comme s’il mène une vie complètement débridée, avec
le risque de se faire prendre par l’alcool, la drogue ou le Sida. Et,
d’une certaine manière, c’est notre faute parce que nous n’avons pas osé
leur dire des paroles fortes, leur présenter ces biens spirituels que cite
Saint Paul dans l’Epitre aux Galates : la joie, la douceur, la maîtrise de
soi, la patience, la bonté …, toutes choses fondamentales dans la vie
personnelle. Qu’importe s’ils ruent un moment dans les brancards, ils nous
en seront reconnaissants plus tard."
LEXNEWS : "Nombre d’incroyants
disent oui à ces valeurs chrétiennes, mais sans avoir besoin du Christ
pour autant …"
Philippe Barbarin : "En mars 2008, à Lyon, j’ai eu un dialogue avec
Axel Kahn, qui protestait contre la phrase de Dostoïevski : « Si Dieu
n’existe pas, tout est permis ». « Non, disait-il, car il y a la dignité
humaine ». Moi, je suis content d’entendre cela. Mais je lui réponds : «
Je ne suis pas sûr que vous arriviez à bâtir une morale forte sans la foi.
Un exemple : vous dites qu’aujourd’hui l’avortement est un fait de
société, qu’il faut le reconnaître comme un droit. En revanche, vous
trouvez monstrueux qu’on puisse condamner un bébé parce que c’est une
fille et qu’on voulait un garçon, ou l’inverse. Mais comment empêcher
cette monstruosité alors qu’on peut connaître très tôt le sexe de l’enfant
et que ce que vous appelez « l’avortement de convenance » est autorisé
jusqu’au troisième mois ? Vous voyez bien que, tout seuls, vous n’y
arrivez pas ! ». L’Eglise, elle, dit depuis deux mille ans et elle le dira
encore dans deux mille ans qu’il ne faut pas tuer l’enfant dans le sein de
sa mère, que cette vie doit être respectée, qu’elle est tout aussi
précieuse que la nôtre. La parole de l’Eglise est clairement décalée et
parfois en opposition avec la société actuelle, mais elle est un précieux
rempart contre ce genre d’agissements.
LEXNEWS : "Selon la récente enquête menée
par « La Vie » *, les catholiques pratiquants seraient moins de 10%. De
quoi balayer votre optimisme naturel ?"
Philippe Barbarin : "Nous vivons en France une situation difficile,
des pans de murs entiers s’effondrent. Dans les années 50, pour le diocèse
de Lyon, il y avait 500 séminaristes : ils sont 38 aujourd’hui, en
provenance de dix diocèses. C’est ainsi. Si jamais l’Eglise s’est vantée
de ses grands succès, ce n’est pas ce qu’elle a fait de mieux. Mais le
péché serait tout aussi grand si, dans la situation actuelle, nous nous
laissons aller au découragement ou au désespoir. De toutes façons, je
n’aime pas le mot « pratiquant ». On est pratiquant du vélo et du jogging.
Cela développe les muscles et les mollets ! Mais on est « pratiqué », par
la Parole de Dieu, c’est le Seigneur, notre boulanger, qui pétrit la pâte.
|
Mon problème à
moi, ce n’est pas de tenir des statistiques mais de savoir si Dieu peut
encore parler à ses enfants. Une enquête de « la Croix » m’a fait mal : «
Les Catholiques de France, était-il dit, sont ceux qui, en Europe, lisent
le moins la Bible ». Ca, c’est grave. C’est pour cela que
j’ai fait distribuer dans mon diocèse 500 000 Nouveaux Testaments, non pas
à la sortie du métro ni dans les boîtes aux lettres pour qu’ils se
retrouvent dans le caniveau, mais dans les églises, les paroisses, les
écoles … Les gens devaient faire la démarche de venir les chercher."
LEXNEWS : "Certains ne mettent jamais les
pieds à l’église mais y retournent pour les grandes occasions ?"
Philippe Barbarin : "Difficile de juger. Cette demande de rites est
parfois le signe d’une réelle recherche spirituelle. Les parents qui font
baptiser leur enfant n’y sont plus obligés par automatisme familial ;
s’ils le font, c’est qu’ils sentent bien que, même s’ils donnent le
maximum à leur enfant, amour, nourriture, vêtements, une bonne éducation,
cela ne suffit pas. Le mariage, c’est plus difficile, il y a le côté
mondain, la robe blanche, les orgues, la photo sur le parvis : il faut
veiller, par respect des gens, à ce que les jeunes mariés ne posent pas un
geste dénué de sens. L’enterrement religieux, c’est encore autre chose :
le signe d’un grand respect pour une vie qui arrive à son terme. Les
familles ont besoin d’être accompagnées au moment où elles affrontent la
seule et unique question qui agite l’être humain : pourquoi la souffrance
de la séparation, alors qu’on est fait pour aimer ? Pourquoi la mort,
alors qu’on est fait pour la vie ? Une angoisse fondamentale à laquelle
Dieu seul peut répondre."
LEXNEWS : "Deux pratiquants sur
trois sont des femmes. Or, sur les 200 « catholiques qui comptent »
recensés par « la Vie », il y a 42 femmes. On est loin de la parité !"
Philippe Barbarin : "Si le but est la parité, on aimerait bien
qu’il y ait plus d’hommes dans les églises ! Mais je vous dirai la vérité
vraie. A Madagascar où j’ai passé quatre années, lorsqu’on évoquait les
catholiques français du 19ème siècle, de qui parlait-on ? De Thérèse de
Lisieux et de Bernadette de Lourdes. Au 20ème siècle, la silhouette de
Mère Teresa se penchant, toute cassée, sur les trottoirs de Calcutta pour
redonner leur dignité à des gens qui, sans elle, seraient morts comme des
chiens, compte sans doute autant que celle de Jean-Paul II, le géant qu’on
voyait sur tous les écrans. La vraie parité dans le christianisme, c’est
celle de la sainteté. A Lyon, l’immense théologien qu’est Saint Irénée, le
deuxième évêque de la ville, est une figure vénérée, mais on connaît au
moins autant la petite Sainte Blandine au milieu de ses lions."
LEXNEWS : "Les femmes sont rares, tout de
même, à des postes de responsabilité : une présidente de la « Catho » de
Lille, une vice-recteur à Paris, une dominicaine à la tête de la faculté
de théologie d’Angers…"
Philippe Barbarin : "A Lyon, j’ai confié à une femme le plus
important de mes services, celui de l’initiation chrétienne. Cela ne
m’apparaît même pas comme un progrès : j’ai toujours eu des femmes
remarquables dans mes équipes, il y en a deux sur les quatre membres non
statutaires de mon conseil épiscopal. Bien sûr, les gens sont obnubilés
par l’idée de femmes prêtres ou évêques. Mais il s’agit là de la haute
valeur symbolique de l’union du Christ – l’époux – à son Eglise, Jean-Paul
II l’a expliqué avec clarté. Cela n’implique pas que les femmes soient
reléguées dans des rôles secondaires : une fois encore, c’est la petite
Bernadette de Lourdes qu’on connaît dans le monde entier, et non le
cardinal qui était alors archevêque de Paris, et dont tout le monde a
oublié le nom."
LEXNEWS : "Le pape rencontre les
responsables d’autres religions. En matière de dialogue inter-religieux,
vous avez toujours été pionnier. C’est au recteur de la Grande Mosquée de
Lyon que vous avez demandé de vous décorer de l’Ordre national du Mérite
!"
Philippe Barbarin : "Le dialogue avec l’Islam est inscrit dans mon
enfance marocaine. Quand mes parents vivaient dans le bled, ils avaient
appris l’arabe et le berbère pour communiquer avec leurs voisins. Au
moment de Noël, ceux-ci avaient droit à une partie de la bûche et, quand
arrivait la fête de l’Aïd, on nous apportait un quartier de mouton – ce
qui n’empêchait pas, entre nous soit dit, de solides bagarres avec les
petits Arabes pour des histoires de foot ou de cigarettes ! C’est plus
tard, quand j’étais vicaire à Vincennes, puis évêque à Moulins, qu’il m’a
été donné de vivre des amitiés très fortes avec des croyants musulmans. Et
voici qu’à Lyon, je rencontre le nouveau président du Conseil régional du
culte musulman, Azzedine Gaci, et que s’instaure avec ce véritable
chercheur de Dieu un échange très profond qui m’aide à progresser dans la
foi. Mais il est clair que je ne veux éluder aucune des interrogations sur
le prosélytisme des Musulmans dans nos banlieues, les menaces de mort qui
pèsent parfois sur les jeunes filles et les jeunes femmes qui ont le désir
de se faire baptiser, ou l’aspect par trop démonstratif à nos yeux du
jeûne ou de la prière dans l’Islam (mais la dimension visible et
communautaire n’est-elle pas une aide à la pratique intérieure ? Sous
prétexte de rester secret, on ne sait plus trop ce que le carême signifie
pour les chrétiens )."
LEXNEWS : "Ensemble, vous avez
fait le voyage jusqu’au monastère algérien de Tibhirine où, en mai 1996,
sept moines cisterciens furent assassinés par des extrémistes musulmans."
Philippe Barbarin : "Ce fut l’occasion de prier ensemble,
d’implorer le pardon de Dieu pour les assassins des moines. L’occasion
aussi pour moi de comprendre que la notion de tolérance, utilisée sans
cesse à propos du dialogue inter-religieux, est insuffisante. Pour
progresser dans ce dialogue, il faut passer de la tolérance à l’estime
mutuelle et à l’admiration. Qu’on se souvienne du choc intérieur ressenti
par Charles de Foucauld lorsqu’il a vu la ferveur des Musulmans à Fès, et
qu’il a soudain mesuré ce qu’il avait perdu en s’éloignant de la foi."
LEXNEWS : "Ce dialogue, vous le
menez aussi avec les Juifs, comme en témoigne « Le rabbin et le cardinal »
que vous venez d’écrire avec le grand rabbin Gilles Bernheim** ."
Philippe Barbarin : "Il n’est que temps de travailler à réduire la
dramatique fracture qui, sur deux millénaires, a séparé juifs et
chrétiens, alors que nous appartenons à la même famille et qu’ils sont nos
frères aînés dans la foi. Tout date du moment où, étudiant en philo à
Paris, je me suis passionné pour l’étude de l’hébreu. A l’été 1974, mon
premier voyage à Jérusalem a été un choc. A Vincennes déjà, tout jeune
prêtre, je me rendais chaque année à la synagogue pour Yom Kippour. Je
continue à Lyon, la calotte de cardinal me tient désormais lieu de kippa !
Tous les ans, en janvier, nous organisons une journée judéo-chrétienne
pour commenter ensemble un texte de la Torah, à chaque fois la salle est
comble. Jésus était juif : découvrir son enracinement aide les chrétiens à
mieux le connaître."
LEXNEWS : "L’argument des
croyants, disiez-vous récemment, ne doit pas être d’ordre philosophique ou
politique, la seule réponse est celle de la charité en actes, visible,
concrète et simple ». Vous-même vous êtes illustré dans la lutte pour les
sans-papiers …"
Philippe Barbarin : "Tout le chemin parcouru avec nos frères juifs
ou musulmans doit déboucher sur des réalisations concrètes, elles seront
le sceau de l’authenticité de ces échanges. J’ai émis le vœu de monter
avec des juifs et des musulmans un centre contre le Sida, en Afrique. Je
pense aussi à l’action extraordinaire de ce groupe de croyants juifs qui,
à Jérusalem, sont toujours les premiers à débarquer sur les lieux d’un
attentat : là, ils s’occupent des blessés, aident à les transporter à
l’hôpital, et puis ils tentent de reconstituer le corps déchiqueté du
kamikaze pour le porter à sa famille. Voilà le premier rôle des hommes de
Dieu : être les serviteurs de Sa miséricorde. Dans notre société
agnostique ou athée, c’est la seule réponse que nous puissions faire à
ceux pour qui la foi n’est qu’illusion."
LEXNEWS : "A vous voir aussi
actif, après avoir été opéré d’un cancer début 2008, on se dit en tout cas
que la foi est un sacré remontant ! L’expérience de la maladie –inédite
pour le grand sportif que vous êtes- a-t-elle modifié votre rapport à Dieu
et à l’au-delà ?"
Philippe Barbarin : "Non. La mort, j’ai toujours su qu’elle pouvait
arriver d’un moment à l’autre. C’est la belle histoire de Saint Louis de
Gonzague enfant et de ses camarades, à qui l’on demandait ce qu’ils
feraient si le Bon Dieu arrivait dans le quart d’heure : « J’irai me
confesser », répondent les uns ; « J’irai prier à la chapelle », disent
les autres. « Et toi, Louis ? », insiste-t-on auprès de l’enfant
silencieux : « Je continuerai, dit-il, à jouer au ballon ». Depuis que je
suis tout petit, j’ai appris à vivre ainsi sous le regard de Dieu : à lui
de décider du jour et de l’heure … "
* « Les catholiques en France », numéro spécial de « La Vie », mars 2008
** « Le rabbin et le cardinal », Stock 2008
interview réalisée par Guillemette de Sairigné
Le site du Diocèse de Lyon :
http://lyon.catholique.fr
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un petit mot du cardinal Philippe
Barbarin
pour nos lecteurs ! |
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Interview Hans KÜNG
Science et Religion
Paris, 13 mars 2008 |
©
LEXNEWS
Nous avons eu
le plaisir de rencontrer une nouvelle fois le grand théologien Hans Küng
lors de sa dernière visite à Paris pour la sortie de son livre "Petit
traité du commencement de toutes choses" paru aux Editions du Seuil. Ce
dernier livre analyse de manière très rigoureuse les frontières toujours
fines et ténues entre foi et science. Récusant toutes les thèses
"créationnistes" en vogue actuellement, mais étant tout aussi sévère à
l'encontre de certains scientifiques qui franchissent allégrement les
limites de leur domaine sans une réflexion appropriée, le théologien
rebelle n'a pas baissé la garde ! Découvrons au travers de cette interview une des pensées les
plus fertiles de notre époque !
LEXNEWS : «
Le lecteur, habitué ou non de vos écrits, ne manquera pas de s’interroger
à la lecture de votre dernière publication de ce profond intérêt que vous
manifestez pour les sciences. D’où vous vient cette inclinaison pour la
démarche scientifique et l’étude des sciences en général ? »
Hans Küng : « C’est en effet un
intérêt très ancien. J'ai toujours été convaincu que l'évolution des
sciences est un fait fondamental pour la modernité. J'ai également
toujours admiré les découvertes et les inventions scientifiques. En 1977,
j'avais déjà prononcé un grand discours pour la célébration du 500e
anniversaire de l'université de Tübingen sur le problème de Dieu et des
sciences, ce qui était particulièrement intéressant, car le fait d'inviter
un théologien à représenter l'université devant le Président de la
République de l'époque pouvait surprendre. J'ai également écrit, dans le
livre « Dieu existe-t-il ? » un an plus tard, en 1978, un grand nombre de
développements sur la création et sur ces questions. Je parlais déjà avec
mes collègues de l'université des différents problèmes de l'astronomie
ainsi que des autres sciences, mais j'ai toujours voulu écrire un livre
comme celui-ci. Le défi du temps était décisif. Il ne faut pas oublier que
peu de temps après, on m'a enlevé ma mission canonique, ce qui est
particulièrement curieux en ayant rédigé le livre que j'évoquais tout de
suite. Cette intervention romaine a interrompu ma pensée et j'ai été
obligé de réorganiser toute ma recherche scientifique après 1980. Ce
furent, vous le savez, mes années les plus tristes… Il est vrai que les
religions du monde ainsi que la littérature ont plutôt occupé mon emploi
du temps ces dernières années (j'ai réalisé toute une série de conférences
sur les grandes figures de la littérature mondiale comme Blaise Pascal,
Lessing, Thomas Mann, Hermann Hesse,…). Je n'avais ainsi pas le temps de
poursuivre le plan d'un livre, mais j'avais réussi tout de même à faire un
séminaire avec mes collègues du département de physique. Ils furent
d'ailleurs très enthousiasmés par ces expériences. C'était audacieux, mais
en même temps je connaissais mes limites, c'est pour cela que j'ai attendu
quelque temps. Je me suis finalement décidé à écrire ce livre que j'avais
préparé pendant de si nombreuses années avant le deuxième volume de mes
mémoires. C'est en fait un livre très exigeant même s'il peut apparaître
accessible à une première lecture. Combiner le développement de la
philosophie, des sciences, de l'histoire, de l'éthique avec les données
les plus à jour de l'astrophysique, de la microbiologie, de
l'anthropologie culturelle… Cela exige beaucoup de travail !
Cette approche a déjà été réalisée par des scientifiques, mais trop
souvent cela conduit à des simplifications réductrices faute de connaître
suffisamment la théologie. Bien entendu, la grande difficulté pour moi
était de réunir tous ces matériaux dans les sciences. Cela a été pour moi
un voyage absolument fascinant parce que j'ai gardé la curiosité
intellectuelle de ma jeunesse. J'ai trouvé passionnant d'étudier comment
les scientifiques présentaient aujourd'hui le big-bang, l'évolution de ces
milliards d'années… »
LEXNEWS : « on a l'impression à vous lire, que vous auriez très bien pu
être un scientifique au lieu d'un théologien. »
Hans Küng : « Il y avait quand même un
obstacle : je n'aimais pas tellement les mathématiques. J’apprécie la
logique de René Descartes, mais je n'ai jamais aimé l'arithmétique ! »
LEXNEWS : « La notion de paradigme a été essentielle dans l’histoire de
nos civilisations dans leurs rapports avec la science. Vous soulignez les
nombreuses difficultés quant à ces changements de paradigmes lors de
grandes découvertes telles celle de Galilée par exemple donnant lieu à un
procès qui n’a jamais été vraiment clos. Estimez-vous possible un éventuel
changement de paradigme de nos jours dans une société en crise ? ».
Hans Küng : « Je pense que nous sommes
au milieu d’un changement de paradigme. Dans mon grand volume sur le
christianisme ainsi que dans mon livre sur l'islam, j'ai analysé ces
changements de paradigme du Moyen Âge, de la Renaissance, de la modernité
à la postmodernité. Pour moi la postmodernité n'a rien à voir avec le
postmodernisme littéraire français qui est quelque chose d'arbitraire.
C'est un développement qui a commencé avec la première guerre mondiale
avec la chute de la modernité. Au début du XXe siècle, on a pensé que tous
ces progrès seraient éternels, on a cru aux sciences... La Première Guerre
mondiale, le nazisme, tous ces mouvements réactionnaires ont déjà provoqué
un changement de paradigme qui a mis en doute les valeurs directrices de
la modernité : le progrès, la raison, la nation…. Pratiquement tout cela
était en crise. Ce qui apparaît clair aujourd'hui, l'était déjà après la
première guerre mondiale pour des esprits critiques. Nous sommes au milieu
donc de ce changement de paradigme même si on doit évidemment garder ces
valeurs. Il est en effet difficile aujourd'hui de remplacer la raison par
un irrationalisme, la nation par un Etat du monde, etc. Si l'on doit
promouvoir le progrès, il faut également souligner ses effets négatifs.
Dans ce sens, il y a un nouveau paradigme. Je pense que la fonction de la
religion a été trop longtemps ignorée, entre autres, à cause de l'église
elle-même. Il y a un retour à la religion qui est malheureusement
ambivalent puisque cela peut être fait d'une manière réactionnaire,
destructive, fanatique, mais également de manière libératrice comme en
Amérique latine, mais également en Pologne, en Allemagne orientale… Il n'y
aurait pas eu une révolution pacifique contre le système soviétique sans
les églises. Tout cela montre qu'il y a une possibilité d'une nouvelle
synthèse de la religion avec les sciences, avec la démocratie ainsi que
toutes les valeurs de la modernité. C'est précisément la postmodernité. »
Hans Küng à la
librairie La Procure le 12/03/2008
©
LEXNEWS
LEXNEWS : « Vous critiquez la toute-puissance des sciences,
c'est-à-dire des scientifiques, lorsque cela conduit à une intransigeance
positiviste, de même que vous condamnez l’aveuglement dogmatique de la
religion dans ses positions arrêtées sur le contrôle des naissances, la
prévention du SIDA, l’euthanasie,… »
Hans Küng : « Oui, c'est en effet un
peu ma position générale. J'ai eu une éducation classique et je n'ai
jamais aimé faire des zigzags dans ma pensée. Vous savez il y a des
théologiens qui sont experts dans ces zigzags ! J'ai suivi plutôt une
ligne classique dans le sens d'Aristote qui a bien vu que la vertu est
toujours entre deux extrêmes. Heureusement, j'ai eu une éducation
classique reçue à Rome et aussi à Paris où j’ai fait ma thèse de doctorat
d'État en Sorbonne sur Hegel. Tout cela m'a donné des instruments
conceptuels pour analyser d'une manière très exacte les différentes
tendances qui se présentent. Je suis ainsi capable de prendre une position
équilibrée au meilleur sens du mot. Je pense que c'est aussi grâce à mon
éducation catholique que je suis plus intéressé à intégrer qu'à rejeter.
Jusqu'à maintenant, j'ai toujours aimé prendre le côté positif des
différents penseurs même si évidemment je reste toujours très critique
lorsque c'est nécessaire. C'est la même chose pour ce dernier livre dont
nous parlons. J'ai tendance à intégrer les extrêmes. »
LEXNEWS : « Vous avez cette phrase qui pourra surprendre notre XXI°
siècle habitué au discours de la science : « Une logique et une théorie
des sciences modernes ne doivent pas nécessairement se présenter sous une
forme antimétaphysique et antithéologique» (p. 44).»
Hans Küng : « Cela signifie qu'il faut
accepter la philosophie moderne depuis, disons, René Descartes, et
développée jusqu'à Nietzsche dans un sens antimétaphysique. Cela concerne
avant toute chose la position de l'église, mais également un certain
platonisme qui a placé la métaphysique comme quelque chose en retrait des
individus, une autre sphère... Sans faire de polémique, Joseph Ratzinger
est un platonicien. Moi, je suis plutôt aristotélicien dans ce sens-là,
j'ai toujours pris très au sérieux l'empirique. Dans cette même optique,
j'ai préféré saint Thomas d'Aquin à saint Augustin. J'ai toujours dit à
mes étudiants : les faits sont les faits, il ne sert à rien de nier les
faits. D'autre part, si l'on accepte tout cela, on doit tout de même voir
que la réalité a des dimensions différentes et qu'il est tout à fait
simpliste de penser que la réalité physique, que je prends très au
sérieux, est l'unique sphère, strate… Il y a parallèlement la sphère du
droit, de l'esthétique, de l'éthique et finalement de la religion. Il
n'est cependant pas obligatoire de parler d'une métaphysique, le terme de
métaphysique donne précisément l'impression de quelque chose de
platonicien, très éloignée. Pour moi, la réalité de Dieu comme je l'ai
présentée dans mon livre est dans l'univers et non pas au-delà ou
au-dessus des choses. Dans ce sens-là, je n'aime pas tellement le mot
métaphysique parce qu'il donne l'impression de ne pas prendre au sérieux
tous les doutes de Nietzsche, de Heidegger et de tous ceux qui ont
polémiqué sur la métaphysique. Je préfère parler d'une strate éthique
indéniable et je crois que cette idée ne pose pas tellement problème aux
physiciens ou aux chimistes des sciences dures. Nous avons plutôt des
problèmes avec les psychologues ! Les grands physiciens du XXe siècle tel
Einstein avaient déjà cette interrogation et avaient bien noté que la
réalité est bien plus grande que la physique. Dans ce sens-là, je pense
que je suis sur la bonne voie afin d’offrir une solution à tous ceux qui
sont profondément engagés dans les sciences modernes et qui estiment que
tout cela n'est pas le tout. Très souvent, il leur manque les mots pour
exprimer cela. Je me souviens d'un de mes collègues en médecine, expert en
radiologie, qui m'avouait prier encore avec les mots appris dans son
enfance à défaut d'autre expression. Je pense avoir fait un très grand
effort pour donner des concepts, des images, sur la réalité de Dieu qui
prennent non seulement en compte l'aspect personnel, mais également
impersonnel. La réalité de Dieu dans la lumière de l'évolution ne peut pas
être un être humain, mais d'autre part, on peut s'adresser à cette réalité
et pour cela, il faut des images. Je ne peux pas prier l'être suprême de
Robespierre ou bien esse ipsum ! Je pense que les termes de l'écriture
comme le mot «Père »sont nécessaires pour l'homme, mais il faut en même
temps prendre en compte les grandes images de Nietzsche dans ce fameux
récit en se demandant comment il était possible d'effacer l'horizon,
comment il était possible de vider la mer... La mer, le soleil sont de
très bons exemples, des images impersonnelles qui sont importantes pour
présenter la réalité de Dieu. Tout cela est bien mieux qu'une
métaphysique. Je veux prendre au sérieux tous les résultats
philosophiques. Je suis très rationnel, mais je ne suis pas un
rationaliste et dans ce sens-là il faut des métaphores. »
Retrouvez la
Fondation Ethique Planétaire :
www.weltethos.org/dat_fra/indx_0fr.htm |
LEXNEWS : «
De même, vous proposez cette question essentielle : « N’y aurait-il pas
dans notre univers des entités, des évènements et des interactions qui
n’ont pas de figuration dans l’espace physique, qui donc d’entrée de jeu
se soustraient à la possibilité de la connaissance physique ? » (p. 75) ».
Hans Küng : « les sciences physiques
doivent suivre leur propre méthode, mais en faisant ainsi elles ne sont
plus compétentes dans les autres sphères. Elles ne peuvent pas étendre
leurs jugements au-delà de l'horizon de l'expérience. C'est déjà une idée
essentielle de Kant avec la raison pure fondée sur l'expérience qui n'est
pas capable de juger quelque chose qui est au-delà de l'horizon, de
l'expérience physique, de l'espace et du temps. Je pense que cela veut
dire d'une part que l'on ne peut pas exiger des sciences physiques de
parler de Dieu et d'autre part que ces sciences physiques ne s'autorisent
pas à parler de Dieu. Je crois que tout cela est dû aux limites des
connaissances. Je déplore beaucoup qu'un certain nombre d'intellectuels
fassent des jugements illégitimes sur des domaines dans lesquels ils ne
sont pas compétents. Ce que j'exige pour moi-même, je fais un effort
terrible pour comprendre les autres sciences, je crois qu'on peut
l’attendre des autres intellectuels avec un minimum de connaissances sur
les problèmes religieux… »
LEXNEWS : « De grands scientifiques hésitent de plus en plus à
intervenir sur le plan de la communication à proximité de questions
religieuses débattues de peur d’être confondus avec le néocréationisme et
autre dessein intelligent. Une telle confusion pouvant compromettre leur
crédibilité auprès de la communauté scientifique. »
Hans Küng : « Je comprends ces
difficultés, mais la réaction adéquate n'est pas de se taire, mais au
contraire de préciser ces distinctions. Je pense que les collègues des
autres sciences qui liront mon livre seront dans la position de répondre à
ce genre de questions. S'ils ne disent rien du tout, ils renforcent
précisément ces personnes qui pensent d'une manière un peu simpliste qu'il
faut un Intelligent design. C'est pour ces raisons que pour s’opposer à
ces forces, il faut donner une réponse construite et non un silence. Il
est vrai qu'au début avec mes collègues de la physique, il y avait une
certaine attente, une certaine réserve, surtout parce que certains
théologiens suivent le modèle, que j’évoquais tout à l’heure, de
l'harmonisation. Ils emploient les résultats des sciences de la nature
pour faire une synthèse facile. Cela agace à juste titre les
scientifiques. Dans la plupart des cas, c'est un manque de philosophie qui
est la cause de cette absence de dialogue. Si l’on n’a pas vu le problème
kantien, on est très gêné pour faire cela et l'on devient trop naïf… Très
souvent dans cet ordre d'idée, dès qu'il y a un processus en sciences, ces
personnes concluent à la nécessité d'un auteur ! Le fait de conclure à la
présence ou non d'un auteur est un jugement au-delà de l'expérience et
dans ce cas ce n'est plus l'homme des sciences qui est compétent. Je crois
que l'avantage de cette position, c'est de donner la pleine liberté pour
se décider. Cela m'a beaucoup aidé quand j'ai parlé aux hommes des
sciences en les rassurant et en leur disant n'ayez pas peur, je ne vous
forcerai en rien ! »
©
LEXNEWS
LEXNEWS : « Si l'on résume, lorsque vous proposez ces idées, vous ne
proposez pas une science. Vous ne faites pas un discours scientifique.
Vous vous placez à un niveau méta, au-dessus de la science. »
Hans Küng : « Oui absolument, et là
réside la liberté. Il y a énormément de raison pour s'opposer à l'idée de
Dieu, mais il y a également beaucoup d'arguments pour affirmer sa
présence. Je pense en dernière analyse qu'il est plus raisonnable
d'accepter qu'il y ait un sens à tout cela que de dire : ça n'a aucun
sens. C'est plutôt cette dernière position qui est irrationnelle. J'ai
expliqué cela dans le livre "Dieu existe-t-il ?» d’une manière plus
concrète. Finalement, nous avons assez d’arguments pour affirmer librement
l'existence de Dieu. Je pense que mon livre permet de lutter contre l'idée
de fondamentalisme. Ces positions renforcent l'idée selon laquelle il n'y
a pas de position intermédiaire comme la mienne. La simplification des
choses encourage cela et les extrêmes se touchent. »
LEXNEWS : « L’éthique a un rôle essentiel à jouer dans nos sociétés
contemporaines et vous concluez votre réflexion sur cet enjeu."
Hans Küng : « Une question
fondamentale se pose lorsque l'on réfléchit à l'homme dans le cadre des
sciences : comment l'être humain a appris à être humain ? C'est évidemment
la question de la différence entre les animaux et l'homme. L'éthique est
une différence essentielle. On ne peut pas attendre d'un animal qu'il
suive une éthique malgré toutes les similarités entre ces deux espèces.
Pour moi, il est très important de comprendre ce processus très long qui
porte sur des milliers d'années. C'est pour ces raisons que les cultures
primitives m'ont toujours beaucoup intéressé. Il y a donc une éthique de
l'humanité qui s'est développée à travers les millénaires, mais il y a
aussi une certaine universalité de ces normes qui n'est pas accidentelle.
Ce sont certaines sphères essentielles comme préserver la vie, l'honneur,
la propriété, l'intégrité sexuelle… Ce sont déjà les impératifs très
élémentaires : ne pas tuer, ne pas mentir, ne pas abuser de la sexualité…
Tout cela a un aspect universel avec bien sûr des spécificités selon les
cultures. Le projet d'une éthique planétaire prend donc en compte la
dimension du temps et de l'espace. Si l'on arrive maintenant au temps
présent, nous constatons un problème fondamental dans toutes les régions
du monde : les normes sont de plus en plus vidées de leur sens. Le
développement de la modernité a produit beaucoup de normes, mais je pense
que Nietzsche avait raison : si l’on supprime la valeur suprême, il est
illusoire de croire que toutes les autres valeurs demeureront. Il y a
vraiment du fait de la perte de la religion une remise en cause des autres
normes. Pendant un certain temps, la coutume a maintenu un certain nombre
de traditions en Europe chrétienne. Mais de plus en plus, ces traditions
s'évanouissent et laissent place à des phénomènes que nous ne connaissions
pas auparavant. Des enfants qui tuent leurs instituteurs, la corruption
généralisée dans des pays dits civilisés, tout cela montre qu'il y a une
érosion de la moralité qui détruit les fondements de la société. Les
sciences elles-mêmes ne sont pas en dehors de cela. Il n'y a pas encore
très longtemps, on pensait qu'il n'y avait pas de mensonges dans la
physique ou dans la biologie. Or aujourd'hui, on constate beaucoup de
tricheries dans ces domaines. Il nous faut de nouveau une éthique qui ne
soit pas un système éthique. J'emploie d'ailleurs plutôt le terme éthos
plutôt qu'éthique, car il ne s'agit pas d'un nouveau système éthique au
sens d'Aristote, de saint Thomas d'Aquin ou encore de Kant. Il s'agit
d'impératifs de l'humanité assez simples à l'image des quatre exemples
susmentionnés. Il y a deux principes fondamentaux qui sont supportés par
toutes les religions du monde : la règle d'or que l'on trouve déjà chez
Confucius, ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on fasse à
toi-même ; c'est le principe de la réciprocité, cette règle d'or, ainsi
que le principe également fondamental de l'humanité c'est-à-dire que
chaque être humain doit être traité de manière humaine. Même les
États-Unis, exemple de la démocratie, ont été capables de comportements
inacceptables en Irak, dans des prisons… Tout cela montre que la situation
est sérieuse. Il y a maintenant en face de nous deux possibilités qui sont
des extrêmes et qui sont ni l'une ni l'autre des solutions : le
cléricalisme et la rechristianisation à la Karol Wojtyla qui pense
remplacer le paradigme moderne par le paradigme de la Pologne médiévale
antimoderne. Je pense que le pape actuel malheureusement ne voit pas
suffisamment que cela ne fonctionnera pas. Il me semble que toutes ces
manifestations sont des villages Potemkine, ce n'est pas la solution ! La
laïcité à la française n'est pas non plus la solution.
Le projet d'une éthique interplanétaire permet aux individus de garder
leurs convictions fondamentales. Le catholique reste catholique, l’athée
reste athée mais chacun doit au moins suivre ce minimum d'attitudes et de
normes éthiques, ces impératifs de l'humanité. Cela doit faire l'objet
d'un enseignement à l'école dès le plus jeune âge. J'ai proposé une
coalition entre les croyants et les non-croyants. On ne doit pas faire une
alliance contre les athées, c'est toute autre chose que je propose. Il
faut une reconnaissance de ces problèmes. Vous avez l'avantage en France
d'être la nation des droits de l'homme et de la Révolution française,
mais, parfois, on a l'impression que cet héritage est un peu loin. Il est
important aujourd'hui de penser aux devoirs de l'homme pour éviter
l'individualisme, cause de ce que nous constatons aujourd'hui. Robespierre
en son temps s'était opposé à cette déclaration. J'ai fait un essai pour
le Parlement des religions (citer la source en lien) ainsi que le propos
que j'ai fait pour les anciens premiers ministres et chefs d'État pour une
déclaration universelle des devoirs de l'homme. Je préfère d’ailleurs le
mot des responsabilités, car le mot devoir peut paraître trop prescriptif.
Cette déclaration est opérationnelle et elle peut servir dès aujourd'hui,
cela n'est pas le produit d'un théologien qui serait dans l'abstrait, mais
d'une personne qui a beaucoup discuté avec de grands responsables
politiques et religieux et qui suit l'actualité au quotidien. Je crois que
j'ai fait en sorte de conserver le coeur même de ma théologie et de ma foi
chrétiennes, mais j'ai élargi l'horizon de manière assez importante même
si ce n'était pas le plan initial. Mais avec les défis du temps, je suis
arrivé en partant de l'unité des églises à la paix entre les religions et
finalement à la communauté des nations, trois cercles si vous voulez de
plus en plus larges.»
Continuum International Publishing Group Ltd. (1 Jul 2008) (version
anglaise)
Le deuxième tome des mémoires du théologien ainsi que son
dernier livre sur l'Islam
sont à paraître en 2009 aux Editions du
Cerf. |
Un message de
Hans KÜNG pour les lecteurs de LEXNEWS !
©
LEXNEWS |
INTERVIEW HANS
KÜNG
11 avril 2007
|
Biographie
Né en
1928 à Sursee (Suisse), Hans Küng fait ses études de philosophie et de
théologie à l'Université grégorienne de Rome. Il est ordonné prêtre en 1954.
Assistant à Münster (1959-1960), professeur de théologie fondamentale
(1960-1963), puis professeur de théologie dogmatique à Tübingen. Il dirige
depuis 1980 l'Institut de théologie œcuménique rattaché à l'université de
Tübingen.
Il
consacrera une partie importante de ses travaux théologiques à l’œcuménisme
et au dialogue interconfessionnel. Il participe activement en tant qu'expert
aux travaux du IIe concile du Vatican, notamment sur les questions
d'ecclésiologie à incidence œcuménique.
Ses
thèses sur l'infaillibilité de même que son livre Être chrétien nourriront
de vives controverses. Hans KÜNG se verra adressé en 1975 une mise en garde
par la Congrégation pour la doctrine de la foi. En 1979, la Congrégation le
sanctionnera canoniquement en lui enlevant le droit d'enseigner. L'institut
qu’il dirigeait sera alors détaché de la faculté de théologie catholique et
placé directement sous l'autorité de l'Université de Tübingen. Ces épreuves
le conduiront à la publication, en 1990, du Projet d'éthique planétaire,
donnant une dimension plus universaliste à ses recherches. Une institution
naîtra de ces travaux : en 1995 sera créée la Fondation Weltethos (Éthique
mondiale). Hans KÜNG est l’une des figures marquantes de la théologie
contemporaine.
______________
|
A l'occasion de la sortie de son
premier volume de Mémoires (Éditions du Cerf), LEXNEWS a eu l'immense
plaisir d'interviewer l'une des figures marquantes de la théologie en la
personne de Hans KÜNG. Témoin et acteur du Concile Vatican II, intellectuel
aussi raffiné que redoutable, Hans KÜNG ne peut laisser indifférent. Son
parcours exceptionnel retracé dans ses Mémoires démontre que le courage de
l'action ne va pas sans sacrifices, sacrifices qui paradoxalement peuvent
amener à des voies supérieures. Démonstration avec un homme d'intelligence !
* * *
* *
*
LEXNEWS :
« Votre formation au Pontificum Collegium Germanicum nous apparaît
en ce début de XXI° siècle comme particulièrement rigoureuse, comment la
jugez-vous aujourd’hui (au sens large) en comparaison à l’éducation des
jeunes d’aujourd’hui ? Et en quoi a-t-elle été déterminante dans vos
recherches futures ? »
Hans
KÜNG :
« La méthode pédagogique du Collège germanique des années 48-55 est
aujourd’hui tout à fait dépassée, y compris dans le cadre de ce même
collège. Les belles soutanes rouges ont été abolies et pratiquement rien
n’est resté tel que c'était à l'époque. Je dois préciser deux ou trois
choses. Tout d'abord, je suis très heureux d'avoir reçu cette éducation tout
à fait classique, non seulement du point de vue théologique, mais aussi du
point de vue spirituel. Je me demande si l'on ne néglige pas trop
aujourd'hui cette formation spirituelle qui était très importante pour nous
à l'époque. Je vous donne un exemple : Je viens de recevoir aujourd'hui un
très beau livre sur Ignace de Loyola et cela m'évoque immédiatement cette
pratique des exercices spirituels, qui a été si importante pour moi.
Précisément du fait de certaines contraintes, mais également à cause des
conflits vécus, j'ai pu mûrir et d'une certaine manière être bien mieux
préparé. Dans ce sens-là, pour citer Édith Piaf, je ne regrette rien !
Un
certain climat d'ouverture d'esprit régnait à l'Université Grégorienne et
dans notre Collège. Je n'ai eu aucune objection au choix de Jean-Paul Sartre
comme sujet de petite thèse en licence de philosophie. On a trouvé cela
assez normal et c'est d'ailleurs à ce moment que des cours spécifiques ont
été créés pour répondre à des problèmes de l'époque. Ainsi, je me souviens
d'un Père Arnou, un Français, qui faisait à l'époque des développements sur
la nouvelle anthropologie, et en ce sens, il n'y avait pas de restrictions.
Je crois
qu'il n'est pas possible de renouveler aujourd’hui cette même éducation qui
nous avait été dispensée à l'époque. Néanmoins, je regrette beaucoup
l’aspect universel de cette éducation, une éducation profondément humaniste
que j'avais déjà reçue à Lucerne, au lycée. Je pense que l'on a trop négligé
les oeuvres classiques pour être trop moderniste au bénéfice de la
littérature triviale. Et il me semble que l'on n'a pas fait cet effort de
poursuivre l'enseignement de ces humanités. J'ai gardé personnellement cet
enseignement comme une dimension de ma vie tout entière. J'ai pu écrire tout
autant sur l'origine de notre humanité, sur la biologie moléculaire,
l'astrophysique, mais aussi sur la musique avec Mozart, Wagner, Bruckner,…
et, entre la musique et la physique, j’ai traité presque tous les problèmes
sur Dieu et le Monde. Cela présupposait déjà une éducation générale mais
également une curiosité intellectuelle sans limite que j'ai gardée jusqu'à
aujourd'hui. »
___________
« Vous n'êtes pas né pour ce Collège, vous
êtes né pour la vie ».
___________
LEXNEWS :
« Vos premiers écrits revendiquent une rare liberté d’esprit pour un
jeune théologien formé à l’école romaine. De même, votre volonté
d’œcuménisme tranche sur un très grand nombre de vos contemporains suivant
une voie plus « docile »… »
Hans
KÜNG :
« je pense que ma nationalité suisse, mes expériences pendant la seconde
guerre mondiale, mon esprit antinazi, mon sens de liberté ont fortement
influencé cette liberté. Cela a grandement joué dans ma résistance face à
Rome lorsque l'on a cherché à me former d'une certaine manière excessive.
Nous avions heureusement à l'époque au Collège un directeur spirituel
jésuite qui a approuvé mon chemin. Il ne m'a jamais dit « non » ou « que
cela était impossible ». Très tôt, il m'avait dit : « vous n'êtes pas né
pour ce Collège, vous êtes né pour la vie ». Il signifiait par là, qu'il
était tout à fait normal que je sois de moins en moins à l'aise dans le
cadre de cet enseignement. Grâce à cela, j'ai trouvé mon chemin et
évidemment, j'ai toujours été très heureux d'avoir reçu tous les talents
nécessaires pour faire ce chemin. Cela m'a aidé également à ne pas me
révolter dans les conditions très difficiles que j'ai pu connaître par la
suite avec un Dieu qui exige de trop, même si je connaissais déjà la réponse
: tu as reçu tout ce qu'il te faut, ne te complains pas ! »
LEXNEWS :
« Pourriez-vous nous rappeler l’importance de la question de la doctrine
chrétienne de la justification à laquelle vous avez consacré un important
travail de recherche et qui conduira à la publication d’un livre essentiel
portant ce titre ? »
Hans
KÜNG :
« Cela n'est en fait pas si difficile que cela à comprendre. Un catholique a
appris évidemment que les bonnes oeuvres sont importantes et que la foi sans
les oeuvres n'est rien. J’ai tout d'abord étudié le Concile de Trente, puis
la théologie de Karl Barth, et j'ai découvert une dimension [spirituelle]
qui m'a beaucoup aidé dans la vie, et qui me semble également importante
pour l’homme d'aujourd'hui. Il ne s'agit plus, de nos jours, des oeuvres
pieuses comme au Moyen-Âge mais des oeuvres tout court, en allemand nous les
nommons « Leistung », c'est-à-dire un accomplissement. Un homme
aujourd'hui qui n'est pas performant n'est rien. J'ai appris que, devant
Dieu, la perspective est différente. Cela ne dépend pas de vos
accomplissements, même s'ils sont nécessaires. Ce n'est pas le critère
majeur. Le critère final, et ce point est très important, c’est une
confiance radicale en Lui, à l'image de Saint-Pierre sur l'eau. On ne va pas
s’attacher aux tempêtes, mais on doit regarder le Seigneur et aller de
l’avant. Pour moi, il était très important de savoir que j'avais cette
relation immédiate qui me rend libre vis-à-vis des autorités
ecclésiastiques, et de toute autorité de manière générale, ma dernière
responsabilité étant celle de ma conscience envers Dieu. Mon attitude
fondamentale est celle d'une conscience raisonnable, mais inébranlable, en
Dieu. »
___________
«Je pense sincèrement que tous ces compromis
ont joué dans les difficultés que connaît l'Église aujourd'hui».
___________
LEXNEWS :
« Le Concile Vatican II, auquel vous avez participé activement en tant
que conseiller, vous laisse à la fois l’impression d’œuvre inachevée, fruit
de trop grands compromis, et en même temps, le sentiment d’être parvenu à un
stade nouveau de non-retour dans l’évolution de l’Eglise. Quels sont vos
sentiments aujourd’hui face aux difficultés de l’Eglise du XXI° siècle ? »
Hans
KÜNG :
« Oui, cela a été un changement fondamental pour l'Église catholique par
rapport à deux autres changements de paradigme : à savoir celui de la
Réforme et celui des Lumières. Je crois qu'il ne sera pas possible de
revenir là-dessus. Certaines personnes évidemment à Rome essayent d'aller à
contresens mais il ne sera jamais possible de revenir de nouveau au latin
comme langue dominante de la messe. D'autre part, je dois dire que la Curie
romaine, malheureusement, fait tout pour éviter que ce changement de
paradigme soit pleinement réalisé. |
Nous avons
partout des compromis, des demi-mesures. L'exemple classique concerne
précisément le latin. Il n'a pas été dit clairement : voilà nous célébrerons
désormais en langue populaire. Déjà à l'époque, j'avais précisé que cela
conduirait à une très grande confusion. Le deuxième exemple concerne le
contrôle des naissances. Nous étions à l’époque totalement ambiguë quant au
texte lui-même, ainsi que dans les notes où a pu être citée l'encyclique
contre la contraception. Et il était évident à l'époque que cela
entraînerait à l'avenir de nombreuses difficultés. D'autres sujets cruciaux
ont été écartés comme ceux du célibat des prêtres et de l’intercommunion
entre catholiques et protestants ;
Je pense
sincèrement que tous ces compromis ont joué dans les difficultés que connaît
l'Église aujourd'hui. Si nous avions eu une discussion ouverte sur la
contraception, je suis sûr que nous aurions eu le même vote que celui
concernant la liberté religieuse. Cela avait été une très grande bataille et
je pense que nous aurions pu obtenir le même nombre de voix pour un célibat
volontaire. Mais, la Curie romaine savait cela à l'avance et a tout fait
pour défendre une position conservatrice. Il était en effet prévisible que
cela aurait des conséquences sérieuses après le Concile. J'étais très tôt
convaincu que cela était catastrophique, et même suicidaire, pour l'Église
elle-même. On voit très bien de plus en plus que cela conduit à une
diminution des vocations et à des scandales sexuels dans le clergé. Même si
cela n'est pas le seul facteur, cela reste un point central et symbolique de
ne pas vouloir donner la liberté aux jeunes gens de choisir s'ils souhaitent
être mariés ou pas. »
LEXNEWS :
« Que pensez vous de la position du pape Benoît XVI, que vous avez bien
connu, dans son exhortation Sacramentum caritatis sur la
confirmation de la doctrine de l’Eglise en matière de célibat sacerdotal ou
l’impossibilité de sacrements aux divorcés remariés tout en saluant
l’importance des réformes de Vatican II. De même, comment réagissez vous à
la condamnation du théologien jésuite Jon Sobrino pour ces études sur Jésus
manifestement peu appréciées du Vatican? »
Hans
KÜNG :
« J'ai beaucoup loué l’Encyclique sur la Charité, c'était surprenant,
positif et constructif. Mais, je pense en même temps que cette exhortation
Sacramentum caritatis ne tire pas suffisamment les conséquences que
j'avais souhaitées en proposant une seconde encyclique sur les structures de
l'église, sur le personnel,... C'est même plutôt le contraire, et
malheureusement le Pape Ratzinger n'a pas cette liberté que l'on avait pu
souhaiter. Nous attendons encore une action courageuse de lui.
Quant à
Jon Sobrino, je le connais très bien. Il a participé à une série de 7
documentaires, qui existent d'ailleurs en français, sur les grandes
religions du monde. J'ai précisément commencé le film sur le Christianisme
au Salvador parce que j'ai voulu montrer que le Christianisme est une
pratique et pas seulement une théorie. Lors de la réalisation du film, nous
avons tourné dans une région très pauvre proche de l'église où l'évêque
Romero avait été assassiné. J'ai alors demandé à mon ami Jon Sobrino s'il
voulait lui-même célébrer la messe. Et alors qu'il avait été très
enthousiasmé, il a fini par refuser de peur que cela lui nuise ! Évidemment,
je connais ce genre de problème, et je comprends sa réaction. En fait, on
reproche à Jon Sobrino les mêmes choses que l'on reprochait à mon livre « Etre
chrétien ». Je pense fondamentalement qu'il faut annoncer au monde Jésus
Christ et non un énième concile ou une formule toute préparée. J’estime que
cette démarche est courageuse, qu'il a fait un très grand effort pour
présenter la figure de Jésus Christ dans le contexte de L'Amérique latine.
Je trouve assez stupide de réagir aujourd'hui contre un livre publié il y a
vingt ans ! Il est très décevant de constater que sous Benoît XVI, nous
avons encore les mêmes méthodes inquisitoriales. Heureusement, aujourd'hui,
tout cela a moins de portée qu'autrefois, ces mesures ne sont plus
véritablement efficaces et n'empêchent nullement la parution de livres. Qui
plus est, Il y a aujourd'hui toutes sortes de possibilités de parler, à la
radio, à la télévision, sur Internet... »
___________
«J'ai
été confronté très tôt à la nécessité d'un dialogue entre les religions.»
___________
LEXNEWS :
« Nous passerons sur les nombreux conflits et trahisons qui ont jalonné
votre vie, prix à payer d’une liberté chèrement acquise, pour souligner vos
combats actuels. Vous insistez très tôt, dés vos premiers cours à
l’Université de Tübingen (1960) sur l’évolution majeure de l’existence
humaine ainsi que sur le changement essentiel de paradigme au cours du XX°
siècle. En ce début de XXI° siècle, votre Fondation Weltethos pour une
éthique planétaire poursuit-elle, et de quelle manière, cette profonde
conviction ? »
Hans
KÜNG :
« Les choses ont changé. Dans mon second volume de mémoires que je
viens de terminer et qui paraîtra en septembre en allemand sous le titre « Umstrittene
Wahrheit », « Mon combat pour la vérité », on lira que mon histoire va
devenir tout à fait dramatique. Je dois en effet raconter cette grande
confrontation que j'ai dû subir face au Vatican en 1979. À cette époque, par
un coup de force, on m’a enlevé le droit canonique d’enseigner. C'est une
histoire très triste mais à la fin glorieuse parce que cela m'a libéré de
beaucoup de choses et cela m'a donné des possibilités tout à fait nouvelles.
Rome n'est pas arrivé à me dépouiller totalement de ma position à
l'Université, j'ai gardé ma chaire, j'ai pu garder mon Institut ainsi que
mon équipe et j'ai ainsi pu me diriger vers de nouvelles frontières. Dans ce
sens, j'ai été confronté très tôt à la nécessité d'un dialogue entre les
religions. Dès les années 80, j'ai pu mettre les fondements de toute la
théorie en réalisant un dialogue concret avec le Judaïsme mais aussi l'Islam
ainsi que les religions indiennes et chinoises. J'ai ainsi pu être très bien
préparé pour une période nouvelle, et dans ce sens, ces quatre mois, même
s’ils ont été les plus tristes pour moi en 1979, ont été la condition d'une
liberté inouïe par la suite. Cela m'a en effet permis d'ouvrir des horizons
vraiment nouveaux et d'aller plus loin. Si le dialogue des religions
implique une dimension politique, cela va encore plus loin. J'ai en effet
fait une découverte décisive : les différences dogmatiques, par lesquelles
j'ai évidemment commencé venant de la discipline théologique, sont beaucoup
plus grandes que dans l'éthique. Dans mes premiers livres, je n'avais pas
fait beaucoup attention à l'éthique, on trouvait cela normal. Ce n'est que
plus tard que j'ai observé que les échelons éthiques [élémentaires] dans les
différentes religions étaient à peu près les mêmes : vous avez la règle d'or
chez Confucius, vous avez tous ces grands impératifs humains pour que
l'homme soit vraiment homme. Vous constatez ainsi dans toutes les grandes
traditions religieuses les mêmes préceptes : ne pas tuer, ne pas mentir, ne
pas voler, ne pas abuser de la sexualité,... Cela a été à l'origine de
l'idée d'une éthique planétaire qui peut être aujourd'hui la solution, y
compris en France où il y a encore cette séparation très malheureuse opérée
par la révolution française entre les cléricaux catholiques et les laïques.
L'éthique planétaire donne pratiquement raison aux deux parties. Vous pouvez
garder votre foi chrétienne, catholique, mais cela ne vous empêche pas non
plus d'appliquer ces principes éthiques communs. Le pape Benoît XVI avait
partagé cette opinion lorsque nous en avions parlé ensemble à Castel
Gandolfo. D'autre part, les laïques qui sont toujours nerveux sur ces
questions des religions pourraient accepter cette éthique planétaire sans
être obligés d'accepter une religion. Un agnostique, un athée ou un laïc
peuvent également adhérer à cette idée. »
LEXNEWS :
« Est il possible de dire que par cette démarche vous allez encore plus
loin que l’œcuménisme ? »
Hans
KÜNG :
« Oui, c'est en effet un oecuménisme entendu dans son sens le plus large. En
fait j'ai travaillé en trois étapes. J'ai tout d'abord réfléchi à l'unité
des églises puis, dans la deuxième période, j’ai travaillé pour la paix
entre les religions et, finalement, mes dernières recherches ont porté sur
la communauté des nations. J'ai en effet beaucoup travaillé avec les Nations
Unies, pour l'Unesco…Si vous voulez du latin je pourrai ainsi résumer mon
action : Unitas Ecclesiarum, Pax Religionum, et Unitas
Nationum qui forment en fait pratiquement trois cercles de plus en plus
élargis. »
Retrouvez la
Fondation Ethique Planétaire :
www.weltethos.org/dat_fra/indx_0fr.htm |
|
LE SOUFISME, L'ISLAM
ET LE CHRISTIANISME, Entretien avec
Faouzi SKALI Paris,
le 22/11/04
©
LEXNEWS
|
LEXNEWS a rencontré un grand
penseur à la croisée des chemins de la Foi à l'occasion de la sortie de son
dernier livre chez ALBIN MICHEL, "Jésus dans la tradition soufie"
(voir compte rendu après l'interview). Grand spécialiste du Soufisme, cet
universitaire réputé a fait sienne une démarche consistant à rapprocher ce qui
pourrait, par de mauvaises interprétations, séparer les cultures spirituelles.
Découvrons, avec ce penseur captivant, des horizons riches d'enseignements qui
feront voler les frontières de l'obscurantisme...
* * *
Faouzi SKALI « Jésus dans la
tradition soufie » ALBIN MICHEL SPIRITUALITES,
C’est un livre qui surprendra plus d’un lecteur pensant
être au fait des questions spirituelles. La couverture déjà invite à la
réflexion avec une représentation de Jésus sous forme de miniature turque où
l’on peut découvrir deux anges ailés transporter le Christ au dessus de la ville
de Damas.
Les découvertes seront nombreuses et auront toutes pour but
d’ouvrir notre esprit, rétréci par le matérialisme ambiant, afin de regarder
au-delà de nos dogmes absolus et réaliser que les traits communs entre le
Christianisme et l’Islam sont bien plus nombreux que leurs seules différences.
Il ne s’agit pas ici de prôner un quelconque syncrétisme réducteur et trop
souvent constaté. Le respect de la foi est intact et le regard porté de part et
d’autre est respectueux des convictions profondes de chacune des religions. Mais
il est des ponts que l’homme du XXI° siècle ne saurait ignorer alors même que
les premiers siècles de l’Islam en avaient fait une donnée manifeste.
Redécouvrons avec Faouzi SKALI, ces surprenantes passerelles, les témoignages
aussi profonds qu’émouvants sur le rôle de Marie essentiel pour l’Islam, mais
également Jean Baptiste, l’Ange Gabriel et bien sûr la personne centrale de
Jésus. Cette comparaison éclairée par un auteur qui puise sa foi au plus profond
de l’expérience mystique a non seulement valeur d’authenticité mais également de
témoignage d’un message d’espoir dans un monde où les différences exacerbées
comptent bien souvent plus que les vérités primordiales communes.
©LEXNEWS
LEXNEWS : « Comment la
tradition soufie peut elle être appréhendée et dans quelle mesure se
distingue-t-elle de l’Islam ? »
Faouzi SKALI : « la
tradition soufie est une tradition spirituelle qui s’inscrit au cœur même de
l’Islam, et qui est la dimension intérieure de cette religion. Je pense que
toutes les religions revêtent un aspect extérieur caractérisé par un ordre, un
corpus théologique, un aspect institutionnel, etc. et parallèlement un vécu
spirituel dont rendent compte par exemple les saints, les mystiques et tous ceux
qui sont parvenus grâce un cheminement personnel à cette quintessence du message
religieux. Cela n’est possible qu’à partir d’une expérience personnelle, un
approfondissement personnel. Et cette voie de l’approfondissement personnel au
sein de l’Islam s’appelle le soufisme. Evidemment, il est clair que ce processus
se retrouve dans n’importe quelle religion où certaines personnes décideront
d’aller jusqu’au bout d’une expérience personnelle vécue intérieure. A partir de
cette expérience, il sera possible de constater que ces pratiques ces attitudes
sont porteuses de messages et d’enseignements universels. Je pense que tous les
grands messages des traditions spirituelles convergent. Si l’on part du principe
qu’il y a une vérité, cette vérité est une et elle est la même pour tout le
monde ; Simplement, il y aura plusieurs chemins différents par lesquels
l’appréhender. C’est un chemin qui ne revient pas seulement à donner des
interprétations à sa propre tradition, mais bien plus généralement d’essayer de
parvenir à une véritable sagesse et clarté intérieure, une certaine intelligence
spirituelle. Assez singulièrement, plus cette expérience est personnelle et
authentique et plus elle aura un caractère universel. C’est ainsi que l’on
retrouve les grands traités de spiritualité qui ont été écrits par différents
maîtres de spiritualité : des traités de métaphysique, des traités d’itinéraire
spirituel, de la poésie spirituelle… Tout cela peut avoir une résonance auprès
d’hommes de traditions différentes.
Il est certes possible de se contenter d’une adhésion
conventionnelle à une religion : cela peut être une adhésion à la fois sociale,
culturelle,…Mais, dès lors que l’on a une pratique et en même temps une certaine
expérience, cela peut donner lieu à un approfondissement. Et c’est pour cela
qu’on appelle cela la voix du cœur. A partir de cette expérience spirituelle, il
sera possible d’accéder à une meilleure connaissance de soi.
D’une certaine manière, cette démarche va permettre de
conduire vers l’essence de soi. Ces choses-là sont évidemment à l’origine même
de toute expérience spirituelle, mais c’est quelque chose qui nécessite un
certain enseignement. Cela nécessite une certaine initiation. Il y a un cercle,
un certain nombre d’exercices spirituels sont pratiqués, il y a tout un
apprentissage, toute une évolution qui se déroule au sein d’un groupe,…
De nombreux pièges et obstacles parsèment ce cheminement,
il devient indispensable de prendre conscience des infirmités de son âme et de
son ego, de toutes ces choses qui permettront d’aller vers cette vérité
intérieure. C’est évidemment quelque chose qui n’est pas tout de suite
accessible. »
LEXNEWS : « Cette dimension ne
prend-elle pas une certaine part de mystère aux yeux des occidentaux dont cette
foi mystique est très souvent éteinte par rapport au passé ? »
Faouzi SKALI : «Je
pense, que ce type d’expérience raisonne au cœur de chacun, même si en effet
elle peut prendre parfois une dimension un peu mystérieuse aujourd’hui. Je crois
en effet que c’est au cœur de l’expérience humaine, plus ou moins enfouie, plus
ou moins consciente, mais bien présente, que tout être humain aspire à mieux se
connaître et à réaliser sa nature. C’est quelque chose que l’on retrouve bien
évidemment dans l’enseignement de la tradition chrétienne avec Jésus. Son
enseignement est tout à fait similaire à l’enseignement des maîtres du soufisme
par rapport à leurs disciples. Cette façon de dire les choses en parabole
conduit les gens à mener eux-mêmes leur propre chemin et à une certaine
introspection. L’allusion est là pour donner une certaine indication, une
certaine orientation vers un chemin qui reste à faire. Le fait de travailler sur
l’intériorité, sur le cœur, sur la clarification intérieure, toutes ces
choses-là se retrouvent tout à fait dans l’enseignement christique. Il est vrai
que dans toute voie religieuse, il y a un moment où ce dynamisme peut se
transformer en quelque chose d’institutionnalisé et qui se fige et qui perdra
cette vitalité, ce sens premier que nous évoquions. Il est alors normal qu’il y
ait une certaine volonté d’aller au-delà de cette chape et de retrouver le
message profond. Je pense en effet que cette vitalité spirituelle a été un petit
peu occulté ces derniers siècles en Occident.
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LEXNEWS : « Quels sont les
préjugés entretenus à l’égard du soufisme, et quelles seraient les meilleures
clefs d’introduction à cette pensée ? »
Faouzi SKALI :
« il y a
beaucoup d’ouvrages qui sont traduits aujourd’hui et écrits directement en
français sur le soufisme à l’image des autres voies spirituelles. De nombreux
traités fondamentaux et de nombreuses études sur ce mouvement ont été écrits, et
il y a un véritable public qui est de plus en plus intéressé par cela. La
visibilité auprès des médias n’est pas forcément en corrélation avec cet
intérêt. Dans les médias on ne parle que des mouvements politiques,
idéologiques, extrémistes, etc. Ce sont pour la plupart du temps des mouvements
qui ont perdu toute orientation spirituelle. Cette actualité occulte
malheureusement la vraie spiritualité. Je crois que c’est un amalgame dangereux
et qu’il est important aujourd’hui de revenir vers ces textes, vers ces
témoignages de sainteté, de spiritualité, de sagesse. On s’intéresse plus à ceux
qui posent les bombes qu’à ceux qui sont porteurs de message spirituel ! S’il
est tout à fait normal qu’un individu soit tenté par une dimension politique, il
n’est par contre pas souhaitable que cette dimension soit celle de la religion.
C’est la profanation de n’importe quelle religion. Et ces dérives que nous
observons actuellement, non seulement dans le monde musulman, mais également aux
Etats-Unis au plus haut niveau, sont loin d’être majoritaires même si elles font
beaucoup de mal. Ses minorités agissantes sont omniprésentes, et à force de ne
parler que de cela, elles prennent une existence plus importante. L’aspect
qualité n’a pas besoin d’être médiatisé : les personnes qui vivent
spirituellement choisissent spontanément une attitude de recueillement et non
une manifestation spectaculaire. Cet écueil est important, or pour beaucoup de
gens n’existe que ce qui est visible. Cela a une répercussion sur la mentalité
et la perception des gens et l’on finit par se trouver en porte-à-faux. Une
mission biaisée qui repose sur des stéréotypes conduit obligatoirement à une
incompréhension et à des situations conflictuelles extrêmement dangereuses.
Prendre connaissance des textes fondamentaux et de la
pensée des grands auteurs permet incontestablement cette meilleure compréhension
gage de la connaissance de l’autre. Des textes comme ceux de Rûmî, Ibn ‘Arabî,
….des études comme celles de Corbin, Massignon, …
sont essentiels pour aborder cette tradition. »
LEXNEWS : « ces textes
peuvent-ils être abordés par un lecteur néophyte ? »
Faouzi SKALI : « Il est
vrai qu’il reste encore à faire un effort de vulgarisation. Cette densité
d’expérience de maîtres s’étalant sur plusieurs centaines d’années n’est pas
forcément facilement accessible. Cette richesse et cette densité inouïe doivent
faire l’objet d’une véritable initiation. Quelques livres comme celui de Martin
Lings « qu’est-ce que le soufisme ? », ainsi que « Le soufisme »
de Jean Chevalier peuvent apporter des réponses. Mais je pense que la meilleure
manière d’approcher le soufisme est d’approcher directement ceux qui le
pratiquent. Cela ne conduit pas obligatoirement à embrasser cette croyance.
C’est quelque chose qui existe déjà en France, et l’on peut dire que c’est l’un
des effets de cette fameuse mondialisation pour une fois bénéfique ! Permettre
ce genre de contact était impossible jusqu’alors. Les cultures coexistent
partout aujourd’hui et il y a effectivement des confréries soufies qui sont
largement répandues en Occident. »
LEXNEWS : « Est-il possible
d’avoir un contact avec le soufisme à partir de sa propre foi, autre que celle
de l’Islam, comme cela est couramment pratiqué avec le Zen par exemple ? »
Faouzi SKALI :
« Tout à
fait, comme pour le Zen, il y a plusieurs degrés d’intérêt ou même d’adhésion,
et il est tout à fait possible de s’enrichir par la fréquentation d’une
tradition spirituelle sans pour autant y adhérer totalement. Prenez l’exemple du
yoga qui est quotidiennement pratiqué sans pour autant être hindouiste ! Bien
sûr, si l’on souhaite pleinement s’intégrer à la foi soufie, la tradition de
l’Islam s’avère vite essentielle. »
LEXNEWS : « Comment êtes vous
venu au soufisme et quelle part représente-t-il dans cette volonté de rapprocher
des cultures qui s’ignorent encore trop souvent ? »
Faouzi SKALI :
« le
soufisme est intervenu à un moment assez important de ma vie. La spiritualité
était une donnée très importante que j’avais trop longtemps méconnue et
délaissée. C’est à une période de ma vie où il m’est apparu très clairement que
sans spiritualité ce que je faisais n’aurait plus aucun sens. Je me suis rendu
compte que la raison même de notre naissance tendait vers cette spiritualité.
C’est une expérience de foi, il est vrai que je suis né dans une famille
imprégnée de la culture soufie. J’ai passé mon enfance dans cet environnement,
j’en ai gardé des souvenirs très très marquants sans pour autant pouvoir placer
des mots sur ces expériences qui m’avait beaucoup frappé. Plus tard, lorsque
j’ai laissé tout cela de côté et que je me suis tourné vers des études
scientifiques où la religion n’avait pas une place sérieuse, c’est avec
l’abandon et l’éloignement que j’ai senti tout l’intérêt et toute la
signification de cette dimension spirituelle. Je me suis rendu compte qu’en
définitive la raison et la rationalité étaient de bonnes choses mais ne
répondaient pas aux questions existentielles. Tout cela s’est réalisé avec une
certaine prise de conscience, une certaine « illumination ». J’ai ressenti le
besoin à un moment donné de mon parcours de me rapprocher de l’humain et par là
même de quitter les études scientifiques. La recherche universitaire et la
recherche intérieure ont coïncidé. Et j’ai, pendant l’année 1977, rencontré mon
maître au Maroc et progressé dans cette voie. A partir de cette période, j’ai
parallèlement mené une voie universitaire et la pratique de ma foi, et
d’ailleurs cette dernière dimension intérieure a particulièrement servi la
compréhension de la dimension religieuse. Rendre compte de l’expérience
religieuse est pour moi quelque chose d’essentiel. C’est ainsi que j’ai pu
écrire mes premiers livres.
Mon expérience de la voie soufie m’a particulièrement aidé
dans cette direction. Dans un premier temps, j’avais tendance à me retirer du
monde extérieur et de me focaliser beaucoup plus sur ce travail de dimension
intérieure. Au bout de plusieurs années, j’ai eu ce sentiment que cette
spiritualité devait être partagée sur la place publique. Il m’apparut évident
que la dimension religieuse était indispensable au monde. Je peux dire qu’elle
fut un véritable retour vers ce qui se passait dans le monde alors même que je
me désintéressais de l’actualité jusqu’alors. Je me suis profondément interrogé
sur ce que la spiritualité pouvait apporter au monde et à une très modeste
mesure j’ai initié le Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde au
Maroc. Je souhaitais mettre l’accent sur les enjeux culturels et religieux
mondiaux face à la mondialisation politique et économique trop souvent évoquée.
Je crois que le fait de résister à un matérialisme pur et dur a été au centre de
cette réaction. Les questions religieuses sont revenues au centre de la scène.
L’anthropologie est une science d’actualité alors qu’auparavant elle pouvait
être considérée comme une science du passé. Elle est même devenue une science
nécessaire pour décrypter ce qui se passe aujourd’hui. A partir de ce moment-là,
faire un festival comme celui-ci devenait une sorte d’anthropologie appliquée et
en même temps un acte de politique majeur. Nous souhaitions par cet acte
exprimer une certaine vision du monde. Nous pensons que des religions
différentes ainsi que des cultures différentes peuvent coexister, chacune dans
sa singularité, et peuvent s’enrichir mutuellement. Elles peuvent même apporter
quelque chose à la marche du monde. C’est pour cela que parallèlement au
Festival, nous avons institué un colloque qui s’intitule les Rencontres de
Fès - « Une âme pour la mondialisation » qui devrait aboutir d’ici l’année
prochaine à la création d’un Institut de Diplomatie Interreligieux et
Interculturel. Nous pensons à travers cet Institut réaliser des recherches afin
de mieux appréhender les évolutions actuelles.
LEXNEWS : « Avec votre livre,
Jésus peut il être ce pont qui rapprocherait Islam et Chrétienté ? »
Faouzi SKALI :
« Tout à
fait, lorsqu’on réalise la proximité et sur de nombreux points même la quasi
identité des enseignements qui sont relatifs au personnage de Jésus aussi bien
dans la Chrétienté que dans l’Islam tout aussi bien dans le Coran, dans la
tradition prophétique ou bien dans la tradition spirituelle du soufisme, on se
dit qu’il est invraisemblable que cette réalité soit méconnue ! Si l’on porte le
regard habituel sur les deux religions, trop souvent nous avons la fausse
impression de deux univers totalement séparés voire même opposés quant à leur
Dieu…Ces traits communs quant à la figure de Jésus dans les deux religions est
la preuve même que cette position est fausse. Cette dernière image ne prend pas
en compte ce patrimoine commun qui est si puissant et constitue une réalité
intangible et fondamentale. A contrario, cela prouve la distance invraisemblable
imposée par l’ignorance. Le rythme effréné a réussi à masquer ces évidences, nos
contemporains n’ont plus souvent le temps de découvrir ces choses-là. Je pense
qu’il est essentiel de pouvoir rétablir ce type de vérité parallèlement à ce
déferlement d’idées toutes faites et cela à partir de la vérité historique des
textes.
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