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Édition Semaine n° 19 - mai 2012

                              

Les Chroniques du Promeneur gourmand...

 

LA MAISON DE LA TRUFFE

Rue Marbeuf - Paris

 

 

 

 

 

 

 

 

Plancher en chêne, la salle est longue, élégante, un peu austère, joliment éclairée, elle décline de façon moderne le gris souris, le gris perle, le gris taupe. Je remarquerai la boutique plus tard, légèrement en retrait par rapport à l’entrée, on épargne aux convives sa traversée. Délicate intention devenue si rare. La table est suffisamment espacée des autres pour qu’on s’y sente bien. La truffe, ce n’est pas le bistrot, c’est une cérémonie, un plaisir, une messe un peu secrète.

 

 

 

 

 

 

En saveur, tout est une question sur quelques centimètres carrés de mariage, d’alliance, de résistance. La truffe et l’œuf, bien sûr, sont les larrons en foire d’une fête paysanne sous le palais. La brouillade est délicieuse. Mais il y a aussi des trouvailles comme ce caviar de truffe où le champignon est présenté sous forme de minuscules œufs comme s’ils avaient été pondus par un esturgeon sarladais. Il faut dire que c’est Caviar Kaspia qui a repris la Maison de la Truffe et cette trouvaille scelle ces noces. Ajoutons que ce n’est pas seulement amusant, mais que ça se déguste, qu’on est tenté de l’étaler sur une tranche de pain.

 

 

 

MAISON DE LA TRUFFE

MARBEUF

14 rue Marbeuf

75008 Paris

+(33) 1 53 57 41 00

 

www.maison-de-la-truffe.com

 

 

 
       D’une forme rudimentaire, proche de la pomme de terre, bosselée, terreuse, elle ne paye pas de mine cette luxueuse. Bien peu de mortels ont connu cette joie de la déterrer sous un noisetier, ou sous un chêne, dans une terre sèche, grâce à un cochon, un chien truffier, une mouche — la Suillia Gigantea tachetée d’orange. Brillat-Savarin dans sa Physiologie du goût la baptise le diamant noir de la cuisine. Dumas prétend qu’on ne l’ évoque qu’en portant la main à son chapeau. Et il est bien plus plaisant de suivre son cours à Carpentras que celui des actions de Facebook à Wall Street. Certains la disent insaisissable. Elle a un goût prononcé, prégnant, qui dure un petit temps dans la bouche, unique, pas vraiment une épice, un goût bien à elle boisée, ferreux, au bout du compte parfumé, savoureux, mais mystérieux. La truffe, puisqu’il s’agit d’elle, a sa maison au cœur de Paris place de la Madeleine depuis 1932. Elle essaima même puisqu’une seconde maison s’établit il y a quatre ou cinq ans rue Marbeuf tout près de l’avenue Montaigne qui regorge de crocodiles en forme de sacs ou d’escarpins, de créatures de rêve et de touristes américains. Voilà qui enchanta le promeneur gourmand qui devait se rendre au 14 rue Marbeuf au cœur de l’hiver.

 

 

 

 

Pizza, risotto, tartare, turbot, rien sur la carte n’échappe à la truffe, il y a même une truffe burger, voilà que l’insaisissable devient omniprésente, voilà de la suite dans les idées, voilà de la monomanie. Un astérisque en forme de couronne surmonté d’un M genre Cigare du Pharaon indique « Truffe saison », « Truffe noire », « truffe blanche » dont on peut accompagner chaque plat. Pays de cocagne, jubilation de cette carte qui promet l’abondance et fait tomber le rare champignon comme une manne du ciel. La charmante maîtresse de maison nous conseille la pizza à la truffe, mozzarella et roquette et nous optons pour des œufs de poule en brouillade. Le vin est servi. Une bouteille Les Hauts de Pez, Saint-Estèphe 2006, resserrée d’abord, au goût compact, airelle, écorce, qui résistera pied à pied à la truffe.

 

 

 

 

 

 

Et puis aussi dans ce lieu, il y a ce plaisir de petit chimiste que la cuisine moléculaire a développé, il faut goûter aux huiles. Toutes. L’une a tant de parfum, que Sa Majesté la truffe noire elle-même semble fade, comme si l’huile, cette huile-là, c’était la quintessence. Une petite goutte au bout d’une cuiller. C’est saisissant. Mieux que le papier tournesol.

Au total une soirée heureuse, des découvertes, la curiosité piquée. Il existe un menu du marché très accessible. Il fait beau. C’est Paris, vous flânez avenue Montaigne, vous déjeunez à la Maison de la truffe…

Andrea de Lauris
 

 

 

 

Un dîner aux chandelles

dans le restaurant « Le Jardin de Russie » - Rome

Dîner dans le fameux restaurant situé au cœur des jardins de l’Hôtel de Russie est d’une certaine manière rétablir les anciens usages d’une capitale prestigieuse, ceux qui prévalaient dans cette Rome du XIX° siècle et qui accueillaient les hôtes les plus illustres dans un espace d’exception et de beauté. Rien n’a changé dans l’esprit même si le confort et l’esthétique ont su s’adapter aux goûts du jour… L’heureux résident de l’hôtel n’a qu’à descendre de sa suite spacieuse pour trouver place dans l’agréable salle du restaurant, mi-véranda, mi-jardin elle-même tant les nombreuses fenêtres ouvrent au cœur de l’impressionnant jardin dessiné par le célèbre urbaniste Giuseppe Valadier.

La beauté de l’aménagement de la salle répondant au goût très sûr de la designer Olga Polizzi fait hésiter le regard entre la blancheur des murs aux allures d’orangerie et les touches de vert soulignant des masques antiques au centre des murs. Le jardin est omniprésent et si vous avez la chance d’être installé à une petite table donnant directement sur l’extérieur, c’est littéralement sous les palmiers et les orangers que vous aurez l’impression de diner alors que vous êtes en plein cœur de Rome. Très rapidement le service chaleureux des lieux se met en branle. Vous êtes à Rome, avons-nous dit, et on tient à le respecter.

 

Nazzareno Menghini

 

Chef, sommelier et nombreux serveurs vont être à votre écoute de manière discrète et néanmoins chaleureuse pour prévenir et exaucer tous vos souhaits. La carte est inspirée par le célèbre Chef italien Fulvio Pierangelini, deux étoiles Michelin, et dans les cuisines œuvre le talentueux Chef Nazzareno Menghini, deux hautes pointures pour un lieu d’exception. Autant dire que c’est à un véritable feu d’artifice culinaire auquel nous aurons droit.

Après une coupe de champagne qui scintille sous les lumières et des amuse-bouche à la truffe blanche, une salade de rougets et de calamars survient comme une œuvre d’art où la saveur du poisson rivalise avec la préparation des petits calamars. Le savoir-faire et la qualité des ingrédients font d’un plat simple une ode à la saveur et à la déclinaison habile des goûts.

 

 

La même surprise attend le gastronome pourtant averti par ce tour de force : des raviolis au fromage et au poivre pourraient apparaître bien simples pour un tel lieu, il n’en est rien tant l’association délicate du fromage fondant et de la pâte fraiche est subtilement rehaussée par un poivre doux et élégant, une harmonie rassérénante en ces temps de complications culinaires…

Le sommelier redoutablement efficace dans ses choix nous a proposé un Il Bosco Cortona Syrah qui accompagne à merveille ces palettes méditerranéennes avec un vin de grande concentration, fruité et aux notes de poivre doux.

 

Nous sommes prêts pour la suite des agapes alors même que les lanternes et les bougies du jardin en terrasse attirent nos regards avec magie… Un risotto au safran décoré de crevettes et de pistaches s’avère être un bel hommage à cette cuisine italienne mariant avec bonheur tradition du nord et du sud.

 

 

Le safran rehausse délicatement l’association des crevettes et de la pistache dans une harmonie toujours discrète et délicate, un mot d’ordre décidément pour ce repas !

Le loup de mer aux artichauts est une merveille, surtout qu’en cet automne l’artichaut est à son meilleur à Rome. Doux et fondant, il est un des classiques de la cuisine des Romains et l’on comprend pourquoi, à la seule dégustation de ce légume qui fait pourtant partie de la famille des chardons.

Les viandes sont également à l’honneur avec le remarquable Chef Nazzareno Menghini qui sait tout aussi bien exhaler les saveurs de côtelettes d’agneau avec de la chicorée que le cochon de lait aux épices, le tout servi avec une purée de pommes de terre à l’olive d’olive inoubliable !

 

 

Les gourmets gourmands se régaleront également avec les desserts savoureux du Jardin de Russie : baba traditionnel au rhum, fruits des bois et chantilly, un Montblanc plein d’humour décliné à l’horizontal ou encore une petite tarte au chocolat fondant avec un sorbet aux fruits de la passion…

Un expresso, un dernier verre de vin avant une promenade dans le jardin de l’Hôtel de Russie et le bonheur n’aura plus de secret après une telle soirée passée au Jardin de Russie !

 

 

Interview

Fulvio Pierangelini

 

 

 

 

LEXNEWS : « Qui est Fulvio Pierangelini, l’un des chefs d’Italie le plus connu internationalement ? »


Fulvio Pierangelini : « Je vais commencer par répondre à votre question en vous précisant que je n'ai jamais aimé suivre les tendances ou les modes. J'ai toujours, jusqu'à aujourd'hui, mené ma vie, ma cuisine, mes désirs… J'ai toujours rêvé de cuisiner, je n'ai jamais travaillé dans un restaurant ni dans un service de cuisine, mais j'ai commencé à travailler à l'âge de 17 ans dans des hôtels. J'ai commencé comme plagiste, puis moniteur de voile tout en faisant des études de sciences politiques à Rome et à Genève. J’avais toujours rêvé d'être un ambassadeur ! Et je dois vous avouer que l'idée que je me faisais de cette fonction était celle d'un ambassadeur à Versailles avec de belles réceptions… C'était bien évidemment une vision idéaliste assez éloignée de la réalité et de toute manière je n'étais pas né dans une famille qui permettait de réaliser ces rêves. De plus, on ne peut pas dire que j'étais politiquement correct ! Parallèlement, le fait de cuisiner a été un réel désir, et en même temps une nécessité, très tôt dès l'âge de 14 ans. »

LEXNEWS : « N'avez-vous pas d'une certaine manière réalisé votre rêve premier en devenant ambassadeur de votre propre pays sur le plan culinaire ? »


Fulvio Pierangelini :
« Malgré moi, je suis en effet devenu d'une certaine manière ambassadeur de mon pays. Mais je dois vous avouer que ma vie a changé depuis trois ans. Jusqu'à cette date, je cuisinais pour moi, c'était ma vie, mon rêve, mon désir et mon plaisir, même si cela me coûtait très cher, dans tous les sens du terme. Je ne voulais pas être le représentant de la cuisine, avoir cette figure de porte-parole du monde culinaire. Je ne souhaitais même pas parler avec mes convives, le seul fait de les regarder avant, pendant et après le repas me suffisait. Regarder leur sourire, leurs visages, la transformation de leur attitude... Tout cela n'a pas besoin de mots ! Et à partir de cette expérience, je suis en effet - peut-être devenu malgré moi- le cuisiner italien le plus connu internationalement, mon restaurant était en première place en Italie pendant plus de 15 ans… pleins d'amis venaient me voir du monde entier… »

 


LEXNEWS : « Comment expliquer ce changement dans votre vie ? »


Fulvio Pierangelini :
« J'ai décidé un jour de fermer mon restaurant, et cela n'était pas dû à la crise puisque j'avais encore à l'époque plus d'une quinzaine de jours de réservations à l'avance alors même qu'il se trouvait au bord de la plage, dans un lieu isolé. Vous savez je n'ai jamais fait d'études de marketing, et cette approche commerciale ne m'a jamais intéressé. Je voulais seulement cuisiner. Si cela n'avait pas été le cas, je n'aurais pas choisi un tel lieu aussi isolé, sans aucun commerce, ni ville à proximité. Il n'y avait qu'une route, la Via Aurelia, celle des anciens Romains, et la mer ! Je voulais seulement cuisiner tout en regardant la mer avec le coucher du soleil chaque soir... Et lorsque je n'ai plus trouvé ce bonheur, lorsque je me suis rendu compte

que je n'aimais plus la façon dont les gens parlaient de ma cuisine, à un moment donné j'ai pris conscience que je n'avais pas les défenses suffisantes pour me protéger de tout cela. On avait beau m'adorer, il suffisait qu'un imbécile dise le contraire pour se distinguer et j'étais déstabilisé !»

 

LEXNEWS : « A l'image d'un artiste - ce que vous êtes dans la cuisine - vous avez eu l'impression d'être d'une certaine manière étouffé par le succès ? »


Fulvio Pierangelini :
« Oui, je pense que l'on peut dire cela et en plus je ne croyais plus à la gastronomie. Pour moi la gastronomie était finie, il n'y avait plus les clients, ni le personnel de la grande époque, même si mon restaurant était quelque chose de très décalé par rapport à ce à quoi je fais référence. Je n'ai jamais pratiqué dans mon restaurant un service de palace, il y avait plutôt des plats « sauvages ». Pour moi, un plat est plein d'énergie. Je n'aime pas l'idée de recettes, d'ajouter ceci ou cela, mes plats les meilleurs ne figuraient même pas dans ma carte ! C'était une partie de moi et si cela devenait une routine, c'était la mort de cette création. Ma cuisine part souvent de trois saveurs, à partir de produits les meilleurs, et si le résultat recherché est la simplicité, il y a tout un parcours, un chemin pour y arriver qui ne doit pas apparaître, au risque de faire compliqué, artificiel. C’est un peu cela ma cuisine. »

 

 

LEXNEWS : « Plus qu’un ambassadeur, c'est le véritable don de vous-même que vous pratiquez dans votre cuisine. »


Fulvio Pierangelini :
« Absolument, très souvent, lorsque je cuisine, je me dis : tiens, c'est moi ! Je crois même que l'on peut dire que mon âme est dans l'assiette avec le respect qui est au cœur de tout cela. Je n'avais pas besoin de goûter à ma cuisine, car tout était déjà fait dans ma tête avant même de la pratiquer. Naturellement, dans presque tous mes plats, il y avait un côté rassurant, une sorte de rappel au souvenir, à ces plats de mémoire. J'ai toujours eu à cœur de sublimer au maximum un produit, et ce sans artifices, ni tromperie. Vous savez, le seul fait de couper un brocoli ou une tomate de telle ou telle manière peut changer radicalement la saveur et le résultat de ces produits. Qui plus est, je n'achetais pratiquement aucun produit puisque je faisais produire presque tous les ingrédients pour moi. Pour les poissons par exemple, mon fils allait directement les pêcher en face du restaurant et selon qu'il me disait qu'il les avait attrapés à tel ou tel endroit, je pouvais savoir d’avance les variations de saveur. C'était cela pour moi la vraie cuisine, je tentais d'exprimer au maximum ce que le produit pouvait offrir, sans artifices. Tout cela bien sûr s'ajoutait à la technique et au savoir-faire d'une pratique de 40 ans de cuisine. Je crois réellement que cette époque est révolue et qu'elle ne pourra pas revenir. Il y avait un véritable génie des lieux, et toute une histoire qui est terminée… Nous étions douze dans le restaurant, mais j'étais le seul à cuisiner, et si je ne pouvais pas être présent, je fermais tout simplement l'établissement. Aujourd'hui, c'est une autre époque.

Je ne suis plus dans les cuisines et mes plats sont faits par d'autres. Je donne aujourd'hui les produits avec les mêmes exigences que par le passé et, après, je propose mes recettes et mon savoir-faire aux différentes cuisines des hôtels du groupe, à Rome, à Florence, à Bruxelles… Mais, bien entendu, je ne peux pas transmettre mes émotions et ma sensibilité. »


LEXNEWS : « Vous ne pensez pas qu’à l’image des grands maîtres de la Renaissance italienne qui avaient des ateliers et déléguaient la plupart du temps une partie de leur création à des assistants, il vous est possible de réaliser la même chose ? »


Fulvio Pierangelini :
« J'étais à New York au Frick Museum, un musée magnifique que j'ai adoré, et il y a là un tableau très bizarre de Rembrandt, le Cavalier polonais. Rembrandt avait toujours besoin de produire, car il avait toujours de grands besoins d'argent. Et ce tableau est étrange, car si le paysage est plus ou moins réussi, par contre il y a un cheval de toute beauté, quelque chose d’admirable. Cette représentation donne vraiment l'impression d'une œuvre composée à plusieurs avec un décalage flagrant quant à la réalisation de l'animal. Je ne veux pas obligatoirement dire par là que le travail des élèves soit toujours inférieur, bien au contraire, mais je pense qu'il faut toujours une petite touche du maître. Je n'ai pas envie d’arriver à ces décalages. Je n'ai vraiment pas envie de faire un cheval magnifique dans un tableau moyen. C'est pour ces raisons que je ne cuisine plus. Mon idée aujourd'hui est plutôt de pousser ces équipes à l'excellence, de leur donner tous les moyens pour produire le meilleur résultat. »

 


LEXNEWS : « Nous sommes toujours dans cette idée de générosité qui caractérise visiblement votre parcours. »


Fulvio Pierangelini : « Vous venez de prononcer un mot qui pour moi est au cœur même de ma vie et de ma cuisine : la générosité. Pour moi, en effet, la générosité est véritablement à la base de la cuisine. Si la technique est bien évidemment au départ indispensable, il faut savoir par la suite l'oublier, par contre la générosité, elle, ne doit jamais disparaître.

Et pour reprendre notre exemple du Cavalier polonais, si un « cheval » semble trop compliqué à réaliser, je ne le mets pas à la carte ! Aujourd'hui, je suis un peu un conseiller, je leur donne tout de ce que je sais et parfois même j'arrive à me détester pour cela… Je n'aimais pas apprendre aux autres auparavant alors qu'aujourd'hui je parle parfois beaucoup pour éviter toutes les distorsions qu'on évoquait avec l'exemple du tableau de Rembrandt. Je n'hésite pas à leur dire : « Caressez vos tomates, prenez-les de telle manière… Ne les jetez pas comme cela… ».

C'est peut-être un peu fou à dire, mais cela manifeste le respect qui est au cœur de tout cela également, je pense que cette démarche exprime bien les rapports qu'il y a entre la personne et la matière. »

 

Le Jardin de Russie, Via del Babuino 9  00187 Rome - Italy
Tel: +39 06 32 88 81 
www.hotelderussie.it

 

 

 

 

Diner un soir d’été à Bergame

sur la terrasse du restaurant Colleoni…

 

Vous arrivez à la tombée de la nuit sur l’inénarrable piazza Vecchia dans la cité haute de Bergame et vous êtes invité à prendre place à l’une des belles tables de la terrasse du restaurant Colleoni avec comme voisin l’antique palais de la « Ragione » que nous venons de visiter. L’influence de Venise se fait ressentir dans les détails des édifices et pour peu vous entendriez un gondolier vous proposez ses services…

 

Est-ce cet air vénitien qui nous a fait choisir le menu de la mer proposé par le propriétaire des lieux, Pierangelo Cornaro, lui-même chef renommé et avocat pourtant réputé de la cuisine lombarde ?

Nous ne le serons pas mais après un apéritif savouré dans cet espace unique avec un temps estival, nous découvrons les premières agapes avec ravissement.

 Nous sommes immédiatement étonnés car nous pensions trouver une cuisine locale de qualité et nous sommes immédiatement en présence de la cuisine du chef Pinato Odorico, une cuisine de haute volée, rivalisant avec la beauté des lieux.

 

Les Amuse bouche de purée de lentille de Castelluccio avec ses trippes de morues en surprendront plus d’un, nous les premiers, et la salade légèrement grillée de turbot aux citrons confits relevés d’un filet d’huile de noix vous assure immédiatement que c’est bien une cuisine de haut niveau que vous avez trouvée tout en haut de cette colline médiévale ! Il est fort probable que parvenu à cette étape de votre repas, vous entendiez subitement une cloche assourdissante sur les coups de 22 heures, la surprise passée, vous apprendrez que depuis des temps immémoriaux, cette cloche de la grande tour qui est à quelques mètres de vous sonne inexorablement les 100 coups afin de prévenir les habitants que les portes de la cité vont fermer, à l’heure du couvre-feu.

Les portes ne ferment plus depuis longtemps mais l’incroyable volée de cloches sidèrent toujours les touristes surpris de cette agréable permanence du temps... Entretemps, une délicieuse crème de fèves accompagne des écrevisses rouges de San Remo, un régal tant l’association parvient à vous faire oublier le gong envoutant des cloches qui ne terminent pas leurs envolées !

 

 

Après de délicieuses tagliolini aux œufs relevées par du crabe royal, une lotte préparée à la catalana et légèrement parfumée à l’oignon de Tropea vous fait atteindre des hauteurs gastronomiques propices à la géographie des lieux. Le plaisir culinaire est atteint avec une cuisine fière et entière, pleine de maturité et d’audaces. Vous n’oublierez pas de déguster la pâtisserie inventive du chef Cerutti Matteo, suivie d’un vieux rhum dont les lieux ont le secret, avant d’arpenter calmement les ruelles endormies de la Cité haute, rasséréné par tant de découvertes...

COLLEONI & DELL’ANGELO
Ristorante in Bergamo alta

Piazza Vecchia,7 – 24129 Bergamo
Tel. # 035-232596 Fax. # 035.231991
E mail: info@colleonidellangelo.com
www.colleonidellangelo.com

 

 

 

Un repas en cinq actes…

au Don Carlos du Grand Hotel et de Milan !

 

On entre au « Don Carlos » comme par enchantement. A partir du grand salon de l’hôtel, une petite porte discrète vous mène par un étroit couloir dans un lieu incroyable. Deux petites salles se rejoignent en angle droit pour former l’un des restaurants les plus mythiques de Milan. Tous les grands noms de la culture, de la politique et de l’économie en ont fait leur lieu de prédilection. La première impression est celle d’un lieu « cosy » où rien ne vient heurter le murmure des boiseries sombres que seules éclairent quelques appliques discrètes. Une incroyable collection de gravures et de décors de scènes pour certaines originales vous rappellent que la Scala est toute proche. Vous êtes accueillis avec chaleur et délicatesse et vous êtes certains d’être dans un lieu familier. ous pouvez pourtant très bien vous retrouver assis entre le Président de la République Italien et Daniel Barenboïm, sans que cela ne surprenne qui que ce soit, car, ici, la vedette œuvre derrière les fourneaux et il s’appelle Angelo Gangemi, l’un des chefs les plus renommés d’Italie.
Quelques airs de Verdi vous rappellent que le célèbre musicien était un résident permanent de la maison et que ces lieux enchanteurs ont nourri son inspiration pour des œuvres passées à la postérité. Le chef est italien, romain d’origine et milanais de cœur, il vous le rappelle avec un trio de raviolis où l’amatriciana, le brocoli et les anchois se disputent la prééminence du bon goût. Pour confirmer votre jugement et que décidément le grand art peut même résider dans des pâtes, vous gouterez aux tagliatelles maison mariées à des cèpes nappées d’une crème de basilic de Prà, de tomates cerises et de buratta, un fromage des Pouilles à fondre de plaisir ! Vous entendez entre quelques bouchées un air de La Traviata et votre cœur se réchauffe aidé en cela par un vin rond et généreux, d’un beau rouge rubis, un chaleureux Maim Costaripa, 2007.

 

 

 

L’acte suivant voit des poulpes rôtis avec une crème de pomme de terre, olives noires et haricots verts prendre place pour une symphonie de saveurs inoubliables, Angelo Gangemi est un enchanteur, nous en sommes convaincus ! Est-ce parce que le chef sait que vous êtes français qu’il a décidé de vous proposer un « Chateaubriand de veau », nul ne le saura !

Toujours est-il que ce plat accompagné d’une sauce au foie gras et au petit pois est un morceau d’anthologie, digne de l’auteur des Mémoires d’Outre-tombe…

La musique enchaîne ses airs d’opéra, l’humeur musicale est en accord parfait avec la joie culinaire qui se dégage de ces compositions merveilleuses.

 

Et c’est bien la saveur et la beauté des desserts présentés qui vous feront oublier que votre appétit est pourtant rassasié. Un mille-feuille de chocolat et de menthe semble si léger que vous osez gouter encore à une tartelette de fruits rouges fondants, seuls les incorrigibles oseront toucher à un strudel de pèches blanches, les autres seront « condamnés » à venir le goûter à un autre repas !

 

Un déjeuner tendance au Restaurant Caruso…

Pour déjeuner tendance dans un des meilleurs hôtels de Milan et pour prendre le baromètre de la ville en étant installé dans la véranda qui donne sur la Via Manzoni à deux pas de la Scala, le Caruso vous enchantera en restant toujours sur une tonalité d’opéra. La qualité de la cuisine se décline dans des plats de saison où le risotto au safran est en première position.

En cette année de 150ième anniversaire de l’indépendance italienne, un gratin d’aubergine a été tout spécialement conçu comme emblème de l’excellence de la cuisine italienne ! Le service est rapide tout en étant élégant et discret. Pour le gourmant, le choix des desserts sera l’occasion de rester encore quelques précieux instants à sa table… une table qu’il faudra réserver avant un après-midi de shopping ou de musées !

 

Entretien avec Angelo Gangemi, chef du Don Carlos, restaurant Grand Hotel et de Milan, 28/07/11

 


LEXNEWS : « Vous êtes né à Rome et vous avez également étudié la cuisine en France. Dans quelle mesure ces éléments ont-ils marqué votre création dans votre cuisine ? »


Angelo Gangemi : « Je suis originaire de Rome, ville dans laquelle j’ai passé vingt ans de ma vie. J’ai travaillé dans deux hôtels 5 étoiles dans cette ville, puis j’ai passé trois ans en France au Touquet ainsi qu’à Paris pour finalement arriver ici à Milan… La cuisine romaine est pour moi la base même de ma cuisine. Ma mère m’a donné tous les secrets de cette cuisine romaine. Je fais profiter ici à nos hôtes cette expérience initiale parallèlement à la cuisine milanaise que j’apprécie beaucoup et qui est à la base de nombreuses recettes servies ici au Don Carlos. Mais attention, je tiens à vous préciser quelque chose d’important pour moi : il ne s’agit pas d’un mélange de cuisine d’inspiration romaine et milanaise, ces deux cuisines sont très différentes et il ne peut être question de les mélanger. En Italie, nous tenons beaucoup à la spécificité des régions dans notre cuisine. Bien entendu, cela ne m’empêche pas de faire des recettes inspirées de ces régions mais repensées et revisitées selon ma propre inspiration culinaire.

Je pense que pour faire une cuisine de qualité, même à niveau international, il est très important de connaître la spécificité de ces cuisines traditionnelles. Si vous prenez ici à Milan une recette bien connue comme l’escalope qui porte le nom de la ville, il est très précieux de savoir réussir ces plats à la base de la mémoire de nombreux italiens qui viennent ici.

Il n’empêche que la cuisine romaine est pour moi au cœur même de ma cuisine. La France m’a beaucoup appris surtout pour l’aspect de l’organisation d’une équipe, soudée et qui doit savoir travailler ensemble. Pour moi, il est très important que toute l’équipe s’implique dans les recettes que nous élaborons. Ils doivent chacun goûter à ce que nous faisons, le commenter, proposer un ingrédient en plus ou en moins. Une fois cela réussi, le plat sera intégré dans le menu. Je travaille avec mon second depuis plus de dix ans. Nous sommes au même diapason. »


Lexnews : « Vous êtes le chef d’un des meilleurs restaurants de Milan, dans un hôtel où Verdi et de nombreuses célébrités ont demeuré, quelles sont les influences de ces lieux dans votre cuisine ? »

 


Angelo Gangemi : “Nous sommes ici en effet dans un hôtel historique et la cuisine traditionnelle a bien entendu une place très importante. Nous réalisons beaucoup de menu à thème et nous insérons régulièrement des appellations de plat faisant référence à des personnages célèbres qui ont séjourné ici. Guiseppe Verdi vient bien entendu en premier puisque le nom même du restaurant est un hommage direct à cet illustre compositeur. Nous allons bientôt proposer un cappuccino Verdi dans cet esprit. Nous réalisons également des plats qui font directement référence à l’histoire de cet hôtel. Il est vrai que de nombreux personnages ici inspirent directement ou indirectement des recettes et des créations que nous réalisons tout au long de l’année. Comme vous avez pu le remarquer, notre restaurant est très lié à la Scala avec toutes ces esquisses de décors d’opéra directement accrochées au-dessus de la tête de nos convives. Tout cela est en effet très présent dans ma cuisine. Les grands noms de la saison lyrique nous font l’honneur de notre restaurant et notre Président de la République est un habitué des lieux ! C’est en effet quelque chose de très important pour moi… Cela ne m’éloigne cependant pas de ma priorité absolue : le respect de l’identité de la cuisine que je propose. C’est dans ce respect de la tradition que se situe le lien avec l’Histoire et la culture. Parallèlement à cela, nous offrons bien entendu une cuisine qui peut plaire à une clientèle internationale.»

 


Lexnews : « Qu’est ce qui caractérise votre cuisine et quelles sont les priorités de votre cuisine ? »


Angelo Gangemi : “Je suis un partisan convaincu d’une cuisine qui respecte la nature des saveurs des ingrédients. Pour moi, le produit est à la base même de mes recettes, ce qui a longtemps été oublié dans les dernières décennies de la haute gastronomie. Quand je déguste un poisson, je veux pouvoir identifier ce poisson et reconnaître son goût. C’est pour cela que vous ne devez pas ajouter trop d’ingrédients qui tuent ces saveurs essentielles de départ. Je préfère acheter un excellent poisson un peu plus cher mais qu’au moins vous reconnaissiez ce poisson. Pour moi, cinq ingrédients sont suffisants pour accompagner un poisson ou une viande, au-delà, on risque de dénaturer les choses. Certaines cuisines trop sophistiquées sont en perte de vitesse alors même qu’elles étaient à la mode il y a quelques années tout simplement parce qu’elles n’étaient pas vraies ! Cela ne veut pas dire que je prône une cuisine facile… Quand un nouveau cuisinier arrive dans mon équipe, je lui demande de me réaliser un plat tout simple comme des spaghettis tomates basilic ! Je suis là et je regarde : s’il réussit cela, pour moi il sera un bon cuisinier. C’est un plat apparemment très simple et pourtant très difficile à bien réussir. Bien entendu, nous partons de la cuisine traditionnelle pour proposer quelque chose de plus sophistiquée qui corresponde à un restaurant d’un hôtel cinq étoiles. Nous sommes bien entendu également influencés par la cuisine française et espagnole.»


Lexnews : « Quelles sont vos priorités pour votre choix des ingrédients et quelle est la place des saisons dans vos recettes ?”


Angelo Gangemi : “Nous recherchons bien évidemment les meilleurs ingrédients, en donnant la priorité à l’origine italienne des produits quand cela est possible, je suis un peu chauvin là-dessus, j’ai d’ailleurs appris cela chez vous en France ! J’accorde également une grande importance aux herbes, j’ai chez moi un petit jardin avec un grand choix d’herbes. Cela me permet de tester nos plats avec des essais parfois inédits d’herbes. Je viens de trouver une menthe particulière qui ressemble à du chewing gum ! Mes clients étaient tellement surpris que j’ai apporté la feuille à mes convives pour leur faire goûter crue… J’accorde une grande importance aux saisons dans le choix des ingrédients. Nous renouvelons la carte à 90% tous les mois, nous suivons donc de près les saisons.
Vous constatez ainsi que la cuisine moléculaire n’a pas sa place ici, je tiens à ma propre identité, il me semble que ma cuisine est arrivée à une certaine maturité à laquelle je tiens.»

 

 

 

Ristorante Don Carlos
Grand Hotel et de Milan
Via Manzoni, 29
20121 Milano
tel. +39.02.72314640

 

 

 

Diner à la Villa Crespi...

...sur les rives du lac d'Orta

Diner à la Villa Crespi...

 

 

Diner à la Villa Crespi, juste à la tombée de la nuit, appartient au domaine de l’évanescence. Vous ne savez plus si l’on vous a subrepticement transformé en Grand Meaulnes dans le roman d’Alain Fournier à l’approche de la fête mystérieuse ou si vos pas vont rencontrer ceux de Shéhérazade pour une ultime évocation. Le personnel vous semblerait presque en livrée et c’est avec chaleur et grand style qu’ils guident vos pas vers un dédale de salles toutes aussi belles les unes que les autres. Votre choix s’arrêtera sur la salle verte, aux espaces majestueux, ou bien sur le charme discret et élégant de la salle bleue profond rehaussée d’or, soulignée par le cristal étincelant d’un lustre fier de ses effets, à moins que vous ne choisissiez l’écrin chaleureux de la galerie mauresque qui ouvre ses arcades vers le parc et vous transporte si loin à la cour d’un grand sultan...

A partir de cet instant, l’enchantement opère une nouvelle fois, c’est décidément une agréable manie en ces lieux !

 

 

Le chef Antonino Cannavacciulo anticipera tous vos rêves culinaires, même ceux que vous ignoriez jusqu’alors. Sa cuisine inventive et d’une fraicheur proportionnelle à la chaleur dégagée par l’homme va s’exprimer à partir de variations incroyables qui flattent les papilles, sans jamais les agresser, surprennent vos sens, sans jamais les trahir.

 

L’homme est un esthète des produits les plus fins et c’est avec génie qu’il développe une harmonie délicate et sincère tout au long de la carte inventive que l’on ouvre sous vos yeux. Vous pouvez vous laisser guider et suivre « L’itinéraire du Sud au Nord de l’Italie », menu ou plutôt voyage culinaire auquel le chef vous invite de sa Naples natale à sa région d’adoption. Nous sommes ici dans le Piémont, et toute l’Italie vous ouvre ses portes grâce à l’expérience de cette cuisine si attentive aux leçons du passé et ouverte à la modernité avec sagesse.  Vous pourrez préférer suivre votre propre itinéraire, quoiqu’il en soit, la route ne sera pas semée d’embuches.

Les brochettes de Saint Jacques et langoustine apparaissent sous un jour nouveau lorsqu’elles sont marinées à la ciboule et au citron et qu’un serveur vient à l’impromptu arroser d’une théière emplie d’une infusion de pomme verte rehaussée de céleri… Des crevettes rouges et dans leur plus simple appareil sont posées sur une crème de jaune d’œuf avec du caviar pour couronner le tout ! Les convives sont charmés, la vaisselle scintille autant que les regards et vous commencez à oublier tout ce qui est vain et inutile.

 

Vous n’aurez jamais goûté à un tel gratin d’escargots aux herbes, lard et crème anglaise à l’ail doux, ni même osé penser à une salade frisée liquide avec de la langoustine si ce n’est dans une histoire de Lewis Carroll ! Vous croyez rêver et vous êtes éveillé, à moins que ce ne soit le contraire. L’ombrine présentée avec des dés de pommes de terre, du choux fleur et de la tapenade vous fait goûter à cette simplicité pourtant si difficile à réussir.

 

Si vous osez céder à la magie des fromages, c’est une véritable carte d’Italie qui vous est présentée sur un chariot d’argent. Vous serez au défi du choix et le temps de vous décider, on vous demandera délicatement de patienter quelques minutes le temps de vous préparer tout spécialement un pain brioché truffé de quelques pépites de chocolat pour accompagner les morceaux que vous aurez choisis, comble du raffinement !

L’œil ébahi n’attend plus que les desserts, quel gourmand ! On se demande si la surprise est encore possible après un tel festival de saveurs. Les surprises seront bien encore là lorsque vous aurez goûté à l’Espressionnisme qui est une déclinaison de ce que le café peut offrir de meilleur lorsqu’il n’est pas servi dans une tasse…

 

 

Le dessert au chocolat vous présentera quant à lui une incroyable sphère d’or fourrée de crème qui attire tous les regards des voisins jaloux de ne pas avoir fait ce choix. Ils n’auront qu’à revenir, c’est ce que nous ferons une autre fois… pourvu qu’elle soit proche !
Il se fait tard, la sérénité a définitivement gagné votre cœur, vous pourrez marcher quelques pas en direction du Sacro Monte, si cher à Nietzsche, à moins que vous ne préféreriez profiter de la terrasse de la villa illuminée la nuit, pour un dernier verre…

 

Interview du Chef Antonino Cannavacciulo, Villa Crespi, Orta, 27/07/11

 

Antonino Cannavacciulo et son épouse Cinzia

 

Lexnews : « De quelle région d’Italie êtes-vous originaire et quelle a été l’influence pour cette cuisine servie ici au Piémont ? »


Antonino Cannavacciulo : « Je suis né dans la campagne de Naples et j’ai gardé de cette région un souci tout particulier pour la richesse et la qualité de ses produits. Mais, j’ai surtout gardé précieusement avec moi tout ce que cette Italie natale m’a laissé comme impressions indescriptibles, et c'est ce que je tente chaque jour d’exprimer dans ma cuisine, ici, dans ces lieux extraordinaires. C’est dans cet esprit que je peux parfois transformer des produits de cette partie nord de l’Italie en véritable festival méditerranéen grâce à cette inspiration qui est restée gravée en moi.»

 

Lexnews : « Nous avons remarqué dans votre cuisine un véritable respect des saveurs originelles, il n’y a pas chez vous de complications inutiles.»

 

Antonino Cannavacciulo : “ La cuisine qui paraît simple ne signifie pas pour autant facile. Aujourd’hui, dans notre monde moderne, la simplicité est la chose la plus difficile à réaliser. Si vous prenez l’ombrine que vous avez dégustée, elle peut apparaître simple dans sa présentation, mais c’est un poisson très exigeant pour pouvoir être préparé de la manière dont je la conçois. Il y a ainsi beaucoup de travail dans le concept et dans la préparation de ces plats."

 

 

Lexnews : « Quelle est l’influence des lieux exceptionnels dans lesquels nous nous trouvons dans votre cuisine ? »

 

Antonino Cannavacciulo : “ Les lieux dans lesquels je pratique ma cuisine ont une très grande importance. Si vous prenez une journée comme aujourd’hui où le soleil succède à la pluie, ces effets de lumière et de senteurs ne peuvent rester sans influences sur la façon dont je conçois ma cuisine. Ces variations m’inspirent des plats avec des notes de champignon. Il est vrai qu’au départ.

 

 

Ces lieux ont une très forte influence car je les découvrais pour la première fois. Après quelques années, j’ai appris à concilier ces influences avec ma propre créativité qui ne cesse d’évoluer au fil des saisons et des années. Je me sens assez libre aujourd’hui pour développer ma cuisine en utilisant le meilleur des produits sans me sentir emprisonné par tel ou tel régionalisme. »

 

Lexnews : « Quelle est l’attente de votre clientèle qui vient du monde entier ici ? »

 

Antonino Cannavacciulo : “ La clientèle internationale vient ici pour découvrir une cuisine italienne moderne avec une certaine identité des saveurs et nos hôtes italiens recherchent un retour à la simplicité. En ces temps de crise économique, les gens recherchent la sécurité, même dans la cuisine de haut niveau. Nos clients recherchent quelque chose de très difficile à réunir.

 

 

C’est un peu comme la mode, nous avons des cycles. Aujourd’hui, les gens n’ont plus faim et c’est plus difficile de faire manger des personnes qui sont rassasiées par une multitude de saveurs offertes sur le marché.

Il nous faut retourner à l’essentiel et notre art est de justement de raviver les papilles gustatives des personnes qui viennent nous rendre visite.

Même si nous avons les lieux pour cela, il faut noter que nous ne sommes pas dans une grande ville et malgré cela, pour la soirée d’hier le restaurant était complet, c’est un signe que ce message commence à être écouté !»

 

 

VILLA CRESPI
Via G.Fava, 18 - 28016 Orta San Giulio (Novara)
Tel +39 0322 911902 - Fax +39 0322 911919
Mobile +39 334 6052912
info@villacrespi.it

www.villacrespi.it

 

 

 

 

 

 

Chronique du Promeneur Gourmand
Restaurant Maison Blanche
Avenue Montaigne


Quand un ami lointain débarque dans la capitale et qu’il a arpenté les musées, la rue parisienne dont il a encore un peu de poussière sur les semelles, je lui conseille de parcourir l’avenue Montaigne la nuit. Il me regarde, incrédule, mais je persiste et lui confie combien je l’aime, que c’est un lieu unique , que le promeneur y est somptueusement traité.
D’un côté il y a une contre allée plantée d’arbres qui vous met à l’abri du flux des voitures, de l’autre, au lieu de l’habituel mur d’immeubles le trottoir est bordé de petites grilles à hauteur d’homme s’ouvrant sur des jardinets où poussent massifs de laurier, de buis, boulingrins, arbustes dans des pots de terre cuite, une démarcation précieuse d’ébénisterie donnant l’impression d’une antichambre de verdure avant d’accéder à la véritable entrée. On se croirait chez des gens spécialement hospitaliers, hobereaux sur les bords, délicats, qui savent combien une porte peut impressionner et qui ont eu l’intuition d’accueillir avec tact le passant en lui proposant cette halte champêtre. Et puis il y a les vitrines qui restent éclairées toute la nuit. Chacune est un décor de théâtre qui surgit d’un bosquet dont elle dore, cuivre ou argente le feuillage. Elles sont habitées par des nymphes vêtues de tuniques à bijoux sonores, de courtes robes de soie, de pantalons de groom, elles tiennent des sacs en galuchat grenu, peau d’autruche ou cotte de mailles et sont chaussées d’escarpins volés à Ali Baba. Mais surtout ces vitrines, devant la féerie desquelles je m’arrête, renouvellent à chaque fois leur scénographie. Si je veux retrouver cette divinité à ample veste de smoking qui, je sais bien pourquoi, m’a envahi, phénomène de persistance rétinienne d’un rouge à lèvres carmin, émotion qui m’a subjugué à cause de cette façon de tenir son fume-cigarette, je dois revenir en arrière au plus vite, au risque de rencontrer d’autres nymphes qui abondent dans ces parages et me détourneraient par leurs enchantements. Le jour, ces vitrines, ces nymphes sont accessibles, plus communes, elles perdent cette étoffe du rêve, l’épanchement du songe dans la vie réelle, aussi préfère-je leur commerce la nuit...
 

Je conseillerai aussi à cet ami de prendre le petit ascenseur au 15 rue Montaigne, dans le théâtre des Champs Elysées—superbe façade à bas-reliefs en marbre blanc de Bourdelle— et d’atteindre le plus haut niveau, autrefois grenier, comble, où Man Ray, Picabia et Satie se livrèrent à un exercice dadaïste au profit du film de René Clair, l’entracte, et maintenant sorte de pont suspendu au-dessus de Paris, œuvre aérienne des architectes Brigit de Kosmi et de Jean Claude Grassio en équilibre entre ciel la terre achevée en 1987. Une immense baie vitrée comme l’œil d’un Gargantua futuriste, offre la rive gauche, coupole dorée des Invalides, élégantes sœurs jumelles des clochers de Saint-Sulpice, motif cubiste un peu raté de la tour Montparnasse, Paris et ses frasques dans la paume de la main.
Mais je n’ai pas tout dit, je garde le meilleur pour la suite et l’on me dira bien cachottier. Un homme de génie, — simplement un amateur de musique affamé ou un gourmet au sortir de Désert d’Edgar Varèse— regretta qu’après tant de joie, on n’ait rien à se mettre sous la dent. Expression banale, bien humaine, certes, mais riche d’avenir, mots pieusement recueillis, qui, semés, allaient pousser, fructifier jusqu’à donner l’envie de créer un restaurant au dernier étage qui offrirait Paris. La musique, la vue, les saveurs, plusieurs sens, que de muses ! En 2001 Maison blanche naît…
Il fallait donner un chef à ce restaurant, on en prit trois, étonnante trinité. Silvain Ruffenach aux fourneaux, dans le sillage des cuisiniers jumeaux d’une cuisine mythologique et étoilée : Jacques et Laurent Pourcel. Maison blanche, on l’aura compris, est un lieu qui conjugue, assemble influences, recherches, plaisirs. Il y a quelque chose de la Renaissance italienne sur ce toit de Paris.
Passons donc à table.

J’hésitais entre « cuisses de grenouilles à l’estragon tombé de baby épinard et champignon de Paris » dont l’intitulé me fit songer au pays d’Auge, à des saveurs bien françaises, populaires. Il fallait un certain culot pour revenir à la grenouille qui à la fois a quasiment disparu des menus et évoque une cuisine du terroir. Je pensais à ce surnom de frog qu’on nous attribuait outre-Manche, à toute cette curiosité que cet animal de mare éveillait. Dans mon assiette en train de me délecter devant un Paris nocturne ! J’optais plus classiquement presque à regret pour le « foie gras de canard poché bouillon parfumé au poivre du Népal, wok de légumes et canard croustillant ». Ce « presque à regret » d’ailleurs est inhérent à ces fastueux instants où l’on parcourt le menu. Je me souviens d’une amie qui me disait qu’une bonne carte fait de vous une « Marie qui louche ». C’est chose faite. Mais je me consolais de ma métamorphose en buvant une gorgée de ce vin rond, onctueux et vif à la fois, un Château de Moulin à vent 2009, qui se mariait si bien avec le fondant du foie chaud. Les petits légumes craquants exhalaient le sous-bois sous la langue et le jus était si délicieux, un peu japonais, que quitte à faire rougir Grimaud de la Reynière de mon peu de bienséance, je n’en laissais pas une goutte dans mon assiette.

Bruno Franck, Directeur Général

Sylvain Ruffenach, Chef de Cuisine

De ma table disposée au bord de la mezzanine comme une loge d’opéra sur la scène de Paris, m’intriguaient deux hautes colonnes blanches qui flanquaient l’immense baie vitrée, dont je ne savais si elles étaient un simple drapé de Madame Grès ou des éléments porteur de l’architecture. On me servit des verrines entre les plats dont la mode est ces jours-ci universelle et dont je dirai un jour tout le mal, réduit que nous sommes assez souvent à cause de la dimension du verre ou de la taille de la cuillère à être comme le renard de la fable en compagnie de la cigogne :

On servit pour l’embarrasser
En un vase à long col, et d’étroite embouchure.
Le bec de la cigogne y pouvait bien passer
Mais le museau du sire était d’autre mesure,
Il lui fallut à jeun retourner au logis…


Ce qui ne m’arriva pas. On me servit un « ris de veau, morilles à la crème, petits pois et oignons nouveaux à la Française » Les morilles et la noix de veau était liées par une sauce blanche, fine qui n’étouffait aucune de leurs subtilités. On navigue là en territoire gustatif délicat où une pincée de sel en trop, une herbe, une épice trop forte peuvent interrompre la fête. En contrepoint des petits pois frais craquants avec des oignons nouveaux. Succulent.

L’Avenue Montaigne, une trinité de cuisiniers sorciers, une belle salle qui offre Paris la nuit, une architecture heureuse, je cherchais dans mon carnet de Promeneur gourmand s’il existait une autre adresse de ce genre… Je cherche encore.


Andrea de Lauris
 

Jacques et Laurent Pourcel

Restaurant Maison Blanche
15 avenue Montaigne, Paris 8ème
T. 01 47 23 55 99
www.maison-blanche.fr

 

 

 

 

 

 

Restaurant Sette

Radisson Blue Hotel - Rome

Restaurant Sapori

Hotel Lord Byron - Rome

Restaurant Magnolia

Grand Hotel Via Veneto - Rome

 

 

Le restaurant Sette du Radisson Blue Hotel vous fait gagner les hauteurs non seulement celles de la ville avec une vue panoramique au 7ième étage mais également de la cuisine italienne. L’esprit créatif du chef Alessandro Fabbri et du chef en second Diego Corrao est à l’image du restaurant, à la fois moderne, mais avec une touche classique, décontracté mais sans relâche excessive. Ce délicat équilibre maintenu par un service irréprochable et professionnel vous plonge immédiatement dans un cadre intimiste baigné par la lumière bleue de la piscine tout proche, à quelques mètres de votre table. Les agapes débutent par de fines pâtes vertes délicatement accompagnées de crabe et de homard, de têtes d’asperges, de fines tomates et des fleurs de courgettes…

 

 

Il faut également jeter son dévolu sur un délicat consommé composé d’une crème de courgettes avec de fines tranches de pain croustillant dorées avec du fromage. Le temps de dévorer des yeux et du palais ce premier plat et d’avoir jeté un petit regard circulaire sur les toits romains endormis en cette belle soirée et un superbe tableau arrive dans votre assiette : un magnifique filet de turbot est servi dans une cassolette de fruits de mer ! Est-ce une réinterprétation de notre célèbre bouillabaisse ? Toujours est-il que cette association est particulièrement inspirée, car elle procure au convive le régal d’un vrai poisson servi avec une vraie soupe de poisson. Les filets de sole panés et grillés avec des herbes et des graines de sésame emporteront également le choix du gourmet romain. Ses tempuras de courgettes ajoutent une note de couleur qui fait de ce tableau un plat comblant de joie le convive rasséréné par cette belle cuisine. Quelques douceurs romaines pour finir avec un millefeuille de meringue et une mousse de chocolat avec son sorbet à la pomme ou bien un irrésistible affogato de framboises accompagné de noisettes croustillantes.

 

 

Tout au long du repas, le personnel avisé n’aura de cesse de vous conseiller sur les vins à choisir : leurs avis s’avèrent juste et en diapason avec la cuisine. Un excellent Cabernet, fruité et léger, a décidé d’accompagner les plats, et un délicieux vin blanc sucré, spécialité de Sicile (Moscato di Pantelleria), nous rejoindra en fin de repas afin de sublimer les desserts ! Une Grappa bienvenue termine en beauté ce repas au Radisson Blue Hotel. Un petit tour autour de la piscine, un café servi avec des mignardises que l’on regrettera de ne pas toucher et une belle nuit sereine vous attend !

 


 

 


Nous n’avons que quelques pas à faire parmi les marbres, les belles consoles et autres objets de musée qui ornent les murs avant de rejoindre la salle du restaurant Sapori à l’intérieur de l’hôtel. Byron est décidément la figure emblématique des lieux. L’auguste lord a tellement influencé ces lieux qu'il fallait un restaurant à l’image de cet écrin. Une fois arrivé, tout est volupté : la décoration Art Déco de la salle réserve de belles surprises aux amoureux des beaux objets. Le service sera également à la hauteur des lieux : parfait ! Nicola Grieco, le sommelier, vous accueille avec cette expérience des plus grands établissements. L’homme sait y faire et vous recommande de se fier à lui, nous lui accordons immédiatement notre confiance… Et elle ne sera pas trahie ! Le choix des vins est sûr et il n’hésitera pas à vous faire part de sa difficulté à trouver un vin blanc qui puisse s’accorder avec le délicat artichaut, une institution à Rome… Ce sera un Serafini Vidotto, un Sauvignon blanc, qui emportera ses suffrages ainsi que les nôtres.

 

 

La mise en bouche préparée par le grand chef français Jean-Luc Fruneau nous avertit immédiatement : les saveurs déclinées avec les meilleurs produits du terroir et de la saison font l’objet d’une recherche à la fois inventive et en même temps dotée d’une certaine force, sûre d’elle. Les petits artichauts dont on a subrepticement enlevé le cœur et remplacé par une farce de pain et de fruits secs fondue au ragusano, un délicieux fromage sicilien sont littéralement fondant de bonheur… Ce ne sera que le début prometteur d’une longue série de découvertes culinaires remarquables. Le maître des lieux sait marier le sucré et le salé sans rupture possible. Un fondant de haricots borlotti et de crustacé est servi avec une sauce iodée, la mer, on l’oublie trop souvent, n’est pas si loin de Rome !

La soupe d’anchois accompagne des raviolis de langoustines et d’artichauts pour une association parfaite. Le festin se poursuit avec un risotto que nous n’avions jamais rencontré jusqu’alors : châtaignes et homard faisant la conversation avec de la marjolaine fraîche ! Si Byron avait été des nôtres en cette soirée, il n’aurait pas renié la saveur et l’intelligence d’une telle création… Comment oublier ce plat et être si infidèle avec les Paccheri (grosses pâtes cylindriques) aux fruits de mer accompagnés d’une crème de carotte et poutargue ? Impossible de répondre et c’est là tout le charme de la cuisine de Jean-Luc Fruneau. Le chef sait magnifier ces produits frais au meilleur de leur expression. Et lorsque une lotte rôtie arrive sur votre table avec une brandade de morue aux olives, câpres et poires revêtue d’une sauce aux fèves sèches, nous abdiquons et rejoignons les hauteurs célestes que les Antiques décrivaient déjà dans ces mêmes lieux avec comme compagnon un superbe vin Anima Umbra Arnaldo Caprai

Une douceur romaine achèvera ce tableau idyllique avec un délicat palet où l’amande et la pistache tiennent compagnie avec de la crème de ricotta le tout servi avec une poêlé de myrtille et de la glace pistache…
Il ne reste plus qu’à savourer un expresso bien serré comme seule la ville de Rome sait en faire avant de faire quelque pas dans le quartier résidentiel jouxtant le parc de la Villa Borghèse où les plus belles maisons se disputent la position la plus élevée !
Une belle expérience hédoniste digne de notre cher Lord Byron !
 

 


Nous descendons de notre chambre en début de soirée vers le restaurant Magnolia. Près du salon, nous sommes immédiatement accueillis et installés dans une ambiance très urbaine. C’est un lieu apprécié des Romains qui prennent souvent une pause dans ce quartier d’affaires réputé. Le monde de la banque, des finances et de la politique aime à venir goûter une cuisine à la fois légère et en même temps savoureuse, déclinant dans les meilleures variations, toutes les possibilités offertes par les produits de la mer.

Voici un lieu où la qualité du service rejoint l’excellence culinaire pratiquée jour après jour. David, l’un des serveurs, parle un très bon français et aura soin de vous conseiller parmi les nombreux plats proposés par la carte particulièrement alléchante. Nous suivrons ainsi les suggestions du jour avec un carpaccio de daurade délicieusement caché sous une fine salade d’artichauts.

 

 

Une entrée en matière plaisante pour aborder des Fettucine qui avaient accepté la compagnie de scampi et de grosses crevettes. Un délicieux pinot noir Hofstatter Barthenau Alto Adige vint fort à propos et apporta une touche de fraîcheur idéale à ces variations de la mer. Un superbe turbot fit une entrée triomphale, il avait pris comme parure du citron et des câpres dans un harmonieux mélange, le tout adouci par une purée de pommes de terre pour une parfaire association !
 

 

 

Nous sommes à Rome en Italie et les douceurs de la ville exigeaient que l’on y fasse honneur… Une fantaisie de desserts traditionnels italiens prit ainsi place sur une belle assiette : une Torta Miro, un délicieux millefeuille de chocolat et de fraises ainsi qu’un savoureux sorbet de fruits des bois vinrent clore un repas léger et recherché.

 

 

 


 


 

Radisson Blue Hotel,

Roma Via Filippo Turati, 171 - 00185, Rome, Italy
Tel. +39 06 444 841

Fax +39 06 44 34 13 96
www.radissonblu.com/eshotel-rome
 

Hotel Lord Byron Rome

Italy | Via Giuseppe De Notaris, 5 - 00197 ROMA Tel. +39 06 3220 404

Fax +39 06 3220 405

www.lordbyronhotel.com

Grand hotel via Veneto 5 Star Deluxe

via Veneto, n. 155 - 00187 Roma (Italy)

Tel. +39.06 48 78 81

Fax +39.06 48 78 87 88

www.ghvv.it

 

 

 

 

un endroit mythique de Lisbonne

Le restaurant TAVARES

 

La chronique du promeneur gourmand...

Le Tavares
Casa fundada em 1784 –Lisboa

 

 

 


Dans le quartier du Chiado, rue de la Miséricorde, à deux pas d’A Brasileira hantée par l’ombre de Pessoa, une jeune femme oublie sa pantoufle de vair dans un décor de conte de fées. Glaces immenses, feuilles d’or à foison, lustres, appliques, on est ébloui par les reflets, émerveillé par le rococo, la splendeur de cette salle du restaurant Tavares. Elle date du règne de Marie la pieuse, dite aussi Marie la folle, de cette réaction royale à la rigueur, l’encyclopédisme du Marquis de Pombal. Or, faste de ce miroir, où la noblesse se mire et le miracle est que le miroir est toujours là, tel quel, qu’on vient y déjeuner, y dîner en complet, en robe ou plus décontracté, et si l’on éteint son portable c’est qu’on a plaisir à se livrer à cet « Il était une fois ».

 

 


Voilà le plus vieux restaurant de Lisbonne, voilà le plus beau, le plus étrange qui ressemble à cette ville tant il mêle joie de vivre et fantôme. On pense aussi à Cocteau, à La Belle et la bête. Jose Avillez en est le jeune chef, il n’a pas plus de trente ans, il a rêvé de l’endroit quelques mois avant de s’y retrouver. Il met en exergue cette phrase exigeante d’Eça de Queiroz, le grand écrivain portugais du dix-neuvième siècle qui vint souvent manger des huîtres au Tavares : « Pour un homme, être perdant ou mis en échec dans la vie dépend non de la réalité évidente à laquelle il est arrivé — mais de l’idéal auquel il aspirait. » Mettons-nous donc à table et savourons en amuse-bouche après un potage frais de châtaigne, fenouil et homard, un clin d’œil moderniste à la cuisine moléculaire sous la forme de trois olives délicieuses sur une bûche, dont une sphérique, remplie d’un air comprimé se dilatant dans la bouche avec une profonde saveur d’olive comme si vous mangiez l’olive sous l’olivier, ou comme si, cosmonaute de la Nasa, vous faisiez une expérience d’avant-garde gustative.

 

 

 

C’est cette fantaisie dont est capable Jose Avillez qui décline classiquement de légères palourdes à la portugaise et un œuf cuit à basse température aux arômes de la terre. Techniques de cuisson, ancrage dans la tradition, aventure et recherche. Il marie la lecture des vieux livres de recettes, des bouquins de chimie, la curiosité de l’explorateur portugais et les innovations dans les façons de faire, les fours tournants mirobolants. Prenez son agneau de lait à deux cuissons, ragoût de petits pois en purée, petits pois sautés : l’agneau et les petits pois ont deux vies dans votre assiette selon la manière de les préparer et il vous offre, cette variété de saveurs en même temps. Et la morue, le bacalao, ce plat portugais entre tous, si fameux qu’on finit par croire qu’on le pêche dans le Tage, Jose Avillez rappelle avec justesse qu’on le pêche dans les mers du Nord, qu’il traduit ce goût lusitanien du lointain. On le retrouve évidemment à la carte : « Morue pochée dans de l’huile d’olive accompagnée d’une purée de tomate et de « migas » croquantes, parfumée aux feuilles de menthe du ruisseau et avec des figues de l’Algarve. » Une délicieuse excursion géographique pour un promeneur gourmand.

 

 

Et le Tavares qui s’endormait dans ses beaux miroirs, ses dorures, l’ombre de Marie la pieuse, dite Marie la folle se réveille enfin, il a trouvé son prince charmant et la jeune femme a plaisir à y oublier sa pantoufle de vair.


Andrea de Lauris

 

 

 
 

Interview de José Avillez, chef du Tavares

 
 

LEXNEWS : « quel a été votre parcours, celui qui vous a amené à être un grand chef ? »

José Avillez : « Quand j'avais six ans, je rêvais de devenir un charpentier ! On m'a répondu que je ne gagnerai pas ma vie ainsi, qu'il me faudrait mieux devenir avocat ou architecte. Comme j'aimais dessiner, je me suis dit alors que je deviendrais architecte... Finalement, je me suis orienté vers des études de marketing et de communication. Dans ce contexte, j'ai été amené à réfléchir sur les rapports entre dégustation de vins et cuisine. Il n'existait pas à l'époque de formation alliant ces deux aspects. En travaillant sur la question, j'ai réalisé que j'avais profondément envie de devenir un chef cuisinier. Je pensais qu'on me dissuaderait d’aller dans cette voie ; or, bien au contraire, j’ai plutôt reçu de nombreux encouragements. À cette époque, j'avais 20 ans. »

LEXNEWS : « Aviez-vous, avant d'aller dans cette voie, l'habitude de cuisiner étant adolescent ? »

José Avillez : « Tout à fait ! Quand j'avais 10 ans, avec mes soeurs, nous avions fait tout un petit business qui consistait à faire des gâteaux et à les vendre au voisinage. Je cuisinais régulièrement pour ma famille, mes amis, etc.
C'est pour toutes ces raisons que je suis rentré un jour à la maison et j'ai dit à ma mère : je vais devenir chef cuisinier. Elle m'a dit que j'étais complètement fou, et je lui ai répondu que j’allais terminer ma dernière année de marketing tout en réalisant une formation dans le cadre de la cuisine avec des cours du soir. Le premier mois de ma formation, j'ai appris avant tout que je ne connaissais en fait rien du tout à la cuisine ! Après une formation approfondie, j'ai ouvert mon premier restaurant à Cascais. J'ai eu un parcours très rapide certainement aidé en cela par ma formation en marketing. Dans la gestion de mon restaurant, dans le développement de mes affaires, il est clair que tout cela a une grande importance. J'ai eu également la chance d'avoir de précieux conseils de nombreuses personnes compétentes en la matière. Je suis fermement convaincu que nous récoltons ce que nous avons semé, et que nous sommes responsables de ce que nous avons été.»



LEXNEWS : « Le restaurant Tavares est un lieu mythique à Lisbonne. Comment en êtes-vous devenu le chef ? »

José Avillez : « Le propriétaire m'a contacté, car le précédent chef devait quitter les lieux. Il faut savoir que ce restaurant est l'un des plus anciens de Lisbonne puisqu’il a aujourd’hui 226 ans. Les dernières années n’avaient pas été une réussite, de nombreux chefs s’étaient succédé, il manquait une continuité. On m’avait déconseillé de prendre cette nouvelle responsabilité, car il y avait trop de défis à surmonter. J'ai tout de même accepté la proposition !

LEXNEWS : « Connaissiez-vous ces lieux auparavant et pensiez-vous un jour en devenir le chef ? »

José Avillez : « Oui, je connaissais déjà les lieux auparavant, j'y étais venu quelques fois, et bien entendu je rêvais d'en être le chef. Mais, c'était de l'ordre du rêve ! Je dois vous avouer que deux semaines avant d'être contacté par le propriétaire, j'ai fait un rêve très précis en ce sens… Le restaurant a fermé pendant deux mois pour rénovation, et dès la réouverture j'ai pu officier en tant que chef dans ce superbe lieu. Dans les semaines qui ont suivi, la fréquentation a augmenté de 40 %. Toutes les soirées étaient complètes ! Mais, il faut savoir que mon activité ne se résume pas à la cuisine, il faut également penser à cette cuisine, planifier tout ce qui a trait au marketing quant à cette cuisine, penser à de nouvelles recettes... Ainsi, cette profession est une véritable passion, mais également ma vie. J'estime que je suis heureux de pouvoir gagner ma vie en faisant quelque chose qui est en même temps un réel plaisir (...)"
 


Tavares
www.restaurantetavares.pt

Rua da Misericórdia 35, Lisboa 1200-270
Téléphone:+351 213421112

(...) LEXNEWS : « D'une certaine manière, vous associez les deux caractéristiques de votre parcours à savoir la création et le management. »

José Avillez :
« Absolument ! Vous avez raison de souligner cette part artistique qui était très présente lorsque j'étais enfant, et qui joue encore un rôle déterminant dans ma cuisine aujourd'hui. Par la cuisine, que j'ai pu également exprimer mes talents de marketing et de management. Cela ne m'empêche pas d'aimer faire de la cuisine traditionnelle ; en fait, qu'il s'agisse d'une haute cuisine, ou d'un plat traditionnel, j'éprouve toujours un plaisir immense à cuisiner. »

LEXNEWS : « Quelle est l'influence majeure qui inspire votre cuisine ? »
 


José Avillez :
« Je suis encore très jeune (30 ans) et mon identité peut encore évoluer, mais, pour répondre à votre question, j'estime que la cuisine portugaise est très fortement influencée par la nature. Les paysages, la terre m'inspirent énormément dans la création de nouvelles recettes. Je crois qu'il est très important de constater qu'il y a encore 10 ans lorsque vous alliez dans les principaux restaurants internationaux plus de 90 % d'entre eux présentaient les mêmes cartes avec des plats très similaires. Cela grâce à Dieu a commencé ces dernières années, et les chefs des grands restaurants commencent à comprendre qu'il faut revenir aux racines afin de ne pas être coupé de nos origines. Cela ne nous empêche pas bien entendu de faire des recherches, ce que nous faisons quotidiennement avec mon équipe en réfléchissant à de nouvelles associations. Il ne faut pas oublier que l'un de nos plats les plus traditionnels est composé d'un poisson, la morue, qui ne vient pas de nos mers, mais de celle du nord ! C'est bien là le signe que nous sommes des voyageurs mêmes dans notre cuisine… Je crois qu'il est très important pour nous de comprendre et de garder à l'esprit cette dimension historique et culturelle. Nous ne sommes pas pour autant emprisonnés dans la tradition, même si cet après-midi encore, j'étudiais des livres anciens de recettes portugaises. Il est évident que nous ne souhaitons plus faire cuire aussi longtemps certains coquillages ou poissons au risque de dénaturer la richesse des goûts et des saveurs qu'ont ces éléments. Il nous faut faire la part des choses et ne retenir que le meilleur ! Vous savez les Romains avaient l'habitude d'associer les huîtres et le foie gras, et je suis sûr qu'à cette époque ses huîtres et le foie gras avaient très certainement un autre goût que celui qu'ils peuvent avoir aujourd'hui. Qui plus est, les goûts des consommateurs ont eux-mêmes profondément changé. Certaines associations peuvent paraître bonnes ou d'autres sont mauvaises, et cela y compris dans une dimension historique. D’autre part, dans notre restaurant nous cuisinons à la fois pour les Portugais, mais également pour nos hôtes étrangers (65%). Cela complique les choses même si bien entendu ces personnes viennent goûter la cuisine traditionnelle lors de leur séjour au Portugal. C'est un challenge tous les jours que de satisfaire la curiosité de Japonais, d'Australiens, d'Américains avec notre cuisine. Nous renouvelons régulièrement notre carte sans pour autant rester prisonniers des recettes liées aux saisons. Certains plats sont particulièrement demandés depuis que je suis chef ici. Il n'est évidemment pas question de décevoir notre clientèle en les faisant disparaître de la carte. En fait, l'une des choses les plus importantes, outre la qualité de notre cuisine, c'est l’écoute de nos clients. Nous attachons une très grande importance à leurs impressions et réactions quant à ce que nous leur proposons. Pour cela, je viens parfois dans la salle et je parle avec nos clients ; nous avons d’ailleurs mis en place des cartes qui sont remises à la fin du repas pour laisser leur impression.»

LEXNEWS : « Vous êtes d'une certaine manière l'ambassadeur de votre patrimoine culinaire. »

José Avillez :
« Nous pensons en effet que Tavares peut être l'ambassadeur de la cuisine contemporaine portugaise. Nous tenons à ce que les plats traditionnels de la cuisine portugaise soient présents dans la carte tout en offrant des interprétations libres à partir de cette tradition. Mais, vous savez notre clientèle portugaise préfèrent souvent les choses simples ! Il faut savoir que la plupart de nos clients viennent ici pour fêter un grand événement et je suis fier de pouvoir être associé à cela. Il faut se souvenir aussi que les principaux courants poétiques et littéraires se sont réunis dans ces murs prestigieux. Tout cela exige beaucoup de moi et de mon équipe, mais pour rien au monde je ne changerai cela. Je crois que Tavares est un lieu qui est non seulement un lieu de mémoire, mais également une adresse représentative de la haute cuisine portugaise, un lieu où les gens aiment se réunir. »

 

 
 

L'excellence du Restaurant 100 Maneiras

 

Une belle soirée d’automne à la Casa da Comida…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Restaurante 100 Maneiras

Rua do Teixeira, 35, Bairro Alto 1200-459 Lisboa Reservas: 910.307.575 www.restaurante100maneiras.com

 



Dans le Bairro Alto, après avoir gravi la côte qui nous mène sur l'admirable belvédère Sao Pedro de Alcantara, il existe au 35 de la Rua do Texeira, un restaurant qui joue sur les mots, mais pas sur la cuisine !
Nous entrons dans un restaurant intimiste où les boiseries peintes dans un doux blanc crème reflètent une lumière tamisée annonciatrice des meilleurs augures.
Ce cadre chaleureux accueille la cuisine d'un des plus talentueux chefs de Lisbonne, Ljubomir Stanisic, d'origine yougoslave et valeur reconnue des Lisboètes à la recherche d'une cuisine inventive et pleine de ressources. L'accueil est immédiatement spontané, sans affectation, mais avec professionnalisme. Le service suit de près les besoins des clients sans accaparer leur attention. Les réjouissances gustatives ne vont pas tarder à satisfaire la curiosité des convives. Le concept de 100 Maneiras est de composer un programme culinaire avec avant-propos, introduction, chapitre et conclusion. Ce livre ouvert voit défiler une à une ses pages culinaires à un rythme ni trop rapide, ni trop lent, suivant lequel va se développer des thématiques surprenantes, mais jamais choquantes. Et là, réside le secret du grand chef Stanisic : pousser l'audace jusqu'aux limites de la créativité sans rompre l'équilibre fragile de ce que le palais peut accepter.
La séduction opère sans réserve. Qu'il s'agisse des fines lanières de morue séchée étendues avec de mini pinces à linge sur un séchoir composé d’un fil de fer tendu sur un demi-cylindre, ou de la soupe de melon en terrine accompagnée d'un bonbon de foie gras associé à du chocolat posé sur une petite cuillère...
L'appétit est aiguisé et est prêt à attendre la suite de la lecture de cet essai des plus réussis. Un tartare de saumon vient à point nommé et il n'est pas seul ! Il est accompagné d'une crème de fleurs de sureau, d'un pesto de sésame avec de l'ananas. Le plat suivant est une surprise pour les yeux autant que pour les papilles gustatives : des clams d'un beau jaune reposent sur un nid de vermicelles noirs colorés par l'encre de seiche et rehaussés par la couleur rouge du chili déshydraté, une véritable réussite !
Nous poursuivons notre découverte avec un excellent turbot rôti à souhait entouré de chips de manioc, de pommes de terre, des tomates et des olives afin de nous rappeler que nous sommes au Portugal et que la ville se plaît à se refléter dans l'eau. Une petite pause avec un trou normand lisboète qui prend les couleurs d'un peu de champagne dans lequel une bille de sorbet au basilic affûte l'appétit pour la suite du programme, une idée originale...
Mais, nous laissons le lecteur découvrir la suite, car raconter tout ce livre culinaire dénaturerait la curiosité indissociable de cette cuisine inventive. Notons que le sommelier est redoutable pour amener avec diplomatie (une main de fer dans un gant de velours) à la conclusion selon laquelle vous gagneriez à découvrir les vins du Portugal en dînant à Lisbonne... Et il a raison ! Ces choix sûrs suggérés avec professionnalisme et discrétion ajoutent à la cuisine et au service remarquable une note de bon goût avec un magnifique Monte Cascas, un vin blanc du Doc Douro, cuvée 2009 à la robe couleur citron avec une texture crémeuse et un équilibre remarquable pour un vin aussi jeune.
Il faut découvrir cette table au coeur même de la ville historique de Lisbonne et la faire partager au plus grand nombre dans le même esprit de générosité qui anime ce jeune chef et son équipe dynamique !



 



Le restaurant Casa da Comida se découvre au nord de Lisbonne, près d'une merveilleuse place portant le nom de Amoreiras où l’Aqueduto construit dans la première moitié du XVIIIe siècle sur les ordres de Dom Joao V étend puissamment ses arches. Le soir, alors que la douceur de cette fin d'octobre ne cesse d'étonner le visiteur habitué à la fraîcheur de l'automne hexagonal, c'est un régal que de se préparer à retrouver un haut lieu de la cuisine de Lisbonne. C'est là où officie le talentueux chef Bertillo Gomez, dans un cadre agréable et raffiné, disposé tout autour d'un patio inspirant où trône un magnifique palmier au pied duquel il est possible de dîner à la belle saison...
La décoration est soignée avec de belles vitrines abritant de la vaisselle d'Asie, les murs d'un vert délicat donnent un caractère à la fois intimiste et raffiné à ce lieu où on l'on vous accueille agréablement. Si vous le souhaitez, vous prenez place dans l'un des confortables fauteuils des petits salons qui entourent la salle, afin de prendre un verre et manger quelques amuse-bouches pour découvrir la carte du menu, tranquillement faire votre choix et de passer à table que lorsque tout est prêt !
Différentes formules sont à la disposition du convive : un menu tradition, un menu dégustation ou, bien sûr, une carte particulièrement bien fournie où va se développer toute la créativité du maître des lieux. Parmi les nombreuses bonnes idées suggérées, une très agréable soupe de poisson permet de déguster la richesse des produits de la mer de la côte portugaise. Les esthètes plus terriens jetteront leur dévolu sur un sublime foie gras fait maison qui n'a rien à envier au Sud-ouest français ! Servi sur une fine pâte de figues relevée de chocolat, l'association, après avoir étonné, séduit immédiatement. Pour accompagner cette cuisine à la fois raffinée et en même temps sûre d’elle, le sommelier nous fait découvrir un vin rouge du Portugal particulièrement délicieux, « T » Quinta da Terrugem cuvée 2001 dont la robe attire l'oeil par son rouge profond nourri au soleil lusitanien...
Faisons honneur à l’un des plats les plus traditionnels du Portugal, le fameux Bacalhau, préparé de main de maître par le chef Bertillo Gomez. Le résultat est surprenant. La morue devient goûteuse et tendre grâce à une habile préparation, les pommes de terre rôties s'harmonisent avec les jeunes pousses de brocoli pour former un trio réjouissant. C'est bien là une démonstration convaincante qu'il est possible de reprendre les recettes traditionnelles de la cuisine du patrimoine, tout en les proposant dans une interprétation raffinée à la manière de ces airs populaires repris dans les meilleures musiques classiques.
Le service se déroule selon un rythme calme qui permet d'apprécier la douceur des lieux et le sommelier suggère de découvrir un porto vintage, une idée remarquable tant ce vin goûteux réserve une pause hédoniste permettant d'apprécier ce que nous avons découvert de l’art du brillant chef opérant dans ces lieux.
La carte des desserts satisfera les gourmets et les gourmands ! Il faut avoir dégusté ce chaud-froid de meringue de citron avec un granité de fruits rouges particulièrement savoureux. Les amoureux de cuisine traditionnelle jetteront leur dévolu sur un grand classique de la cuisine portugaise avec le Sericaia, gâteau accompagné d'une surprenante jelly de fraises et d'une boule de glace de fromage de chèvre !
Au final, on se dit que le chef Bertillo Gomez est un magicien : il vous propose une cuisine à la fois inventive et en même temps assise sur de grands classiques, savoureuse et audacieuse, mais toujours rattachée à des fondations rassurantes. La Casa da Comida parvient à réunir tout cela avec harmonie dans un cadre inspirant propice à l'évasion, une adresse à retenir dans sa découverte de la ville !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Casa da Comida
Travessa das Amoreiras, Nº 1
1250-025 - Lisboa
Telefones: 21 388 53 76 / 21 386 08 89
Fax: 21 387 51 32
E-mail: geral@casadacomida.pt
www.casadacomida.pt

 

 

 

 

LA MAISON DES ARTS & METIERS

...Un art de la table, un art de vivre...

 

                                    

 

 

 

 

 

 

 

Je marche avenue d’Iéna, je vais dîner à la Maison des Arts et Métiers, au numéro 9 bis. Après Polytechnique à l’hôtel Poulpry, voici les Arts et Métiers. Mon père serait content. Enfin le promeneur gourmand fréquente les grandes écoles, du moins leur cantine. La maison s’appelle l’Hôtel d’Iéna, bâtie en 1895, elle est depuis 1925 le siège des ingénieurs des Arts et Métiers et depuis quelques années un restaurant ouvert au public.
C’est l’été. Le soir tarde à tomber. Il n’y a plus grand monde. Des voitures circulent. L’avenue, les contre-allées, les beaux immeubles dorés de lumière ont une allure fantomatique. Je ressens une légère inquiétude : drôle d’endroit pour un restaurant… L’avenue d’Iéna va de l’arc de triomphe de l’Étoile au jardin du Trocadéro, elle est arquée, solennelle, pentue sur une partie de sa course, mais ce sont surtout ses portes cochères qui intriguent. Plein cintre, en anse de panier, monumentales, de bois massif, peintes en bleu foncé, en marron ou en vert sombre, elles s’ouvrent sur d’autres portes réduites, les anciennes cours souvent recouvertes, les halls qui désorientent par leurs proportions. Que cachent-elles vraiment ? Elles scandent de leurs courbes imposantes la succession des façades auxquelles elles impriment une physionomie aussi majestueuse que déserte. Il n’y a plus personne. Le prince, le président, le ministre, le directeur général, le consul est parti, on a laissé un concierge portant cravate et mélancolie.


Napoléon, lui, est très présent. Ces parages se nomment Iéna, Lubeck, Friedland, Kléber et je feuillette ces pages de l’Empire en somnambule. On croirait le tableau du Sacre de David dont on aurait enlevé les personnages. Je pourrais m’en amuser si je ne craignais pour mon repas. Hmmm, Napoléon I revisité par le Second Empire autour de l’Arc de triomphe de l’Etoile, une classe d’entrepreneurs, d’industriels, de financiers bâtissant leur palais dans ce nouveau Paris, une méritocratie de polytechniciens, d’ingénieurs des Arts et Métiers, d’audacieux, leurs grands ancêtres s’illustrant à Austerlitz, Iéna, Wagram, laissant à d’autres Azincourt, Jean II Le Meingre, Charles d’Albret, et élevant ce quartier sous l’œil débonnaire d’Osman Pacha (
1)...
 

 

 

 

 

                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

...Mon repas se trouve derrière une de ces portes cochères… Elles n’ont ni patine, ni usure, elles n’ont presque servi à rien, voilà leur drame ! On n’a guère entendu le claquement des chevaux sur les pavés, senti le picotin d’avoine, le cuir du harnais, vu la croupe des pouliches à la lueur des becs de gaz, les pépites du crottin. Très vite, à peine quelques dizaines d’années, le vroumvroum, les vapeurs d’essence des Delage, des De Dion-bouton, des Hispano-Suiza ont recouvert ce fredon, les chauffeurs ont soulevé leur casquette. On a raté le coche ! Et à moins d’avoir un ego démesuré, d’être président, ambassadeur, fondé de pouvoir, ces portes sont bien trop hautes, trop grandes pour un homo sapiens et l’avenue d’Iéna a un très fort coefficient d’évanescence.
Si ma chronique n’était pas gourmande, je vous parlerais de ce coefficient d’évanescence qui s’élève à des hauteurs insoupçonnables dans certains quartiers parisiens.

Délicieusement assis à une terrasse, buvant une gorgée de pinot noir d’Alsace, cave de Turckeim 2005, respirant la douceur de l’été, j’ai franchi la porte cochère du 9 bis sans trop d’encombres, traversé une salle aussi spacieuse que lumineuse, et me suis installé à une table dehors à l’ombre.
J’ai à choisir entre une « rémoulade de tourteaux, poivrée de radis, crème aigrelette », « une soupe froide de courgette au parmesan » et « un confit de pigeon et foie gras de canard ». Je me résous à ce dernier. Bien m’en prend tant le confit est goûteux. J’aurais bien croqué une petite cerise sûre qui se serait mariée avec la succulence du gibier. Je regarde les arbres de la terrasse. Trois magnolias étincellent au soleil et au-dessus derrière la grille en haut d’un mur débordent de lourds feuillages un tilleul et un marronnier. Il y a là un amphithéâtre de verdure et même à main gauche, une drôle de tour faussement médiévale à l’extrémité d’un mur aveugle avec fenêtres en ogive.

Puis une dame à sa haute fenêtre
Blonde aux yeux noirs en ses habits anciens
Que dans une autre existence peut-être
J’ai déjà vue et dont je me souviens.

Caprice posthaussmannien qui date de 1895, ce n’est même pas un escalier, on l’a érigée Dieu sait pourquoi et sur le mur aveugle qui la jouxte, on aurait pu lire à une autre époque Du bon, Du bon, Dubonnet. Il y a de quoi se réjouir. La terrasse de la Maison des Arts et Métiers me fait découvrir la doublure bien plus précieuse que le manteau de l’avenue d’Iéna, une fantaisie de coulisse inespérée. Derrière cette tour, cet immeuble, ce décor, rue de Lubeck, des maîtres Zen ont construit dans l’annexe du musée Guimet un pavillon de thé entouré d’eau, de petits ponts et de roseaux, tandis que les jeunes filles de l’Assomption, de l’autre côté de la rue de Lubeck, ont perdu cet uniforme, jupe bleue, chemise blanche, qui m’a fait tant rêvé adolescent. Voilà enfin un quartier !
On me sert un pavé de sandre très légèrement panné assorti de petits pois craquants et un jus frais comme du citron ou des agrumes ; le Turkheim 2005 a bon air en s’ouvrant ; le soleil vient de quitter la terrasse et muse encore dans le feuillage du tilleul.
Si j’avais pratiqué l’argot des Gadzarts, surnom que se donnent les élèves ingénieurs de l’école des Arts et Métiers dont le siège est, je le répète, depuis 1925 dans cette maison, j’aurais dit :
— Zabon ! en prenant entre mes zadoigts mon verre de pinot noir usant de ce zargot unique. Oh ! jeunesse dont la devise est « fraternité », quel plaisir de me retrouver dans ta maison où vous vous réunissez depuis tant d’années, noble demeure des Gadzarts.
Et le dessert, je n’allais pas manquer le dessert. Je choisis un mille-feuille à la framboise. Ce n’est pas un gâteau simple, il a les difficultés contenues dans son nom. Il lui faut à la fois éviter la lourdeur de la crème et du feuilleté, et accomplir sa mission de rassasier. A trois étages, un feuilleté craquant au rez-de-chaussée, une douzaine de framboises fraîches sur un nuage de crème au premier et le même feuilleté au second. Simple, efficace, exquis.
Bref, croyez-m’en, de cette terrasse d’été, l’avenue d’Iéna n'est pas mal du tout.


Andréa de Lauris

1. Surnom attribué au baron Haussmann.

 

 

 

Situé au 9 bis, avenue d'Iéna (16ème arrondissement), au centre de Paris, à égale distance de la place de l'Étoile et du Trocadéro, la Maison des Arts et Métiers met à votre disposition sa ravissante terrasse, ses salons d'exception ainsi que sa très belle salle de conférences.

www.maison-artsetmetiers.com

Service Commercial Evenements privés : 01 40 69 27 69
Service Commercial Entreprise : 01 40 69 27 07
Réservation Restaurant

01 40 69 27 53

 

 

 

Le restaurant La Veranda

Hôtel Four Seasons - Milan

 

Interview Sebastiano Spriveri

 chef en second du restaurant La Veranda

Hôtel Four Seasons - Milan

Milan, c’est le Duomo, « Deux mille cinq cents — on dit cinq mille— statues lancées en l’air comme un peuple qui s’y promène et converse éternellement, tant les aiguilles de marbre qui leur servent d’appui sont légères et effilées. »*
Milan, c’est la Lombardie, le lac de Côme, le lac Majeur, les Borromée, les Sforza, les Visconti, c’est Stendhal croisant les belles Milanaises et se précipitant comme un maniaque à la Scala où l’on joue Cimarosa, le pays du bonheur, Milan, c’est cette guirlande d’églises sublimes, ces fresques, le peintre Bernardino Luini reconstituant le déluge en une bande dessinée haletante, Milan, c’est…, comment finir cette énumération…,
Et c’est aussi …. La Veranda.
Si l’on ne peut visiter l’Italie, même mécréant, sans entrer dans les églises, il ne faut pas oublier la ou les cuisines italiennes, ses vins, ses douceurs, ses Parme, ses ricote, ses gelati, cette dolce vita que le visiteur ingrat feint d’ignorer dans la fraîcheur d’une chapelle, devant un carton de Raphaël ou une statue de Michel-Ange, cette gastronomie heureuse, ce mille feuille de plaisirs dont la Veranda est un des temples à Milan.
 

Le restaurant s’ouvre sur un cloître à fine colonnade de granit. Un jardin carré, à arbustes géométriques, presque zen, invite à la paix de l’âme que la salle recueille par ses baies vitrées. La lumière du soir, les lustres vénitiens brillent, le couvert chatoie sur les nappes, on éprouve une sensation de terrasse, de bel été.
Sise Via Gesù, petite rue tranquille, dans cette précieuse coquille du couvent Santa Maria de Gésù datant du quinzième siècle, transformée au dix-huitième en Palazzo d’Ada, la Veranda est le restaurant de l’hôtel Four Seasons, fleuron de la chaîne. Il s’y est installé il y a quelques années avec le souci d’exprimer le génie du lieu.
Beau souci que partagent Sergio Mei et Sebastiano Spriveri, les deux chefs qui recherchent les produits frais du marché, animés par ce goût du terroir, de la proximité, de cette Lombardie, de ce Piémont, de cette rue adjacente. Ils sourient, Milanais d’adoption, de la monotonie de la cuisine internationale et insistent sur le fait que c’est rien du tout ce bric-à-brac ! L’assiette a un devoir de franchise, de vitalité, elle ne doit pas s’embrouiller dans les voiles des sauces compliquées, se perdre dans les sophistications. Elle a juste le droit du masque, de la fantaisie d’Arlequino et de Pulcinella qui sont du cru**!


On s’essaiera à la combinaison d’un jambon d’Aoste, d’une fleur d’aubergine, d’une figue et d’un melon.
Et cette soupe froide de tomates avec de la ricota tendre comme une crème fouettée et savoureuse. On accompagne cette simplicité et ce foisonnement d’un vin de Lombardie léger, boisé et subtil. Puis on passera au chaud. Je me souviens de ces spaghettis aux courgettes naines à l’aneth bordées de coques. Et d’un rizotto jaune comme un flan marié à un osso bucco moelleux. La dernière note de cette suite italienne sera une mousse aérienne de panacota mangue.
A Milan, on se donne l’adresse de la Veranda comme un billet doux.

Andrea de Lauris

*. Marceline Desbordes-Valmore
**. Bergame

 

LEXNEWS : « Quel a été votre parcours qui vous a amené à être le chef en second au Four Seasons ? »

Sebastiano Spriveri :
« Je suis originaire de Sicile et j'ai été formé par le chef Sergio Mei, puis je suis devenu son assistant. Sergio Mei est natif de Sardaigne, donc une certaine complicité nous unit quant à la cuisine italienne... J'ai tout appris de Sergio Mei et je dois vous avouer que c'est un peu comme un mariage avec lui !
Une véritable philosophie nous unit et le plus souvent, il n'y a même pas besoin de mots pour l'exprimer, un regard sur une décision à prendre suffit pour régler la question. Autrement, il n'y aurait pas de place pour deux conceptions différentes dans une même cuisine... »
 


LEXNEWS : «Quelle est la philosophie de votre cuisine ? »

Sebastiano Spriveri :
« La philosophie de Sergio Mei, et à laquelle j'adhère totalement, c'est un retour de la cuisine au goût. Cela a l'air simple à dire, mais de trop nombreux chefs internationaux ont oublié cela. Le client devant son menu ne sait pas ce qui va lui arriver ! Il ne comprend pas le nom des plats, n'a aucune idée de l'association des mets, ni quel goût cela va avoir. Cela entraîne trop souvent des déceptions, et on ne peut pas accepter cela en cuisine. Sergio Mei et moi-même insistons pour que les plats parlent à ceux qui vont les manger. Cela doit directement être évocateur et aller droit au coeur. Nous disons souvent : « retournons aux racines de notre art ! », il faut cesser cette intellectualisation de la cuisine qui conduit à de trop grands dérapages. La meilleure preuve, c'est que nos clients, pour un grand nombre d'entre eux habitués aux grandes tables internationales, reviennent très souvent, parfois même deux fois par semaine, parce qu'ils sont heureux et ont le plaisir de retrouver une cuisine sensuelle et accessible. Cela ne veut pas dire qu'il s'agisse d'une cuisine facile : il y a un tour de main, une connaissance technique, un choix exigeant des bons ingrédients, leurs associations habiles... Tout cela demande du temps et un grand savoir et c'est à cela que nous croyons. Comme je vous le disais tout à l'heure, Sergio Mei a une véritable philosophie qui s'exprime par une cuisine humaniste. »

LEXNEWS : « Comment caractériseriez-vous la cuisine que vous pratiquez avec Sergio Mei dans les restaurants du Four Seasons ? »

Sebastiano Spriveri :
« Nous sommes très exigeants quant au choix des ingrédients, leur provenance, leurs associations. Nous travaillons avec des fournisseurs depuis de nombreuses années, ce qui est un signe de la régularité de la qualité de leurs produits. Nous avons plaisir à proposer des plats traditionnels italiens dont nos clients raffolent : un osso-buco, un risotto traditionnel, et même des spaghettis cuisinés dans les règles de l'art ! Ne vous y trompez pas, cela demande un travail souvent ignoré, une connaissance de la cuisson des ingrédients qui a tendance à se perdre aujourd'hui. Nous pouvons beaucoup apprendre des classiques d'autrefois et à partir de là à improviser et créer sur cette base solide. Pour nous, il ne saurait y avoir d'improvisations sans fondations !"

 

 

 

Le Restaurant La Maniera di Carlo - Milan


Pour goûter aux charmes de la cuisine italienne authentique tout en profitant d’un décor à la fois jeune et raffiné, il faudra frapper à la porte du restaurant La maniera di Carlo dont le nom évocateur est un hommage au père disparu et aux bonnes manières qu’il a su léguer à ses enfants. C’est en effet à partir d’une idée de Francesco Germani en septembre 2009 qu’est née cette table désormais saluée par les critiques et appréciée d’une clientèle milanaise de plus en plus nombreuse. Le jeune restaurateur bien introduit dans la société milanaise a souhaité que cette adresse reflète « un ensemble de bonnes manières qui satisfassent tous les sens, qui évoquent les souvenirs des traditions oubliées, qui fassent regarder vers le futur avec optimisme et vivre le présent de manière enthousiaste ». Autant dire que le but est atteint, car la cuisine de toute première qualité est à la fois une ode aux meilleures traditions culinaires italiennes tout en s’autorisant des excursions originales sur des voies culinaires hors des sentiers battus. Nous sommes dans l’élégance soulignée par l’atmosphère raffinée sans affectation d’un lieu propice à une rencontre informelle entre amis.

La cuisine est à l’image du cadre dans lequel elle est servie : à la fois authentique et soignée. Les produits à la base de la cuisine proposée font l’objet d’une recherche méticuleuse qui est immédiatement perceptible dans des entrées où des petites salades de tomates cerises confites avec des morceaux de pastèque se disputent la primeur avec du guacamole réinterprété ou encore de petites verrines de compotes de légumes (...)

 

 

 

(...) Les goûts sont à la fois simples et en même temps d’une association sûre et mature. Cela est d’autant plus surprenant que le jeune chef talentueux, Lorenzo Santi, n’a que 25 ans et que les plats proposés donnent l’impression d’une longue expérience acquise pendant des années à la chaleur des fourneaux. L’excellence du choix des fournisseurs qu’il s’agisse de l’huile d’olive choisie chez les meilleurs producteurs, des jambons de Brianzoli, des produits de la Toscane ou des charcuteries siciliennes est au menu de ce restaurant qui offre une véritable carte géographique des produits de la péninsule italienne. Le pain, les gressins et la pâtisserie sont faits maison et la carte des vins déploie un éventail de 250 étiquettes nationales ainsi que de nombreux champagnes…

 

 

 

 

Le poisson mérite à lui seul une note de tout premier plan. Frais et savoureux, ils sont proposés avec différents accompagnements de légumes qui sont un régal pour les yeux et le palais ! Il faut aussi avoir goûté aux tagliatelles aux orties et au risotto aux herbes aromatiques et aux figues caramélisées pour réaliser qu’avec une telle table, nul doute que les bonnes manières culinaires seront préservées pour de nombreuses années dans la ville de Milan !

 

 

Jour de fermeture : samedi midi et dimanche
Via Pietro Calvi, 2 - 20129 Milano (MI) - Parcheggio Convenzionato Piazza Risorgimento Nord - Tel. +39.02.76024261 - Fax +39.02.76317098
www.lamanieradicarlo.it

 

 

 

LA TOUR EIFFEL  -  LE 58

 

La Tour Eiffel, le 58

Les rapports mystérieux qu’entretiennent la typographie et le sens, voilà une question bizarre pour un promeneur gourmand se rendant à la tombée du soir au 58, le restaurant du premier étage de la Tour Eiffel. « Laisse le mot s’animer », me dis-je en descendant du Trocadéro et en sentant mes papilles gustatives encore assoupies, espérant que celles de mes lecteurs le soient aussi tant la Tour et ses détours me tiennent à distance des agapes promises.

 

 


La douce dame veille sur la Seine, chic en sa robe puddlée, aussi poreuse au velours bleuté de la nuit que mutine aux mirobolantes caresses des kilowatts, à ses myriades de phosphorescences sur sa peau. Elle secoue ses cheveux de métal, m’attend (oui, oui, bien sûr, pourquoi ne pas penser ainsi).
« Saint Jérôme » (Peignot) murmurais-je, mystique soudain et ruminant bien autre chose que des pintades rôties ou des ortolans dorés, invoquant « l’érotisme spatialiste » en la contemplant sur l’autre rive, girafique, somptueusement étirée vers le ciel.

 


Eiffel, FL, ce nom ! quelle chance ! quelle fortune ! il en aurait été évidemment tout autrement, j’ai même idée qu’on n’aurait pas de tour du tout si Alexandre Gustave* s’était appelé platement Martin. Il y va de l’esprit, que dis-je de l’esprit, de l’essor typographique ! Son nom l’a haussée à 313 mètres ! Voilà la conclusion à laquelle je parviens en m’engageant sur le trottoir du pont d’Iéna, blanchi par la lueur des phares et reblanchi par le Capitaine Fracasse, bateau-mouche tout facetté de lumière, tandis qu’une lueur d’intelligibilité poursuit son chemin sous ma voûte crânienne. Je longe un manège, croise neuf Japonaises à petite jupe bleue et intonations ravies, respire une odeur sucrée de barbe à papa dans la mitraille des flashs.

 

 

Le mot vibre, s’anime. Alpinistes, les syllabes prennent de la hauteur. La majuscule du E culmine avec le fuselage du doublement du f que le l final rejoint d’un trait. Eiffel. Vertige. Vertige, mais il y a mieux, il y a un truc, une cachotterie, dans cette gerbe de lettres, un trésor, c’est ce i minuscule qui est pourtant bien là et qui disparaît à la prononciation comme s’il n’était qu’une ligature, ces petites arabesques qui relient entre elles les lettres qui copulent, ou le secret de ces armatures de fer que le lecteur gourmand peut découvrir — en trompant sa faim— dans la trépidante étude d’Eiffel : Le fonçage par pression hydraulique des piles et qui fit d’Alexandre Gustave le sublime ingénieur que l’on sait.

 


A Eiffel la tour, à Fulgence Bienvenu le métropolitain et à moi le 58, me dis-je modestement en sentant le mécanisme de l’ascenseur me propulser vers les hauteurs dans un des immenses pieds d’acier de la dame tandis que là-haut, le faisceau vernien tourne et arrose de son trait de pinceau éclatant nos vingt arrondissements chavirant dans la nuit.
Me voilà enfin dans une forêt de métal à 58 mètres au-dessus de la Seine, et brave ogre de ville, attablé devant un simple petit délice. Je l’ai toujours dit, la vraie gastronomie, c’est un œuf frais ramassé sous la poule, dégusté à la coque avec un jaune consistant tirant sur l’orange, une pincée de sel, une mouillette et le roi n’est pas mon cousin. Ici la recette est solognote, sent le braconnage, la gibecière. Imaginez un œuf mollet croustillant, la coquille facétieusement remplacée par une panure, nappé d’une sauce meurette et entouré d’oignons grelots. Une saveur de bourgogne fruité au diapason de cette impression de sous-bois que dégagent les poutrelles de fer, le camaïeu de marron, l’ombre d’un décor minimaliste et les vallées éclairées là-bas, la rivière en dessous avec ses bateaux comme des jouets. On me sert un côte de Beaune à tannins légers et une côte de veau cuite au sautoir à la chair rose, fondante, juteuse. Je me sens de plus en plus ogre. Du haut de mes 59 mètres, je dévorerais bien une bouchée de Trocadéro, la brioche dorée de la coupole des Invalides, le vol-au-vent du Val de Grâce et le gâteau en sucre du Sacré Cœur. Je me pourlèche les babines, me perds dans le fourmillement de voix étrangères, japonaises, germaines, chinoises, anglaises, espagnoles...
J’ai un atlas sonore à mes côtés, Paris à mes pieds et la fourchette à la main, je suis ogre. C’est le 58. Ah, Alexandre Gustave, c’est unique !

 


Lyonel Nowitz, le maître de céans, me parlera de la double vie du 58. Le pique-nique chic du matin et le dîner brasserie du soir. Il me rappellera les six millions de visiteurs annuels qui ne sont pas Rockfeller et dont certains rêvent de casser la croûte sur la tour Eiffel ; il dira le menu prestidigitateur mis au point avec pièce de bœuf confite, hamburger, salade Caesar ; le self service pratique ; le temps compté — un repas c’est 43 minutes (on se croirait dans Le testament de Monsieur Pump**) ; et cette gageure d’un millier de repas journaliers servis à un moindre coût en altitude. Lionel Nowitz mimera la mère de trois petits enfants réussissant grâce à un astucieux panier-repas à nourrir sa progéniture. On peut sourire évidemment, mais quel exploit, combien de familles réjouies, c’est beau comme la multiplication des pains même si je remercie hypocritement le ciel de ne pas être la maman de trois petits enfants et d’être au 58 le soir plutôt que le matin.

Andrea de Lauris

 

 


 

*. Il força un peu la chance. Avouons-le. De son vrai nom Bönickhausen, le nom d’Eiffel était le second nom qu’il prit en 1879. Il est tiré d’un lieu de naissance de son arrière-grand-père du nom d’Eifel, massif boisé d’Allemagne. Notons le redoublement du f et la neutralisation du i. Nom imprononçable, dit Alexandre Gustave, ou plutôt à résonance allemande, et après le désastre de Sedan, la tour Bönickhausen n’aurait pas recueilli tous les suffrages. D’ailleurs, juste un nom à construire des ponts, mais certainement pas à s’élever dans le ciel…
**. Le testament de Monsieur Pump (un des albums de Jo, Zette et Joko), le plus beau début d’un Hergé, aussi beau que celui de L’étoile mystérieuse.

 

 

 

www.restaurants-toureiffel.com/restaurant-tour-eiffel-58.html

 

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 Restaurant Lapérouse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lapérouse
Navire en vue…


Le statut de promeneur gourmand n’est pas de tout repos. Comme ce soir de début mars, à la nuit tombante, où marchant, je le précise, à jeun (pour le directeur de Lexnews et mes chers lecteurs), Quai des Orfèvres, je vis de l’autre côté du fleuve sur le quai des Augustins, encastré dans un immeuble parisien s’enfonçant, non sans grâce, dans l’immense cité, la poupe du navire La Boussole de l’expédition Lapérouse, celle qui disparut corps et biens au large de l’île de Vanikoro en 1788.

Je me frottais les yeux, incrédule, comme un de ces acolytes d’Adèle Blanc Sec découvrant au-dessus du Pont-Neuf un ptérodactyle.
Paris regorge de ces fantasmagories, me dis-je pour me rassurer.
Il faisait un petit vent, l’air était frais sans être froid. Les boîtes vertes des bouquinistes bleuissaient, la lune se posait sur la pierre des quais, quelques fumerolles de brume taquinaient à la lueur des réverbères le tablier du pont Saint-Michel.

 


Lapérouse, c’était justement ma destination ce restaurant, et je pressais le pas, craignant de rester sur ma faim et que la poupe disparût dans l’entrelacs des immeubles. Trop bête qu’une crampe d’estomac surprît le promeneur gourmand ! C’est dire qu’anxieux je regardais la poupe qui semblait heureusement immobile. On eût dit celle d’un vaisseau de premier rang : les membrures de la coque, lisse et contre lisse, la marqueterie d’un vert céladon nocturne, les termes soutenant la galerie, les sabords, les fanaux allumés au-dessus des embruns et le couronnement de la poupe déjà mangé par l’étage supérieur de l’immeuble.

 

 

 

Quel réconfort de me trouver au premier étage assis dans un délicieux petit salon dix-huitième boisé entouré de scènes de chasses, de pastorales, de miroirs, une fenêtre sur la Seine et cet étrange navire qui ne bougeait pas d’un iota.

 

 

 

 

 

Sur la table dressée, un lys s’ébrouait. Le cœur de Paris, —le Paris des rois, le vieux Paris — battait autour de moi.

J’avais été mené par une accorte damoiselle à travers des coursives, j’avais vu d’autres petites chambres précieuses, des divans cramoisis, des singes grimpant à des arbres en fleurs, des lustres de cristal poli. Jamais on n'avait ainsi fait tourner la tête du promeneur gourmand ! Je me demandais bien quelles rêveries assaillaient les autres passagers de ce — comment le nommer— bateau, théâtre, restaurant ?

 


Je vois déjà deux ou trois lecteurs aussi furibonds qu’affamés, je les entends qui protestent, il y en a même un qui jure. La révolte gronde ! Qu’est-ce que cette fichue chronique ? on ne s’est encore rien mis sous la dent ! J’y viens, j’y viens et est-ce ma faute à moi si Lapérouse est une grotte obscure, un songe, une île ?

 

 

 

 


J’ouvre le bal par une truffe noire du Périgord sur une mousseline de panais. Drôle de légume oublié un peu sucré, un peu fade qui a l’aspect d’une carotte blanche et se marie avec l’énigmatique Tuber melanosporum, vous savez, celle qui pousse capricieuse sous un chêne du Sarladais. Le sommelier très disert, il fait parler les bouteilles, me conseille un Château d’Aiguilhe, un Merlot qui par ses rondeurs apprivoise la truffe. J’aurais pu opter pour le foie gras de canard en variations, frais, cuit, ou en brique, avec son sirop de sureau sauvage. Mais la truffe, contrairement au foie gras, me laisse toujours sur ma faim, m’enchante un peu et c’est cet un peu qui fait pour moi tout son attrait.

 


Puis, entre les plats ces bouchées d’attente pour les impatients, le chef Jean-Sébastien Pouch, botaniste à ces heures y glisse des violettes, des pensées, des émulsions de coquelicot, une fantaisie agreste qui vous fait regarder autrement les parterres floraux, les sous-bois. On s’amuse et c’est bon. On aime bien cette liberté chez un chef.

La sole est farcie de cébettes, cousin pied-noir de l’oignon, cuite en vapeur d’algue avec du céleri et de la pomme verte. C’est succulent, même si parfois la sole se perd et qu’on ne la retrouve que de manière intermittente parmi les saveurs méridionales.
Mais ceux qui ont encore faim, que ces violettes, ces tuber melanosporum, ces pensées, ces pommes vertes n’ont pas nourris peuvent aussi prendre des pieds de cochon, « panés croustillants à l’infusion de marjolaine, poitrine grillée, écrasé de rattes à peine truffé, côtes de romaine sautées au Xeres. »

 

 

En partant, je regarde la poupe du navire La Boussole, quai des Augustins. Encore là, tissée de rêves du grand large, du vieux Paris, c’est si précieux, mais pour combien de temps… J’appris que Jules Lapérouse, un homonyme du navigateur, un des propriétaires du lieu, était un marchand de vin. Un marchand de vin, un capitaine au long cours, du même nom ! mieux que Sancho Panza et Don Quichotte !

 

Andrea de Lauris
 


 

Restaurant Lapérouse

51 quai des Grands Augustins
75006 Paris
Tel: +33 (0)1 56 79 24 31
Fax: +33 (0)1 43 26 99 39

 

www.laperouse.fr/restaurant/
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Restaurant gastronomique « Le Poulpry »
Maison des Polytechniciens
 



Je me souviens de Claude Lévi-Strauss expliquant, amusé et sérieux aux académiciens songeurs, porteurs de bicorne et d’épée combien ils se rapprochaient d’une tribu d’Indiens du Canada. Qu’aurait-il dit de notre polytechnicien et de son bicorne aérien aux cornes si recourbées qu’on dirait qu’il va s’envoler ? Et de cette tangente qui est le nom de son épée parce qu’elle est tangente à la bande rouge de son pantalon d’uniforme? J’avais noté la phrase un peu solennelle de l’ethnologue à laquelle je souscrivais en tant que promeneur gourmand épris d’un couvert bien mis et de signes d’hospitalité : « Il faut bien que ces rites soient l’expression d’une sagesse infuse et qu’ils s’enracinent au tréfonds de la nature humaine. »


M’y voilà enfin à Polytechnique ! me dis-je, pas peu fier d’avoir doublé Stendhal l’admirable, qui comme on le sait ne se rendit pas à Polytechnique en ce morne mois d’octobre 1799. Le Rouge et La Chartreuse l’attendaient.. Autres rendez-vous, dira-t-on. Quant à moi, je n’avais que celui-là et j’étais heureux de prendre la petite rue de Poitiers, sise près du musée d’Orsay, de m’arrêter au numéro 12 devant un vieil hôtel particulier datant du Grand Siècle. Une enseigne indiquait « Le Poulpry, restaurant gastronomique ». Je n’eus pas à montrer patte blanche. Le restaurant de l’école Polytechnique était ouvert à tout vent. On y déjeunait, dînait dans un de ses salons et c’était une de ses haltes chères à quelques voisins du quartier, le bouche à oreille avait même atteint le Palais-Bourbon et commençait tout juste à traverser la Seine. D’ailleurs j’étais moi même un indigène de la rive droite et la bonne nouvelle m’était parvenue : les x accueillent Monsieur tout le monde dans leur restaurant!


Fort de ce titre, j’entrai dans le vénérable hôtel, juste avant la belle cour intérieure, j’empruntai à main gauche un escalier comme si je me rendais chez un ami. Une entrée. Plusieurs salons. On m’introduisit dans le plus spacieux, jaune, à boiseries dix-huitièmes, et je songeais que Maison elle était restée par ce caractère familier, intime, de bon goût. La coterie de l’école en s’ouvrant n’avait curieusement rien perdu de sa fratrie bourgeoise et c’était une impression agréable, un peu troublante. La table était mise. Jean allait saluer Paul.


Le repas fut léger, aérien, subtil. Maritime aussi. Un instant je songeais que dans Poulpry, il y avait poulpe et je me perdis dans une aimantation de syllabes à dormir debout. Après un drôle de médaillon appelé tartare mariant le magret et la Saint-Jacques où la combinaison me trouva plus étonné que ravi, j’eus une succession de plats délicieux entre lesquels on me servit un aimable Sancerre rouge, cuvée Mellot 2008.

Inoubliable consommé de homard, si goûteux, si suave, j’aurais dit une mousse, et ses deux ravioles farcis de crabe. Ah ! chair tendre, saveur de ces cuirassés des profondeurs.
Mais qu’est-ce que le plaisir d’un plat, comme il s’évanouit vite, s’il n’est suivi d’un autre et c’est dans la succession seule qu’on enchante, a dû se dire le chef aussi philosophe qu’avisé. Le renchérissement, c’est l’art du menu — comme son nom ne l’indique pas !. Aussi bienvenu fut le homard cuit à l’étouffée, fenouil, artichauts, asperge à la réglisse. Il était flanqué de deux pinces de crabe et comme en écho du plat précédent. Les légumes frais étaient juste cuits, craquants, vifs sous la dent et répondaient fermement à la chair des crustacés. L’invention était là et j’en félicitais Nicolas Pastot, le chef, homme de modestie et d’imagination qui avait un peu du sourire du Chat d’Alice aux pays des merveilles. Je pensais à ces équations grâce auxquelles on jette ces passerelles légères qui franchissent le fleuve.


Mais que le rabelaisien, le carnassier se rassure —il s’en trouve parmi mes lecteurs— le Poulpry offre aussi une variante du fameux tournedos Rossini avec son filet de bœuf, fine galette de pommes de terre et fondue d’échalotes, crème de foie gras.
Vous quitterez contents la Maison des Polytechniciens en fredonnant :

Il est un air pour qui je donnerai tout Rossini…


Andrea de Lauris

 

 

 

Restaurant Le Poulpry

La Maison des Polytechniciens

12, rue de Poitiers

75007 Paris

01 49 54 74 54

ouvert tous les jours

sauf le samedi et dimanche

 

www.maisondesx.com

le.poulpry@maisondesx.com

 

 

 

 

 

 

Yachts de Paris

Dîner sur le Don Juan II

 

Février, neige sur Paris,
les quais de la Seine, non loin de l’Arsenal

L’idée est folle, on part en croisière sur un yacht 1930 à la ligne racée, on dîne délicieusement, et Paris, le Paris historique drapé de ses vieilles pierres, de ses tours, de ses quais, vient à votre rencontre, le Paris plus secret aussi, qui vit au fil de l’eau, la fée Electricité ajoute sa sorcellerie, la Seine, ses reflets, et puisqu’on y est, les météores, la neige s’en mêlent, comme ces boules de verre qu’on retourne enfant.

 

 

On appareille vers 20 H 15. La coque vibre légèrement, le quai Henri IV s’éloigne, le roulis du fleuve me berce. Cap à l’Est, capitaine ! Vers le pont de Tolbiac… Une flûte de champagne à la main, le salon cosy, des fauteuils crapaud, l’acajou, le cuivre, un coin du feu, la neige qui tombe sans discontinuer derrière la vitre et ses petits rideaux de théâtre. La table dressée attend un peu plus loin. On arrive au pont de Bercy dans un Paris futuriste coloré du vert pomme de deux énormes chenilles fluorescentes qui s’accouplent sans pudeur rive gauche, c’est la Cité de la Mode et du Design, petite sœur de Beaubourg qui ne deviendra jamais papillon… Et puis il y a Bercy, la grande Bibliothèque et sa passerelle Simone de Beauvoir argentée et arachnéenne (304 mètres, lentille d’acier de 650 t). Je fais un rêve ? Non, je bois une gorgée pétillante et je me dis que le rêveur est plat comme un personnage de cinémascope, qu’il ne mange, ni ne boit. Je me le dirai toute la soirée comme qui résiste à un sort.

 

 

 

 

Les hostilités commencent, on vire de bord, on suit le courant et on remonte le temps. Je suis assis et je goûte, entouré de châtaignes grillées sur sa crème de cèpe, un foie gras poêlé. Il a des mystères de fondant, d’onctuosité que seules certaines poires ont, —la mouille-bouche ou la cuisse-madame— et à cause de ça je le préfère à l’autre foie. Je vendrais pour lui mon droit d’aînesse si je n’étais pas le benjamin. Il est un peu plus que tiède, un peu moins que chaud, a un arrière-goût de noisette, et la châtaigne grillée, les cèpes viennent des sous-bois du Périgord. Un Chablis Louis Max 2008 fredonne un petit air velouté, fruité.

 

  

 

 

On atteint le Pont Saint-Louis qui relie les deux îles, on croise le Capitaine Fracasse, vaisseau d’une vingtaine de tonneaux qui nous éblouit, braque ses projecteurs sur nous, les arbres et les fenêtres, les arches. Cette canonnade de bateau-mouche étonne un peu. Le Don Juan II n’est pas du tout ce genre-là, me dis-je, en goûtant aux Saint-Jacques. Elles sont casquées d’une croûte de noix et baignent dans une mousse à la truffe blanche. Le croustillant de la noix et la chair du coquillage font bon ménage ; la truffe est plus insaisissable ; je devine que c’est une idée et je fais durer une gorgée de Chablis en songeant à cet étrange champignon.

Ce n’est qu’en dépassant la proue de l’île de la Cité et en me retrouvant dans l’ampleur du fleuve, que je prends conscience du dispositif théâtral du Don Juan II. Chaque table est une alcôve ou une loge d’opéra.
Trois plans s’emboîtent successivement :
D’abord, la table, sa nappe blanche, son bouquet serré de roses rouges, l’étincellement des couverts, des assiettes, le pain dans sa soucoupe, l’or et la pourpre des vins.
Puis, l’eau du fleuve derrière la vitre, dans son cadre d’acajou, les rideaux noirs et blancs serrés dans leur embrasse, l’eau quasiment de plain-pied que l’on découvre encore mieux quand le fleuve s’élargit tant l’étoffe moirée de son cours se déploie, avec les superpositions, les transparences de l’intérieur du bateau, la houle, les colliers nacrés de l’électricité, les réverbères, les phares des voitures.

Enfin, comme un aria de diva, le décor de Paris, ici c’est la coupole de l’institut, là le linéament délicat des toits, plus tard l’audacieuse Tour Eiffel, et puis quelques vieux immeubles tordus près de la tour de TF1 qui rappellent à bon escient que Paris c’est aussi des couacs !

Ajoutons la vibration du moteur, le bercement de l’eau. Jonas heureux dans sa baleine.

 

 


En prenant une dernière bouchée du dessert appelé énigmatiquement pour moi cube boisé surprise à la fève tonka, à la recherche du clou de girofle, (qui ne s’y trouve pas) je cause avec un charmant serveur. Il me dit, répondant à ma curiosité que l’armateur des Yachts de Paris, celui qui a eu l’idée du Don Juan II, s’appelle Marc Bungener...

 


 

Je l’imagine. Ni Aristote Onasis, ni Rastapopoulos, juste un homme qui ne se refuse rien. C’est épatant, ça , non ?


J’ai une petite appréhension : vingt trois heures cinq, on est déjà à l’île Saint-Louis… Il ne neige plus, l'aria va s'éteindre et le Don Juan II accoster.

Andrea de Lauris

 

+33 (0) 1 44 54 14 70

reservations.dj2@yachtsdeparis.fr

(Chef: Jean-Pierre Vigato)

Port Henri IV 75004 Paris
 

embarquement à partir de 19h45
croisière de 20h30 à 23h15

 

 

 

 

 

 

 

Un soir chez Chaumette

Le seizième est énigmatique. Hormis le prévisible ton pincé, les syllabes prononcées si vite qu’on les dirait avalées de ses indigènes, il réserve quelques surprises. Et des bonnes ! Avez-vous déjà vu sur l’autre berge la nuit la Tour Eiffel en pyjama lamé bleu, se mirer dans la rivière ? Ou goûté à cette espèce de fausse brioche ronde, dorée la nuit, qui s’appelle la Maison de la Radio et qui émet sur l’hexagone sornettes et sapiences ? Ou filé la nuit Balzac fuyant ses créanciers par la minuscule rue Berton, une des plus vieilles et des plus étroites rues pavées de Paris en contrebas de la maison du romancier ? Le seizième, c’est la nuit, qu’on se le dise..

C’est dire que nous nous sommes rendus la nuit, rue Gros, dîner chez Chaumette. A cause du bois aussi qui prend au contact des appliques d’extraordinaires couleurs de palissandre, de teck, d’acajou, de Yang Tsé Kiang, de Stradivarius, dont les panneaux tapissent la brasserie et présagent du bonheur d’un verre de vin de Bourgogne qu’on tient dans sa main et d’une table bien mise.


Au mur, Dorade adorable, un jeu de mots de Gainsbourg qui ne savait pas faire autrement, un à Bientôt de Brel qui a l’air de la veille, on se retrouve dans l’éternité bien parisienne d’une brasserie de poche où l’on va être pour vous aux petits oignons. Il y a de la malice et de la tradition, juste le mélange qu’il faut et sur lequel veillent Thierry le Gall au four et Charles Henri Poisson au moulin, deux trentenaires dégourdis. Le déjà vu tient la main à l’étonnement. Double plaisir ! Comme cet œuf brouillé aux truffes malignement servi dans sa coquille et qu’on va chercher à la cuiller avec une sensation de familier. Ou ce crabe qui se marie avec le potage au chou, rencontre savoureuse, inédite de la plage et du jardin. Et cette croustine de foie gras qui accompagne la perdrix de manière légère, nuageuse. Et puis cette carte si bien achalandée d’un pot au feu, d’une escalope de foie de veau persillade qu’on voie encore les Halles, le Ventre de Paris, là-bas, de l’autre côté de la rivière, ses coltineurs au chapeau démesuré portant les quartiers de viande. On est surpris qu’au lieu du bagou titi, le service soit délicat, charmant. Le seizième est énigmatique et Chaumette manie l’art du contrepoint de façon si gracieuse…

Andrea de Lauris

 

 

Restaurant CHAUMETTE

7 rue GROS

75016 PARIS

01 42 88 29 27

 

(fermeture samedi midi et dimanche)

 

 

 

 

 

                           

 

 

 

 

 

 

Les Marches du Palais

Ariel Durand, Jean-Philippe Guiot, et son chef, Loïc Lobet

vous proposeront

leur nouvelle carte d'automne

dès fin septembre...

 

Aux Marches du Palais...

Fin juin, ensoleillé, le soir
Aux Marches du Palais, c’est Paris, ce Paris qui recèle à un coin de rue un passage, une échappée.
Des marches, il y en a une volée, autour de la centaine, qui descendent de l’avenue du Président Wilson, sur une petite rue débouchant sur la Seine, qu’on traverse par une passerelle métallique — vestige pérenne de l’Expo 1900—, pour accéder au Musée du Quai Branly.
De Palais, il faut aussi en convenir puisqu’en descendant on longe à main gauche l’altier et néo classique Palais de Tokyo au pied duquel de minuscules jardinets regorgent d’églantines, de roses trémières, de fougères, de feuilles de rhubarbe, d’acanthe et même d’oreilles d’éléphant. Étrange mosaïque que binent, taillent, amendent à la bouillie bordelaise d’invisibles jardiniers. Ils font surgir des rouges, des jaunes, des bleus d’une verdure aussi dense qu’étroitement contenue selon une stricte géométrie de maison de poupée.

Le bistrot se tient en face à main droite en regardant vers la Seine dans un semis de maisons anciennes. Il est une autre surprise de ce passage, une raison, une bonne de s’arrêter.
Sous les pales du ventilateur, Loïc Lobet, le chef, nous dira sa joie d’avoir croqué une fraise après une bouchée d’épinard. Laissez faire le hasard et traduisez sur la carte par « une salade de pousses d’épinard et fond d’artichaut vinaigrette à la fraise. » C’est léger, c’est vif, c’est intempestif. Il nous fera goûter sur un même air – allegro andante— son melon nantua, soupe fraîche au homard et au melon avec cerfeuil, ciboulette et je ne sais quel arôme d’amande. Et ses gambas cristal bay canaque à la chair si ferme, à la saveur de mérou et dont il est, avec raison, si fier. Ajoutons qu’il sacrifie sans regret à l’un ou l’autre de ses mets ses citrons qu’il fait confire lui-même et qui sont délicieux.

Mais il y a aussi de l’ogre chez ce chef, un bon ogre des villes bien gourmand et plein de ressources et il peut nous jouer une autre partition avec contrebasse et forêt solognote. « Je suis un fana de gibier, nous dira-t-il. J’aime la bête tout entière avec sa peau ou ses plumes. » La graisse s’y trouve, la fermeté, le moelleux, le juteux, le sec, c’est tout un monde ! et apparaîtra sous nos fourchettes cette terrine fondante de dos de lapin dans son jus « à cent pour cent lapin » précisera-t-il. Certes, un peu hivernale pour la saison, mais si onctueuse qu’on ferme les yeux.
Un vin de Chinon —la Diligence 2007— un de ces coches équipés pour bien des chemins nous accompagne aussi bon homme et souriant que Sancho Pança.

Nous avons vu, nous avons goûté, nous avons aimé « Aux Marches du Palais ». Nous reviendrons au temps du lièvre et du faisan.
 

Andrea de Lauris

 

 

 

 

Aux Marches du Palais

5, rue de la manutention - 75116 Paris

tél. 01 47 23 52 80

ouvert tous les jours

sauf le samedi midi et le dimanche

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Côté Restaurant

Découvrez le menu Été de PETROSSIAN

 "Le 144"
 

 

 

 

 

Déjeuner chez Petrossian...

Je me souviens de l’émouvant livre d’Andreï Korliakov sur l’émigration russe entre 1917 et 1947. Je me souviens de cette photo de 1931, au-dessous d’une affiche « Frigorifique de Vaugirard », et d’une autre : « Caviar Petrossian, sandwich 2 F. », au premier plan une table offrant de petites boîtes noires en pile, en pyramides, des coupes, des canapés dans une assiette, des conserves de cabillaud, de turbot du nord et derrière alignés, la famille, peut-être les employés, hommes et femmes endimanchés, plusieurs générations, tout sourire parce que venant de recevoir un diplôme d’honneur et une médaille d’or pendant le salon de gastronomie au Grand Palais pour leur caviar. La légende rappelait qu’en 1930 son transport n’était pas chose facile : « On utilisait de gros fûts pleins de glace, à l’intérieur desquels étaient empilées des boîtes en bois contenant les boîtes métalliques remplies de caviar. Plus le trajet durait, plus souvent on s’arrêtait pour changer la glace ! » Mouchegh et Melkoum, les frères Petrossian, êtes-vous sur la photo ? Je ne sais, ce que je sais par contre, c’est l’irrésistible ascension de la maison Petrossian, l’aura de luxe, de savoir faire que ce nom dégage.

 

Il y avait ce jour de juin au Restaurant, 144 rue de l’Université, un air d’été, les stores avaient été tirés et la lumière veloutée se réverbérait dans les miroirs. On se sentait embarqué dans cette salle au premier étage. L’équipage au petit soin, dehors, c’était la bonace. Paris sur mer.

 

Je goûtais d’abord à la coupe du Tsar qui se présentait comme une glace avec sa crème de fromage blanc fouetté en guise de chantilly, ses trois saumons fumés différents, goûts de curcuma, de citron, le moelleux et la déclinaison subtile des chairs, et la surprise d’un fond d’artichaut caché sous la neige. De malice et de surprise, le menu saisonnier n’en manquait pas. Y soufflait une inspiration qui m’intriguait...

 

 Le sommelier me servit avec un rouget et sa rosace de légume — un délice d’aubergine et de courgette faisant galette sans rien qui pèse — un verre de Château de l’Engarran 2005, cuvée Andelys, un sacré blanc, il vous fait voir du pays, presque liquoreux, on s’attend au sucre, et puis une retenue de prince, un parfum d’écorce et d’agrume, on reprend une gorgée pour comprendre son altesse : le même plaisir.

 

Je conseille aussi la brandade et crevettes qui se marient savamment. D’abord un peu fade, puis de mieux en mieux. La brandade cette fois n’est pas trop salée et son onctuosité accueille la crevette qui reste fondante. Une sauce américaine très légère par-dessus. Encore le sud, la Méditerranée, cette fois. Je regarde les fenêtres. Je suis bien chez Petrossian…

 

Après les desserts dont une bouchée de pain d’épice savoureuse, je comprendrai mieux la légèreté, la malice de ce menu, le chef viendra nous voir. Une femme plus que gracieuse d’origine sénégalaise, elle s’appelle Rougui Dia, retenez bien son nom, elle a concocté sans emphase ce menu d’été et fait souffler le bonheur d’un vent du sud sur la maison Petrossian. C’est ça le culot slave !

Andrea de Lauris

 

 

Restaurant Le 144 - Paris
tel: 01 44 11 32 32 - Fax: 01 44 11 32 35
144 rue de l'Université, 75007 Paris.
Ouvert du mardi au samedi, le midi de 12h15 à 14h30
et le soir de 19h30 à 22h30 (carte des caviars jusqu'à 23h).

 

 

 

 

Coté Boutique

Découvrez la nouvelle terrasse de PETROSSIAN

 

 

 

Pour les beaux jours, Petrossian vient d’ouvrir une très jolie terrasse

sous les arbres de l’avenue de Latour-Maubourg.
Pour les petites faims, les déjeuners gourmands et rapides, on y sert

non stop de 9h30 à 20h, tous les merveilleux produits de la maison.
Aperçu de la carte :
- Assiette de harengs et pommes de terre tièdes
- Belle assiette de saumon avec blinis et pommes de terre tièdes
- Assiette de tarama ou de crabe
- Grande assiette de Coupes du Tsar ®
- Petits sandwichs délicieux saumon, tarama, crabe
On peut évidemment accompagner le tout d’un verre de vin, de vodka

 ou de Yablok®