ARTEMISIA, pouvoir,
gloire et passion d’une femme peintre
musée Maillol jusqu'au 15 juillet 2012.
Ce sont ces peaux pâles où la lumière créé des ombres franches et douces,
des clairs-obscurs, ces nus, ces fouillis de cotonnade blanche, ces
imposants bouillonnés de velours lourds bleu intense, ocre ou rouge
sombre, ces turbans et châles brodés d’or qui attirent en premier le
regard et puis il y a cette saisissante violence des scènes bibliques ou
autres portraits qui dévoilent une autobiographie et des autoportraits si
peu dissimulés. On y voit de la rage, de la furie, de la vengeance et du
sang qui coule et souille le tissu des splendides robes des criminelles…
Partout ce regard dur et ce visage, ce corps, les mêmes, sur toutes les
toiles, ceux d’Artemisia, son propre modèle. Première femme peintre
reconnue dans ce 17e siècle où l’art appartient uniquement aux hommes, tel
son père, Orazio Gentileschi (1563-1639) reconnu comme un grand peintre de
cette époque par Le Caravage lui-même.
Artemisia, aînée d’une fratrie de 6 enfants, est née en 1593, un temps où
les femmes n’avaient aucun droit, même pas celui de sortir dehors. Douée,
très douée pour les arts, elle fut formée par son père à toutes les étapes
de la création d’une œuvre picturale, en cachette, dans les hauteurs de
l’atelier entre la piazza del Popolo et la piazza di Spagna. Au début de
sa carrière, Artemisia, bien qu’adulée en son temps, fut bien plus connue
du grand public par le roman de sa vie que par son art pourtant si affirmé
(histoire du procès de son viol par le collaborateur de son père Agostino
Tassi, publié en 1876 par Bertolotti qui la réintègre dans l’histoire de
l’art après des siècles d’oubli).
Dès son arrivée à Florence en 1613, au bras de son époux, le peintre
Pierantonio Stiattesi dont elle aura plusieurs enfants et libérée de la
tutelle de son père, du haut de ses 20 ans, le charme de la jeunesse, le
talent et son histoire dans ses bagages, elle connaîtra un succès
immédiat, protégée de la cour de Cosme II de Médicis. Elle peignait comme
les plus grands maîtres florentins. Elle gagnera définitivement son
indépendance de femme et d’artiste lorsqu’elle fut admise à l’Accademia
del Disegno en 1616, où elle rencontra Galilée et se lia d’amitié avec le
grand physicien. Elle a su aussi s’entourer du dramaturge Michelangelo
Buonarroti (petit neveu de Michel-Ange) et en 1622 du peintre français
Simon Vouet. Elle fréquenta alors musiciens et peintres et parfit sa
culture auprès des plus grands. Artemisia va voyager entre Florence, Rome,
Venise, Londres et Naples, au grès de ses amours, des commandes et des
dettes qu’elle fuyait. D’autres femmes peintres exerçaient à l’époque
l’art de la nature morte ou du portrait, mais la rage de vivre d’Artemisia
en fit la seule qui peignit des nus, des scènes bibliques alors réservées
aux hommes, elle s’affirma dans la première toile signée de son nom «
Suzanne et les vieillards » (1610) et s’attaqua plus tard aux héroïnes de
l’histoire antique, des résistantes à la condition des femmes.
C’est vraiment dans ces œuvres fortes et d’une esthétique unique, qu’elle
fut considérée comme la première femme peintre expliquent Roberto Contini
et Francesco Solinas les deux commissaires de cette première rétrospective
des œuvres d’Artemisia à Paris. Dans le parcours proposé, certains sujets
sont déclinés plusieurs fois à différents moments et l’on y distingue
l’œuvre maîtresse des autres tout aussi intenses, comme « Suzanne et les
vieillards » ou « Bethsabée au bain » (1640-1645). La délicatesse des
portraits, « autoportrait au luth » (1615-1619), « Sainte Cécile »
(1610-1612), « Sibylle » (1608-1609), « portrait de religieuse »
(1613-1618) ou ses allégories « Muse de la peinture » (1635), «
l’allégorie de la renommée » (1630-1635) n’en sont pas moins faits de
grâce et de volonté. Certaines toiles ne lui furent pas attribuées,
explique Alexandra Lapierre, écrivaine, parce qu’on les disait trop belles
pour être celles d’une femme… Pendant quarante ans, cette femme cultivée,
ambitieuse, intelligente et déterminée à ÊTRE ce pour quoi elle savait
qu’elle était destinée, va peindre, peindre et encore peindre. On perd la
trace d’Artemisia autour de 1654. On suppose qu’elle meurt âgée de 61 ans
en 1656 pendant l’épidémie de peste. Elle est enterrée à l’église San
Giovanni dei Fiorentini à Naples.
Bien que des collectionneurs privés, comme Don Antonio Ruffo, achetèrent
nombre de ses toiles, il faudra attendre 1883, la réédition des archives
du procès de Tassi, pour qu’Artemisia soit de nouveau perçue comme une
grande artiste dans le monde de l’art. Mais c’est véritablement dans les
années 1960/1970 que sa peinture est regardée plus attentivement comme une
œuvre militante et qu’à travers la supériorité de son art elle a fait
triompher LA FEMME.
Sur les trente six lettres inédites écrites par Artemisia entre 1618 et
1620, que Francesco Solinas a découvertes, cinq sont exposées à Paris et
confirment que cette femme d’affaires était aussi une amoureuse
passionnée.
« Si j’avais été un homme, je doute que cela se serait passé de la
sorte…», se plaignait-elle souvent…
C’est jusqu’au 15 juillet 2012, au musée Maillol-Fondation Dina Vierny,
que sont exposées les toiles de la période napolitaine de cette femme
d’exception que fut cette artiste italienne du 17e siècle : Artemisia.
Eivlys Toneg
A lire :
Le catalogue de l’exposition – coédition Musée Maillol/ Gallimard.
256 pages
Exposition Berthe MORISOT – musée
Marmottan Monet
8 mars 2012 au 1er juillet 2012
Quoi de plus
naturel que de rendre un hommage à Berthe Morisot au musée Marmottan, lieu
qui abrite tant de ses peintures léguées par la famille du peintre ?
Cette exposition jette un nouveau regard sur celle qui fut trop souvent
occultée par les figures de proue de la peinture de cette fin du XIX°
siècle que furent Manet, Degas, ou encore Renoir. Et c'est avec le regard
porté par Berthe Morisot sur elle-même que nous pouvons commencer la
visite. Cette admirable représentation date de 1885, le peintre a alors 44
ans, et il ne lui reste plus que dix ans à vivre. Le visage est assuré, à
peine marqué par les années depuis le fameux tableau que Manet lui avait
consacré et qui est également présent à quelques mètres de là. Le corps
est droit, le regard noir, toujours aussi perçant, qu'un foulard sombre
vient renforcer. La représentation n'est pas idéalisée : Berthe Morisot se
voit avant tout comme un peintre, tout dans sa tenue, ses vêtements et
dans son corps manifeste ce seul désir. Nous ne savons pas si le léger
sourire, à peine esquissé sur ses lèvres, s'adresse à elle-même par
distance, ou bien à son art.
Berthe Morisot, Autoportrait, 1885 - Huile sur toile - 61 x 50
Toujours est-il que Berthe Morisot est peintre avant tout, à l'image des
hommes de son époque et qui l'ont d'ailleurs accueillie comme telle. Elle
saura très rapidement faire évoluer son style vers des teintes pastel
délicates qui ne seront pas sans rappeler Watteau ou Fragonard, mais une
fois encore nous cédons là à des références masculines...
Tout le propos des commissaires de cette exposition audacieuse est de
démontrer justement que Berthe Morisot n'est pas une artiste de second
plan, mais bien un peintre ayant acquis une réputation solide lui
permettant une vision d'avant-garde qui anticipera souvent sur bien des
novations réalisées quelques années plus tard par Monet par exemple.
L’influence de
l'impressionnisme est déjà bien présente dans de nombreuses œuvres ayant
pour thème l'enfance. Le visiteur sera certainement troublé par ce
"Cerisier" peint en 1891 où les lignes des arbres se mettent à fuir sous
l'effet de la cueillette. La lumière abonde, les vêtements cotonneux se
fondent dans le végétal, retrouvant ainsi leur état initial. Nous avons
presque le sentiment d'être déjà au XX siècle...
Mais ce sont
surtout des toiles comme celle intitulée "sur le lac du bois de Boulogne"
qui emporteront conviction : une femme et une jeune fille sont assises
dans une barque sur le fameux lac enchantant encore les Parisiens. Deux
cygnes et des canards s'approchent de l'embarcation. Au-delà, la surface
de l'eau subit une métamorphose incroyable qui n'est pas sans rappeler ce
que fera Monet, des années plus tard à Giverny. L'onde est traitée par
touches successives à un tel point qu'un canard n'y retrouverait pas son
petit ! Et pourtant la magie gagne, l'effet rendu est audacieux, nous
sommes en plein Impressionnisme. Il faudrait encore s'attarder sur ces
meules peintes en plein champs, ces jours d'été vaporeux où seules
quelques impressions nourrissent la toile...
Berthe Morisot, Sur le lac du bois de Boulogne, 1884 - Huile sur toile -
55 x 43
Nous quittons
définitivement le XIX siècle avec cette œuvre peinte par Berthe Morisot,
alors même que l'artiste ne connaîtra pas le siècle nouveau. Sa peinture
manifeste une véritable relecture des formes et des lignes, annonciatrice
des grandes mutations à venir dans l'univers pictural du XX siècle.
Catalogue de l'exposition Berthe Morisot 1841-1895, HAZAN éditions, 2012.
Le musée est
ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 heures et nocturne les jeudis
jusqu'à 20 heures - fermeture le lundi, le 1er mai, le 25 décembre, et le
1er janvier.
2, rue Louis-Boilly 75016 Paris France
Tél. : 01 44 96 50 33
Matisse, paires
et séries
Centre Pompidou
Jusqu’au 18 juin 2012
On entre dans la peinture de Matisse comme dans une véranda inondée de
lumière. Partout, les sollicitations de couleur submergent l’œil
découvrant cet univers à nul autre pareil. C’est ce rayonnement pictural
qui est particulièrement bien rendu dans l’exposition du Centre Pompidou
sous la direction du commissaire Cécile Debray. Qui mieux qu’Aragon a su
décrire cet effet d’apparente simplicité de la peinture d’Henri Matisse,
simplicité de ce qui est parvenu à l’essentiel dans l’art. Aragon dans son
poème « Matisse parle » prononce cette phrase prophétique à l’égard de la
peinture du maître :
Tout ce qu´enfle un soupir dans ma chambre est voilure.
Et le rêve durable est mon regard demain
Le poète souligne ainsi la poésie du peintre qui sait expliquer sans les
mots le pas qui fait la ronde, le soleil sur l’épaule pensée, et tout cet
univers capté par l’artiste et rendu vivant dans ses toiles.
Cette très belle exposition suggère d’appréhender l’œuvre de l’artiste
sous l’angle de la répétition, pratique qui ne relève pas de l’exercice,
mais plutôt de la tentative de capter le réel et l’imaginaire en une seule
peinture. Les séries ainsi présentées, souvent pour la première fois
depuis leur création, suggèrent alors un univers incroyable, pourtant à la
portée de notre regard et en même temps si éloigné de notre perception du
réel. Le peintre, à l’image du poète, a brisé -ou pour Matisse plutôt
effacé- les rigidités de la représentation, qu’il s’agisse des formes ou
des couleurs.
Ces soixante peintures et cette trentaine de dessins proposent ainsi
d’entrer dans l’intimité du peintre quant à sa perception du monde. Le
visiteur pourra alors percevoir cette « explication » du monde pour
reprendre le poème d’Aragon, dimension que seuls le poète, le musicien, le
danseur ou encore le sculpteur atteignent parfois dans le génie de leurs
créations.
Arrêtons-nous devant ces Capucines à la danse dans leur version I
et II dans lesquelles Matisse entrelace dans une farandole d’une légèreté
aérienne le mouvement des corps en écho avec celui des fleurs au centre du
tableau. La nature suggère l’imitation de la danse à moins qu’elle ne se
plaise à imiter les hommes dans leur légèreté… Les éléments rigides du
mobilier ne sont là que pour mieux souligner le caractère éthéré de la
ronde. Ainsi, grâce à ce choix particulièrement éclairé des œuvres du
peintre, nous pouvons déambuler à travers les différentes salles comme
dans une invitation à la danse initiée par le peintre, entre esquisses et
tableaux achevés !
Capucines à La Danse I Capucines à La Danse
II
Issy-les-Moulineaux, printemps-début été 1912 Issy-les-Moulineaux,
printemps-début été 1912
Huile sur toile Huile sur toile
191,8 × 115,3 cm 190,5 × 114 cm
The Metropolitan Museum of Art, New York Musée d’État des Beaux-Arts
Pouchkine, Moscou
Legs de Scofield Thayer, 1982 Ancienne collection Serguei
Chtchoukine
Centre Pompidou
75191 Paris cedex 04
Téléphone : 00 33 (0)1 44 78 12 33
Métro : Hôtel de Ville, Rambuteau
Horaires : Exposition ouverte
tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi
La pluie
exposition au musée du quai Branly
jusqu'au 13 mai 2012
En ces temps de changements climatiques et de phénomènes météorologiques
majeurs, dans différentes régions du monde jusqu’alors préservées, on
constate un véritable bouleversement des saisons, des températures et
essentiellement du manque de pluie ou son contraire, d’inondations. Ce
déséquilibre qui a des conséquences dramatiques pour les hommes et son
environnement. Quels rapports avons-nous avec les éléments naturels qui
nous dépassent par leur force, leur violence ou leur absence soudaine.
Nous qui sommes faits à presque 80% d’eau, quels sont ceux que nous
entretenons avec notre source vitale ?
Quelques réponses se trouvent au musée du quai Branly, mezzanine Est,
jusqu’au 13 mai 2012 avec, sous le commissariat de l’ethnologue Françoise
Cousin, l’exploration de ce dénominateur commun à toutes les cultures
depuis la nuit des temps : La pluie. La diversité des mythes, de la
symbolique, des rites et cérémoniels permettent de comparer les approches
culturelles de cet élément universel, qu’il soit imploré ou maudit.
« La pluie, on la prévoit, on l’appelle, on l’attend, on la craint, on
s’en protège, on la reçoit comme le plus grand cadeau » commente Françoise
Cousin, et c’est le fil conducteur de cette exposition étonnante qui nous
montre les différentes représentations réalistes, figuratives ou
abstraites, symboliques ou métaphoriques allant jusqu’à la divination de
chaque goutte tombée du ciel. Rassemblant une centaine de pièces et
documents iconographiques, le parcours de l’exposition nous amène à
appréhender la pluie dans le système global de l’univers, explorant ces
différents aspects à travers une sélection d’œuvres collectées en Afrique,
Asie, Océanie et Amérique. Tous ces objets « à forte charge émotionnelle
et esthétique » en côtoient d’autres, plus ordinaires ou strictement
utilitaires. Sont donc réunis en ce même lieu, le trivial et le spirituel,
le profane et le religieux dans le contraste métaphorique de ce que
représente la pluie dans l’équilibre de la vie même. Divisée en trois
sections, l’exposition commence par des pierres dont les formes font
penser à des nuages, ou encore dites « pierre à magie » à l’aura
magico-religieuse qui donnent d’emblée la dimension des projections du
désir profond de faire venir la pluie à travers certains rituels que l’on
retrouvera dans toutes les cultures concernées. Et quand elle tombe avec
plus ou moins de violence sur les cultures et apporte tous ses bienfaits à
la terre, l’homme, lui, s’en protège.
C’est l’occasion
de montrer des vêtements de pluie et accessoires parfois très sophistiqués
et qui prouvent une connaissance des matériaux naturels et d’un
savoir-faire ancestral dans la réalisation de ces protections (notons par
exemple un « K-Way » esquimau en intestins de phoque). Tous les rituels
autour de la venue de la pluie démontrent sa nécessité vitale, mais aussi
de l’importance d’en favoriser et d’en contrôler sa venue. La pluie
fertilise la terre pour de bonnes récoltes et nourrir les peuple, de même
symboliquement elle fertilise aussi le ventre de la femme, elle est donc
associée à la fécondité et on trouvera des rituels communs pour ces deux
attributions. Tous ces rites et cérémonies soulignent l’importance des
liens qui unissent les hommes à leurs divinités (système de croyances
animiste) et leur place dans l’environnement, conscients que sans cet
équilibre naturel, ils ne sont rien, et même en sont les jouets. Faire
venir la pluie, par l’intermédiaire de danses, de mascarades, de chants,
de transes, de musiques (extraits de films de Jean Rouch sur des rituels
de la pluie en Afrique), d’expositions de figurines et sculptures,
vecteurs des liens entre les hommes et le réel pouvoir que la nature à sur
eux, stimulent la production de créations artisanales d’objets
essentiellement consacrés à la pluie depuis la plus lointaine des
civilisations. La venue de cette pluie si souhaitée, vénérée, idéalisée et
parfois maudite s’est intégrée dans un système de pensée cosmogonique (qui
est relatif aux récits mythiques de la formation de l’univers) et a
entraîné une symbolique forte liée à la pluie, comme l’arc-en-ciel en tant
que lien entre l’inframonde et le supramonde, des représentations
d’animaux (essentiellement des batraciens et reptiles) liés à l’humidité
et à la saison des pluies : «Il pleut, il mouille, c’est la fête à la
grenouille, il fait pas beau, c’est la fête aux escargots ! ». On
retrouvera leurs effigies sur des tissus des indiens d’Amérique, des
bijoux, amulettes, instruments de musique et autres objets de culte. Dans
toutes ces cultures il est nécessaire de concilier avec les divinités, les
entités supérieures représentées dans les mythes et conceptions du monde
liés à la pluie, ce qu’illustrent les peintures sur écorces des aborigènes
de la terre d’Arhem en Australie visant à maintenir l’équilibre entre des
forces naturelles identifiées ou non, équilibre tout simplement garant de
la survie des hommes.
Que penser de notre avenir, hommes du XXIe siècle, sur cette planète
écologiquement en perdition après ce « voyage au bout de la pluie » ?
Toute réflexion reste ouverte.
Livre cartonné portant la mention manuscrite "Album d'Hokusai".
Un astucieux livret-jeux en direction des plus jeunes visiteurs est à
disposition en début de parcours.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site
www.quaibranly.fr
Hors-série Beaux-Arts 44 pages
Eivlys Toneg
Pour l'amour de l'art,
Artistes et amateurs français à Rome au XVIIIe siècle
musée des beaux-arts du Canada - musée des beaux-arts de Caen
4 février - 23 avril 2012
Quel rapport
Rome entretient-elle avec ses artistes, notamment français, une fois
passée la Renaissance qui a tant fait parler d’elle ? C’est toute la
problématique retenue par la dernière exposition du musée des Beaux-arts
de Caen qui a organisé à partir d’une scénographie réussie une ambiance
propice à un nouvel imaginaire néo-classique. Nous sommes au XVIII°
siècle, et les Français ont leur mot à dire et de nombreuses œuvres à
réaliser. L’antiquité est bien entendu la première sirène qui enchantera
Hubert Robert, Fragonard, Vernet ou encore David, qui déambuleront dans
des éboulis rêvés, souvent dans un piteux état… Peu importe, la Rome
éternelle ne saurait être détruite, elle ! Le paysage romain naît sous
leurs yeux et leur palette reflète cette lumière qui semble parfois diluée
dans l’antique, une couleur à nul autre pareil.
Le musée, sous la direction du dynamique Patrick Ramade, offre une très
belle sélection d’une centaine de dessins, estampes et peintures qui
évoquent cette période exceptionnelle où amateurs, mécènes et artistes
vont décidément interpréter une nouvelle version des gouts réunis. Le
visiteur aura du mal à résister à ces évocations sincères in illo
tempore où les colonnes et les marbres avaient d’autres fonctions que
d’attirer les touristes en masse. Cette force d’attraction, encore
sensible malgré les décombres de l’antique, permettait à Hubert Robert ces
incroyables jardins où les dieux venaient juste de quitter les lieux,
quelques instants auparavant…
N’allons pas
croire que cette Rome fantasmée était occasion de Bohême ! L’académisme y
a droit de cité et les dessins d’une rigueur technique irréprochable sous
l’égide de l’Académie de France sont là pour le prouver. Il s’agira de
faire ses preuves en copiant les Anciens et l’anatomie n’est pas une
option libre en ces temps-là. Mais l’attraction des mythes et de
l’imaginaire semblent une fatalité en ces lieux et les peintres les plus
aguerris cèderont vite à leurs charmes. Nous avons cité Hubert Robert,
prenons également quelques instants pour nous arrêter devant ce Parc
romain avec une fontaine, peint en 1774 par Fragonard. Deux grands
arbres, des ifs probablement, font figure d’esprit titulaire des lieux.
Ils enserrent un sarcophage, ce qui renforce la première impression.
Immédiatement le regard se porte sur ces colonnes qui dominent une
terrasse bordée de balustrades. Dans ce décor, à la fois atemporel et en
même temps animé d’un souffle immémorial, de tout petits individus
semblent presque saugrenus, perdus dans cette immensité qui les dépasse.
Voilà, un bel exemple de l’imaginaire de ces artistes du XVIII° siècle,
épris d’Histoire, nourris de mythe et en même temps amoureux de la vie
qu’ils soulignent de leurs traits inspirés !
Philippe-Emmanuel Krautter
Hubert robert, Jardin d'une villa italienne (detail),1764,
huile sur toile. Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada.
L'exposition présente trois albums rares sous vitrine et consultables
dans leurs versions numériques : un album de dessins de Joseph- Marie
Vien, un recueil de gravures de Jean Barbault (Les plus beaux monuments de
la Rome ancienne, 1761) et un Recueil d'antiquités égyptiennes, étrusques,
grecques et romaines (1752-1767).
SHO 1 - 41 maîtres
calligraphes contemporains du Japon
Musée Guimet
Du 14 mars au 14 mai 2012
L’exposition conduite en partenariat
avec la fondation Mainichi Shodo Kai (Association pour la calligraphie
dépendant du journal Mainichi Shimbun), exposera en « avant-première »,
les lauréats du concours de calligraphie national organisé chaque année
par la fondation.
41 calligraphies contemporaines seront exposées dans l’enceinte du Musée
Guimet, au sein des collections permanentes.
Témoignages vivants d’une certaine diversité stylistique, elles suggèrent
déjà les principaux courants de la calligraphie japonaise. Cette
exposition rendra compte en Europe de la vivacité de la pratique
contemporaine de la calligraphie au Japon ; Elle permettra dans le même
temps d’appréhender peu à peu l’histoire de cet art au Japon et de
témoigner de son importance fondamentale dans l’esthétique
extrême-orientale, et notamment quelle compréhension les collectionneurs,
les artistes, les contemporains et les écrivains, ont développé de cet
art.
Pour cette raison, créant le lien entre ses collections patrimoniales et
le Japon d’aujourd’hui, le musée Guimet a choisi de mettre en regard ses
collections, les lauréats de ce concours de calligraphies contemporaines,
mais aussi des œuvres essentielles appartenant à la collection de la
fondation Mainichi Shodokai.
Musée
Guimet
6, place d’Iéna
75116 Paris
Tel : 01 56 52 53 00
Les masques de jade Mayas
Pinacothèque de Paris
jusqu'au 10 juin 2012
« Ils partent vers l’au-delà, le visage couvert d’un masque où leurs
traits se mêlent habilement à ceux du dieu du maïs K’awiil : passeport
vers la réincarnation… »
Ce que nous propose la Pinacothèque de Paris, jusqu’au 10 juin 2012,
dépayse la pensée cartésienne occidentale et l’emporte avec subtilité dans
cette mystérieuse culture millénaire maya en créant un parcours de visite
original à travers les sépultures de personnages de haut rang de la
période dite « classique », qui s’étendait de 250 à 900 de notre ère,
mettant en avant cet aspect méconnu de la civilisation maya.
Les Mayas avaient une forte prédilection pour la couleur verte et le jade
qui était pour eux le matériau le plus rare et donc le plus précieux.
Apanage de l’élite de la société, le jade était associé au sacré,
considéré comme un élément vital et primordial comme le ciel ou l’océan,
sources de vie dans lesquelles se trouvaient les dieux créateurs. Il est
aussi le symbole de l’une des principales divinités, K’waiili, le dieu du
maïs, qui donnait l’immortalité au souverain. Le jade symbolisait la
pérennité, l’humidité, la fertilité, le renouvellement, la renaissance et
le souffle de l’essence vitale. Il était aussi celui des voies de
communication entre les trois plans du cosmos. Les treize masques, ici
exposés, sont un témoignage artistique, sociétal et politique créé pour
les gouverneurs les plus prestigieux de la cité et avaient pour mission
d’assurer la vie éternelle à ces hauts dignitaires après leur mort. Ces
masques ont donc été retrouvés dans des tombes d’élite, sur la péninsule
du Yucatan.
Les artistes mayas les confectionnaient à partir de tesselles de jade et
de pierre verte, de coquillages, d’escargots de mer, d’obsidienne,
d’hématite et plus tard de turquoise et d’amazonite. Ils faisaient montre
d’une grande virtuosité dans l’agencement de ces mosaïques, poussant leur
art vers le plus grand réalisme possible. Ces masques représentaient
généralement le mort sous ses traits de jeunesse et étaient posés sur son
visage ou sur son épaule gauche, du côté du soleil couchant. Présentés
dans leur contexte originel, les masques de certains dignitaires ou
aristocrates, comme le roi Pakal, sont placés avec le reste du trousseau
funéraire qui comprenait des colliers de jade, des boucles d’oreille, des
pectoraux, des bracelets, des céramiques polychromes, des perles, des
offrandes diverses comme des pots de résine ou encore de tapis funéraires
confectionnés de graines et de conques. Les masques étaient considérés
comme des êtres animés, investis des pouvoirs de ceux qu’ils
représentaient (ce que l’on retrouve dans toutes les civilisations où les
masques et leurs rituels sont pratiqués), les Mayas les nommaient k’oh, «
image », « représentation ».
Vases tripodes, représentation du dieu jaguar de l’inframonde, stèles,
figurines, têtes sculptées, masques funéraires et autres récipients
cérémoniels, conservés et restaurés, retrouvent une intégrité qui fait
d’eux des œuvres d’art d’une qualité exceptionnelle. Environ cent trente
pièces constituent ce panorama de l’art et coutumes funéraires maya et
donnent une occasion unique de découvrir ces œuvres conservées au musée
national d’anthropologie de Mexico et mis en espace sous le regard de
Madame Sofia Martinez del Campo Lanz, experte renommée et commissaire de
cette exposition.
Vous trouverez toutes les informations pratiques au 0142680201 et sur le
site www.pinacotheque.com
L’album de l’exposition :
24X33 cm, broché – reproductions couleur
Edition Pinacothèque de Paris.
Le journal de l’exposition
Evelys Toneg
Christopher Wool
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
30 mars – 19 août 2012
Sans titre, 2001
Encre pour sérigraphie sur toile de lin
Collection particulière
Courtesy de l’artiste et de la galerie Luhring Augustine, New York
Depuis plus de 30 ans, Christopher Wool explore les
territoires de la peinture abstraite par une continuelle interrogation du
procédé pictural : recours à la répétition, application de méthodes de
l’art conceptuel et minimal, adaptation d’images photographiques, et
travail avec différentes techniques comme le spray, l’encre pour
sérigraphie et la reproduction numérique.
Conçue en étroite collaboration avec l’artiste, l’exposition se concentre
sur plus d’une trentaine d’œuvres de grand format peintes entre 2000 et
aujourd’hui.
Né à Chicago en 1955, Christopher Wool émerge sur la scène new-yorkaise au
milieu des années 80. Cherchant une troisième voie entre la peinture
informelle et le pop-art auquel il emprunte son esthétique (répétition,
détournement), il partage avec Jeff Koons, Cady Noland et Robert Gober
l’attrait pour la banalité du quotidien.
Durant les années 1990, Wool s’est imposé par une œuvre où domine une
esthétique urbaine : notamment avec des motifs gestuels abstraits en noir
et blanc, des mots au pochoir à l’humour impassible, adressés au
spectateur.
Dans les années 2000, la construction picturale de ses peintures subit une
profonde métamorphose. La composition des éléments picturaux – des lignes
noires peintes à la bombe ou des clichés d’images sérigraphiées sur toile
– se fait de plus en plus complexe et diffuse.
Ses peintures plus récentes associent techniques sérigraphiques et
peinture à la main. Entre improvisation et composition, ces œuvres aux
techniques multiples font preuve d’une grande liberté formelle.
L’œuvre de Christopher Wool a fait l’objet de nombreuses expositions
internationales, en particulier celles au Museum Boymans van Beuningen
(Rotterdam) en 1991, au Museum of Contemporary Art (Los Angeles) en 1998,
au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg en 2006 et au Ludwig
Museum (Cologne) en 2009. L’artiste a participé à la Biennale de Venise en
2011. En 2013, le Musée Solomon R. Guggenheim de New York organisera une
importante rétrospective de Christopher Wool.
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
11 avenue du Président Wilson - 75116 Paris - Tél. 01 53 67 40 00 –
www.mam.paris.fr
« Henri Edmond
Cross et le néo-impressionnisme. De Seurat à Matisse ».
musée Marmottan Monet jusqu'au 19 février
2012
Le musée
Marmottan Monet présente du 20 octobre 2011 au 19 février 2012 une
exposition intitulée « Henri Edmond Cross et le néo-impressionnisme. De
Seurat à Matisse ».
Cette exposition suit l'évolution chronologique de l'oeuvre d'Henri Edmond
Cross (1856 - 1910) et la confronte à celle des autres
néo-impressionnistes. Elle met en évidence les liens tissés par le
peintre, des années parisiennes durant lesquelles il côtoie Seurat, Signac
et les premiers « néo » jusqu'aux années 1892-1910 lorsque Cross s'établit
à Saint- Clair et Signac à Saint-Tropez, point de ralliement de toute une
jeune génération où Matisse et les futurs fauves s'initieront à la «
division ».
C'est au total une centaine de toiles et d'aquarelles en provenance de
collections particulières et de musées internationaux (Allemagne,
Belgique, Japon, États-Unis….) qui a pu être réunie, permettant ainsi de
découvrir des oeuvres inédites de la plus haute importance pour l'histoire
du néo-impressionnisme.
La première
partie de l'exposition présente des toiles des artistes du premier groupe
néo-impressionniste (Cross, Signac, Angrand, Dubois-Pillet, Pissarro,
Luce, Van Rysselberghe), qui ont mis en pratique la technique rigoureuse
du courant, à travers le mélange optique, la division de la touche, le
contraste de tons et l'emploi des complémentaires. L'exposition se
poursuit par le parcours parallèle de Cross, Signac et Van Rysselberghe
dont les toiles témoignent d'une véritable révélation de la couleur, point
de départ d'un « second néo-impressionnisme » qui voit la touche s'élargir
et la couleur devenir plus sonore. La dernière partie met en évidence les
liens entre Cross et les peintres de la jeune génération, tels que Camoin,
Manguin ou encore Matisse, faisant du peintre un jalon essentiel et unique
entre le divisionnisme de Seurat et le fauvisme de Matisse et Derain.
Enfin, l'exposition laisse une place privilégiée aux aquarelles de Cross,
qui jalonnent sa carrière.
Organisée en partenariat avec le musée départemental Matisse du Cateau-
Cambrésis, une partie de l'exposition du musée Marmottan Monet sera
présentée au Cateau-Cambrésis du 12 mars au 10 juin 2012.
Ces deux expositions, proposant un fonds commun d'oeuvres, enrichies l'une
et l'autre de pièces inédites, donneront à l'oeuvre de Cross un éclairage
nouveau, dans le but de favoriser sa reconnaissance internationale. En la
singularisant parmi les artistes de son époque, tels que Seurat, Signac,
Luce, Angrand, Camoin, Matisse…, elles mettront ainsi en avant la nature
poétique de son oeuvre et démontreront son importance dans l'aventure de
l'art moderne et son influence déterminante.
Commissariat
Françoise Baligand Conservateur honoraire du patrimoine, musée de Douai
Le musée est
ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 heures et nocturne les jeudis
jusqu'à 20 heures - fermeture le lundi
2, rue Louis-Boilly 75016 Paris France
Tél. : 01 44 96 50 33
Sorcières , mythes
et réalités
musée de la Poste jusqu'au 31 mars 2012
Le musée de la poste prendrait-il le risque de refaire venir des sorcières
dans la capitale avec sa nouvelle exposition temporaire « Sorcières,
mythes et réalités » ? Quoi que vous sachiez ou croyez savoir sur ces
femmes de l’ombre, acoquinées au Diable et à ses suppôts, c’est jusqu’au
31 mars 2012 que vous pourrez vous plonger dans cet univers entre mythes
et réalités. À travers un parcours à thèmes, de l’imaginaire de la
sorcellerie, de la sorcellerie au cinéma, de la chasse aux sorcières, des
pratiques magiques et jusque chez Mme P, envoûteuse du 20e siècle, les
objets et documents présentés pourraient vous glacer le sang ! Mais, c’est
aussi la tragique et réelle histoire de ces femmes qui ont été chassées,
torturées, jugées et condamnées au bucher pour des raisons très
discutables aujourd’hui, que nous propose avec pédagogie Patrick Marchand,
commissaire de ce voyage dans l’inconscient populaire qui a créé bien des
mythes autour de ces personnages énigmatiques. L’approche historique,
culturelle, ethnologique, ainsi que les productions artistiques qui ont
ont pu naître autour de ce monde étrange, entre guérisons et sortilèges,
entre crédulité des esprits et prise de position de l’église inquisitrice,
sont prétextes à une interprétation inédite des différences dont les
sorcières mises au ban de la société ont payé le prix fort.
Cette exposition est également l’occasion de comprendre comment le
personnage de la sorcière a cristallisé les peurs complexes d’une société
entière, du roi au ravi du village, du pouvoir à la soumission totale. Les
sorcières fascinent et effraient, l’ambigüité de leur « non-statut » dans
la société en font des êtres à part qui focalisent toutes les peurs
ancestrales notamment celle de la mort. Associée au monde des ténèbres, on
en oublie qu’elles étaient de parfaites phytothérapeutes et connaissaient
bien des secrets du monde végétal, animal et minéral. Sans doute la
pharmacopée des sorcières faisait aussi peur que tout le « folklore » des
rituels magiques qui accompagnaient la prise d’une potion, l’envoûtement
ou son contraire, les sortilèges et autres pratiques qui leur incombaient.
Si les sorcières sont devenues des boucs émissaires facilement
identifiables notamment par l’église, c’est bien évidemment parce qu’elles
reflétaient aussi l’impossibilité de cette dernière d’apporter la
véritable réponse au questionnement fondamental humain. Les sorcières
étaient-elles des femmes affranchies, libérées ou de grandes schizophrènes
? Les réponses qui jalonnent le parcours de l’exposition nous montrent que
face à ses peurs (du néolithique à nos jours) l’homme a toujours eu
recours au dit « surnaturel » pour essayer de comprendre et a interprété
tout ce qu’il ne comprenait pas en passant par les domaines défendus de la
magie (noire ou blanche) de la sorcellerie, de l’exorcisme et autres
angoissants systèmes de guérison, celles de l’âme certainement avant celle
du corps.
Un parcours enfants attend tous les aventuriers qui n’ont pas peur des
grimoires, des chouettes, des serpents, des chats noirs, des pattes de
crapauds, des potions et filtres…
Cette exposition est une belle escapade historique entre les 13e et 20e
siècles, et rappelle les fondements de nos cultures régionales qui somme
toute ont toutes un point commun : les sorcières !
Une série d’événements entoure cette exposition, vous trouverez tous les
renseignements sur le site du musée
www.ladressemuseedelaposte.fr
Le catalogue de l’exposition est disponible au musée.
Coédition Ladresse et LVE
160 pages - illustrations couleur et noir et blanc
Eivelys Toneg
L’invention du
sauvage
Exhibitions
musée du quai Branly
Dans la société et la culture dans lesquelles je vis, pour qui suis-je «
le monstre », « la curiosité », « l’anormal », « l’exotique », « le
sauvage » ? Pour qui suis-je « l’autre » ? Celui ou celle que l’on exhibe,
dont on se moque, dont on ne veut pas dans son groupe parce qu’il ou elle
est différente. De qui ? Forcément quelqu’un qui ne me verra pas comme je
suis, ne supportera pas mes défauts physiques, n’appréciera pas ma culture
et ma langue, reculera devant la couleur de ma peau, trop claire ou trop
foncée, n’aimera pas mes cheveux, ni mon odeur, ni tout simplement ma
façon de vivre et d’appréhender le monde qui m’entoure, quel est cet autre
qui me décrirait comme… Un primitif…
Une partie de la réponse se trouve peut-être dans la mezzanine Ouest du
musée du quai Branly qui propose, sous le commissariat général de Lilian
Thuram et des commissaires scientifiques associés, Pascal Blanchard et
Nanette Jacomijn Snoep l’exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage
» jusqu’au 3 juin 2012. Son propos met en lumière un « drôle » de
processus mis en place dès le 15e siècle et jusqu’au milieu du 20e siècle
par les Européens : celui d’exhiber les différences de femmes, d’hommes et
d’enfants que les premiers grands voyageurs tels Christophe Colomb
rapportent dans les cales de leurs bateaux, comme « curiosités de la
nature », à exhiber dans les cours royales.
L’histoire aurait pu s’arrêter là et la découverte de l’autre, des
différentes cultures devenir très vite un partage généreux entre humains…
Mais quelle idée folle est passée dans l’esprit de certains pour dépasser
la frontière ambigüe de la découverte à l’exhibition organisée et la
justification scientifique qu’il y aurait des races et non pas des types
humains ; une race supérieure, la blanche, et ainsi par le biais des
exhibitions, des zoos humains, des spectacles, des villages reconstitués,
faire naître dans les esprits l’idée de l’intolérance et du racisme
établis dont toutes les cultures du monde sont intellectuellement, et dans
les actes, encore imprégnées.
C’est en 1800 que la Société des Observateurs de l’Homme donne corps à une
première forme d’étude d’anthropologie. Les premières thèses racistes
apparaissent et éveillent en Angleterre, Allemagne, France et aux
Etats-Unis une curiosité saine ou malsaine autour de la curiosité de la
différence appuyée par des thèses scientifiques qu’aucun, à l’époque, ne
remettra en cause, trop heureux de la supériorité prétendue qu’elles
accordent aux homo sapiens « blancs ». La construction de ces théories
sont illustrées tout au long du parcours de cette exposition dans un
processus historique et chronologique, des premières colonisations aux
expositions universelles des années 1930, par des témoignages peints,
sculptés, moulés, photographiés et diffusés par voie d’éditions, filmés,
audios, et qui ne quitteront pas les cultures qui s’en seront emparés pour
justifier actes de colonisation, d’évangélisation, d’exhibitions forcées
ou de création de véritables spectacles (la revue nègre, le Wild West
Show, les danses Zoulous, les spectacles orientalistes…). Même si cette
exposition rend une dignité partielle à tous ces êtres rapportés,
collectionnés, montrés, exhibés, observés, classés, mesurés, hiérarchisés,
recrutés, diffusés, exposés, scénarisés simplement parce qu’on les a
considérés comme différents, et à qui on a pu donner une identité, elle
laisse un goût amer quant à la considération des hommes entre eux.
Toutefois un espoir dans la lutte contre le racisme pointe à l’horizon de
cette exposition aussi intéressante que dérangeante, avec le travail de
fond des associations et fondations comme « Education contre le racisme »
de Lilian Thuram qui travaillent au quotidien sur la déconstruction du
concept purement intellectuel et culturel qu’est le racisme. «
Pouvons-nous encore avoir une bonne estime de nous-mêmes sans dénigrer
l’autre ? » telle est la question posée et qui nous poursuivra dans notre
recherche d’égalité, de fraternité et de liberté envers l’Autre.
Le programme de toutes les manifestations entourant cet évènement est sur
le site du musée.
www.quaibranly.fr
A l’occasion du cinquième centenaire de sa naissance, le Louvre rend
hommage à Giorgio Vasari, peintre, architecte et écrivain italien, à
travers une exposition des plus beaux de ses dessins conservés par le
musée.
Giorgio Vasari, peintre, architecte et écrivain italien, naît en Toscane
en 1511. Il se forme à Florence, puis à Rome où il découvre l’Antiquité et
les grandes créations de Raphaël et de Michel-Ange. De longues années
d’itinérance enrichissent sa connaissance de l’art italien.
En 1554, il entre au service du duc de Toscane, Cosme Ier de Médicis, sous
le règne duquel l’ancienne République florentine achève de se constituer
en État monarchique. Peu à peu, il se retrouve au centre de toute la
production artistique florentine, qu’il domine par l’extrême diversité de
ses talents, par son sens de l’organisation et par son infaillible
instinct de courtisan. Le palais des Uffizi, destiné à abriter
l’administration du nouvel État, est l’expression la plus accomplie de son
génie. Il meurt en 1574. Vasari est l’un des plus purs représentants de ce
qu’il a lui-même contribué à définir comme la bella maniera, la « belle
manière » moderne destinée à surpasser la nature et l’antique : un art de
cour, élégant et précieux, plein de grâce, de douceur, d’apparente
facilité, et dont l’unique fondement théorique et pratique est le dessin.
C’est cette conception du dessin comme principe premier de tout acte
créateur qu’illustre cette exposition.
Commissaire(s) :
Louis Frank et Stefania Tullio-Cataldo, musée du Louvre, département des
Arts graphiques.
Informations pratiques
Adresse :
Musée du Louvre, 75058 Paris - France
Téléphone :
+ 33 (0)1 40 20 53 17
Horaires :
Ouvert tous les jours de 9 h à 18 h sauf le mardi
Nocturnes jusqu’à 21 h 45 le mercredi et le vendredi
Fermetures :
Les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
L'univers d'Edvard
Munch
Musée des Beaux Arts de Caen
Edvard Munch est considéré comme le plus grand peintre de l'Europe du
Nord. Contemporain de Gauguin et Van Gogh, il a été témoin et surtout
acteur de la grande aventure de l'art moderne, à la suite de
l'Impressionnisme. La tendance symboliste de sa peinture et son rôle dans
l'émergence de l'expressionnisme lui ont donné une place exceptionnelle
dans l'histoire de l'art. Si la production du peintre fascine par sa
constance et son aptitude au perpétuel dépassement ; son oeuvre gravé n'en
est pas moins exceptionnel. Munch commence la gravure à Berlin en 1894
mais c'est à Paris, en 1896, qu'il fait ses vrais débuts, apprenant la
lithographie et surtout l'art difficile de la gravure sur bois. La rigueur
de l'art graphique, la concentration qu'elle impose libère son art lui
permettant d'atteindre plus complètement qu'en peinture cette puissance
synthétique qu'il recherche éperdument. C'est pourquoi nous avons choisi
de présenter les facettes de ce génie scandinave en confrontant deux modes
d'expression essentiels chez lui: la peinture et l'estampe.
Ce parti a été possible grâce à la complicité de deux collections
norvégiennes prestigieuses, l'une publique, le Kunstmuseum de Bergen et
l'autre privée, la collection Gundersen.
Regroupées par
thème, les oeuvres de l'exposition caractérisent l'univers de l'artiste:
la Norvège, la mélancolie, la femme, le couple, l'angoisse, la mort ;
présentées indépendamment de toute chronologie puisque, on le sait l'oeuvre
de Munch est marqué par d'incessants allers et retours vers les thèmes
centraux qu'il a exploré sa vie durant, parfois à plusieurs décennies
d'écart.
Munch n'a pas fondé d'école mais la présence de son art est aujourd'hui
intacte, tout comme sa sincérité, sa spontanéité, son âpreté aussi, en un
mot sa modernité.
Commissariat
Patrick Ramade : conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée
des Beaux-Arts de Caen.
Avec la collaboration du Kunstmuseum de Bergen, Erlend Hoyersten,
directeur, et Knut Ormhaug, conservateur
en chef.
C’est au musée Dapper et dans le cadre de l’année des Outre-mer que
l’équipe qui entoure Mme Christiane Falgayrette-Leveau, directrice du
musée et commissaire de l’exposition, s’est lancé un défi de taille :
mettre en lumière les résonnances du ou des rôles des masques
traditionnels de l’Afrique subsaharienne et les pratiques carnavalesques
des Caraïbes. Le propos n’était pas simple, mais « Mascarades et Carnavals
» est l’illustration du fruit de recherches et de réflexions dont
l’intelligence est le fil d’Ariane de cette exposition.
Que sont devenus les mascarades et carnavals de nos sociétés occidentales
? De vastes festivités à caractère commercial, sans plus du souffle vital
qui déstructurait la hiérarchie sociale, sans plus de symbolique, celui du
monde à l’envers, journée folle où tout était possible, journée païenne de
rôles inversés… Ou bien encore des journées « vitrines narcissiques » où
l’on admire son reflet dans le flash des appareils photo des touristes à
peine endimanchés…
En réunissant pour la première fois les créations d’Afrique et des
Caraïbes, « Mascarades et Carnavals » expose les liens entre les masques
d’Afrique et les productions carnavalesques des Caraïbes. A travers un
parcours haut en couleur, et la mise en espace de pièces (masques et
costumes entiers) de volumes impressionnants et de créations
contemporaines toutes aussi fabuleuses, on appréhende l’idée même des
différentes réalités du monde, transmises par les seuls membres de
certaines confréries, habilités à « danser » les masques. Quels pouvoirs
ont ces personnages qui semblent sortir d’une forêt mythologique, parés de
cornes d’antilopes ou de buffles, symboles en mouvement de toutes cultures
animistes, soucieuses de transmettre les traditions et les connaissances
dans un avenir le plus lointain possible ? Qu’ils soient du Nigéria, de
l’Angola, du Cameroun, de la RDC, du Sénégal, de Martinique ou encore de
Trinidad, tous ces masques ou mas (masques en créole) et costumes ont des
racines communes, et c’est bien là le propos de cette exposition : nous
faire ressentir les liens qui unissent ces pays, ces hommes et ces
cultures issus d’une même tradition et d’une histoire partagée.
Aujourd’hui,
les créations contemporaines autour du carnaval sont de véritables outils
de médiation. C’est la dérision et la dénonciation des problèmes
socio-économiques que montrent les œuvres d’Hervé Beuze, de Georges
Grangenois, celle du groupe Psyché ou les photographies de Zak Ové, qui
s’emparent du monde qui les entoure et le transforment en visions
carnavalesques, en personnages de mascarades, dénonçant l’incohérence de
la réalité des conditions humaines au sens le plus large. Quoi de plus
impressionnant que d’imaginer l’embrasement de Vaval, roi du carnaval ?
Celui exposé au niveau 2 du musée est particulièrement parlant, figure
mi-homme, mi-femme qui crie haut et fort la « pwofitation », les conflits
sociaux de 2009 qui ont marqué les Antilles. Que ce soit le « Diable rouge
» de Martinique, les zombis de Trinidad ou le diable blanc (the Devil is
White), chaque production autour du carnaval et des mascarades souligne
les codes qui structurent ces fêtes comme pratique sociale et artistique.
C’est jusqu’au
15 juillet 2012 que vous pouvez vous plonger dans ces rites et coutumes,
dérangeantes, provocantes, terrifiantes, belles et salvatrices, ces
exutoires aux injustices sociales et économiques que font subir les
grandes puissances aux hommes d’Afrique et des Caraïbes, ici représentés
et à tant d’autres à travers le monde.
Cette exposition ouvre grand les yeux et on en sort l’esprit et le cœur
plus ouverts encore.
De très
nombreuses manifestations sont organisées autour de l’exposition. Des
conférences, des projections cinématographiques, colloques et autres.
Vous trouverez toutes les informations pratiques au et sur le site
www.dapper.com.fr
Le catalogue de
l’exposition est disponible au musée.
Editions Dapper
Format 22 X 29 cm
328 pages – 158 illustrations couleurs et 36 en noir et blanc
Evelys Toneg
A la découverte
des musées de Lombardie
Un samedi matin d’été
à l’ouverture de la Pinacoteca di
Brera…
Au 28 via Brera, à Milan, se trouve un ancien convent, aujourd’hui
sanctuaire des plus belles œuvres de l’art italien. Une fois passée
l’austère façade de l’édifice, le regard se porte sur une statue érigée
par le sculpteur Antonio Canova en l’honneur de Napoléon Bonaparte dans la
cour intérieure, statue qui le représente en empereur romain et qui est
nettement moins sensuelle que celle qu’il réalisa de Pauline Bonaparte
dans la Villa Borghèse…
On gravit les marches d’un escalier monumental, et il est impossible de ne
pas croiser le regard de la statue de Cesare Beccaria, le grand juriste
natif de ce quartier de Milan, et qui fut l’un des fondateurs du droit
pénal moderne et premier adversaire de la peine de mort…
Alors même que de multiples trésors attendent à l’intérieur, flâner
quelques instants sur ce balcon intérieur qui longe toute la cour au
premier étage est un enchantement, surtout lorsqu’il est tôt, le musée
ouvre « aux aurores », et qu’un beau soleil éclaire tout l’espace qui vous
est réservé, sans l’ombre d’un autre visiteur. Une fois entré, vous
pourrez avoir l’agréable surprise d’une exposition temporaire, comme celle
réservée au peintre du romantisme italien Francesco Hayez dont on pourra
admirer le célèbre « baiser », ainsi que les portraits également passés à
la postérité de Verdi et de Manzoni. La collection permanente suit
immédiatement, et là, un dilemme se pose inéluctablement : comment
appréhender une telle richesse en une seule visite ! Il faudra naviguer,
comme autrefois lorsque le quartier était bordé de canaux comblés bien malencontreusement
par Mussolini, entre des chefs d’œuvre qui à eux seuls nourrissent
des monographies entières…
Il serait tentant d’aller immédiatement vers la Pietà de Giovanni Bellini,
représentation émouvante de la mort du Christ à faire pleurer les cœurs
les plus secs ou encore ses deux « Vierge à l’Enfant » qui vous feront
presque oublier la proximité d’admirables tableaux de Mantegna à quelques
mètres… Cette salle qui porte le numéro VI est décidément inoubliable, une
seule solution y revenir au plus tôt…
Un peu plus loin, c’est à Lorenzo Lotto que nos regards s’attarderont avec
une autre Pietà où deux anges soutiennent avec difficulté le corps du
Christ au bas de la Croix alors que sa mère effondrée est elle-même
littéralement tenue par saint Jean, la souffrance extrême à la
vue de son fils mort l’empêchant de se maintenir encore dans le monde des
vivants. A peine reposé le regard de cette scène chargée d’émotions, vous
apercevez tout à côté de vous des Tintoret, des Véronèse et même un
Titien, vous ne rêvez pas, vous êtes à Brera et vous irez encore longtemps
de découverte en découverte…
Piero della
Francesca La Vergine con il Bambino e santi
Ce sont plus exactement deux grandes œuvres qu’abrite le très sobre
réfectoire du couvent dominicain de l’église Santa Maria delle Grazie à
Milan : la Crucifixion de Montorfano, bien évidemment trop souvent occulté par la
fameuse Cène peinte par Léonard de Vinci !
C'est avec un nombre
très restreint de visiteurs que nous entrons pour voir l’une des évocations les plus belles
du dernier repas du Christ, objet de toutes les interprétations, même les
plus
farfelues, en raison de la notoriété de l’œuvre. Nous voyons cet espace
dans une ambiance certainement plus lumineuse qu’à l’époque du peintre,
car depuis, les ouvertures des fenêtres ont été agrandies. Cette lumière
reste cependant tamisée et bien entendu tous les regards se portent sur cette
fresque mémorable, que l’on n’imaginait pas ainsi alors même que l’on
pensait pourtant tant la connaître.
Mais laissons la parole à Goethe qui a consacré toute une réflexion à
l’auteur de cette fresque très tôt appréciée dans l’histoire de l’art :
« Telle était l’époque dans laquelle parut Léonard de Vinci, et en même
temps que son habileté naturelle lui rendait facile l’imitation de la
nature, son esprit profond remarqua bientôt que, derrière l’apparence
extérieure, qu’il savait si heureusement reproduire, étaient cachés encore
bien des mystères qu’il devait s’efforcer sans relâche de découvrir. Il
chercha donc les lois de la structure organique, la base des proportions ;
il étudia les règles de la perspective, de la disposition, du coloris ;
bref, il tâcha d’approfondir toutes les exigences de l’art. Mais ce qui
l’intéressait surtout, c’était la diversité de la figure humaine, sur
laquelle se manifeste aussi bien le caractère permanent que la passion
momentanée, et ce sera le point auquel nous devrons nous arrêter le plus
en étudiant le tableau de la Cène. »
Cette attention toute particulière portée par l’artiste aux caractères des
passions humaines par contraste à la Passion préfigurée par la trahison
tout juste évoquée dans ce dernier repas est au cœur de la fresque que
nous avons devant nous. Jésus vient d’annoncer qu’un des leurs, un
disciple donc, le trahira et la stupeur se lit sur tous les visages peints
par Vinci. Un espace se fait alors entre les disciples et le Maître,
réservant déjà une distance préfigurant les épreuves à venir dans les
heures que vont suivre.
Seul Jean semble sinon serein tout au moins à peine surpris par l’annonce,
nous savons qu’il sera le seul à rester jusqu’au terme du supplice et
qu’il recueillera la Vierge Marie chez lui selon les ultimes paroles du
Christ. La tempête règne plutôt chez les autres disciples, c’est à qui de
s’interroger : est-ce lui ? Est-ce moi ? Les mains sont particulièrement
éloquentes, la plupart des disciples, à l’exception de Jean, font des
grands mouvements de protestation, l’épreuve a débuté, et la Cène
préfigure la future Eglise en devenir qui aura fort à faire pour gagner
son unité et sa paix. On quitte avec peine cette salle du réfectoire mais
le temps est minuté pour ne pas endommager la fragile fresque réalisée par
Léonard de Vinci…
Il est des lieux rares qui, à leur première visite, vous empoignent par
leur force, leur caractère, l’héritage laissé aux générations futures. La
Pinacoteca Ambrosiana née en 1618 et de manière générale l’ensemble
formant un tout conçu par l’admirable cardinal Federico Borromée,
archevêque de Milan, font partie de ces lieux marquants qui croisent votre
chemin plus que vous ne les avez choisis…
Si vous avez la chance de rencontrer l’un de ces personnages habités par
ces lieux tel Don Rocca, un des docteurs du collège de cette
institution, il soulignera dans ces premiers propos que l’institution fut
souhaitée par le grand humaniste afin de préserver la culture et de la
rendre accessible au plus grand nombre, surtout aux plus démunis. Il
évoquera tous ces trésors gardés depuis ce début du XVII° siècle, dans le
mouvement de la Contre-Réforme, afin de raffermir les croyants dans leur
foi dispersé par les suites de la Réforme. Il soulignera aussi quelques
anecdotes telle celle de la gratuité de l’accès à tous les ouvrages de la
Bibliothèque en son temps avec la menace d’une excommunication
irréversible pour tout vol de ces volumes… On est impressionné par tant de
savoir réuni entre les murs de ce palais, particulièrement calme en ces
heures d’été milanais.
cardinal Federico Borromée
La mission léguée par l’illustre archevêque perdure encore aujourd’hui
avec la volonté de faire partager au plus grand nombre les trésors de la
culture héritée des siècles précédents tout en les confrontant aux
cultures d’autres civilisations et d’autres horizons. Chaque docteur,
membre du collège administrant l’Institution présidée par un Préfet
cooptés par eux, a sa spécialité, et elles sont diverses et variées.
Ainsi, ils travaillent chacun à leur domaine tout en bénéficiant du savoir
des autres spécialistes réunis en une seule et vaste salle de travail ou
seul le silence et l’étude ont droit de résidence…
Le visiteur ne voit bien évidemment que la face immergée de cet édifice de
savoir et de connaissance mais c’est grâce à une telle administration
qu’autant de chefs d’œuvre et de recherches conjointes ont pu être réunis
depuis plus de quatre siècles, exemple unique dans le monde. Des coffres
dignes de ceux des banques les plus sûres abritent en leur sein de
précieux et fragiles manuscrits, des centaines de mètres d’étagères,
savamment classées, conservent des codex incroyables tel cet exemplaire
unique et incroyable des œuvres de Virgile qui avait appartenu à Pétrarque
et annoté par lui ! Les lieux abritent également dans leur sous-sol, les
restes archéologiques du Forum de la ville à l’époque romaine au 1er
siècle de notre ère…
Il est impossible de réunir en quelques lignes tout ce que ces lieux
offrent à l’intelligence et à l’admiration de l’âme de nos contemporains.
Les plus pressés auront à cœur de découvrir les trésors renommés de la
peinture réunis dans la Pinacothèque, exposés avec goût et suffisamment
d’espace pour reprendre son souffle, et il en faudra, tant les signatures,
ici encore, impressionneront les plus blasés.
Titien La
Maddalena
Luini Gesù Bambino con l'agnello
Après les fondations antiques de la ville, gravissons quelques escaliers
et le premier regard pourra s’arrêter sur cette magnifique Madeleine
peinte par le Titien, un personnage que le cardinal appréciait tant en
raison du caractère humain qui s’en dégage, entièrement tourné vers la
source divine de toute lumière, même les plus fugitives… La même salle
offrira la tendre évocation de l’enfant Jésus enlaçant tendrement un
agneau évoquée par cette peinture de Bernardino Luini, une œuvre pourtant
si dramatique lorsque l’on réfléchit quelques instants à la symbolique
représentée par ce jeune animal.
Ces premières impressions ne sont que le
début d’une visite qui occupera plusieurs heures pour les plus
persévérants ou bien quelques découvertes flânées au hasard des salles
telle cette célèbre nature du morte du Caravage sous forme d’une corbeille
de fruits automnale si différente dans sa simplicité (elle s’autorise même
la figuration de feuilles à moitié desséchées) de celle figurant à la
Villa Borghèse à Rome. Impossible de passer à côté de l’admirable portrait
d’un musicien peint par Léonard de Vinci, le seul portrait masculin que
l’on connaisse du peintre et qui représente le compositeur Franchino
Gaffurio, auteur de nombreuses messes et motets pour la cathédrale de
Milan entre le XV° et XVI° siècle.
La liste est longue des trésors à découvrir dans ces lieux où le silence
règne et ou le personnel de surveillance est d’une délicatesse rare dans
les musées de nos jours. Il faudra encore réserver de longs instants pour
admirer le Codex Atlantico de Léonard de Vinci séparé en feuilles préservées de l’agression du
temps dans des vitrines protectrices alignées tout au long de
l’impressionnante Bibliothèque conçue selon la règle du nombre d’or,
prônant l’équilibre parfait des dimensions dont la Renaissance fera grand
usage. Un instant de sérénité extrême vous gagne et vous n’avez qu’un seul
désir à l’esprit, revenir goûter ces rares moments de bonheur dans des
lieux si généreux !
Le Palazzo della Ragione per Accademia Carrara
et une exposition de peinture italienne à Bergame…
« Vincere il Tempo », vaincre le temps… tel est
l’ambitieux programme de cette nouvelle exposition dans l’éternel
Palazzo della Ragione, symbole architectural de cette victoire sur le
temps tant l’édifice a surmonté les siècles avec fierté et peut même
s’enorgueillir de vieillir en beauté ! Dans un espace à couper le
souffle avec une voute de plusieurs mètres de haut, cerné de toute part
par des fresques sur les murs de pierre de taille et surmonté d’une
charpente comme on ne peut même plus les rêver, voici réunie une
sélection des plus beaux tableaux de l’Accademia Carrara.
La vénérable institution est en travaux jusqu’à sa
réouverture que l’on espère proche, en attendant des expositions se
poursuivent néanmoins dans ce très beau Palazzo della Ragione .
C'est ici que se tient la très belle
exposition « Vincere il Tempo » qui poursuit d'une certaine
manière l’exposition qui avait été menée
jusqu’aux portes de Caen l’année passée avec une présentation des œuvres
réunies par le comte Giacomo Carrarra tout au long du XVIII° siècle. La
visite permettra ainsi d’apprécier toutes les œuvres de Lorenzo Lotto
conservées par l’Accademia, un peintre qui réalisa un grand nombre de
tableaux de qualité dans la ville et dans les églises avoisinantes en
cherchant à entretenir un certain dialogue entre l’art vénitien et l’art
lombard.
Giovanni Bellini
Lorenzo Lotto
Madonna con il Bambino
Noces mystiques de Ste Catherine
De nombreux chefs d’œuvres furent réunis grâce à l’esprit
visionnaire de collectionneurs avisés tels Carrara mais également
Giovanni Morelli au XIX° siècle, qui surent réunir des peintures de
Pisanello et de Bellini avec notamment cette magnifique Madonna col
Bambino acquise en 1891. Le visiteur se laisse entraîner par une belle
scénographie circulaire, presque dans la pénombre, allant de merveilles
en merveilles de la peinture italienne détenue par l’Accademia Carrara…
Cézanne et
Paris
12 octobre 2011 – 26 février 2012
Musée du Luxembourg
L’idée de cette exposition part d’une intuition : celle d’inverser le
regard habituellement porté sur l’œuvre du peintre Cézanne trop
indissociablement associé à la lumière de la Provence. Si, bien entendu,
il ne saurait être question d’occulter l’importance des fameuses
représentations de la montagne Sainte-Victoire dans la création du peintre
né à Aix (1839-1906), Denis Coutane, le commissaire de l’exposition,
reconnaît volontiers que le défi serait atteint avec cette exposition si
les visiteurs prenaient conscience de l’importance des « Paris » de
Cézanne. Nous réalisons en visitant cette belle exposition placée dans un
décor très sobre mettant en avant les œuvres bénéficiant de vastes espaces
d’accrochage que Cézanne a passé en effet beaucoup plus de temps qu’il n’y
parait dans et autour de Paris, près de la moitié de sa vie de peintre,
autant qu’en Provence ! Une autre donnée statistique est rappelée dans
l’exposition : sur près de mille tableaux peints par Cézanne, plus de
trois cent cinquante ont été réalisés dans le Nord, cela donne à réfléchir
! Et c’est justement cette réflexion qui est sollicitée dès les premiers
espaces d’exposition. Il ne faut pas s’attendre à de multiples vues de la
capitale comme le fit son contemporain, Gustave Caillebotte. Le Paris de
Cézanne est tout autre, plus intérieur et les quelques rares vues de la
ville sont plutôt énigmatiques qu’emblématiques si l’on pense à cette
surprenante vue sur les toits de Paris alors que l’artiste habitait
rue de l’Ouest…
Paul Cézanne Les Toits de Paris 1881-1882 Huile sur toile 59,7 x 73
L’exposition rappelle que Cézanne était l’ami d’enfance de Zola dès le
collège Bourbon d’Aix en Provence qu’ils fréquentaient en même temps.
C’est d’ailleurs ce même Zola qui invitera ardemment son jeune camarade à
venir le rejoindre à Paris où il avait déménagé avec sa mère. A partir de
là, commence une maturation picturale dans laquelle la capitale va jouer à
la fois le rôle de pigment et en même temps de toile. Il puise dans ces
années une certaine familiarité avec le passé, il fréquente avec passion
le Musée du Louvre, sans pour autant s’y enfermer. Il n’a pas de vision
radicale balayant les maîtres du passé, mais plutôt cherche à « ajouter
un nouveau chainon… » selon sa propre expression. Ce sont ces chainons
qui sont mis en évidence dans ce beau travail analytique réalisé par les
responsables de cette exposition. La dynamique de la création artistique
est ainsi, d’une certaine manière, éclairée d’un jour nouveau et les
toiles du maître se mettent à parler, comme les meilleurs témoins du
peintre.
Prenons les natures mortes et les portraits de Cézanne et ce qu’ils sont
susceptibles d’exprimer à qui veut bien les écouter. Dans la même salle se
trouve un tableau représentant un plat de pommes sur fond de papier peint,
papier que l’on retrouve également dans Madame Cézanne cousant.
Alors que le motif du papier commence à annoncer avant l’heure le cubisme,
la représentation de premier plan exprime au mieux ce que Paris est en
train de produire dans l’âme du peintre. Cette maturation que rend
possible la vie foisonnante des ateliers d’artistes trouve progressivement
ses repères dans ces formes simples et à la fois profondes, dignes des
plus grandes évocations sociales de son ami Zola ! Paris est bien la
capitale des arts et Cézanne y puise une sève nourricière mise en évidence
par le très beau parcours proposé au musée du Luxembourg cet automne !
musée du quai Branly, Galerie Jardin,
jusqu’au 22 janvier 2012.
C’est au musée du quai Branly, dans la Galerie Jardin et jusqu’au 22
janvier 2012, que les Maori de Nouvelle-Zélande exposent leurs trésors
autour d’un événement unique « Maori, leurs trésors ont une âme ». Avec
une approche qui n’est ni anthropologique, ni ethnologique, mais vivante
et contemporaine, les Maoris ont investi « scènographiquement » la galerie
jardin en mettant en espace et en lumière des œuvres majeures de leurs
traditions ancestrales, les taongas, et celles des artistes contemporains
qui expriment les liens et les imbrications, de génération en génération,
de l’histoire du peuple Maori, des luttes politiques et de la préservation
des richesses propres à leur culture.
Trois espaces principaux avec des focus historiques permettent à tout à
chacun de suivre et de comprendre l’importance des traditions et celle de
lutter en permanence politiquement et artistiquement pour garder la
culture Maori indépendante et prête à être pleinement dans le 21ème
siècle.
Dans la déclaration d’indépendance de 1835, les Maori affirmaient
clairement leur volonté inextinguible de conserver leur souveraineté ;
détermination confirmée lors de la signature en 1840 du « Te Tiriti o
Waitangi » (traité de Waitangi), qui ancrait fermement l’autorité des
Maori sur leurs terres, leurs forêts, leurs zones de pêche, de regagner le
contrôle de leur culture, de leur identité et de leurs ressources.
Pūtōrino (bugle flute), date unknown, maker unknown, New Zealand, wood,
flax. Te Papa
Pour les Maori, tout est lié et il existe naturellement une interrelation
entre toutes choses animées et non animées. Il est proposé à chacun, en
entrant dans l’univers du Whakapapa
(identité et interconnexion) de caresser une pierre belle et fraîche qui
nous met en lien avec l’Esprit des Maori. Quelle meilleure façon
d’accepter les différences et les propos culturels de ce peuple que de
commencer par respecter une de ces traditions ?
Tout au long du parcours de cette exposition, et en traversant les
différents espaces consacrés au Wahakapapa, système de référence
généalogique et d’identité culturelle, à l’expression du Mana, l’intégrité
- charisme et leadership, au Kaitiakitanga, la sauvegarde et la protection
de l’environnement naturel, sont abordés tous les principaux sujets de
réflexions culturelles contemporaines et traditionnelles qui rendent
compte du contexte assez complexe de la culture des Maori. Alors, oublions
tous nos modèles occidentaux, car cette exposition nous propose le monde
vu selon les perspectives Maori, illustré par les 250 œuvres présentées,
allant des récits cosmologiques et généalogiques aux œuvres des plus
contemporaines. Du symbole de la pirogue par laquelle les ancêtres sont
arrivés en Nouvelle-Zélande : le Waka, de l’importance de la maison
communautaire et ses règles de respect : la Whare Tupuna, de l’art du
tatouage : le Ta Moko, des trésors personnels et leurs véritables pouvoirs
: les He Taonga Rakai, des instruments de musique : les Taonga Puoro, de
la langue vivante Maori : le Te Reo, de l’influence des femmes dans le
développement et la préservation de la culture Maori : le Mana Wahine à la
gestion des ressources de l’environnement, c’est une découverte complète
de la culture et de l’histoire du peuple Maori de Nouvelle-Zélande qui
nous est expliquée là. De superbes pièces traditionnelles, ancestrales
inédites se mêlent les œuvres d’artistes contemporains avec une douce
évidence esthétique.
Art numérique, sculptures, photographies, colonnes et fronton sculptés de
maison des ancêtres, bijoux, hameçons, pirogue et pagaies, proue de canoë,
objets rituels de tatouage, flûtes, tous ces trésors témoignent du
raffinement et de la richesse de l’art et de l’artisanat des Maori.
Matau (fish hook), 1500–1800, maker unknown, New Zealand, bone, fibre. Te
Papa
La culture de Maori n’a donc jamais cessé d’exister même si des événements
politiques ont tenté de la faire disparaître. Cette exposition qui
s’adresse à tous, est le témoignage vivant de la force de cette culture et
l’affirmation de la volonté de tout un peuple de maîtriser sa culture et
son devenir. Comme le dit cet adage Maori « I Mua I Muri, le passé est
devant, l’avenir est derrière » signifie bien que tous les éléments qui
font la culture Maori sont interactifs et « inter-reliés ». C’est
certainement pour cela que l’on se promène parmi tous ces trésors avec
autant de plaisir, sans appréhension et sans complexe puisque cette
puissance qui relie tout à tout nous enveloppe immédiatement. Sans doute
l’âme des Maoris…
La plupart des objets exposés viennent du Museum of New Zealand Te Papa
Tongarwa chargé du commissariat de cette exposition.
Pour tout un programme des manifestations qui entourent cette exposition,
vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site
www.quaibranly.fr
Le catalogue de l’exposition
Coédition du musée du quai Branly-Somogy propose une traduction française
du catalogue original « E tu Ake : Maori Standing Strong »
192 pages 21X24 cm 156 illustrations
En exclusivité depuis le 5 octobre à la librairie du musée avant la sortie
nationale le 9 novembre, un DVD « Maori », premier volume de la nouvelle
collection « Dialogues avec le monde » éditée par France télévision
Distribution – Collection du quai Branly
Hors-série de 44 pages et environ 80 illustrations de Beaux Arts magazine
Evelys Toneg
Au Royaume
d'Alexandre le Grand, la Macédoine antique
musée du Louvre jusqu'au 16 janvier 2012.
Pour Sophie Descamps-Lequime, commissaire de l’exposition, les nombreuses
découvertes archéologiques entreprises depuis près de trente ans ont
radicalement redessiné le paysage de la Macédoine antique. Que l’on pense
quelques instants à la fascinante découverte de la tombe de Philippe II
laissée depuis ces temps anciens inviolée et livrant des trésors qui
allaient illustrer dorénavant tout ce qui n’était jusqu’alors
qu’hypothèses et suppositions. 500 œuvres sont ici réunies, au musée du
Louvre, dans une scénographie sombre et propice à faire ressortir l’éclat
des nombreux trésors où les ors témoignent de l’extrême habilité des
artisans telle cette admirable Couronne de feuilles de chêne en or retrouvée dans le sanctuaire d’Eukleia.
Il n’y a pas que les ors qui éclairent cette très riche exposition devant
être lue à plusieurs niveaux comme le propose le parcours pédagogique
conçu pour les visiteurs. La dextérité des autres métiers d’art surprendra
également plus d’une personne, et là encore bien des préjugés tomberont
sur des savoir-faire que l’on pensait réservés à une époque plus
contemporaine de la nôtre avec des clairs-obscurs et des effets de
perspective avant l’heure…
Les premiers espaces sont ouverts sur la Macédoine antique avec les
grandes découvertes réalisées par les pionniers de l’archéologie
macédonienne et notamment la mise au jour de l’immense tumulus de 110
mètres de diamètre par Manolis Andronikos en 1977 qui abritait la fameuse
tombe inviolée de Philippe II !
La chronologie adoptée pour ce parcours permettra au visiteur de prendre
conscience de l’émergence des premières dynasties royales. Avec cette
organisation politique, les richesses s’accumulent démontrant rapidement
que le Macédoine est un pays riche, avec lequel il faudra savoir composer,
à la veille de la grande royauté des Ve et VIe siècles. L’œil ne sait plus
où s’arrêter tant les témoignages de ces époques affluent, les uns pour
leur importance archéologique, les autres pour la virtuosité extrême de
ses artistes !
Médaillon d'Olympias
Le cœur même de l’exposition est bien entendu réservé à Philippe II et à
son célèbre fils Alexandre. Philippe a retenu les leçons de sa captivité à
Thèbes et va avoir à cœur d’améliorer la formation de l’armée
macédonienne. La terrible sarisse, lance de près de 5 mètres, associée à
l’organisation des soldats en phalange feront des ravages auprès des
armées adverses. L’expansion est ainsi programmée sur des bases solides
qui ouvriront les portes au futur conquérant de l’Orient…
Le visiteur s’arrêtera longuement sur des œuvres exceptionnelles si l’on
en juge leur provenance : une Oenoché, une coupelle d’argent et un
trépied
trouvés dans la tombe de Philippe II.
Le parcours réserve encore bien des surprises avec des vitrines emplies de
trésors du quotidien tel ce magnifique Bracelet à têtes de bouquetin en or
ou encore l’incroyable buste d’Athéna coiffée de la tête de Méduse que
l’on dirait fait d’hier…
Peut-on encore imaginer le récit de Pline le Jeune à Tacite, ce 24 août
79, dans la baie de Naples après avoir vu la très belle exposition, Pompéi
– un art de vivre au musée Maillol ? Tout semble tellement rayonner de
beauté, de plaisir et d’insouciance qu’il est difficile de relire les
lignes pourtant vécues en direct, premier témoignage digne d’un envoyé
spécial… Ce fut le dernier jour de Pompéi, une catastrophe qui laissera à
jamais une empreinte dans la mémoire collective jusqu’à nos jours,
sublimant nos peurs et notre angoisse du jour dernier. Mais, ici, au musée
Maillol, point de fumerolles ! Patrizia Nitti, la directrice artistique, a
souhaité reconstituer pour notre XXI° siècle une domus
représentative de cette époque. Le musée Maillol transformé en maison à
atrium fait ainsi revivre les différents espaces quotidiens des
Pompéiens avec un mode de vie d’une étonnante modernité qui surprendra le
visiteur habitué aux préjugés sur les temps anciens. Deux cents œuvres
venant de Pompéi et des autres sites du Vésuve sont ainsi mises en
l’espace dans une très belle scénographie d’Hubert le Gall.
C’est bien entendu les soins du corps et le thermalisme qui étonneront en
premier. Les plus riches demeures sont équipées de bains privés et, à
défaut, d’un lavabo (lavatio), d’une baignoire en marbre ou en
bronze accompagnées de tout le nécessaire pour la toilette. Ces espaces de
soins soulignent ainsi un raffinement toujours surprenant lorsque l’on
considère ces premières décennies de notre ère.
Le corps est également abordé dans cette exposition d’une manière plus
intime encore avec l’omniprésence d’Eros dans cette société pompéienne. Le
professeur Antonio Varone, directeur des fouilles archéologiques de
Pompéi, a bien su reconstituer un petit aperçu de l’univers érotique des
habitants de cette ville. L’audace des représentations étonnera plus d’un
visiteur, comme quoi l’Antiquité ne peut être taxée de pudibonderie à
toutes les époques !
Satyres et Hermaphrodites venaient hanter l’imaginaire et les fantasmes
des habitants de la Pompéi antique qui avaient sous les yeux dans ces
fresques d’une étonnante fraicheur, l’évocation du plaisir, un plaisir
d’ailleurs plutôt décliné au masculin…
Il faudra réserver un petit espace dans son agenda de la rentrée pour
cette exposition à découvrir avant le 12 février, une exposition qui en
quelques instants vous transportera sous les latitudes pour l’instant
clémentes du climat napolitain…
Musée Maillol
Olivier Lorquin, Président
Patrizia Nitti, Directeur artistique
Comité Scientifique
Teresa Elena Cinquantaquattro, Surintendante, Soprintendenza Speciale per
i Beni Archeologici di
Napoli e Pompei
Alain Pasquier, Conservateur général honoraire du Patrimoine
Commissariat de l’exposition
Valeria Sampaolo, Directrice du Museo Archeologico Nazionale di Napoli
Antonio Varone, Directeur des fouilles de Pompéi
Stefano De Caro, Directeur général honoraire du Patrimoine archéologique,
Professeur à l'Università
Federico II di Napoli
Scénographe
Hubert le Gall
Catalogue coédition Gallimard - Musée Maillol, 224 pages, 220
illustrations environ
Album de l’exposition Gallimard, 48 pages, 55 illustrations
Hors-Série Le Figaro
MUSÉE MAILLOL - FONDATION DINA VIERNY
59-61, rue de Grenelle
3375007 Paris
Tél : 01 42 22 59 58
Fax : 01 42 84 14 44
Métro : Rue du Bac
Bus : n° 63, 68, 69, 83, 84
www.museemaillol.com
Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde
Musée d'Orsay
Cette exposition explore l'"aesthetic movement" qui, dans l'Angleterre de
la seconde moitié du XIXe siècle, se donne pour vocation d'échapper à la
laideur et au matérialisme de l'époque, par une nouvelle idéalisation de
l'art et de la beauté. Peintres, poètes, décorateurs et créateurs
définissent un art libéré des principes d'ordre et de la moralité
victorienne, et non dénué de sensualité.
Des années 1860
à la dernière décennie décadente du règne de la reine Victoria, qui
s'éteint en 1901, ce courant est étudié à partir des oeuvres emblématiques
de Dante Gabriel Rossetti, Edward Burne-Jones et William Morris, James
McNeill Whistler, Oscar Wilde et Aubrey Beardsley. Tous sont réunis dans
une même quête associant la création artistique à l'art de vivre et qui
trouve des terrains d'expression féconds dans les domaines de la
photographie, des arts décoratifs, du vêtement et de la littérature.
Commissaires
Stephen Calloway, conservateur au Victoria & Albert Museum
Lynn Federle Orr, conservateur au Fine Arts Museum de San Francisco
Yves Badetz, conservateur au musée d'Orsay
Exposition également présentée à :
Londres, Victoria & Albert Museum, du 2 avril au 17 juillet 2011
San Francisco, Fine Arts Museums, du 18 février au 17 juin 2012
Fra
Angelico
et
les Maîtres de la lumière
Musée Jacquemart-André
du 23/09/2011 au 16/01/2012
Fra Angelico et
les Maîtres de la lumière
Le Musée Jacquemart-André consacre une exposition à Fra Angelico. Le Musée
Jacquemart-André est le premier musée français à rendre hommage à Fra
Angelico, figure majeure du Quattrocento. L’exposition présente près de 25
œuvres majeures de Fra Angelico et autant de panneaux réalisés par les
peintres prestigieux qui l’ont côtoyé : Lorenzo Monaco, Masolino, Paolo
Uccello, Filippo Lippi ou Zanobi Strozzi.
L’EVENEMENT : POUR LA PREMIERE FOIS, UN MUSEE FRANCAIS CONSACRE UNE
EXPOSITION A FRA ANGELICO
Alliant dans ses œuvres l’éclat des ors, hérité du style gothique, à la
nouvelle maîtrise de la perspective, Fra Angelico (1387-1455) a pleinement
participé à la révolution artistique et culturelle que connaît Florence au
début du XVe siècle. Il a ainsi été l’initiateur d’un courant artistique
que les spécialistes ont appelé les « peintres de la lumière ».
Autour de lui, seront évoqués les peintres illustres qui ont eu une
influence significative sur son art, comme son maître Lorenzo Monaco
(1370-1424), Masolino (1383-v. 1440) et Paolo Uccello (1397-1475), ainsi
que les artistes qu’il a inspiré à son tour, tels que Filippo Lippi
(1406-1469) ou Zanobi Strozzi (1412-1468).
« La peinture mise en page », tel est le sous-titre d’une exposition qui
se tient aux salles Mollien dans l’aile Denon du musée du Louvre cet été.
L’expression est bien trouvée, car le visiteur s’étonnera plus d’une fois
des prouesses qu’il aura fallu mettre en œuvre pour miniaturiser à ce
point certaines évocations dans un si petit espace pictural ! Dominique
Cordelier, le commissaire de l’exposition, est intarissable sur le sujet !
Il vous fait naviguer d’une enluminure à l’autre comme s’il était un
contemporain des nombreux artistes qui ont concouru à créer cet art trop
souvent ignoré jusqu’à peu. Soixante-dix enluminures sont ainsi réunies
pour la première fois et forment de cette manière un tableau miniature de
la rencontre entre la page et la peinture dans un dialogue entrelacé. Le
livre peint s’offre à la lecture et à la contemplation, pour notre regard
profane nous les jugerons essentiellement sur ce deuxième critère…
Rassurons-nous, des esprits peu scrupuleux avaient dès le XVII° siècle
opérer un tel tri de manière plus radicale en découpant ces petits
tableaux des manuscrits pour lesquels ils avaient été créés !
L’art de l’enluminure désigne les peintures qui illustrent un texte, s’en
font l’écho ou au contraire en annoncent les futurs développements.
L’exposition en présentant des témoignages majeurs de Jean Fouquet,
Lorenzo Monaco ou Giulio Clovio nous introduit dans un univers moins
hermétique qu’il n’y paraît surtout lorsque leurs portes sont ouvertes
avec tant d’intelligence.
Prenons l’un des noms les plus connus de l’enluminure française du XV°
siècle, Jean Fouquet et traversons le Rubicon avec César, thème de l’œuvre
présentée sur un parchemin haut en couleur où l’armée du grand stratège
romain campe sur la gauche du fameux fleuve qui ne devait être en aucun
cas traversé par des forces en armes. L’espace pictural est délimité par
une miniature cintrée d’à peine plus de 2 cm de largeur et de hauteur.
Le
cheval ainsi que l’illustre cavalier sont bien loin des équipements
antiques ! Armures et selleries sont toutes d’or revêtu, le cheval bien
rassemblé fait signe d’un premier pas vers l’Histoire, sous nos yeux qui
suivent l’admirable perspective suggérée par le fameux cours d’eau…
C’est toujours en Italie que nos regards s’attarderont avec l’art de
Lorenzo Monaco pour une évocation sacrée des Trois Marie au tombeau. Il
s’agit d’un livre de chœur dont Vasari avait souligné l’exceptionnelle
beauté en son temps. La lettre A de l’Angélus enserre entre ses branches
l’un des moments les plus importants de la chrétienté, celui du jour de
Pâques où le Christ n’est plus dans son tombeau et un ange annonce aux
trois femmes qu’Il est ressuscité… Comment un artiste pourtant habitué aux
compositions les plus monumentales a-t-il pu insérer en un si petit espace
autant d’intensité et d’émotions ? Les soldats endormis, le cercueil
ouvert avec des formes triangulaires symbolisant la Trinité, les femmes
écoutant le message si lourd de conséquences pour les siècles à venir et
passés, tout est là, tout est dit…
Tous ces trésors se trouvent au Louvre, pendant cet été, au premier étage
de l’aile Denon, passeport pour un merveilleux voyage dans l’Europe
médiévale et de la Renaissance !
Philippe de Mazerolles (Maître du Froissart de Philippe de Commynes)
Bifeuillet du Livre d’heures noir de Charles le Téméraire
département
des Arts graphiques, musée du Louvre, MI 1091
7
juillet - 10 octobre 2011
Aile Denon, 1er étage, salles Mollien
Horaires
Exposition ouverte tous les jours de 9h à 18h,
sauf le mardi, nocturnes jusqu’à 21h45 les
mercredi et vendredi.
Renseignements
Tél. 01 40 20 53 17 - www.louvre.fr
Exposition Yamada
Métamorphoses
du 10 septembre au 8 octobre 2011
GalerieAnne-Marie et Roland Pallade - Lyon
L’empire du lien
La surprise préside au travail de Yamada. Ou mieux, l’étonnement,
l’interrogation propice à la spéculation et au concept. Pour autant, rien
n’est plus concret (on serait tenté d’écrire, essentiellement élémentaire)
que cette œuvre qui perçoit plastiquement le monde tel un inépuisable
vivier de matériaux et de formes. Tuyau, bois, fer, tissus, plexiglas,
goudron, résine, papier, plomb, bronze, béton armé, peau, céramique…
rendent compte du vide, du ductile, du rugueux, du lisse, du soyeux, par
l’entremise de pratiques multiples (peinture, dessin, sculpture,
photographie, installation).
La captation sensible, quasiment sensuelle, du réel, se dévoile ainsi dès
le premier regard. Dans le même mouvement, l’art de Yamada s’avoue comme
hétérogène. Il s’apparente à une culture du fragment, de l’objet
abandonné, remis en question, réinvestit par l’artiste. L’œuvre devient le
lieu complexe de la translation, de l’échange entre les choses et les
personnalités, l’artiste se transformant en intercesseur, tel le garant
d’une nouvelle approche cohérente du monde. Ici, se discerne un aspect
«Grand horloger», un désir d’ordonnancement de l’univers à partir de ses
éléments, de ses parcelles, de ses éclats. Yamada n’a-t-il pas réalisé
dans la moitié des années quatre-vingt, une série de «peintures sans
peinture», à partir de milliers de bribes d’affiches déchirées ? Le
matériau prenant ainsi le pas sur la citation et la référence, le collage
assumant son rôle de principe actif en renouvelant la technique de la
mosaïque. Une pratique composite de la (re)composition du réel où la
présence de l’homme s’affirme dans le temps et l’espace, dans sa
profondeur intérieure, sa lisibilité relative, son rapport au visible et à
l’invisible.
Sans doute est-il utile de rappeler que Yamada a quitté son Japon natal en
1973 pour étudier à Paris dans l’atelier de César. Un exil pour découvrir
et approfondir une culture différente mais avant tout pour se réapproprier
sa propre existence au travers d’autres références, d’autres signes,
d’autres codes. Beaucoup plus qu’une simple formation, un voyage
initiatique dont on retrouve les transpositions dans les traces,
empreintes, souvenirs, réminiscences qui jalonnent son œuvre. La
conversion et la transmutation impliquent un alchimiste. Les métamorphoses
relèvent des Dieux ou des fabulistes. Yamada est tout cela mais plus
encore un passeur occupant une place singulière à la confluence de deux
mondes, deux esthétiques. Un point cardinal unique dont il a lui-même
établi les coordonnées. Un point de vue qui lui permet de jouer avec la
volupté des maîtres, de la tresse, de la torsade, de la ligature. Le lien
comme pratique, comme sujet, comme expérience, structure ce travail en
suspension, en attente, à l’image d’un plongeur saisit entre le ciel et
l’eau. Au fil du temps, le plongeur de Paestum s’élance dans la Vague de
Hokusaï…
Sous l’empire du lien, Yamada capte plus que jamais les métamorphoses de
la forme, du sens et la trace de l’éphémère.
Robert Bonaccorsi
art contemporain
35, rue Burdeau - 69001 LYON
galerie@pallade.net
www.pallade.net
09 50 45 85 75
De Finiguerra à Botticelli.
Les premiers ateliers italiens de la Renaissance
du 07-07-2011 au 10-10-2011
Musée du Louvre
Copiste d’Altichiero, Deux études de cabane,
trois oiseaux et une pomme encre et tempera sur parchemin,
Avec l’exposition « De Finiguerra à Botticelli », nous retrouvons les plus
beaux témoignages de la collection du baron Edmond de Rothschild et nous
entrons dans l’intimité des premiers ateliers italiens de la Renaissance
pour y découvrir dessins, nielles et estampes, admirables de beauté.
Catherine Loisel, conservateur en chef des Arts graphiques du Musée du
Louvre et Pascal Torres, conservateur de la collection Edmond de
Rothschild ont tous deux conçu un parcours remarquable dans ce qui peut
être considéré comme l’antichambre de la Renaissance italienne. Pour
quelles raisons ? La première tient à l’articulation de l’exposition
autour de deux livres de modèles que le visiteur pourra découvrir en se
souvenant qu’il s’agit presque là d’une date de naissance, d’un point de
départ pour l’incroyable aventure qui éclairera tous les arts non
seulement en Italie, mais dans l’Europe entière. Le baron, grand
collectionneur, eu la justesse d’esprit et de goût de se porter acquéreur
à la fin du XIX° siècle de plusieurs séries d’albums et de carnets de
dessins d’artistes italiens très souvent délaissés à cette époque…
Ces dessins du Quattrocento sont ainsi mis en rapport avec des incunables,
pour la plupart jamais exposés, et cette créativité sera telle qu’elle
donnera naissance à l’art de l’estampe, naissance que nous pouvons presque
deviner avec le travail exceptionnel de Maso Finiguerra. Le dessin est
alors au cœur des arts de cette époque et se trouve à la base de toute
recherche artistique. La plupart des recueils de dessins de cette époque
ont été démembrés et ont disparu. Cela n’en donne que plus de valeur aux
deux livres ici réunis. C’est à une véritable enquête que s’est livrée
Catherine Loisel pour l’Album Bonfiglioli-Sagredo-Rothschild acquis chez
Christie’s le 15 juin 1883 par Edmond de Rothschild. Le gothique prédomine
sur ces cartons avec des édifices inspirés d’univers oniriques ou de
souhaits les plus fous à une époque en devenir. Catherine Loisel
passionnée par cette recherche n’hésite pas à vous avouer que ces
architectures tissent des liens indéniables avec les fameuses fresques d’Altichiero
tout en soulignant immédiatement que certains détails telles ces colonnes
grêles qui reviennent souvent sur ces dessins laissent également penser
aux fresques d’Avanzi…
Nous réalisons ainsi qu’à l’image d’une galaxie en formation, nous sommes
dans une période d’une telle effervescence artistique qu’il faudra
accepter ces interrogations comme preuve de la créativité de cette région
de l’Italie septentrionale !
Animé par la même passion, Pascal Torres vous fait découvrir cette
exceptionnelle transition de l’art du nielle à l’estampe, perceptible à
vos yeux, grâce à une très belle présentation d’œuvres uniques ici
réunies. Cette technique de transfert d’émail noir sur papier au moyen
d’une plaque de métal précieux anime tout le XV° siècle avant de tomber
dans l’oubli. On sent toute son âme vibrer lorsqu’il évoque cette épreuve
de nielle en soufre à quelques centimètres de nous, réalisée très
probablement par Maso Finiguerra. Cette petite plaque représentant Le
Couronnement de la Vierge prend alors une tout autre dimension : nous
avons l’impression en l’écoutant que l’artiste florentin nous regarde et
s’instruit lui-même de ce qui est dit. Finiguerra a-t-il eu conscience de
l’avenir de cette technique du trait et de la gravure en Florence dans son
atelier, marquant l’histoire de l’art pour les siècles à venir ? Il est
fort probable que l’artiste devait être un peu comme ces apôtres du Christ
dans cette épreuve de nielle en soufre « Jésus au mont des Oliviers » peu
conscient du rôle qu’il allait avoir tout en étant dans l’Histoire en
favorisant un dialogue fertile entre les grands ateliers de cette époque…
Toujours est-il que les découvertes sont nombreuses dans cette exposition
qui aurait mérité un espace plus important, il faudra en effet se rendre
dans les salles un peu exiguës de l’Aile Sully au 2e étage. Mais l’effort
sera vite récompensé en ayant la chance jusqu’au 10 octobre de découvrir
également l’incroyable « Combat d’hommes nus » d’Antonio Pollaiuolo
considéré comme la première estampe signée de la Renaissance italienne !
Commissaire(s) : Catherine Loisel et Pascal Torres, département des Arts
graphiques, Musée du Louvre
Informations pratiques
Lieu : Aile Sully, 2e étage, salles 20-23
tous les jours de 9 h à 17h45 sauf mardi, nocturnes mercredi et vendredi
jusqu’à 21h45.
Renseignements :
01 40 20 53 17
Maya de l'aube au
crépuscule, collections nationales du Guatemala
du mardi 21 juin au dimanche 2 octobre 2011
musée du quai Branly
Il aura fallu attendre le 19e siècle pour que soient découvertes, dans le
foisonnement des forêts vierges du Belize, de l’Honduras, du Salvador, du
sud du Mexique et du « cœur du monde maya » le Guatemala, les ruines
mayas. L’attrait pour la culture « des Grecs du Nouveau Monde », comme les
appelaient les archéologues du même siècle, n’a pas cessé de croître
depuis et c’est une exposition unique que propose le musée du quai Branly,
en retraçant le développement de la civilisation maya, son apogée et son
déclin à travers 162 objets de cet art préhispanique, étonnant de
modernité, prêtés par les collections nationales du Guatemala.
Quel saut dans l’histoire nous propose là le musée du quai Branly !
Tout au long d’un parcours, dans la mezzanine Est et jusqu’au 2 octobre
2011, on découvre, exposées pour la première fois en France, des œuvres
guatémaltèques de toute beauté. Quels mystères cache encore cette
civilisation dans toute sa complexité sociale, économique et politique,
son remarquable système d’écriture (glyphes), ses calendriers d’une
précision étonnante, qu’ils soient divinatoires ou temporels ? Qu'est-ce
qui a précipité l’effondrement de la civilisation maya classique ? Quels
grands secrets sont encore à découvrir sur cette culture, une des plus
florissantes du monde précolombien ? A ce jour, seules des suppositions
sont avancées, mais aucun archéologue ne connaît le véritable contexte de
ce déclin total. Voici de bonnes raisons d’aller s’immerger dans les
méandres de cette culture et de suivre chronologiquement l’héritage
préhispanique du Guatemala (2000 av. J.C – 1524 apr. J.C) à travers les
objets provenant des trois régions : les basses terres, les hautes terres
et la côte pacifique. Cette exposition traite de plusieurs aspects de la
culture maya et explique certains éléments de cette société qui reste
encore énigmatique aux yeux du grand public. Des milliers de sites mayas
préhispaniques ont été inventoriés, mais il est impossible de tous les
mentionner, seuls les plus célèbres guideront ce parcours. Les Mayas ne
vivaient pas à l’intérieur de frontières ethniques et politiques précises,
ils ont cohabité et échangé avec d’autres groupes ethniques tout au long
de leur histoire et l’influence de la biodiversité des régions de leurs
territoires ont également influencé leur vision de monde, leurs croyances,
et les formes institutionnelles de leurs pratiques religieuses. Les cités
mayas sont de véritables zones de passage et leur économie est basée sur
le commerce, les échanges de produits lointains qui étaient essentiels à
leur économie locale et régionale. Toute la production artisanale exposée
montre la nécessité d’objets du quotidien qui dépassant le fonctionnel et
deviennent de véritables œuvres uniques, par l’originalité des formes, la
gamme des couleurs rouge, ocre, noire, blanc, crème, quelques bleus
délavés, quelques traces de verts.
Certaines sont surprenantes par leur « design » tout à fait contemporain.
Les Mayas n’étaient pas des pacifiques et la guerre constituait un facteur
de développement commun, mais aussi un élément certainement significatif
de la disparition de leur société, par la dégradation de l’environnement,
les pressions sociales, et l’épuisement même de la civilisation
(successions de conflits entre les sites). Dans les premiers âges de la
civilisation maya, les productions étaient précéramiques, des pointes de
flèches (période pléistocène – âge de glace) essentiellement destinées à
la chasse et la découpe de la viande. C’est pendant la période
Préclassique que certains groupent se sédentarisent et produisent les
premiers récipients, bols, cruches, plats et tecomates (vases) en
céramiques monochromes aux formes et techniques décoratives (incisions,
chanfreinage, inclusions…) qui révèlent alors une unité culturelle
émergente intense et permettront de dater et d’établir des liens entre les
groupes et les différentes régions. Les plus récentes recherches
archéologiques et scientifiques prouvent le développement exceptionnel de
la civilisation maya dans les domaines des arts, de l’architecture, dans
l’organisation sociale et politique. Les grands sites se multiplient,
l’architecture devient plus imposante, témoignage du fort accroissement de
la population et du pouvoir politique et économique des Mayas.
Les premiers signes d’écriture hiéroglyphique apparaissent aussi au cours
de la troisième période du Préclassique et une forme primitive de papier
peut y être associée. Tout semble réussir à cette grande civilisation et
pourtant vers 150 après J.C, des tensions apparaissent et poussent
mystérieusement les populations guatémaltèques à quitter et à abandonner
leurs lieux de vie. Le système social du Préclassique s’effondre, mais dès
le début du Classique (de 250 à 1000 après J.C), les prémisses de l’apogée
de la civilisation maya se font sentir. Commence alors une autre période
d’histoire (classique ancien, récent et terminal) de cette grande
civilisation… Mais elle ira à sa perte sur près de trois siècles et cela
reste toujours un mystère pour les spécialistes.
Aller au Musée du quai Branly, c’est avoir envie de mieux appréhender les
civilisations du monde. Voyager dans le temps avec une d’entre elles,
celle des Mayas, c’est s’ouvrir aux autres et aux hommes d’aujourd’hui qui
descendent de ces grandes histoires de l’humanité ! C’est pourquoi cette
exposition se termine sur les Mayas d’aujourd’hui, à la recherche de leurs
racines et réhabilitant leur culture pour que les générations actuelles et
futures sachent d’où elles viennent.
Autour de l’exposition sont proposés un certain nombre d’activités,
visites contées, et un colloque international dont vous trouverez tous les
renseignements sur le site du musée : www.quaibranly.fr
Eivlys Toneg
Enluminures en terre
d’Islam
entre abstraction et figuration
BnF Richelieu 7 juillet- 25 septembre 2011
Album de calligraphies,
Iran, XVIe - XVIIe siècle
BnF, département des Manuscrits
Une exposition vient d’ouvrir ses portes à la Bibliothèque nationale
Richelieu à deux pas du Musée du Louvre où viennent de débuter également
deux très belles expositions sur la Renaissance italienne et l’Enluminure
médiévale. Ici, dans la prestigieuse bibliothèque, c’est à l’Islam que
sont consacrées les plus riches enluminures possédées par la BnF.
L’exposition porte le sous-titre « entre abstraction et figuration » qui
résume la thématique abordée par le très beau travail réalisé par le
commissaire de l’exposition, Annie Vernay-Nouri.
La question est éternelle, l’homme a de tout temps cherché la
transcendance pour expliquer son existence. Chercher une finalité à son
quotidien et faire de sa quête un absolu vers lequel tendre. Certes, les
questions d’actualité feront de cette exposition un sujet brûlant, cela
est tentant, mais ô combien réducteur. Tout, pour notre occident laïc,
suspicieux du religieux, aura tendance à qualifier d’extrême et
d’intégriste cette interdiction de la représentation du divin. Ces
revendications existent bien et sont parfois manifestées de la manière la
plus violente et aveugle, mais que l’on fasse un effort, et que l’on
retourne à l’histoire la plus ancienne du monothéisme avec l’interdiction
également présente de représenter le divin. L’exposition n’a pas choisi
cette facilité, elle laisse libre le visiteur d’aller de l’une à l’autre
salle, depuis l’absence absolue de représentation graphique (1re salle)
jusqu’aux tentatives les plus osées de représenter le Prophète (2e salle).
Coran, VIIIe - IXe siècle
BnF, département des Manuscrits
La
question, on le comprend, est beaucoup plus profonde que notre crainte
d’une religion poussée à l’extrême, cette question touche au cœur de tout
à chacun : il s’agit de savoir si nous préférons l’abstraction la plus
absolue pour appréhender notre existence ou alors dans un souci
compréhensible de se rassurer, le choix délibéré de figurer cet absolu en
le rendant tangible et en figurant, au sens étymologique du terme, la
divinité.
Traité d’hippiatrique, Lucknow,
vers 1750-1760
BnF, département des Manuscrits
La question a longtemps occupé les premiers temps du monothéisme, elle
l’occupera également les premiers temps de la chrétienté avec la querelle
des icônes, pour cette représentation ou au contraire radicalement opposée
avec l’iconoclasme. Voilà résumée la problématique, le commissaire de
cette très belle exposition a souhaité la plus grande ouverture possible,
tout est présenté dans une admirable scénographie avec une salle bleue,
d’un bleu profond, où l’interdit le plus absolu fait l’objet, de la part
des œuvres présentées, d’un respect magnifié par la beauté de l’art. Le
divin n’est ici appréhendé que par le verbe, et ce verbe est manifesté par
la lettre et l’art de la calligraphie. L’absolu est magnifié par l’art de
l’enluminure et les différents styles d’écriture, qui forment autant de
chants adressés au divin.
Coran, Espagne, 1304
BnF, département des Manuscrits
Le visiteur pourra se faire une idée de la beauté suscitée par cette
inspiration divine en admirant les plus précieux Corans réunis pour
l’occasion dans cette première salle. Puis, la tendance naturelle de
l’homme le porte à toucher du doigt l’absolu et de le rapprocher de ce qui
est plus connu et de ce qui le rassure : c’est l’objet de la deuxième
salle, d’une couleur plus chaude, où la poésie, les sciences, la
littérature, l’histoire tentent d’en dresser les contours, d’en donner une
réalité plus tangible, mais tout aussi transcendante. Nous pouvons ainsi
presque feuilleter les grands livres de poésie et de sciences (cela est
tout à fait possible numériquement sur le site de la BnF) et remarquer
l’extraordinaire créativité des arts de l’Islam dans toutes ses
manifestations. L’influence des Persans et des Turcs a été grande dans ce
développement de la figuration et les nombreux documents présentés
laissent cette impression d’une immense arabesque, parfois visible, le
plus souvent disparaissant sous nos yeux pour mieux graver notre
imagination...
al-Harîrî, al-Mâqâmât (les séances)
[ Iraq ], vers 1240
BnF, département des Manuscrits
L’exposition est nourrie par une ambition de longue haleine, car elle se
poursuivra bien au-delà de son terme avec la numérisation de toutes les
œuvres déjà accomplie et accessible en ligne, ainsi que de nombreuses
animations multimédias.
La question est lancée, cette exposition devra faire l’objet de débats et
de recherches, pour dépassionner le débat et l’approfondir dans ses
différentes dimensions, l’actualité facile y perdra, la théologie et
l’histoire des religions et de l’art y gagneront !
Un travail didactique remarquable a été réalisée également dans l’espace
numérique de l’exposition avec une un parcours commenté par le commissaire
de l’exposition
http://expositions.bnf.fr/islam/
Informations pratiques
Site Richelieu 5, rue Vivienne 75002 Paris
Tél : 33(0)1 53 79 59 59 (serveur vocal)
mardi - samedi de 10h à 19h
dimanche de 12h à 19h
sauf lundi et jours fériés
Huit maîtres
de l’ukiyo-e / Maison de la
culture du Japon
Chefs-d’œuvre du Musée national d’Art Asiatique de Corfou
Du 28 septembre au 17 décembre 2011
Le Musée national d’Art Asiatique de Corfou, unique en Grèce, possède une
riche collection japonaise dont le noyau se compose de 1600 estampes.
Elles ont été réunies par Gregorios Manos (1850-1928), ambassadeur de
Grèce à Vienne de la seconde moitié du XIXe siècle au début du XXe siècle.
Manos a acquis la plupart de ces œuvres à Paris après avoir quitté ses
fonctions d’ambassadeur. Sa collection fait ainsi le lien entre le Japon,
la France et la Grèce.
Cette exposition réunit 150 œuvres des huit plus grands maîtres de
l’ukiyo-e sélectionnées parmi cette collection exceptionnelle : Sharaku,
Hokusai, Hiroshige, Utamaro, Toyokuni, Kuniyoshi, Harunobu et Kiyonaga.
Elle montre de manière éclatante l’originalité de ces huit artistes de
l’époque d’Edo.
Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis, quai Branly 75015 Paris
DOGON
Musée du quai Branly
C'est au musée du quai Branly et jusqu'au 24 juillet 2011 que les peuples
Dogon dévoilent quelques secrets de leur art. C'est la meilleure occasion
de découvrir ou de mieux comprendre la spécificité de ces créations
artisanales. Bien qu'il soit un des arts africains des plus connus, l'art
dogon n'en reste pas moins plein de mystères. En effet les différentes
grandes familles qui ont formé au fil des temps, le grand peuple Dogon,
méritaient une exposition d'envergure. Les Dogon ont occupé les falaises
de Bandiagara, au Mali, depuis le X° siècle, au fil des invasions, fuyant
la religion musulmane et des déplacements des populations animistes. Tous
ces hommes ont bâti leurs abris et sanctuaires, gardés par de fascinants
gardiens de bois sculptés aux bras levés vers le ciel, vers le dieu
créateur. Ces protecteurs de la communauté s'inscrivent dans les croyances
et rituels dogon dont la complexité est aussi fascinante que le mythe
d'origine, complètement intégré dans chaque geste et événement des la vie
quotidienne. Il aura fallu attendre l'expédition Djakar-Djibouti et dans
les années 1930, les travaux et recherches de Marcel Griaule, pour que
l'ethnographie française s'intéresse de très prêt à la richesse de la
culture dogon. Le pays Dogon appelé aussi falaise de Bandiagara, se situe
au centre-est de la République du Mali, à proximité de la frontière du
Burkina Faso. Cette terre aride depuis la grande sécheresse du XIIIe
siècle, est un refuge idéal pour fuir les guerres ou les famines. Entre le
Xe et le XIVe siècle, les différents peuples se sont adaptés les uns aux
autres sur ce plateau dogon, lieu d'échange et de rencontre, et ont donné
naissance à une production artisanale et artistique riche qui évoluera au
cours des siècles, avec différentes écoles ayant chacune développé un
style propre. Essentiellement réputée pour sa statuaire et ses masques, la
création plastique du pays dogon compte également des objets moins connus,
d'usage culturel ou quotidien, d'une grande richesse de formes et de sens.
Cette exposition restitue la diversité et l'évolution des formes et des
concepts de cette région jusque dans ses styles locaux enfin identifiés et
présentés au public pour la première fois. Elle présente l'histoire de
l'art et de la culture dogon à travers 350 œuvres exceptionnelles,
masques, objets, bijoux, portes, serrures et chose tout à fait unique un
tissu Dogon. Nous traversons ainsi dix siècles d'histoire et d'esthétique
en suivant un astucieux marquage au sol, une promenade d'un peuple à
l'autre, nous permettant de comprendre visuellement et dans l'instant
présent, les influences et les points communs récurrents de cet art.
L'exposition s'articule en trois temps, de la statuaire et des formes en
pays dogon, des masques, peintures rupestres et recherches
anthropologiques enfin des objets de collections portés vers le sacré.
Laissez-vous happer par le raffinement et l'élégance de la statuaire dogon
et des représentations humaines déclinées en cavaliers (symbole du mythe),
des splendides maternités, des hermaphrodites personnifiant l'idéal de la
réunion des deux sexes ou encore des personnages aux bras levés implorant
le dieu Amma pour faire venir la pluie. Ces oeuvres peuvent aussi être la
représentation d'un ancêtre ou de son statut social et deviennent alors
l'expression de l'énergie vitale de chaque individu pendant le nyama des
morts. Dans d'autres cas, elles seront utilisées contre les maladies et la
stérilité. On déambule entre styles et zones géographiques des Djennenke
aux N'Duleri, Tombo, Niongom et Tellem, des Dogon-Mande, Tintam, Bombou
Toro, Kambari et Komakan, témoignant tous de la richesse artistique de ces
artisans, souvent des forgerons dispensés des tâches quotidiennes agraires
pour se consacrer à leur art.
Autant
d'artistes que de styles et d'écoles reconnaissables par leurs
spécificités. En fin de parcours chacun en saura assez pour se plonger
plus profondément dans l'histoire de ces peuples. Les masques cérémoniels,
(soixante-dix-huit types répertoriés par Marcel Griaule) impressionnants
par leurs formes et leurs volumes, sont liés au mythe d'origine et
représentent tout ce qui constitue l'univers. La société des masques, l'awa,
uniquement formée d'hommes circoncis, font intervenir les masques à des
moments précis de la vie des Dogon, comme le Dama -levée du deuil- et le
Sigui -grande fête qui célèbre tous les 60 ans la révélation de la parole
aux hommes ainsi que la mort et les funérailles du premier ancêtre-. Les
recherches filmées par Marcel Griaule en sont des témoignages
particulièrement parlants. On ne peut pas appréhender la culture dogon
sans tenir compte de la cosmologie et du mythe de la création d'une
étonnante complexité et qui sous-entend l'ensemble des coutumes et de
l'art dogon. Surprenante est l'histoire de ce mythe. C'est à partir de la
parole du dieu suprême, Amma, qu'a lieu la création du monde. Se décline
alors un certain nombre d'événements liés les uns aux autres expliquant la
naissance des Dogon. A découvrir...
Ce voyage en pays Dogon se termine par quelque 140 objets qui évoquent
toujours le mythe d'origine et montrent ainsi l'inclination des sculpteurs
dogon à l'évoquer jusque dans les objets les plus singuliers, bijoux,
poulies, boites en fer, appuie-tête, portes et serrures, sièges, coupes et
plats... Ces objets déclinent les mêmes thèmes « magico-religieux » que
les sculptures présentées dans le premier espace de l'exposition. Les
piliers de Togu na (case à palabres), qui se situe au centre du village,
sont subtilement sculptés de figures féminines ou masculine ou parfois de
varans. Cet abri est associé à la parole et sa configuration est propice à
l'échange. (La positon assise correspond à l'équilibre des facultés qui
influence la parole, elle empêche les emportements et permet les échanges
calmes.) En quelques décennies, l'islamisation du plateau de Bandiagara et
les contacts avec l'Occident (industrie touristique) ont induit une
transformation du mode de vie des Dogon. La culture dogon, désormais
distincte de la religion, reste vivante et évolutive. Les Dogon adaptent
leurs techniques créatrices aux matériaux modernes et de récupération.
Aujourd'hui les quelque 400 000 Dogon qui peuplent le plateau ont ainsi pu
préserver, adapter et renouveler leur art et leur culture, patrimoine
toujours vivant. Chaque individu appartient à une série de groupes
concentriques : Il est membre d'une lignée, d'un clan, d'un village avant
d'être Dogon et enfin Malien, mais toutes les générations partagent les
valeurs traditionnelles de l'harmonie, le respect des anciens et des
objets rituels.
« L'art des Dogon n'est pas un art bavard qui se perd dans l'ornement. Il
correspond à ce qui est pour moi la vraie sculpture : il va à l'essentiel.
» écrit Hélène Leloup, spécialiste de l'art des Dogon, commissaire et
scénographe de l'exposition.
Des programmes multimédias rendent plus concrètes certaines informations
des chercheurs sur l'art dogon, sur les danses rituelles ou encore sur les
patines des statuettes, liées à l'utilisation même des objets dans un
contexte rituel et dont l'étude est un moyen d'approcher la fonction des
objets.
Autour de cette exposition, le musée du quai Branly propose de nombreux
rendez-vous au public : festival « Afrique dans tous les sens »,
performances artistiques, rencontres et conférences, des contes et
ateliers pour les plus jeunes.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sont sur le site
www.quaibranly.fr
Les publications :
Le catalogue « Dogon ».
Coéditions Somogy éditions d'art / Musée du quai Branly
416 pages - illustrations couleurs.
A l’occasion de cette exposition, le musée du quai Branly propose un album
iPad Dogon disponible en français et anglais..
Connaissance des Arts sort un hors-série de 68 pages et 80 illustrations.
Chez Gallimard découverte, un hors-série « En pays Dogon » est publié à
l'occasion de cet événement. Se procurer l'ouvrage de référence d'Hélène
Leloup, commissaire de l'exposition, « Statuaire Dogon » publié en 1994
par Amez.
Evelys Toneg
Manet, inventeur du
Moderne
exposition Musée d’Orsay 5 avril – 3
juillet 2011
Manet a bouleversé l’univers pictural de son époque non seulement en
préfigurant et en rendant possible l’introduction de l’impressionnisme,
mais également, selon Michel Foucault, en élargissant « les propriétés
matérielles de l'espace sur lequel il peignait ». La dernière
rétrospective consacrée au grand peintre datait de 1983 ; or, depuis, un
grand nombre de recherches ont jeté de nouveaux éclairages sur celui que
l’on pensait pourtant bien connaître. Le commissaire de l’exposition,
Stéphane Guégan, souligne combien il importe d’apprécier à sa juste valeur
l’esthétique née de son art qui dépasse largement la notion de réalisme
dont on le caractérise habituellement. Le titre de cette exposition se
fait d’ailleurs bien l’écho des propos introductifs de Foucault : Manet
peut être considéré comme un inventeur du Moderne.
Cette modernité se développe tout au long du riche parcours d’une
exposition amenée à faire date. Le point de départ, un tableau :
L’Hommage à Delacroix peint par Fantin-Latour en 1864. Manet se tient
entre Champfleury, défenseur de Courbet, et Baudelaire grand admirateur de
Delacroix. Entre ces deux piliers du réalisme et du romantisme, Manet
serait un trublion qui aurait brouillé les cartes. Qu’il s’agisse de la
rencontre de Manet et de Baudelaire en 1860, et d’où va naître une « vive
sympathie » pour un imaginaire que les deux hommes peuvent partager, ou
bien du catholicisme bien particulier du peintre avec ses anges si décalés
dans le contexte saint sulpicien de son temps, Manet étonne et invente
sans cesse. Cet « inventeur du Moderne » va chercher son inspiration avec
la réussite que l’on connaît en Espagne où son écriture picturale se
nourrit des Velázquez du Prado, mais également de Greco et de Goya.
Le visiteur de
l’exposition pourra s’arrêter de longs instants devant L'homme mort,
ce torero allongé éblouissant par la force qui se dégage de cette
évocation pourtant morbide. Manet ne s’enferme dans aucune tendance et
s’il se tient à l’écart de la première exposition des « impressionnistes
», ce n’est pas par désertion, comme certains l’accusent, mais bien parce
que son art ne peut être rattaché à un mouvement ou une école.
L’exposition du
musée d’Orsay sera également la possibilité d’admirer les nombreuses
natures mortes de l’artiste, natures qu’il convient de replacer dans leur
contexte et surtout celui du peintre.
Si le Vase de
pivoines sur piédouche émeut notre sensibilité par la fraicheur de ces
fleurs dont certains des pétales sont tombés négligemment au pied du vase,
le peintre les considérait plus modestement comme des instants propices à
l’étude et au recueillement.
Manet s’éteint le 30 avril 1833, mais Olympia pourra longtemps
encore lui adresser ce regard inimitable qui fait de l’artiste un peintre
toujours vivant en témoigne cette très belle exposition à découvrir avant
le 3 juillet de cette année !
Musée et expositions
* Ouverture de 9h30 à 18h
le mardi, le mercredi, le vendredi, le samedi et le dimanche
de 9h30 à 21h45 le jeudi
vente des billets jusqu'à 17h, 21h le jeudi
évacuation à partir de 17h30, 21h15 le jeudi
groupes admis sur réservation uniquement du mardi au samedi de 9h30 à 16h,
jusqu'à 20h le jeudi
* Fermeture tous les lundis et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
Spécial exposition Manet
Le samedi, ouverture de l'exposition Manet, inventeur du moderne jusqu'à
20h. Fermeture des caisses de 17h30 à 18h.
Le musée ART ROCH
Le premier misée d'art aborigène
d'Australie
Le 24 mars dernier, au 24 rue Saint Roch dans le 1er arrondissement de
Paris, un évènement tout particulier a eu lieu. Le Musée privé Art Roch,
dédié à l’art aborigène d’Australie, a ouvert ses portes au public,
dévoilant sa collection permanente d’objets et peintures traditionnelles
et contemporaines aborigènes. Sous de magnifiques voûtes de caves du 17ème
siècle, une des plus belles collections de cet art du « Temps du Rêve », a
été rassemblée et mise en espace par le musicien iranien Moreza Esmaili.
Cet artiste, qui a vécu avec les aborigènes, a été initié aux arts
traditionnels de leur culture. Il a tissé, grâce à la musique, médiateur
universel, des liens profonds et des ponts entre deux cultures, la
tradition soufie (celle de son enfance) et la tradition ancestrale des
aborigènes. Dans cette dernière, il n’est pas un peintre qui ne soit aussi
musicien et danseur, il n’y a pas de cloisonnement des arts et moyens
d’expression ; le chemin d’un partage authentique se dessinait comme
autant de dessins traditionnels tracés dans le sable. Ce n’est que dans
les années 1970 que les peintres aborigènes ont commencé à peindre sur des
toiles, à la peinture acrylique, leur vision du monde, gardant les
techniques anciennes pour passer « hors les murs » leur tradition et être
découvert et apprécié dans une grande partie du monde par des « passeurs »
tels que Morteza Esmaili.
La collection du musée composée de dizaines d’objets et peintures nous
fait voyager dans les temps les plus reculés de l’histoire de ces peuples.
Outre les traditionnelles peintures sur écorces, des totems, des objets
cérémoniels, des représentations de figures mythiques millénaires (Wanjinas,
Mimi, Yawk Yawk), des pointes de lance, des boucliers de chasse, des
woomera (propulseurs de lance), des boomerangs, des passeurs de message,
des coolamons et autre tablettes rituelles, la scénographie et le parcours
du musé nous guident parmi les toiles de certains des plus grandes
artistes de l’art contemporain aborigène actuel, nous berçant dans les
origines de la création. Toutes les pièces présentées ont été choisies
avec le souci de la connaissance et de rapprocher les cultures entre
elles. L’approche intimiste des œuvres permet aux visiteurs de percevoir
l’ordre intemporel du « Temps du rêve », si présent dans toutes les œuvres
présentes ici. Le musée ne cherche pas à mettre en avant une démarche
anthropologique, il valorise plutôt la charge expressive et la puissance
d’évocation de cet art ancestral, que tout à chacun est à même de
ressentir.
Aujourd’hui, l’art aborigène est reconnu comme un art tribal mais est
également reconnu dans les sphères de l’art contemporain. Un lieu comme le
Musée art Roch, devient alors le seul lieu d’immersion totale dans
l’histoire de cet art et participe à ce que les grands noms de ces
artistes figurent aux côtés des maîtres de la peinture occidentale.
Un lieu à découvrir absolument !
Evelys Toneg
Musée ART ROCH
24, rue Saint Roch 75001 Paris
01 42 60 05 47
www.artroch.net
L’œil et la
passion Musée des Beaux-arts de Caen.
Dessins italiens de la Renaissance dans les collections privées françaises
19 mars - 20 juin 2011
L’œil et la passion sont réunis à l’occasion d’une exposition remarquable
au musée des Beaux-Arts de Caen jusqu’au 20 juin 2011. Une fois de plus,
le musée dirigé par Patrick Ramade a réussi la prouesse exceptionnelle de
réunir soixante-dix feuilles dignes des plus grands musées internationaux
en un parcours à la fois didactique et esthétique. Provenant de riches
collections privées françaises, ces œuvres du Cinquecento italien
(XVI° siècle) sont emblématiques des styles de la Renaissance, du
Maniérisme et de la Contre-Réforme, une exposition décidément exigeante et
qui nécessitera de prendre son temps pour l’apprécier pleinement. Avec une
scénographie sobre, cette exposition nous plonge au cœur du trait et du
dessin des plus grands artistes de cette époque, et l’œil du visiteur sera
plus d’une fois surpris de pouvoir admirer aussi librement (aucune
distance entre le visiteur et l’œuvre) ces créations qui étaient pour la
plupart d’entre elles des études et des projets pour les chefs-d'œuvre à
venir. Véronèse, Tintoretto, Parmigianino ou encore Beccafumi sont réunis
avec un éventail de dessins d’une grande variété. Avec Patrick Ramade,
Catherine Monbeig Goguel et Nicolas Schwed ont conçu cinq parties suivant
la succession des générations et les différents foyers artistiques. La
plupart de ces dessins sont inédits et n’ont jamais été exposés.
L’exposition présentée à Caen prend ainsi figure d’une collection idéale,
rêve de tout esthète de la Renaissance…
Franco, Neptune sur son char (détail), DR
Le mouvement est au cœur d’une effusion picturale sous la pierre noire de
Battista Franco, un peintre vénitien qui servira la Cité par ses
nombreuses évocations mythologiques. Ici, Neptune sur son char est
momentanément fixé sur le papier par l’artiste, mais nul doute qu’une fois
l’œuvre regardée, le dieu des mers poursuive sa route sur sa monture
effrénée !
Véronèse, Etude de manteau sur une figure debout, DR
Un peu plus loin, l’incroyable drapé d’un saint évêque qui prend forme
sous le trait de Véronèse laisse songeur le visiteur qui croit avoir perçu
le froissement de l’étoffe de celui qui pourrait bien être saint Ambroise,
le saint bien-aimé de la ville de Milan.
Tintoret, Adoration des Bergers, DR
Une halte devant l’Adoration des Bergers de Domenico Tintoretto, le
fils de Jacopo, témoigne des audaces de ces artistes du XVI° siècle,
audace que ne désavouerait pas un peintre comme Picasso si l’on observe
les traits évoquant les personnages de la sainte scène. L’essentiel n’est
pas là, et devant la candeur d’un enfant Jésus dont les traits sont
réduits au minimum (trois points…), la force de la composition est
ailleurs, dans cette tension qui anime chacun des protagonistes, tension
qui oscille entre surprise et émerveillement, stupeur des bras écartés et
recueillement des bras croisés.
L’œil aiguisé par la beauté, mais aussi par la qualité des œuvres et
l’état de leur conservation rencontre la passion de posséder ou plutôt
d’acquérir, car est-il possible de « posséder » le beau ?
La réponse à cette question se fera pour tout à chacun en visitant cette
très belle exposition où chacun d’entre nous pourra emporter avec soi
quelques fragments de beauté qui hanteront longtemps après la mémoire de
nos émotions.
Informations pratiques
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 9h30 à 18h. Fermeture dimanche de
Pâques, 1er mai et jeudi de l’Ascension
Commissariat
Commissariat scientifique :
Catherine Monbeig Goguel, directeur de recherche émérite (CNRS),
département des Arts Graphiques du Musée du Louvre.
Nicolas Schwed, historien de l’art
Commissariat général :
Patrick Ramade, conservateur en chef du Patrimoine, directeur du Musée des
Beaux-Arts de Caen.
Catalogue
Reproduction et analyse de toutes les œuvres dans le catalogue (editions
Somogy).
« Nature et idéal, le
paysage à Rome 1600 – 1650 »
exposition Grand Palais , Galeries
nationales
Paris, jusqu’au 6 juin 2011.
Quels rapports entretiennent ces deux mots « nature » et « idéal » dans le
langage pictural de la première moitié du XVII° siècle ? La représentation
du paysage à Rome est le thème retenu pour cette exposition qui se tient
actuellement au Grand Palais, évocation qui a inspiré tant d’artistes dont
les noms sont parvenus jusqu’à nous tels des synonymes de beauté et de
perfection. C’est cette perfection née de l’antique que soulignait
Chateaubriand lorsqu’il affirmait : « On n’a point vu Rome quand on n’a
point parcouru les rues de ses faubourgs mêlées d’espaces vides, de
jardins pleins de ruines, d’enclos plantés d’arbres et de vignes, de
cloîtres où s’élèvent des palmiers et des cyprès, les uns ressemblant à
des femmes d’orient, les autres à des religieuses en deuil. » Rome a
réussi cette extraordinaire métamorphose en renaissant encore plus belle
de ses ruines. Elle a pu opérer une telle métamorphose grâce à ses
couleurs et aux formes qu’elle a su inspirer aux artistes majeurs de ce
XVII° siècle en profond changement. Il est vrai, qu’auparavant, peindre le
paysage pour lui-même aurait paru incongru pour un artiste qui le
réservait comme un complément d’un thème central. La ville éternelle a
donc su inspirer cette mutation picturale grâce aux nombreux attraits
qu’elle a toujours suscités : De nombreux peintres vinrent de l’Europe
entière dans l’espoir d’en capter les plus beaux reflets. La très belle
exposition réalisée par Stéphane Loire avec la collaboration scientifique
de Francesca Cappelletti, Patrizia Cavazzini et de Silvia Ginzburg
proposent ainsi à notre regard plus de 80 peintures parmi les plus belles
sur la ville éternelle et son paysage.
Le visiteur pourra, comme le suggère le parcours, commencer par Annibal
Carrache (1560-1609), précurseur, car l’essentiel de son activité le
rangera plus dans le dernier tiers du XVI° siècle que le XVII° s. Si
l’artiste réalise avec brio une commande du décor peint de la galerie du
palais Farnèse, il saura parallèlement « s’échapper » de cette peinture
classique avec les premières évocations d’un paysage « idéal ». La
Fuite en Egypte marquera le point de départ et servira de modèle pour
les artistes qui suivront. Avec le peintre bolognais, la nature entretient
un rapport particulier avec les personnes qui y sont représentées. La
nature se sait-elle regardée ? Difficile de répondre à pareille question,
toujours est-il qu’avec cette nouvelle approche, le regard devra
dorénavant être pluriel, dépasser la lecture immédiate pour tisser un
réseau de dialogues de plus en plus complexe.
Cette expérience ressentie et transposée par Carrache sera irréversible
pour les siècles à venir. Le Dominiquin reprendra le flambeau laissé
allumé par son illustre prédécesseur, qu’il suffise pour s’en convaincre
de s’attarder de longs moments devant « Le Sacrifice d’Abraham »
peint vers 1602. La lente montée d’Abraham et de son fils Isaac s’avère
périlleuse, les arbres au feuillage sombre et les troncs tortueux
soulignant l’acte terrible demandé au père pourtant soumis à la volonté
divine.
Par contraste, la plaine, au loin, paraît sereine presque confiante dans
le destin qui s’écrit sous nos yeux. Voilà un exemple de cette
transformation de la représentation de la nature confirmée par
l’excellence de l’art du Dominiquin.
Nicolas Poussin (1594-1665) huile sur toile, 155 × 234 cm
Le chemin est tout tracé pour ouvrir une voie lumineuse vers les grandes
réalisations de Poussin ou du Lorrain, eux-mêmes influencés par
l’influence plus descriptive des peintres nordiques. C’est ainsi que le
visiteur découvrira au fil des salles sobrement organisées les plus belles
réalisations de cette première moitié du XVII° siècle, avec, en point
d’orgue, les grands paysages exécutés par Nicolas Poussin et Claude
Lorrain tels le Paysage avec saint Paul ermite qui révèle une
nature particulièrement inextricable en écho avec la démarche érémitique
du saint ou encore le paysage lunaire inquiétant évoqué par Claude Lorrain
dans Paysage avec la tentation de saint Antoine. Le paysage peut
être également circonscrit à la vue d’un port, thème qui occupa
particulièrement ce peintre dont l’incroyable lumière d’un soleil toujours
masqué par un point de l’horizon illumine l’ensemble de la représentation.
La peinture plus intellectuelle de Nicolas Poussin ne cesse quant à elle
de tisser un dialogue raffiné de plus en plus étroit avec la nature,
dialogue souvent difficile à entendre au XXI° siècle. Cette très belle
exposition parvient à nous le restituer avec intelligence et raffinement,
et à l’image de Goethe découvrant pour la première fois la ville
éternelle, nous pourrons dire avec lui : « Tout est comme je me
l’imaginais et tout est nouveauté ! ».
Entrée Clémenceau
3, avenue du Général-Eisenhower
75008 Paris
Tél : 01 44 13 17 17
RETROUVEZ LA CHRONIQUE DU CATALOGUE DE L'EXPOSITION :
«
Nature et idéal, le paysage à Rome 1600 – 1650 » catalogue de
l’exposition Grand Palais , Editions de la RMN et du Grand Palais,
Paris, 2011.
Rome est
le point de convergence de nombreuses influences qui permettront à
l’art du paysage de progressivement prendre son essor en tant que tel
dés la fin du XVI° siècle...(Lire
la suite...)
Gustave Courbet,
l’amour de la nature
Du 4 mars au 4 juin 2011
Mona Bismarck Foundation
« [ Je suis] l’élève de la nature […] je n’ai eu que moi-même pour
maître ». Chez un autre que Courbet, une telle affirmation pourrait
paraître prétention et vanité réunies ; or, avec le peintre maître du
réalisme, il n’en est rien. Nature et artiste se fondent en une osmose
parfaite, l’un dessinant l’autre, dans un éternel retour de la perfection
esthétique. Courbet estimait, en effet que « Le beau est dans la nature
», et il appartenait à l’artiste de le reconnaître pour en témoigner dans
l’art. Une telle quête a nourri les trente-cinq toiles et quatorze dessins
de celui qui souhaitait à tout prix rompre avec l’académisme de son
époque, pour cette recherche libre évoquée précédemment. La Fondation
Bismarck ne pouvait être que l’écrin rêvé d’une telle exposition,
organisée en partenariat avec l’Institut Courbet, à la fois intimiste et
en même temps exigeante. L’âme de la si belle comtesse plane encore dans
ces lieux et nul doute qu’elle aurait validé pareil accrochage de beautés
et d’émotions artistiques. Car la nature est presque surprise dans les
instantanés du peintre Courbet. Il semble même parfois tapi si
silencieusement dans ses recoins qu’il a su en surprendre les murmures
inaudibles et les reflets masqués habituellement à la descendance d’Adam
et d’Eve… il suffit pour s’en convaincre de se recueillir devant ces
évocations de sa vallée natale pour mieux comprendre ce que Courbet
affirmait : « L’imagination dans l’art consiste à savoir trouver
l’expression la plus complète d’une chose existante, mais jamais à
supposer ou à créer cette chose même.»
Etude de paysage de Fontainebleau - Gustave Courbet - 1850,
huile sur toile, 38x45 cm, photo@Institut Courbet d'Ornans
La clairière de sable près de Fontainebleau peinte en 1850 déploie
sous nos yeux cette humilité active : le sol sablonneux dessine
subtilement la masse verte compacte des arbres indistincts dont seule une
trouée de ciel légèrement dégagée vient de nouveau éclaircir le paysage.
Il n’y a nulle béatitude devant la création de Courbet : la nature est
magnifiée sans être pour autant enserrée dans un carcan étouffant.
Le Petit Pêcheur d’Ornans renouvelle cette expérience devant notre
regard : l’artiste a su percevoir l’œuvre de la nature dans ces reflets
argentés, presque neigeux, de l’eau agitée par la retenue du barrage. Nous
regardons ainsi Courbet qui lui-même perçoit ce petit pêcheur qui s’abîme
dans la contemplation de la nature dont il fait lui-même partie. Seul un
ciel rouge de fin de journée qui s’annonce vient rompre cet équilibre
parfait, la masse sombre des nuages souligne la fugacité de ces instants
de quiétude, on n’ose dire de bonheur…
Le passage du gué - Gustave Courbet - 1841,
huile sur papier marouflé sur toile, 26x22 cm,
photo@Institut Courbet d'Ornans
La nature peut parfois s’effacer chez Courbet, ou tout au moins devenir
témoin discret d’une idylle à l’abri des regards tel Le Passage du gué,
peint en 1841, et qui semble être un autoportrait au bord de la Brême. Un
jeune homme tient fermement dans ses bras une jeune femme afin de lui
permettre de traverser à pied sec le gué. Nous comprenons vite au regard
porté par le peintre à la bien-aimée que le motif de la traversée est tout
autre, mais cela ne nous appartient plus !
Cette très belle exposition est à découvrir à la Mona Bismarck Foundation,
34 avenue de New York, à quelques pas du Musée d’Art Moderne et du
Trocadéro jusqu’au 4 juin.
Gustave Courbet, l’amour de la nature
Du 4 mars au 4 juin 2011
Ouvert de 12h00 à 18h30 tous les jours sauf dimanche, lundi, et jours
fériés
Mona Bismarck Foundation
34 Avenue de New York – 75016 Paris
Contact : Cynthia Cervantes au 01 47 23 83 37
Site web :
www.monabismarck.org
Catalogue Gustave Courbet, l’amour de la nature, C. Rajakaruna, F. Lépine,
J.-J. Fernier, Mona Bismarck Foundation, 2011.
Institut Gustave Courbet
1971-2011, 40 ans d’exposition
Créée en 1938 par le peintre comtois Robert Fernier et ses amis,
l’Association des Amis de Courbet, aujourd’hui Institut Courbet, acquit la
maison natale du peintre à Ornans pour y ouvrir le Musée consacré à son
oeuvre. À la disparition de son fondateur, elle offrit le Musée Courbet au
département de Doubs pour qu’en soit assurée la pérennité. L’Institut
Courbet, qui conservera la direction du musée jusqu’en 2008, consacre
désormais son activité au service de Courbet et des
artistes qu’il inspire, notamment en proposant ses collections et des
manifestations en France et à l’international.
CRANACH ET SON TEMPS
Musée du Luxembourg – Sénat
9 Février 2011 / 23 Mai 2011
Le peintre Cranach l’Ancien naît, un an après Dürer, en 1472 à Kronach, en
Haute-Franconie, ville de Bavière en Allemagne qui a inspiré son
patronyme. Forgé aux armes de l’humanisme, le jeune homme sera engagé
comme peintre officiel à la cour du prince électeur de Saxe à Wittenberg.
L’exposition qui réunit une sélection importante de ses œuvres au musée du
Luxembourg est une belle manière d’aiguiser son regard à la Renaissance du
nord de l’Europe. Ses œuvres vont en quelque sorte, le temps d’une
exposition, offrir le miroir de son époque, une époque riche en ces temps
de Réforme. Les différents portraits officiels, qui sont présentés dans ce
musée qui vient de rouvrir ses portes, proposent une « illustration » des
grands de cette époque, ce qui est déjà beaucoup ; mais, l’art de Cranach
va bien au-delà et opère également par magie une impression étrange de vie
qui surprendra plus d’un visiteur.
Que l’on place en vis-à-vis les portraits de Martin Luther et de Philippe
Melanchthon et l’on comprendra immédiatement la proximité qui unissait le
peintre de ces deux humanistes réformateurs. Il faudra également s’arrêter
sur son étonnant autoportrait réalisé en 1531 dont émane un regard à la
fois ferme de l’homme sûr de son art et en même temps la perplexité :
est-ce en raison de ses multiples engagements officiels qui font de son
atelier une activité florissante ? Les tourments de la foi réformée qui
ébranlent son temps et son cercle le plus intime d’amis ont-ils eu raison
de ses certitudes ? Nous ne le saurons pas et son regard nous accompagnera
longtemps après la visite…
Cette « propagation » de la foi par une nouvelle manière de voir sera au
cœur des préoccupations artistiques de Cranach. L’image vient à l’appui de
la Parole du Christ et l’aide à la graver dans la mémoire du croyant. La
représentation de La Charité peinte après 1536 est significative de cette
vaste entreprise. Une jeune femme est assise, nue, sur un tronc d’arbre
scié, quatre petits enfants également nus l’entourent, goûtent une pomme
ou tètent le sein de la jeune femme, dans un total abandon à la manne
bienfaitrice…
Les références à l’Antiquité sont également nombreuses dans l’art de
Cranach et de son temps, leurs fonctions rhétoriques sont manifestes pour
la légitimation des princes électeurs. Mais, peu importe ces calculs, ils
offrent la possibilité pour nos contemporains d’admirer l’art établi de
Cranach qui a su transcender ces contingences pragmatiques, signe de la
qualité de l’artiste. Tout aussi convaincante est la manifestation de la
délicate dévotion apportée par le peintre dans ses représentations de la
Vierge, qui, si elles n’ont pas la chaleur de leurs homologues italiennes,
traduisent néanmoins une émotion profonde et solidement ancrée.
Il restera à l’heureux visiteur de cette exposition décidément riche
d’apprécier les fameux nus qui ont rendu célèbre le peintre Cranach et de
juger de leur sensualité qui a fait couler encore plus d’encre que de
peinture !
A lire :
-Album de l’exposition « Cranach et son temps »
Cet album est publié à l'occasion de l'exposition Cranach et son temps
présentée à Paris, au musée du Luxembourg, musée du Sénat de la République
française, du 9 février au 23 mai 2011. Éditions de la Réunion des musées
nationaux et du Grand Palais, Paris
Nb. de pages 47, Illustrations 40, Format 21x26.5 cm, Couverture Brochée
-Naïma Ghermani « L’Europe au temps de Cranach 1480-1560 » Rmn Grand
Palais, 2011.
Horaires :
Tous les jours de 10h00 à 20h00
Vendredi et samedi jusqu’à 22h00
Fermeture exceptionnelle : 25 décembre et 1er mai
Accès
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard
75006 Paris
Tél. : 01 40 13 62 00
Parmesan, dessins et
gravures en clair-obscur
cabinet des dessins Jean Bonna,
Beaux-arts de Paris
exposition du 18 février au 6 mai
2011
Girolamo Francesco Mazzola dit le Parmesan
Saint Christophe portant le Christ enfant
Plume, encre brune et lavis d’encre brune sur papier préparé rose Mas 2367
Alors qu’à quelques centaines de mètres de là, le musée du Luxembourg
célèbre le peintre Cranach dans une exposition très médiatisée, de
véritables joyaux sont également à découvrir dans le même périmètre, dans
un cadre intimiste, et à l’abri des grandes files d’attente !
C’est en effet à l’Ecole nationale des Beaux-arts de Paris qu’il faudra
également se rendre, d’autant plus que l’artiste qui y est honoré est un
contemporain italien de Cranach, une belle manière de comparer les arts de
la Renaissance du nord et du sud
C’est grâce au mécénat de Jean Bonna et à Emmanuelle Brugerolles
(commissaire) que cette exposition a pu réunir une trentaine d’œuvres de
la Renaissance issues de l’école émilienne caractérisée par l’art de
Girolamo Francesco Maria Mazzola nommé plus abruptement par Vasari,
Parmigianino, « le petit Parmesan », l’artiste étant né à Parme…
Attribué à Parmesan
Tête de jeune femme pour La Vision de saint Jérôme
Sanguine sur stylet Mas 2545
C’est ce même Vasari qui n’hésite pas à décrire le peintre comme étant
sans rival en Lombardie « par la grâce du dessin, par la vivacité de
l’invention et par une rare habilité à peindre le paysage (…) Il sut
donner aux attitudes de ses personnages un charme, une suavité, une
élégance qui n’appartiennent qu’à lui.». Comment ne pas souscrire à un
jugement aussi sûr, après avoir visité l’exposition des Beaux-arts de
Paris !
Nous sommes dans le temple du raffinement et de la délicatesse sublimés
par la quintessence du dessin. Nul artifice ne peut venir atténuer une
faiblesse du trait ou de la forme comme en témoigne cette superbe Etude
d’une figure allégorique féminine pour le camerino de Fontanellato.
Quelle que soit l’attribution du personnage évoqué dans cette étude, la
sanguine invite le regard à contempler l’intimité d’une Diane ou de la
déesse lunaire Hécate dans une attitude où le port de tête souligne la
grâce du buste à moitié découvert. Que l’on rapproche de ce dessin
l’admirable Tête de jeune homme où le pastel de couleur esquisse
sur le papier bleu un visage étonnant de vie et de fraîcheur. Ce pastel
assez inhabituel chez Parmesan est à rattacher aux travaux de Corrège et
de Léonard.
C’est d’ailleurs à Rome (1524-1527) qu’il complètera sa formation et qu’il
fera connaissance des oeuvres de Raphaël et de Michel-Ange, encouragé en
cela par la bienveillance du pape Clément VII qui garda pour lui le
tableau de la Circoncision que le jeune artiste réalisa dès le
début de son séjour.
De cette période romaine date la Vierge baignant l’Enfant Jésus
réalisé à la plume et à l’encre brune dont le caractère intimiste frappe
immédiatement : la Vierge, allongée à même le sol, tient son enfant penché
sur elle dans un geste maternel universel.
Ugo da Capri d’après Girolamo Francesco Mazzola dit le Parmesan
Diogène, vers 1526-1527 Gravure sur bois Est 11337
L’exposition sera également l’occasion d’apprécier l’art de Parmesan quant
aux gravures en clair-obscur, chiaroscuro, technique pour laquelle
il développera tout l’éventail de ses qualités artistiques. La curiosité
dont il fait preuve sur le développement de cet art gravé est manifeste
dans les œuvres présentées tel ce Diogène admirable dans ce face à
face avec le coq plumé et dont la fougue soulignée par le mouvement de son
vêtement ne cesse d’étonner…
Il faudra s’attendre à de véritables moments d’émotions artistiques lors
de cette visite à ce Cabinet des dessins qui rivalise avec les plus
grandes institutions internationales quant à la qualité et au nombre de
ses dessins conservés !
Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris
Cabinet des dessins Jean Bonna
14, rue Bonaparte 75006 Paris
www.beauxartsparis.fr
(semaine de fermeture du 18 au 24 avril 2011) – ouverture du lundi au
vendredi
Catalogue de l’exposition par Emmanuelle Brugerolles et Camille Debrabant
« Parmesan Dessins et gravures en clair-obscur » Beaux-arts éditions, 160
pages, 2011.
L’ORIENT DES
FEMMES vu par Christian Lacroix
Musée du Quai Branly
Quel plus bel hommage pouvait-on offrir à ces femmes d’Orient, ces femmes
du « croissant fertile », du nord de la Syrie à la péninsule du Sinaï, que
le regard aiguisé et sensible d’un artiste aussi talentueux que Christian
Lacroix, à qui le Musée du quai Branly a confié la direction artistique de
cette exposition !
« L’Orient des Femmes vu par Christian Lacroix » est un subtil parcours
autour de robes richement colorées et brodées par ces femmes des campagnes
et des tribus itinérantes qui rivalisaient de créativité pour
confectionner tous ces vêtements. Pièces uniques, constituant avec
quelques autres accessoires brodés aussi, l'essentiel de chacun des
trousseaux des futures jeunes mariées. Montrées pour la première fois au
public, ces robes, collectées depuis des décennies ou issues de
collections particulières, sont autant de livres d'étoffes qui racontent
une terre d'origine, un milieu social, une religion, un art de vivre, une
manière d'être, une mémoire collective, des gestes ancestraux répétés à
l'infini, des vies entières...
Cette exposition dévoile un autre visage de la femme orientale que peu de
voyageurs jusqu'au 18e siècle avaient eu l'occasion de voir. « Ils
s'attendaient à voir des vêtements de pauvres paysannes, ils découvrirent
des costumes de ballerines d'opéra » décrit Jacques Weulersse en 1946.
Oui, ces robes, et les voiles de visages qui en accompagnent certaines,
sont de véritables trésors, qui depuis l'époque médiévale ont préservé la
forme même de la coupe, du montage, des codes de couleurs, des techniques
de teinture et des broderies chargées de tous leurs symboles. Du noir au
blanc, passant par des rouges, bleus, ocres et orangés comme le passage de
la nuit au jour, de l'aube au crépuscule colorés, ces robes semblent
suspendues, comme figées, planant dans un espace-temps puisqu'elles ne
seront plus jamais portées.
Ces costumes de femmes syriennes, jordaniennes, palestiniennes ou encore
bédouines, dont les secrets de confection transmis de générations en
générations, de mère à fille (dès 7 ans), dans le bruissement et la
douceur des étoffes de coton, de drap de Damas, de gaze ou de soie, sont
des espaces de liberté pour toutes ces mains expertes qui se sont passé ce
savoir-faire de ce patrimoine du geste depuis des siècles.
Malheureusement, cet art disparaît inéluctablement depuis le 19e siècle
avec les échanges commerciaux entre le monde méditerranéen et l'Occident
exportant sa propre mode vestimentaire. En ce début de 21e siècle, la
globalisation culturelle et la montée d’un certain fondamentalisme sonnent
la fin d’une tradition vestimentaire séculaire et il est impossible de
rester indifférent à la disparition de ce patrimoine identitaire, voire à
l’anéantissement de cette mémoire de femmes, car, comme l’explique Hana
Chidiac, commissaire de cette exposition, derrière ces costumes d’une rare
beauté, il y a des générations de femmes pétries de rêves et de
sensibilités, des femmes qui ont piqué des milliers de points colorés sur
leurs robes pour embellir la vie et adoucir leur avenir…
« L'Orient des femmes » est un événement joyeux, un tourbillon pour les
sens. La vue, le toucher, l'ouïe sont sollicités. Imaginer les parfums
d'Orient, les goûts des plats de fête donnera la touche finale à ce voyage
vers cette région du monde qui a toujours exercé sur l'Occident une
véritable fascination.
Autour de cette exposition, le musée du quai Branly propose conférences et
publications.
Vous trouverez toutes les informations pratiques au 01 56 61 70 00 et sur
le site www.quaibranly.fr
Le catalogue « L’Orient des femmes vu par Christian Lacroix ».
Ouvrage collectif préfacé par Christian Lacroix.
Coéditions Actes Sud Beaux-Arts / Musée du quai Branly
164 pages - illustrations couleur et noir et blanc.
Photographies de Grégoire Alexandre.
A l’occasion de cette exposition, le mensuel L’ŒIL édite un hors-série
22 pages – illustrations couleurs et noir et blanc.
Evelys Toneg
« ENTRE CIEL, TERRE ET
MER OU LE MYTHE REVISITE - DENNIS NONA.»
AMBASSADE D’AUSTRALIE - PARIS
27 JANVIER - 20 MAI 2011
« Il faut véritablement être équilibriste pour donner un sens au passé à
la fois en respectant les formes d’expression artistiques traditionnelles
– même renouvelées d’une manière créative – tout en s’écartant de cet
héritage.» écrit Simon Wright en préambule du catalogue consacré à l’œuvre
de Dennis Nona, exposé à l’ambassade d’Australie, jusqu’au 20 mai 2011.
Entrer dans l’univers imaginaire et traditionnel de Dennis Nona est un
voyage vers les terres des îles du détroit de Torres, cernées par la
Nouvelle-Guinée au nord et l’Australie au sud, mais aussi vers sa terre,
l'île de Badu, archipel tropical aux cultures spécifiques entre mondes
aborigènes et univers mélanésiens. Dennis Nona y est né en 1973 et y
apprend dès son enfance l'art de la sculpture traditionnelle sur bois.
Après des études et l’obtention de diplômes en arts plastiques et en arts
visuels, il est reconnu aujourd'hui, et de nombreuses fois primé de prix
prestigieux, comme l'un des créateurs les plus originaux et novateurs de
la scène artistique contemporaine. Au fil des années, son talent va se
développer avec une finesse particulière à travers ses techniques de
prédilection, la linogravure, les eaux-fortes et la sculpture. Son œuvre,
d'une très d'une grande complexité et de forme visuelle très vivante, nous
emporte âme et corps dans la tradition des légendes mythologiques de son
île, qui jusque-là se transmettait oralement et par les danses
traditionnelles. Dennis Nona a recourt, lui, à la narration graphique pour
nous transmettre directement et visuellement son histoire, tant historique
et clanique que spirituelle. La richesse de ses œuvres réside dans la
multiplicité des niveaux de lecture. Stéphane Jacob, commissaire de
l'exposition, nous invite à découvrir un ensemble d'une cinquantaine
d'œuvres récentes mêlant l'art de l'estampe et de la sculpture, 33
eaux-fortes, 6 linogravures, 11 sculptures et 1 installation éphémère en
sable, roches et Bu (coquillages trompette - chemin initiatique des jeunes
garçons passant à l'âge adulte). Sans scénographie particulière, on
déambule d'œuvre en œuvre, ébloui par le foisonnement de signes et le
raffinement des traits, les couleurs, la maîtrise totale des techniques
employées et l'extraordinaire bestiaire légendaire et mythologique que
célèbre Dennis Nona.
Hommes, plantes, animaux et paysages ont tous leur propre signification
dans l'épopée ou les événements magiques du passé de cette culture qui
glorifiait le combat et tenait les guerriers en haute estime. C'était une
culture de chasseurs de têtes (Byerb Ibaik, Baidam Aw Kuik, sculptures
représentant les crânes humains utilisés comme monnaie avec les
populations voisines de Papouasie Nouvelle-Guinée), de cannibales et de
guerriers, culture où lorsqu'ils mourraient, les hommes et femmes, les
sorciers et sorcières se transformaient en créatures marines ou devenaient
des rochers, des îles du détroit. Le travail de Dennis Nonna prend souvent
des proportions monumentales, ce qui lui permet de traduire visuellement
et en détail, des légendes longues et complexes (Mutuk – eau-forte de 4,30
mètres de long ou encore Yawaar - linogravure de 6 mètres de long), sa
sculpture aussi prend ce même chemin vers le monumental avec Ubirikubiri
of Awaiau Kasa (crocodile en bronze de 3,60 mètres de long).
Dans sa démarche artistique, il repousse constamment les limites des
supports qu'il utilise, ce qui crée de véritables défis techniques pour
les fondeurs (sculptures de bronze) et fait que son art devient alors
unique et se distingue de toute la production artistique contemporaine
insulaire et australienne. La beauté frappante des œuvres de Dennis Nona
n'a d'égal que la complexité des récits, tous expliqués sur des panneaux
bilingues à côté de chacune des œuvres. Dennis Nona a su faire de son art
un vecteur idéal pour toucher de nouveaux publics à travers le monde en
donnant une lecture de la tradition que les insulaires du détroit de
Torres se passent entre eux depuis des siècles, toujours sous les formes
traditionnelles tels les tatouages, la sculpture, les danses, les dessins
sur le sol, et toutes les significations symboliques et interactives entre
les corps, la flore et la relation « mère » avec la mer nourricière. Les
œuvres de Dennis Nona sont au-delà des œuvres de collection, car elles
participent à la sauvegarde de la tradition et appartiennent en quelque
sorte à la communauté dans la mesure où elles s'inspirent des récits des
mythes fondateurs, des danses et des esprits qui sont liés à sa culture.
Chaque projet d'œuvre est soumis aux sages du clan et validé avant d'être
exécuté.
Dennis Nona est un conteur visuel qui a pour mission culturelle de nous
faire partager par la beauté de son art, la culture vivante de son peuple.
Stéphane Jacob, commissaire de cette exposition, directeur de la galerie
Arts d'Australie à Paris, membre du C.N.E.S, diplômé de l'école du Louvre
est le spécialiste incontournable de l'art contemporain australien,
particulièrement de l'art aborigène et de celui des insulaires du détroit
de Torres, et signe là une très belle initiative qui porte haut l'œuvre de
Dennis Nona.
Les œuvres de l’artiste sont connues dans le monde entier et l’artiste a
le projet d'une sculpture monumentale, de bronze et de nacre, de 6 mètres
de haut et de plus de 8 mètres de long qui trouvera sa place sur le parvis
du nouveau Musée des Confluences à Lyon courant 2014.
Les plus jeunes ne sont pas oubliés et un parcours de questions permet aux
enfants de découvrir les clés et les réponses de ce jeu de piste à travers
l'art de Dennis Nona.
Le catalogue de l'exposition est subtil, délicat à l'image de l'œuvre de
cet artiste. Juste un texte de présentation par Simon Wrigth et le reste
du catalogue est consacré aux œuvres commentées livrant ainsi un peu de
leur mystère symbolique et narratif. Les très belles reproductions
laissent voir les nombreux détails des linogravures, estampes, eaux-fortes
et la subtilité des jeux d'encrage des supports, ce à quoi tient
particulièrement Dennis Nona. C’est un très bel ouvrage que l’on peut sans
hésiter mettre dans sa bibliothèque.
Catalogue de l'exposition « Entre ciel, terre et mer ou le mythe revisité
»
Éditions AAPN (Sydney)
Sous la direction de Stéphane Jacob et Mikaël Kershaw
130 pages – bilingue français/anglais.
Format 21X21 cm
Du lundi au vendredi, de 9h à 17h (sauf jours fériés) Renseignements : +33
(0)1 46 22 23 20
Ambassade d’Australie - 4, rue Jean Rey, Paris 15ème.
Métro Bir Hakeim, RER C Champ de Mars-Tour Eiffel
Exposition bilingue / Visites guidées (gratuites sur réservation)
Activités scolaires (participation forfaitaire sur réservation)
Evénement de taille au musée Dapper ! Christiane Falgayrettes-Leveau,
commissaire de l’exposition « Angola, figures de pouvoir » et son
conseiller scientifique, Boris Wastiau, nous emportent corps et âme vers
les mystères des objets et des représentations du pouvoir en Angola. Pays
frontalier de la Namibie, de la Zambie, de la République Démocratique du
Congo, du Congo et ses côtes léchées par les vagues de l’océan Pacifique,
l’Angola couvre une superficie de 1 246 700 kilomètres carrés pour 16
millions d’habitants qui tout au long de leur histoire se sont déplacés,
croisés, installés et de nouveau déplacés ceci dès la préhistoire. Le
peuplement actuel de l’Angola compte de nombreux groupes d’origine bantu
qui résulte des importants déplacements au cours de siècles. Riche de son
histoire, riche de ses peuples, riche de toutes ses sociétés structurées,
de ses royaumes, l’Angola impressionne les premiers colons portugais du
15e siècle qui débarquèrent dans l’estuaire du fleuve Zaïre. Les royaumes
de Kongo, Ndongo, Kakongo, Loango et Ngoyo, entre autres exerçaient alors
leur plein pouvoir, mais comme à chaque épisode de conquête,
l’implantation de colons et avec eux, leur religion, le christianisme,
leur culture, provoqua un bouleversement profond de toute l’organisation
et équilibre de ces sociétés locales et de l’histoire même du pays (enjeux
politiques et économiques, traite négrière, commerce des matières
premières et richesses du pays, différentes alliances avec groupes
autochtones et les Portugais puis avec d’autres Européens). L’Angola
contemporaine, indépendante en 1975, se reconstruit après la guerre civile
de 2002 (c’était hier…). Cette exposition révèle les liens profonds entre
les peuples qui ont contribué à édifier ce patrimoine artistique
exceptionnel, affirmant la diversité et l’originalité de styles comme de
multiples indices d’un univers où sont en jeu tous les pouvoirs. A
l’origine, Chibinda Ilunga, héros civilisateur, est la figure de légende
d’un récit mythique qui mêle la généalogie des dynasties et un certain
nombre de légendes. Reconnaissable à la coiffe (mutwe wa kayanda)
spécifique des souverains chokwe, ses larges épaules, ses jambes solides,
ses pieds et ses mains de tailles très surprenantes montrent sa force
physique, quant à ses attributs, bâton, fusil, dénotent que sa puissance
de chasseur va bien au-delà, ses yeux sont clos, mais il écoute comme un
animal aux aguets et ses narines dilatées suggèrent que tous ses sens sont
en éveil. Tous ces indices renvoient au domaine du chasseur. Il était
honoré en tant que héros civilisateur et les chefs chokwe les plus
importants se considéraient comme ses descendants. La représentation
exposée ici a été collectée en 1904, c’est en 1956 que Marie Louise Bastin,
historienne de l’art belge, identifie cette effigie comme une
représentation générique d’ancêtres fondateurs.
Tout au long de ce parcours pratiquement initiatique pour les visiteurs,
plusieurs thèmes sont abordés qui ont un rapport direct avec le pouvoir,
les insignes mêmes du pouvoir que l’on retrouve dans une belle collection
de sceptres d’une grande finesse d’exécution, symboles d’autorité,
surmontés de têtes masculines dotées de la coiffure mutwe wa kayanda chez
les chokwe, on retrouvait la figure féminine sur les sceptres ovimbundu. A
chaque objet du pouvoir un rôle bien précis et une utilisation codifiée.
On pourra admirer au court de cette déambulation dans la culture de
l’Angola, des couteaux, glaives, haches et autres armes d’apparat décorées
si finement qu’elles en deviennent toutes des œuvres d’art. Sièges,
repose-tête, trônes sculptés et ouvragés donnent une place
particulièrement définie aux figures féminines et autres caryatides ornant
les dossiers ou les pieds, représentation du lien de filiation
matrilinéaire des détenteurs du pouvoir. Une superbe vitrine de tabatières
et de pipes en bois sculpté montre un autre aspect du raffinement des arts
de cour. La dimension du pouvoir spirituel est loin d’être négligeable et
tous les ancêtres perçus comme bénéfiques sont invoqués et vénérés au sein
du village, parfois sur des autels rudimentaires, mais la symbolisation
des lieux, les artefacts manipulés par les devins et rites de sacrifices
d’animaux permettent aux forces de cet autre pouvoir, invisible mais bien
présent, de faire leur chemin. L’impressionnant autel chokwe, hamba wa
mwima, fait de branche, de crânes d’animaux et de pigments pourrait bien
nous faire penser à nos vanités et à l’impermanence des choses.
L’exposition nous propose une excursion autour de la Mukanda, initiation
des jeunes garçons, car certains esprits se manifestent pour cette
occasion notamment les esprits des anciens appelés akishi et qui sous la
forme matérialisée des masques vont prendre part à l’éducation des
novices. Les masques ici exposés, impressionnants et imposants de volumes,
couleurs, d’aspects différents selon les groupes, et par leur fonction
dans les rites d’initiation, semblent prêts à prendre vie. Les plus
distinctifs sont les masques chokwe chihongo, en bois sculpté, de facture
naturaliste et fait de matériaux éphémères, ils peuvent apparaître lors
des cérémonies de la Mukanda, seulement pour les fils de chef, et au cours
de certaines commémorations ; les masques chokwe pwo symbolisent la beauté
par ses traits féminins, faits de bois, perle fibre, graminées et de
pigments. Bien que dansés par des hommes, comme la plupart des masques
dans les pays d’Afrique, ils miment les tâches féminines, la sexualité
comme suggestion de la fécondité et de la perpétuation des lignées, ils
peuvent être vu par un plus grand nombre ; quant aux masques chokwe
chikunza, en résine, fibres végétales, tissus et pigment ils sont plus
agressifs et querelleurs avec les spectateurs. Ils ont pour fonction de
protéger les novices et le camp d’initiation contre d’éventuels intrus et
actes de sorcellerie. Le visage anthropomorphe est surmonté d’un immense
appendice qui contiendrait des substances à forte valeur médicinale
recherchées par les devins. On peut voir ces masques en situation pendant
la projection d’un film, dans la salle où masques et costumes entiers de
danseur ont un œil bienveillant sur vous ! Certains mystères de la vie et
règles de comportement dans la société sont révélés aux jeunes initiés à
travers des panneaux sculptés en haut-relief et peints, d’une très grande
beauté plastique (Nkanu).
Ces mises en scène des symboles forts de la virilité et de la fécondité ne
seront présentées aux novices qu’à la fin de la Mukanda. Parmi les objets
du pouvoir il y a aussi les nkisi, objets décrits comme des « fétiches »
ou « figures-force » relativement complexes, ils occupent une place
centrale dans la pensée des Kongo. On les qualifie aussi d’intercesseurs,
ils sont investis d’une charge culturelle forte et interagissent sur les
mondes spirituels et physiques auxquels appartiennent tous les êtres
vivants. Rien n’est dû au hasard et que ce soit les matériaux utilisés à
leur réalisation ou la façon dont ils sont fixés les uns autres, tout
traduit le pouvoir dont ces objets sont investis. Nous sommes là en
présence d’objet de pratiques magico-religieuses qui jouent un rôle très
important dans l’équilibre social, économique et politique des sociétés.
Il existe des nkisi nkondi, qui sont parfois de taille humaine, d’aspect
agressif, bardé de clous portant un ou plusieurs reliquaires. Les
officiants font appel à ces objets lorsqu’il s’agit de faire intervenir
des forces rétablissant l’équilibre sociétal. Quelques pièces très
impressionnantes sont présentées au musée Dapper et ne peuvent pas laisser
indifférents, tant leur plastique peut déranger l’esthétique des autres
objets et figures du pouvoir de l’exposition ; mais ceux-ci montrent bien
que ce sont avant tout le symbole, la charge donnée et la fonction de
l’objet dans les pratiques magico-religieuses qui en font leurs des objets
de pouvoir ainsi que l’impact qu’ils auront dans le système des croyances
et de l’ordre retrouvé, une fois mis en action. Etonnantes toutes ces
croix laissées en héritage par les chrétiens venus évangéliser les peuples
d’Afrique, elles sont à la fois reconnaissables et déjà appartiennent à un
mixage de croyances et d’art qui mélange l’art européen et l’art kongo. Un
espace consacré à l’univers féminin et à l’image de la femme si présente
dans les arts de l’Angola illustre cette thématique à travers des
poteries, vases funéraires de facture plus ou moins naturaliste exhibant
les symboles typiquement féminins comme les tatouages, les coiffures
complexes, les ornementations, les seins… On trouvera quand même pour
différentes régions différents styles avec leurs significations propres.
Dans une scénographie claire, pédagogique, baignée d’une lumière douce,
toutes ces figures de pouvoirs, masques, coiffes, sceptres, costumes,
objets de cour, ornements ou armes sont subtilement mis en valeur. Aucun
ne rivalise avec les autres, sauf peut-être ces deux pièces très
anciennes, un buste daté au carbone 14 du 15e 17e siècles et une figure
zoomorphe du 18e ou 19es siècles. L’archéologie contemporaine prend
pleinement sa place dans les recherches sur les cultures africaines, car
leur datation est bien plus ancienne que ce que les collectes plus ou
moins hâtives et sélectives du 19e siècle nous ont permis de déterminer.
Une question peut se poser : Il y a-t-il une histoire antique ou pariétale
en Afrique, et la réponse est affirmative.
Après une exposition sur le Ghana, « Angola, figures du pouvoir » couvre
un pays entier, et permet ainsi de ne plus aborder l’art africain comme
quelque chose de morcelé et d’ultra complexe mais comme l’identité même
d’un pays et de ses populations, retrouvant ainsi les origines et
l’évolution de ces dernières vers l’Afrique de demain et plus
particulièrement l’ouverture aux nouvelles formes d’expression et aux
gestes artistiques qui montrent bien que progressivement les structures
politiques et sociétales se sont modifiées et que l’art contemporain y
gagne tranquillement sa place. Pour illustrer ce propos le musée Dapper a
fait une proposition à l’artiste angolais, Antonio Ole Peintre, cinéaste,
sculpteur, performeur, photographe. Cet artiste utilise tous les moyens
mis à sa disposition pour traduire ses relations au monde et la façon dont
il appréhende les réalités qui l’entourent. C’est la première fois que son
travail fait l’objet, en France, d’une exposition individuelle.
Les 7 œuvres choisies, essentiellement des sculptures et assemblages de
grandes dimensions, portent les traces encore fraîches de la guerre dans
la mémoire collective. Des images fortes et sous-jacentes révèlent les
explorations que l’artiste a fait au sein des croyances des populations de
son pays, notamment chez les Chokwe et les Kongo. L’artiste privilégie
alors les matériaux bruts, le bois, la tôle rouillée, des crânes, les
artefacts utilisés par les devins, les objets du quotidien, il en tire sa
nourriture, la substantifique moelle de son imagination et de sa création,
avec un désir de bousculer l’ordre hiérarchique des choses. Il fait du
détournement d’objets, recycle et reconstruit. Les anges de la paix, «
Anjo da paz », sont là comme deux protecteurs contemporains qui veillent
sur nous et sur tout l’univers de cette exposition, regardant vers
l’avenir et placés devant le passé. Les œuvres d’Antonio Ole sont denses,
ouvertes et elles se transcendent elles-mêmes, laissant place aux émotions
qu’elles suscitent juste parce qu’elles sont là, bien plantées devant
vous. On ne peut pas passer sans les voir car se serait alors nier tout le
propos du travail de toute l’équipe du musée Dapper : L’Afrique n’est pas
un continent du passé, il faut cesser de le voir artistiquement comme tel,
comme une source féconde de productions à mettre dans les musées…De ses
multiples richesses culturelles est né un art contemporain qui gagne du
terrain.
Jusqu’au 10 juillet 2011 au musée Dapper « Angola, figures de pouvoir » à
voir et à revoir !
Des visites-conférences, des rencontres artistiques et littéraires, des
projections de films, des journées d’étude sont organisées autour de cet
événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.dapper.com.fr
Le catalogue de l’exposition est disponible au musée.
Format 21 X 28 cm
160 pages – 130 illustrations couleurs.
Evelys
Toneg
L’Antiquité rêvée -
Innovations et résistances au XVIIIe siècle
Musée du Louvre
du 02-12-2010 au 14-02-2011
L’Antiquité
rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle, illustre, à travers un
choix de plus de cent cinquante oeuvres majeures, la naissance du
mouvement dit « néoclassique », qui, au XVIIIe siècle, a porté de nouveau
l’Europe vers la redécouverte de l’Antiquité. Prenant le contrepied des
inventions formelles du goût rocaille parisien ou du baroque « décoratif »
italien qui avaient irrigué tout le continent, ce renouveau stylistique
s’empara aussi bien des arts plastiques que de l’architecture et des arts
de vivre, stimulé par les avancées de l’archéologie et les débats
académiques.
Toutefois, dès les années 1760, s’élèvent diverses propositions
alternatives, nourries d’autres sources anciennes, contre-courants
regroupés dans l’exposition sous les noms de « néo-baroque », et de «
néo-maniérisme » et de quête du « sublime ». De Rome à Edimbourg, de
Stockholm à Paris, les artistes manifestent leur singularité en exprimant
leur vision d’une antiquité rêvée, moins archéologique, quitte à la
justifier par des emprunts à la Renaissance, au XVIIe siècle voire au
Moyen-âge, synonyme d’antiquité nationale.
Le dernier quart du siècle voit pourtant s’affirmer durablement un langage
plus universel qui se radicalise sous l’égide de valeurs héroïques,
illustrées dans l’exposition par les thèmes du triomphe de Mars, du Grand
homme, de l’apologie de la Vertu, et du corps magnifié. Ces sections
regroupent des chefs-d’oeuvre de David, de Füssli, de Sergel et de Canova,
autant de projets d’architectures, de toiles monumentales et de grands
marbres qui manifestent les aspirations nouvelles d’une société européenne
à la veille de l’embrasement révolutionnaire.
horaires : ouvert tous les jours sauf le mardi de 9h à 18h
nocturnes jusqu'à 22h les mercredi et vendredi
Troy Henriksen
à la Galerie W Eric Landau
ARTISTES / Troy
Henriksen
Troy Henriksen est un artiste plasticien américain d’origine norvégienne.
Son style optimiste et proche de la figuration libre plonge dans le rêve.
Ses toiles et réalisations sur plexiglas reflètent un imaginaire nourri de
souvenirs et d’aspirations. Son travail oscille entre réalités tangibles.
Des villes. Des voitures. Des personnalités : Marylin, Rimbaud, l’indien
Sitting Bull, Gandhi, James Dean, etc. Des allégories : des cœurs, ou ces
mêmes personnalités qui sont chacun à leur façon des symboles. Leur point
commun : l’éclat des couleurs qui rend la vie tellement plus joyeuse.
Troy note avec justesse que comme tous les enfants, les couleurs
l’attiraient, mais qu’à la différence des autres, il s’en souvient encore.
La couleur transparaît à travers ses toiles et leur donne toute leur
profondeur. Son goût pour la peinture lui vient de son enfance d’apprenti
pêcheur. Des visions en mer ou dans les ports. Sur l’eau, les sens en
exergue, Troy admire le ciel, le soleil. De retour à la terre ferme, il
voit ses confrères se divertir en peignant sur des coques de bateaux. Issu
d’une famille de pêcheurs, le jeune Troy serait pêcheur ou peintre. Il
devient pêcheur au long cours jusqu’à ses vingt-huit ans, où l’envie de
stabilité prend le pas sur l’aventure. Après quelques expériences
équivoques avec les stupéfiants, Troy redécouvre la vie sous un nouveau
jour. Grâce à… un pot de peinture jaune, posé là dans son appartement de
Boston.
Dés ce moment, Troy s’intéresse de plus près à l’histoire de la peinture :
expressionnisme abstrait, surréalisme, dadaïsme, impressionnisme, puis la
Beat generation, les expressionnistes allemands et le Bauhaus. Chicago,
Los Angeles, New York jalonne le parcours de Troy. Mais Boston reste sa
ville de prédilection. Là, Troy découvre la France. A travers un
exemplaire du Petit Prince, que son amie Helen Frankenthaler lui a offert
et à travers Rimbaud, dont la photographie l’a frappé par sa ressemblance
avec lui. Ces rencontres, aussi fortuites que formatrices, pousse Troy à
quitter les Etats-Unis pour Paris.
1998 : Paris. La France lui promet de nouvelles rencontres. Celle de sa
future femme, Delphine Perlstein, et de son futur galeriste, Eric Landau.
Entre autres. Sa carrière décolle lorsque sa présence permanente à la
Galerie W lui permet de toucher un public plus large. A ce titre, Troy est
source d’inspiration pour d’autres artistes : le musicien Arthur H. lui a
dédié son album « Les Négresses Blanches ». Dix tableaux de Troy ont été
accrochés dans la loge de l’humoriste Gad Elmaleh à l’Olympia pendant les
deux mois de son spectacle. Troy aime à dire qu’il est un nouvel homme. Un
artiste épanoui.
Galerie W Eric Landau
44 rue Lepic Paris 18
01 42 54 80 24
10h30 / 20h00 | 7/7 jours
Henry MOORE – L’ATELIER
Musée Rodin
Le musée Rodin, présente, jusqu’au 27 février 2001, « Henry Moore,
l’atelier », dans la superbe chapelle et la cour d’honneur de l’hôtel
Biron, une exposition consacrée au sculpteur anglais, Henry Moore
(1898-1986). C’est une longue histoire d’amitié qui lie le musée et cet
artiste… Henry Moore, artiste atypique, qui laisse derrière lui des
centaines d’œuvres de toutes tailles, de la plus petite au jusqu’au
monumental. Henri Moore est d’ailleurs plus connu pour celles-ci par le
grand public que pour l’ensemble de son œuvre. L’exposition que propose le
musée Rodin, nous permet d’être plus proche de cet artiste, très discuté,
critiqué de son vivant, même si en 1948 il remporte le grand prix de la
Biennale de Venise qui le consacre à un niveau international. Certainement
mal compris dans sa démarche artistique, l’idée de cette exposition est,
justement, de revenir sur son approche ainsi que sur le processus de sa
création.
Trois espaces organisés autour des dessins, de l’atelier et des œuvres de
taille moyenne, dévoilent mieux le parcours de cet homme de l’art. Henry
Moore est un très grand dessinateur et la première partie de l’exposition
en est une parfaite illustration. Une cinquantaine de dessins, de croquis,
de jets d’idées font penser aux réflexions graphiques et « en 3D » de
Rodin et qu’Henri Moore utilisait lui aussi. On remarquera ces dessins où,
à l’image de Rodin, Henri Moore cherche en tournant autour de son modèle.
Cette technique donne une idée assez claire, même esquissée, d’un projet
sculptural. Cette sélection couvrant une grande partie de la carrière de
Moore nous introduit à l’œuvre même de l’artiste, indispensable à la
compréhension de sa démarche. L’originalité de la scénographie
reproduisant l’atelier de l’artiste montre à quel point l’homme
travaillait et cherchait sans relâche, dévoilant aussi sous un nouveau
jour les œuvres et l’univers imaginaire d’Henri Moore.
Entouré d’ébauches de toutes matières et de toutes tailles, inachevées, en
attente comme de belles endormies et d’objets singuliers amassés par
l’artiste, pierres, coquillages, morceaux de bois, os, racines … lors de
promenades et jusqu’aux impressionnants crânes d’éléphant ou de
rhinocéros, mystérieux, qui trouvent une place étonnante dans ces
innombrables sources d’inspiration, on perçoit un artiste qui s’interroge
sur la relation de l’homme à la nature, à un moment, où dans l’histoire de
l’art, ce genre de considérations n’est plus dans l’air du temps. « Je
suis excité par toutes les formes naturelles, comme la formation nuageuse,
les oiseaux, les arbres et leurs racines, ou les montagnes, qui sont pour
moi le plissement de la surface de la terre, comme la draperie »
disait Henri Moore.
Le bâton de marche, la mallette de voyage, l’atelier, la chaise de
l’artiste, ses instruments de travail nous confrontent à une forme
d’intimité avec l’artiste comme si il nous invitait à entrer dans son
univers. Sur chaque étagère, des formes organiques, des boites en carton,
son transistor, quelques bols, sans aucun rangement ou logique d’un
quelconque classement, se mêlent objets et formes humaines, ébauches et
maquettes, parties de l’histoire des œuvres, moment privilégié de leur
naissance, des plus petites aux plus grandes. C’est dans ces
juxtapositions fortuites qu’Henri Moore trouvait l’inspiration,
établissant ainsi des liens entre ces racines noueuses et un torse humain,
une forme moulée avec une autre et les laissait, dans un faux abandon,
mûrir l’idée pour pouvoir y revenir des années plus tard. Presque toutes
les œuvres majeures d’Henri Moore sont représentées ici sous forme de
petits modelages, de maquettes ou dans toute leur puissance et dimension
définitives.
Evelys
Toneg
www.musee-rodin.fr
« DANS LE BLANC
DES YEUX – Masques primitifs du Népal .»
Musée du quai Branly
jusqu'au 09 janvier 2011
Ils envoûtent, ils dérangent, ils déroutent, hypnotisent, ils
bouleversent, peuvent faire rire ou sourire, ils laissent rêveur,
effraient, sont comme des scrutateurs d’âmes, ils sont bienfaisants ou
démoniaques, ils vous regardent de leurs yeux creusés dans le bois.
Ont-ils des regards vides ou trop pleins de tout ce dont ils ont été
témoins, de toutes leurs vies passées, de ce pour quoi ils ont été créés ?
Passés de génération en génération, patinés par le temps et les
manipulations, noircis de suie, usés, raccommodés, abîmés, brisés, cloués,
couverts de matières, de sueur, de poils, de pigments, d’offrandes, les
masques primitifs du Népal vous regardent droit dans le blanc des yeux,
mais ne vous disent rien de ce que vous ne devez pas savoir…
C’est jusqu’au 9 janvier 2011 que sont exposés les masques tribaux de
l’Himalaya, cas si particuliers dans les arts premiers que les ethnologues
d’aujourd’hui commencent tout juste à s’y intéresser. C’est Marc Petit,
écrivain, artiste et collectionneur qui s’est attaché dans les années 1980
à faire connaître ces masques devenus le point fort de sa collection
personnelle, et auxquels il va consacrer un ouvrage entier « A Masques
découvert, regards sur l’art primitif de l’Himalaya » dont nombre de
commentaires et d’informations utiles pour cette exposition, sont tirés.
En 2003, à l’occasion de l’ouverture du musée du quai Branly, Marc Petit
donne 25 masques de sa collection au musée.
Les 22 masques à caractère purement tribal présentés dans le cadre de
l’exposition « Dans le blanc des yeux » sont tous originaires du Népal,
jamais exposés et remarquables tant par leur qualité plastique que par
leur ancienneté, qu’ils soient liés à des mythes tribaux parfois non
élucidés, qu’ils soient utilisés lors de fêtes ou des rituels chamaniques,
ou qu’ils aient été détournés de leur fonction, ils sont tous uniques,
semblables à nul autre et déroutants. Pour faire un masque, ne faut-il pas
être deux ? Celui qui regarde derrière le masque et celui qui est regardé
? Celui qui scrute et celui qui est scruté, l’observateur et l’observé ?
Ces regards-là joignent deux êtres dans un même facteur temps et dans un
univers émotionnel non partagé par la fonction de chacun. Nous voilà
d’emblée, renvoyés à nous-mêmes, à nos peurs profondes et ancestrales, aux
mystères de ces têtes muettes, obstinées et fermées sur leurs secrets. Ce
sont de véritables gueules, gueules de bois et de matières plus ou moins
ragoûtantes, des gueules de monstres, d’humains déformés, aplatis, tordus,
difformes ou réalistes qui vous emportent en un « coup d’œil » vers des
temps immémoriaux où ils étaient si vivants que nous en aurions peut-être
été effrayés ou guéris ou amusés. A nous d’imaginer ou de ne pas résister
et de nous laisser prendre par leur apparence repoussante, porte ouverte
sur le grand Tout ou sur rien, recto verso, se demandant de quoi sont
faits ces visages, d’où sortent-ils, de quel imaginaire, de quelle culture
?
Loin de la
logique binaire du laid et du beau, ils sont avant tout d’ordre religieux,
mythologique, esthétique ou indéfinissable puisque l’on connaît si peu de
chose sur eux. Marc Petit, lui qui les a approchés, rapportés, collectés,
observés, et qui s’en est entouré par sa collection, se pose encore mille
questions quand à leur histoire. Une conversation filmée passionnante sur
sa « découverte artistique » (parallèlement à celle des artistes cubistes
pour les masques africains, mais sans la moindre comparaison possible)
éclaire sur une véritable recherche, celle de cette vérité que possèdent
ces œuvres artisanales sans savoir si jamais il la trouvera complètement.
« L’art primitif n’a jamais si bien mérité son nom, n’en déplaise à
certains, qu’en ces confins où l’archaïsme s’ajoute à l’antiquité…
C’est dire qu’il est peu probable que nous ne puissions jamais
reconstituer les costumes, des danses, les rituels dans lesquels les plus
anciens de ces masques durent se produire…C’est en renonçant à faire du
savoir un instrument de possession, en reconnaissant l’existence de
l’autre comme une donnée irréductible, qu’une nouvelle forme de
connaissance devient possible, née du regard, qui s’épanouit dans un
discours sans fin… »
Déambuler tout autour de ces masques népalais, se savoir en présence
d’objets rares et uniques, donne à cette immersion involontaire dans
l’imprévu d’une journée qui aurait pu être quelconque, le savoureux goût
de la rencontre et du plaisir de se laisser surprendre, d’abandonner ses
propres repaires et de mettre de coté une vision intellectuelle parfois
bien trop chargée de connaissances et d’accepter ce qui pour beaucoup
d’occidentaux reste du domaine de l’inacceptable.
Toujours, et encore, la mission du musée du quai Branly nous fait
rencontrer les autres cultures, petit électrochoc si nécessaire qui nous
évite l’endormissement et la satisfaction de nos propres savoirs. C’est
pour cela qu’il faut regarder bien profondément dans le blanc des yeux ces
masques primitifs du Népal.
De très nombreuses manifestations entourent cet événement et vous
retrouverez toutes les informations et toute la programmation sur le site
du musée www.quaibranly.fr
A l’occasion de l’exposition, Beaux Arts éditions et le musée du quai
Branly proposent un numéro spécial « Dans le blanc des yeux, masques
primitifs du Népal »
36 pages
Photographies couleurs de haute qualité
Bonus d’un DVD d’entretien avec Marc Petit
Cette édition n’est trouvable qu’à la librairie du musée.
Eivlys Toneg
Romain Gary -
des Racines du ciel à La Vie devant soi
Musée des lettres et manuscrits (3 décembre 2010 - 20 février 2011)
prolongée jusqu'au 3 avril
Trente ans après sa disparition (le 2 décembre 1980), le Musée des lettres
et manuscrits fait revivre à travers ses écrits Romain Gary, l’homme au
deux Goncourt, le mystificateur sublime, héros, diplomate, écrivain,
cinéaste, grand reporter, grand séducteur, dans toute sa complexité et son
humanité vibrante et douloureuse.
À travers quelque 160 pièces uniques, notamment un premier roman
totalement inédit, et divers manuscrits, lettres autographes, articles de
presse et photographies, voici le portrait kaléidoscopique de celui qui
éprouva si bien « l’effort d’être un homme ».
Le mot de Gérard Lhéritier, Président du Musée des lettres et manuscrits
La qualité des expositions dans la sélection des manuscrits, c’est la
promesse de l’aube faite par le Musée des lettres et manuscrits, ces
racines qui devaient nous conduire un jour au ciel de Romain Gary. Ce sera
chose faite à partir du 3 décembre, au lendemain du trentième anniversaire
de sa disparition, avec une exposition consacré à ce prodigieux écrivain.
Cet homme est un mystère à plusieurs visages, l’approcher au plus près, un
défi. Le seul chemin pour y parvenir est bien sûr d’aller au plus intime
de ses manuscrits les plus authentiques, les plus mystérieux. C’est ce que
va permettre pour la première fois en France et dans le monde cette
exposition exceptionnelle qui rassemble la plus importante collection
d’écrits de Romain Gary. Cet événement culturel unique et inédit mobilise
déjà les chercheurs et les critiques, les éditeurs et les biographes.
C’est sous le nom d’Emile Ajar (« braise » en russe) que Romain Gary va
susciter le plus fameux scandale littéraire du XXe siècle. Souffrant
d’être incompris par une critique dont il veut mettre les préjugés à
l’épreuve, il s’invente une autre identité et rédige plusieurs romans avec
une créativité renouvelée, dont Gros-câlin (1974), La Vie devant soi
(1975), et L’Angoisse du Roi Salomon (1979).
Gary demande à son cousin Paul Pavlowitch d’assumer ce personnage auprès
des médias, mystification qui ne sera révélée qu’après sa mort, et faisant
de Romain Gary le seul auteur ayant obtenu deux fois le prix Goncourt, en
1956 pour Les Racines du ciel puis en 1975 pour La Vie devant soi.
Traité avec une
certaine condescendance par la critique de son vivant mais lu et apprécié
par un public fidèle qui fait un triomphe à ses livres, Romain Gary a vu
un certain nombre d’entre eux portés au cinéma, notamment Les Racines du
ciel en 1958, réalisé par John Huston avec Errol Flynn, Juliette Gréco et
Orson Welles, La Vie devant soi qui donne en 1977 un de ses plus grands
rôles à Simone Signoret ou Clair de femme en 1979, réalisé par
Costa-Gavras avec Yves Montand et Romy Schneider. Jaloux de son
indépendance, Gary s’est tenu à l’écart des coteries littéraires et
politiques. La résistance est un mot-clé pour comprendre un auteur qui
présente souvent des héros en lutte contre des puissances qui les
dépassent. Son œuvre porte en filigrane la marque de son combat pour la
Libération, à l’origine d’une fidélité jamais démentie au Général de
Gaulle. Pilote de chasse dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL),
résistant, diplomate, voyageur, homme de lettres et séducteur, il est le
grand mystificateur des lettres françaises. Sa revanche posthume et
jubilatoire contre ceux qui sous-estimaient Romain Gary et portaient Emile
Ajar aux nues est celle de Janus, le dieu des portes, ouvertes dans ses
temples en temps de guerre et fermées en temps de paix. Mais s’il est une
guerre que Janus-Gary-Ajar a menée, c’est celle de l’humain contre la
bêtise et, par son œuvre, de la vie contre la mort. Estimant qu’il avait
passé la limite au-delà de laquelle son ticket n’était plus valable, il a
prouvé par son dernier geste qu’il n’était pas besoin que l’arbre demeure
sur pied pour que les racines montent pour toujours au ciel.
Romain Gary se suicide le 2 décembre 1980 à 66 ans, lui qui avait affirmé
«J’ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J'ai fait
un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais.»
222, boulevard Saint-Germain, 75007 PARIS -
FRANCE
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Téléphone : 01 42 22 48 48
Fax : 01 42 25 01 87
Du mardi au dimanche de 10h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu'à 21h30
Fermeture hebdomadaire le lundi
« Approcher la céramique Lapita, c’est prendre conscience de la
profondeur historique de la culture océanienne à travers la grande
migration austronésienne qui en est la matrice. C’est aussi contempler un
art d’une parfaite beauté » écrit Stéphane Martin, Président du musée
du quai Branly. Il est maintenant reconnu par les archéologues et
ethnologues qui étudient la culture océanienne, que le premier peuplement
austronésien du Pacifique Sud-Ouest a laissé un marqueur archéologique
unique en son genre sur les poteries décorées de motifs pointillés
complexes qui sert depuis un siècle de fil conducteur à leurs recherches.
Cette tradition céramique appelée du nom du site archéologique de
Nouvelle-Calédonie, Lapita, montre un véritable ensemble culturel, avec
des caractéristiques multiples car en mêlant les apports asiatiques et
ceux du nord de la Mélanésie, la période Lapita est un chapitre très
important de l’histoire de l’humanité, faisant partie du patrimoine
historique commun des peuples du Pacifique.
Ce que les spécialistes appellent « le phénomène Lapita » correspond à
l’une des migrations les plus rapides de l’histoire de l’humanité, qui
s’est étendue du Sud-est asiatique (période néolithique) jusque dans les
îles déjà habitées à l’ouest de la Papouasie Nouvelle-Guinée et aux
Salomon, ainsi que dans d’autres îles inhabitées du Vanuatu, de la
Nouvelle-Calédonie, de Fidji, Tonga et Samoa, il y a 3300 ans !
Aujourd’hui, près de 250 sites Lapita ont été identifiés dans cette vaste
zone géographique, qui ont permis de vraiment définir cette culture. C’est
dans les années 1910 que le prêtre catholique Otto Meyer découvre les
premiers tessons distinctifs de cette tradition. De nouveaux morceaux de
poteries sont mis à jour autour des années 20, en Nouvelle-Calédonie et à
Tonga, mais il faudra attendre les années 50 pour que des connexions entre
ces diverses découvertes soient établies et que commence réellement un
travail précis de fouilles et recherches dans ces régions. Aujourd’hui,
deux découvertes majeures ont particulièrement transformé la compréhension
de la poterie à décoration pointillée ainsi que les pratiques funéraires
Lapita, avec des pots complets enterrés dans des fosses, comme au
cimetière Lapita de Téouma sur l’île d’Efate au Vanuatu. Ceci a permis
pour la première fois de comprendre le traitement complexe du corps et du
squelette des défunts grâce à une soixantaine de structures funéraires,
dévoilant une des fonctions de ces poteries si richement décorées et leur
étroite association au traitement des morts comme l’ont montré les traces
de crânes et d’ossements déposés dans ces poteries. Mais la culture Lapita
n’est pas exclusivement réduite à l’art de la céramique.
En dehors des fragments des poteries exposées ici, il faut aussi compter
sur des objets utilitaires, tels des herminettes, les parures, des nattes,
des paniers, des tapas, des instruments de musique, des tatouages et l’art
du dessin dans le sable (création d’un genre labyrinthique où la ligne est
tracée à l’index, comme un circuit codé et ininterrompu. Sans jamais lever
le doigt jusqu’à ce que cette œuvre éphémère soit achevée, le maître trace
un récit ou un mythe. Aujourd’hui chacun de ces dessins est inscrit au
patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO), qui tous trouvent leur
origine dans la magnifique complexité des motifs pointillés des poteries
d’il y a 3000 ans. Le musée du quai Branly propose et nous donne
l’opportunité unique de découvrir et d’aborder l’histoire des populations
Lapita et des descendants directs de ces ancêtres océaniens, avec l’
exposition « Lapita, ancêtres océaniens » jusqu’au 9 janvier 2011,
présentant les découvertes archéologiques récentes montrant les
spécificités techniques, la diversité stylistique de plusieurs dizaines
d’objets Lapita et analysant l’héritage encore présent de ces décors dans
les traditions décoratives océaniennes contemporaines.
A travers quatre sections organisées autour de l’histoire du peuplement
des territoires Lapita, des différents styles régionaux de la céramique,
pourtant marqués d’une étonnante homogénéité, entre le Lapita
extrême-occidental (archipel de Bismarck), le Lapita occidental (sud des
îles Salomon et Vanuatu), le Lapita méridional (Nouvelle-Calédonie) et le
Lapita oriental (Fidji et Polynésie occidentale), la culture Lapita avec
de nombreuses pièces archéologiques (herminettes, hameçons) l’économie de
ces peuples, essentiellement issus de la mer mais avec des régions
d’élevage, à la lumière des rites funéraires et du cimetière de Téouma, on
appréciera la fabrication des poteries et la complexité de leurs décors,
découvrant une partie de leur signification. Des exemples de motifs
géométriques, d’autres anthropomorphiques, d’autres modelés, d’autres
incisés, colorés montrent que les potiers Lapita se sont, au fils du
temps, diversifiés dans leurs traditions décoratives. Quel héritage les
ancêtres océaniens ont-ils laissé aux générations d’aujourd’hui ? On peut
dire que l’héritage Lapita est toujours très visible dans les arts
océaniens comme on peut le voir dans les successions de bandeaux
décoratifs et frises en tous genres où la complexité des motifs basée sur
les courbes est identifiable immédiatement ainsi que tout ce qui fait
allusion au motif en pointillés que l’on va remarquer sur les nattes, les
tissus actuels, l’art des tatouages, les dessins dans le sable. On peut
affirmer sans se tromper, que l’expansion austronésienne à travers le
Pacifique Sud-ouest, il y a 3000 ans, a contribué à structurer en
profondeur, un cadre linguistique très important, culturel et même
génétique ancestral aux sociétés océaniennes traditionnelles. Il y a là,
un véritable ensemble culturel et sociétal qui ne peut être résumé ou même
réduit simplement à la production d’une tradition céramique. Christophe
Sand et Stuart Bedford, tous les deux commissaires de cet événement
unique, et grands spécialistes des civilisations du Pacifique, nous
enseignent à travers cette exposition la richesse des origines du peuple
Lapita.
Vous avez donc jusqu’au 9 janvier 2011 pour vous rendre Mezzanine Est du
musée du quai Branly et vous laissé porter par la vague de la curiosité et
de l’étonnement, jusqu’aux rivages lointains des îles du Pacifique.
De nombreux événements sont organisés autour de l’exposition « Lapita,
ancêtres océaniens », colloques, conférences, visites guidées…
Vous retrouverez toutes ces informations sur le site du musée
www.quaibranly.fr
Eivlys Toneg
BABA BLING – signes
intérieurs de richesse
Musée du Quai Branly jusqu'au 30 janvier
2011
Pour la première fois en Europe, la culture peranakan s’expose jusqu’au 30
janvier 2011 au musée du quai Branly, pour le plus grand plaisir des
curieux et des connaisseurs de l’art d’Asie du Sud-est.
Baba-Nyonya, Baba est un mot chinois qui signifie « père » et désigne les
hommes et Nyonya qui vient du portugais donha veut dire « dame » et
désigne les femmes.
Les peranakans ou Chinois des Détroits sont les descendants des premiers
marchants immigrants chinois venus de Chine et d’Inde, qui se sont
installés en Asie du Sud-est il y a plusieurs centaines d’années. Ces
Chinois ont très probablement vécu à Java dès le début du 14ème siècle
ainsi qu’à Malacca au 16ème siècle. Un grand nombre de Chinois sont
arrivés aux les 19ème et 20ème siècles, fuyant la pauvreté et les
bouleversements politiques. À mi-chemin entre un groupe ethnique et une
véritable classe sociale, les peranakans sont devenus des entités
singulières et indispensables à l’équilibre de Singapour où la plupart se
sont regroupés.
Les Baba-Nyonya ont en partie adopté les coutumes malaises afin de
s’intégrer aux communautés locales. Pendant la domination britannique, ils
acquirent une forte influence dans les colonies des Détroits et furent
même surnommés les Chinois du Roi… Les Peranakans ont développé le port de
Singapour en faisant fortune dans le commerce.
Connus et reconnus pour leur bonne humeur constante, leur élégance, leur
cuisine, la beauté de leurs textiles et de leur mobilier, les peranakans
représentent toujours aujourd’hui un bel exemple de métissage de cultures,
allant jusqu’à la fusion des langues (les Chinois peranakans de Malacca
parlaient en baba malais, un patois malais et le hokkien, dialecte de la
province chinoise du sud du Fujian), un art de vivre mêlant les styles
chinois, malais et anglais. « Aucune culture n’est « pure » pas même la
culture chinoise. Les découvertes archéologiques ont remis en question le
modèle d’une culture matérielle chinoise dominante et les objets de jade,
en bronze, les porcelaines, et autres matériaux des périodes dites
classiques symboliques du style et du goût chinois, ne représente en aucun
cas sa totalité. Les cultures des diasporas sont par définition mixtes »,
explique Kenson Kwok, commissaire de l’exposition et Président fondateur
du musée des Civilisations asiatiques (Asian Civilisations Museum, ACM) de
Singapour.
Cette exposition témoigne donc de l’histoire fascinante d’une communauté
d’immigrés qui a su créer une culture unique, en se laissant imprégner des
influences, coutumes et croyances du pays d’adoption. Un parcours dans le
temps, agrémenté de quelques 480 pièces, allant du mobilier aux bijoux de
cérémonie, de fines porcelaines aux tissus batiks ou perlés… Tout est
emprunt de culture chinoise, malaise et même européenne, dans les formes,
les motifs et les couleurs. Savoureux mélanges de la réunion de ces
cultures, on reconnaît chaque touche harmonieusement intégrée comme les
couleurs des porcelaines roses et vertes clair, les éléments religieux
dans les sculptures des autels consacrés à la vénération des ancêtres, les
motifs des tissus, les formes des bijoux.
La maison baba est le témoignage le plus concret de l’identité culturelle
perarakan, c’est pourquoi le parcours de l’exposition s’organise autour de
ce lieu de vie conçu selon une logique fonctionnelle et traditionnelle.
Après avoir passé le Pintu Pagar (portes battantes peintes et sculptées de
motifs et symboles des différentes cultures et qui symbolise la richesse
des familles peranakans), le plan même des habitations est constant avec
un vestibule où trône un autel dédié à la divinité qui protège la famille,
d’un hall consacré à la vénération des ancêtres où l’on y trouvera leurs
portraits, un autel dédié toujours paré d’objets en argent et en
porcelaine blanche et bleue, couleurs associées à la mort et au deuil
ainsi qu’une lampe à l’huile allumée en permanence pour les hommages
quotidiens et qui symbolise le dévouement constant des vivants envers
leurs ancêtres, de magnifiques bancs de bois sculpté (de préférence dans
le tronc d’un arbre du jardin familial), d’une salle à manger et d’une
cuisine. Les chambres se situant à l’étage, on trouvera des puits de
lumière et d’aération, car les maisons peranakans sont étroites et
longues. De nombreux meubles, essentiellement du 19ème siècle, illustrent
remarquablement l’ambiance intérieure et le mode de vie (rites, rythme de
vie, fêtes familiales…) Les objets « métissés » présentés montrent
l’importance des rites aux divinités et aux ancêtres, mais aussi celle de
la cuisine et des repas. Une belle collection de bols à thé, d’assiettes,
de petites théières, et autres ustensiles et couverts, tous en porcelaine
rose et verte ou bleue et blanche, invite à partager une cuisine odorante
et abondante, mélange savoureux des cuisines chinoises, malaise et
indienne avec l’apport d’épices tels les currys.
La cuisine
peranakan, très réputée est devenue un emblème culturel. Chaque famille
garde jalousement ses propres recettes qui se transmettent de génération
en génération. La cuisine la plus authentique est celle que l’on mangera
chez soi. Les peranakans sont de grands amateurs de porcelaines (origines
culturelles chinoises obligent) et on retrouvera dans chaque foyer
profusion de pièces aux couleurs vives (rose, vert citron, bleu ciel et
marron clair), aux dessins variés et élaborés (motifs traditionnels
chinois de bon augure comme le phénix, motif de l’impératrice, les
pivoines pour la richesse et l’honorabilité, les chauves-souris pour le
bonheur, les grues comme symbole de longévité, le poisson pour la
fertilité ainsi que les huit emblèmes bouddhistes pour la chance.) On les
retrouvera sur les batiks (tissus imprimés), les broderies et les ouvrages
de perles. Une production de porcelaine blanche et bleue servira plus
particulièrement au quotidien et pour les funérailles avec les motifs et
couleurs traditionnels de ces occasions.
Passant
doucement d’un espace à l’autre, on pénètre dans la salle mariage.
Traditionnellement ces derniers respectent les coutumes chinoises. Ils
sont arrangés et la compatibilité du couple dépendra en grande partie de
l’horoscope chinois. Installée dans la maison de la mariée, la chambre
nuptiale occupe une place importante et une grande partie des cérémonies
s’y déroule. Somptueusement décorée par les femmes de la famille de la
mariée, on trouvera des objets brodés, perlés fabriqués par la mariée, qui
par leur raffinement peuvent être considérés comme des œuvres d’art, et
qui lui garantiront le respect des femmes de sa future belle-famille. La
pièce la plus importante est sans conteste le lit nuptial, lit à baldaquin
richement sculpté de nombreux motifs floraux, animaliers et ornés de
broderies et décorations de perles.
Colorées, recherchées et d’une grande finesse, les broderies en relief, ou
en aplat, embellissent de nombreux objets, ici exposés, napperons, taies
d’oreillers, traversins, décors de tables ou suspensions, vases,
porte-peigne, mouchoir donnent à voir une leçon de patience d’exécution
(celle des femmes) notamment les ouvrages brodés de perles finement
ouvragés comme cette nappe du début du 20ème siècle, qui vue de loin
semble être en tissus alors qu’elle n’est que perles de toutes petites
dimensions. Toujours ce raffinement des couleurs et des motifs
traditionnels chinois. Sur une estrade, une collection de bijoux
peranakans brillant de mille feux ne laissera personne indifférent tant
ces bijoux en or et diamants, parfois quelques rubis, sont romantiques à
souhait. Ils ont une fonction certes esthétique, mais aussi économique,
montrant le rang social atteint par la famille. Les bijoux traditionnels
associent des styles et techniques locales et chinoises. Les bijoux
correspondants sont souvent assortis aux différents vêtements portés.
Bijoux de style chinois pour les tenues traditionnelles chinoises et
d’autres pour les vêtements occidentaux ou locaux. On retrouve des motifs
protecteurs chinois aussi dans les bijoux comme le qilin, créature
mythique à l’apparence d’un lion ou autres divinités taoïstes protectrice.
Le motif étoilé est assez représenté dans l’exposition, l’ingéniosité du
montage des broches fait que d’un bijou (style ferrets) on peut en tirer
trois éléments portables chacun indépendamment les uns des autres (par
exemple une broche en étoile, or et diamants, dont l’élément central
composé de neuf pierres, peut être dévissé et enlevé ; on peut le porter
alors en bouton, bouton de manchette ou même en boucle d’oreille).
D’autres pièces comme des boucles de ceintures sont si finement
travaillées que ces pièces de joaillerie pure, en or ou en argent,
deviennent des bijoux elles aussi. Autre particularité des peranakans que
met en valeur l’exposition du quai Branly, est le goût vestimentaire de
cette ethnie culturelle. Les costumes de mariage d’origine chinoise,
coiffes, chaussures brodées, bottes brodées, col de mariée représentant
des plumes d’oiseaux, perroquets ou autres phénix colorés sont de toute
beauté. Aujourd’hui perdure des tenues mixées entre les jupes malaises,
les chemises d’inspiration chinoises avec une grande recherche de couleurs
et de motifs. Les femmes peranakans portent des tuniques sur des pièces de
tissus en batik appelés kain sarong (jupe en forme de tube) et kain
panjang (pièce de tissu non cousu). Le choix des motifs montre les
influences chinoises ou européennes. Tout aussi codées par les couleurs et
les motifs choisis, ces tenues sont aussi un mixage vestimentaire.
Aujourd’hui, une orchidée dans les cheveux, les femmes peranakans portent
gracieusement ces tenues dans les fêtes traditionnelles et événements de
famille comme les mariages.
Assez
incroyable, la décoration des mules dites « perlées », portées par les
femmes peranakans, cousues pour leur propre usage, semble être à la mode
dans les années 1920 en remplacement des mules brodées de fils d’or et
d’argent. La collection montrée dans « Baba bling » est totalement
étonnante de motifs classiques, pivoines, jusqu’à Betty Boop et autres
personnages de dessins animés. Ceci n’empêche pas le remarquable travail
de broderie à la perle ou « rocailles » importées de France, d’Italie ou
de Tchécoslovaquie.
Tout le long de leur histoire, les peranakans ont eu la capacité de créer
des ponts entre les mondes des affaires locales et coloniales qui a fait
leur spécificité ainsi que leur contribution au développement de
Singapour, qui de simple comptoir de la Compagnie des Indes orientales
devient un port colonial puissant considéré, un temps, comme l’un des
joyaux de l’Empire britannique.
Aujourd’hui, la particularité identitaire des peranakans s’estompe quelque
peu, car la jeune génération adopte une culture chinoise plus
standardisée, mais les artistes contemporains peranakans fiers de leur
culture la montrent à travers le cinéma et la photographie. Les artistes
peranakans, comme toute la communauté, sont particulièrement dynamiques
dans les domaines de la création. Dans la dernière partie de ce voyage au
cœur de la culture peranakan, le photographe Chris Yap propose une série
de photos qui se lisent comme un roman-photo, mettant en scène trois
générations d’une famille chinoise peranakan fictive. Comme un jeu où il
faut trouver les indices, des objets de l’histoire des peranakans y sont
mis en scène comme des traces du passé, du présent et de l’évolution vers
leur avenir. Pleine d’humour et de nostalgie, ces vues contemporaines sur
une culture en avance sur bien des systèmes de tolérance, illustrent
absolument ce que l’on peut entrevoir, voir et ressentir du vécu des
Chinois peranakans.
L’histoire même de ces hommes et femmes, de leur intégration
interculturelle est une véritable leçon d’ouverture et de tolérance, un
mélange ethnique toujours vivant et qui dessine les nouvelles frontières
de l’identité culturelle, sujet plus que jamais d’actualité…
A noter que depuis 2008, le musée Peranakan a ouvert ses portes au public,
dans l’ancienne école Tao Nan, à Singapour, où sont restitués tous les
aspects de la culture « Baba » et ce, jusqu’aux patrimoines immatériels,
écrits musicaux et dansés.
Tout un programme de manifestations et d’animations originales accompagne
cet évènement (activités pour les enfants, visites guidées, ateliers de
vacances scolaires en octobre.)
A noter également le « Singapour Festiarts » consacré à la création
contemporaine à Singapour avec un programme de conférences, projections de
films, danses, concerts,
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site
www.quaibranly.fr
Hors série Beaux-Arts Magazine
68 pages
Lexnews, Eivlys Toneg
Trésor
des Médicis
MUSÉE MAILLOL - FONDATION DINA VIERNY
jusqu'au 31 janvier 2011
Quand l’art rencontre le pouvoir…
Quand l’art rencontre le pouvoir… il n’en résulte pas pour autant un rôle
subalterne, un apparat de plus au profit des seuls puissants. Ainsi, en
témoigne l’Italie du Quattrocento et du siècle suivant qui voit fleurir
des familles dont le nom restera pour toujours synonyme non seulement de
puissance et de gloire, mais aussi de renommée artistique. Que l’on pense
à la famille d’Este avec le duché de Ferrare ou à la Maison de Gonzague,
leur point commun a toujours été de donner une priorité aux arts que tous
ces princes et princesses pratiquaient souvent avec excellence. Exceller
dans ces domaines faisait non seulement partie de l’éducation dés le plus
jeune âge, mais était également considéré comme un « mode de communication
» indispensable dans cette concurrence effrénée entre grandes familles.
Dans le cadre du Musée Maillol a été recréée, le temps d’une exposition,
une miniature des plus réussies de ce que pouvait être cette société des
Médicis, célèbres marchands et plus tard banquiers, famille dont les
ramifications iront jusqu’à la papauté et au pouvoir royal en France. Cet
écrin à la scénographie et au goût le plus sûr reproduit d’une certaine
manière ce que pouvait être ce raffinement nourri par une curiosité
surprenante ; en témoigne les nombreuses collections exotiques réunies
lors de l’exposition. Tous les arts sont invités et les goûts réunis !
Peinture bien entendu, mais également tapisseries, orfèvrerie, sculpture,
marqueterie…
AGNOLO BRONZINO, dessinateur, GIOVANNI ROST, tisseur Le Printemps, 1545
Tapisserie, 235 x 168 cm Florence, Palazzo Pitti, deposito Arazzi Inv.
Arazzi n. 541
Photo: Archivio Fotografico della Soprintendenza per il Polo Museale
Fiorentino
La culture est
au cœur de ces multiples collections réunies avec soin, où l’humanisme
caractéristique de cette époque s’exprime par ces œuvres d’art
particulièrement vivantes pour le visiteur du XXI° siècle. Cet humanisme
exprimé par Botticelli a été rendu possible par la protection de la
famille des Médicis chez qui il pourra côtoyer et échanger avec les grands
noms de son époque tel le fameux Pic de la Mirandole ! Fra Angelico lui
aussi profitera de la générosité de la célèbre famille qui lui permettra
de dépasser les cadres classiques de la composition et d’ouvrir vers une
perspective jamais réalisée jusqu’alors ; perspective qui s’observe
notamment dans la « Sépulture des Saints Côme et Damien, et de leurs
trois frères"», splendide évocation des saints de la famille des
Médicis et présentée dans l’exposition.
FRA ANGELICO Sépulture des Saints Côme et Damien, et de leurs trois
frères, vers 1438-1440
Détrempe sur panneau, 36 x 45 x 4 cm Florence, Museo di San Marco
(prédelle)
Inv. 1890 n. 8494 Photo: Archivio Fotografico della Soprintendenza per il
Polo Museale Fiorentino
Les Médicis, suivant en cela cet esprit humaniste de la Renaissance
italienne, ont tenté de reproduire cette harmonie originelle du monde en
la représentant dans ces petits laboratoires qu’étaient les cabinets de
curiosités où des écorchés côtoient des animaux empaillés parmi de
superbes pièces minéralogiques et autres objets exotiques…
Maria Sframeli, commissaire de l’exposition, souligne ainsi combien «
se forma un singulier trésor, constitué de précieux vases en pierres
dures, de camées et de bijoux antiques, de pierres précieuses taillées, de
raretés orientales et de codex anciens et modernes, d’objets sophistiqués
fabriqués dans des matériaux insolites et parfois jugés magiques, de
fragments de sculptures classiques et de chefs-d’œuvre contemporains.
» sans que cette énumération ne soit signe d’un éclectisme conduisant à la
dispersion comme nous pourrions trop rapidement conclure à notre époque.
C’est là un véritable dépaysement auquel nous invite le musée Maillol avec
la collaboration des plus grands musées de Florence !
MUSÉE MAILLOL - FONDATION DINA VIERNY
59-61, rue de Grenelle
75007 Paris
Tél : 01 42 22 59 58
Fax : 01 42 84 14 44
Métro : Rue du Bac
Bus : n° 63, 68, 69, 83, 84
www.museemaillol.com
Horaires
L’exposition est ouverte tous les jours de 10h30 à 19h sauf les 1er
novembre, 25
décembre et 1er janvier.
LA GALERIE DES
ENFANTS DU MUSEUM - JARDIN DES PLANTES
GRANDE GALERIE DE L’EVOLUTION
A la Grande Galerie de l’évolution, ça bouge !
Un nouvel espace vient d’ouvrir ses portes ! Conçu en premier pour les
enfants de 6 à 12 ans (et leurs familles…), cet espace inventif, à
vocation scientifique et pédagogique est consacré à la biodiversité. Ce
lieu coéducatif et d’échanges montre, démontre et explique les enjeux
fondamentaux du monde de demain, celui que nos enfants ou petits enfants
mettront en pratique et dans lequel ils évolueront. Dotée d’une véritable
identité, la Galerie des Enfants invite directement à une prise de
conscience active et interactive de la diversité des êtres vivants : ceux
qui nous entourent, leurs interdépendances dans l’équilibre général du
monde et notre place d’homme (qui se devrait responsable…) dans ce grand
manège. Sur cinq cents mètres carrés et à travers un chemin scénographié
pour éveiller la curiosité et l’intelligence de l’observation et du
raisonnement, les petits visiteurs, écocitoyens en herbe, peuvent toucher,
voir, chercher, questionner et trouver des réponses, mais aussi trouver
une aux problèmes qui leur sont posés dans des jeux complètement adaptés à
leur curiosité naturelle.
Ce projet a muri pendant cinq ans dans les esprits féconds de l’équipe de
scientifiques qui ont participé à cette aventure, autour de Bernard-Pierre
Galey, Directeur général du Muséum. C’est par une réflexion scientifique
rigoureuse que les différents experts mettent directement leurs
connaissances à la portée d’un public familial et même si « la science ne
délivre pas de message, elle aide à voir le monde tel qu’il est et à
chacun d’en tirer les conséquences sur lesquelles s’appuyer pour réfléchir
et agir » explique Alain Foucault, professeur émérite en géologie et
sciences de la terre du MNHN.
Alors, allons-y et immergeons-nous dans cet univers de jeux et explorons
les quatre espaces permanents proposés dans ce parcours multisupport avec
des écrans tactiles, des éléments audiovisuels, des manipulations, des
mini spectacles, des artefacts et autres spécimens authentiques, qui
stimuleront les neurones chercheurs de chacun. L’exposition s’organise sur
deux niveaux, en bas on découvrira la ville de Paris, sa rivière la Seine
et la forêt amazonienne des Indiens Kayapo, au Brésil. En haut s’élargit
la réflexion générale sur la planète et comment il est possible de
sauvegarder et garder sa biodiversité. Les enfants de Paris ou sa banlieue
qui viendront appréhenderont différemment cette ville géante, portant un
regard sur le « micro-milieux » comme la rue, les jardins publics, la
friche, la maison, la nuit et une évocation de Paris au fil du temps. Ce
sera les yeux grands ouverts et pleins d’étoiles que les plus jeunes (et
leurs parents… grands enfants éternels…) découvriront, la flore et la
faune qui les entourent et auxquelles on ne porte plus l’attention
nécessaire pour grandir en harmonie avec elle et avec son temps.
Saviez-vous que la vallée de la Seine et de la Bassée offre un exemple
unique de biodiversité aquatique ? Non ! Alors, l’espace consacré à notre
fleuve vous montrera la véritable mosaïque d’écosystèmes dont chaque
élément vivant, poissons, plantes, animaux et hommes (représentés par les
pêcheurs) sont en interaction les uns avec les autres et combien les cours
d’eau, berges, prairies et forêts sont aussi en étroite connexion.
Un grand saut
autour de la planète et nous voila en pleine forêt tropicale, au Brésil,
chez les Indiens Kayapo. Cet espace invite à la rencontre du milieu de vie
des Indiens, nature foisonnante de plantes et d’animaux (du plus petit
insecte au jaguar) où tous interagissent sur l’équilibre parfait exemple
de biodiversité. Pascale Robert, anthropologue a travaillé avec la
communauté Kayapo afin de choisir les éléments les plus appropriés pour
illustrer cet espace. Véritable plongée au cœur de la forêt tropicale, au
niveau bas, les sous-bois et sur la mezzanine, l’univers de la canopée.
Tout le long des ces parcours, il faut regarder partout, dans les
cachettes, dans les loupes, sur les écrans tactiles, sur les écrans
interactifs, en hauteur, sous certains éléments, soulever, fouiner,
chercher et apprendre et réfléchir tout en s’amusant. Le dernier espace
consacré à notre planète aujourd'hui élargit le discours à toute la
planète, elle montre les menaces qui pèsent sur la biodiversité, mais
aussi les moyens individuels ou collectifs à notre disposition ou celle
que nous pouvons inventer pour remédier à cette menace qui n’est pas à
prendre à la légère. Chacun peut s’interroger sur ces changements, qu’ils
soient d’ordre climatique ou comportemental et sur l’intérêt des gestes
écocitoyens que tous nous pouvons mettre en place.
A la Galerie des Enfants, il n’y a aucune notion de culpabilité, juste une
réflexion ludique et une prise de conscience que bien souvent les plus
jeunes perçoivent avant leurs aînés, sur l’état actuel des choses et
qu’ils tiennent à partager avec ces derniers dans une discussion étayée de
tous les éléments mis en place avec sensibilité et intelligence, à la
dimension des enfants, comme ce jeu de rôle collectif autour d’une table,
qui permet à chacun de devenir conseiller d’un maire ou d’un président de
la République et d’essayer ensemble de trouver les solutions les plus
pertinentes aux problèmes posés.
Un coup de chapeau pour la scénographie, qui comme dans un livre duquel on
tournerait les pages, nous donne dès la première visite, un goût d’y
revenir avec le plus d’enfants possible pour lire ensemble le grand livre
de la biodiversité.
Tous les enfants sont les bienvenus dans cet espace, car les activités et
informations sont données en français, anglais, langage des signes,
braille et tous les accès sont prévus pour les personnes à mobilité
réduite.
C’est certainement un grand succès qui attend la Galerie des Enfants !
Bravo !
Vous trouverez toutes les informations pratiques au sur le site
www.galeriedesenfants.fr
Un livre illustre cette visite : « Sur la piste de la biodiversité »
Coédition Seuil Jeunesse / Editions du Muséum
48 pages - illustrations couleurs
Pour Lexnews, Eivlys Toneg
MONET
Galeries nationales Grand Palais
22 septembre 2010 - 24 janvier 2011
« Un jour, j’avais trouvé Monet devant un champ de coquelicots, avec
quatre chevalets sur lesquels, tour à tour, il donnait vivement de la
brosse à mesure que changeait l’éclairage avec la marche du soleil. […] On
chargeait des brouettes, à l’occasion même un petit véhicule campagnard,
d’un amas d’ustensiles, pour l’installation d’une suite d’ateliers en
plein air, et les chevalets s’alignaient sur l’herbe pour s’offrir aux
combats de Monet et du soleil. » (« Claude Monet – Georges Clemenceau
: une histoire, deux caractères » Alexandre Duval-Stalla, Gallimard, 2010,
p. 17).
Ce témoignage rapporté par Clemenceau, l’ami de toujours, éclaire le
regard que portait Claude Monet sur son rapport avec la nature, nature
qu’il tentait de capturer sur ses toiles : des instants fugaces d’éternité
qui, à la manière d’un vol de papillon, ne seraient jamais identiques et
nécessitaient de la part du peintre une armada pour les attraper « au vol
».
C’est un peu de ce rêve fou dont se fait l’écho l’exposition Claude Monet
aux Galeries nationales, Grand Palais du 22 septembre 2010 jusqu’au 24
janvier 2011. Depuis 1980, date de la dernière rétrospective dans les
mêmes lieux, un grand nombre d’études sont venues apporter de nouveaux
enseignements et conclusions nouvelles sur le regard du peintre. Que l’on
place en vis-à-vis « Le Pavé de Chailly » de la foret de
Fontainebleau (première salle de l’exposition), peinte par l’artiste en
1865, et le fameux « Pont Japonais » (dernière salle de
l’exposition) du jardin de Giverny réalisé dans les dernières années de sa
vie, et nous avons résumé l’extraordinaire parcours de l’illustre
représentant de l’impressionnisme.
Le visiteur pourra dès les premières salles suivre le parcours
chronologique du travail créatif du peintre. La côte normande ainsi que
les paysages de campagne nourrissent la palette de Monet, une palette déjà
très étendue si l’on considère la plage de Sainte-Adressepar
temps gris ou l’impressionnant Port du Havre, effet de nuit…
Monet aime le froid et cette lumière particulière que projette la neige
qu’il capte dans le tableau La Pie, juchée sur une barrière d’un
herbage normand. La géographie et les lieux ont leur importance chez le
peintre qui très tôt profitera du développement des moyens de
communication pour élargir ses explorations. Argenteuil, l’Ouest parisien
avec la Grenouillère , Vétheuil… apporteront autant de sources
d’inspiration pour un peintre qui nourrit son art au fur et à mesure de
ses découvertes. Au milieu des années 1880, Monet va succomber au charme
des couleurs de la Méditerranée à un tel point qu’il s’en effraie : «
C’est si beau ici, si clair, si lumineux ! On nage dans de l’air bleu,
c’est effrayant ! » Ce sera l’occasion pour le visiteur de
l’exposition de découvrir des toiles peu connues avec des vues sur
Antibes, l’Estérel…
Monet est un observateur insatiable, mais le peintre est également
terriblement conscient de l’imperfection de l’art à rendre ces fruits de
l’observation, mais il n’aura pourtant de cesse de tendre vers cet
objectif impossible : « […] vous ne pouvez vous faire une idée de la
beauté de la mer depuis deux jours, mais quel talent il faudrait pour
rendre cela, c’est à rendre fou. » avoue-t-il à celle qui sera sa
deuxième épouse, Alice Hoschedé, le 3 février 1883, alors qu’il séjourne à
Etretat.
Grosse Mer à Etretat, 1868-1869 - Huile sur toile, 66 x 131 cm
Le regard, tant menacé par la maladie qui guette ses yeux, est insatiable.
Il conduit même Monet à d’impossibles variations sur un même motif à
l’image des musiciens. Des motifs aussi élémentaires que des meules de
foin vont devenir l’objet d’un véritable laboratoire de la lumière et de
ses effets. Monet déconstruit bien avant la philosophie les éléments de la
matière jusqu’à leurs plus simples expressions. Il en reste une incroyable
beauté, inimaginable pour le commun des mortels, beauté de l’essence
première révélée par le pinceau aux différentes heures de la journée. Cet
exercice sera également appliqué à des architectures plus complexes comme
celle de la cathédrale de Rouen. Ces cathédrales de lumière peintes par
Monet dépassent la structure minérale pour atteindre une réalité picturale
vertigineuse : le monument de pierre se voit opérer une mutation presque
alchimique en se transformant en monument de couleurs et de lumières
immatérielles.
Le vertige prend souvent le visiteur au fur et à mesure de sa progression
dans les nombreuses salles, véritables feux d’artifice en hommage à Claude
Monet. Le bouquet final des Nymphéas conclut cette apothéose : le jardin
de Giverny se dilate et ouvre à une autre dimension dont seul Claude Monet
a le secret. Nous ne savons plus si l’eau reflète le ciel, si le végétal
peut encore porter ce nom et si toute cette nature mérite encore d’être
identifiée. Nous devinons sans le savoir que le peintre a atteint une
certaine extase à l’image de ces grands mystiques dont seuls un regard ou
un sourire laissent deviner ce dépassement des contingences…Un beau
parcours dont les couleurs occuperont nos yeux longtemps après ce bel
hommage.
Ouverture tous les jours de 10h à 22h, les mardis jusqu'à 14h et les
jeudis jusqu'à 20h.
Pendant les vacances scolaires (du 23 octobre au 7 novembre et du 18
décembre au 2 janvier), ouverture tous les jours de 9h à 23h, y compris le
mardi. Derniers accès : 45 minutes avant la fermeture des Galeries.
Fermeture des salles : 15 minutes avant la fermeture des Galeries.
Fermeture exceptionnelle à 18h les 24 et 31 décembre. Fermeture le 25
décembre.
L'exposition participe à la Nuit Blanche le 2 octobre 2010 : entrée
gratuite de 19h30 à 0h15 (fermeture à 1h).
Une centaine de gravures d’Antoine Watteau, principalement issues de la
collection Edmond de Rothschild, illustrent l’art de l’estampe au XVIIIe
siècle.
Peintre, graveur et inlassable dessinateur, disparu prématurément à
trente-sept ans, Antoine Watteau (1684-1721) a marqué le XVIIIe siècle par
la grâce et la spontanéité de son art. Son oeuvre est gravé presque
immédiatement, entre 1724 et 1735, à l'initiative de son ami et protecteur
Jean de Jullienne. Cette entreprise remarquable qui va rassembler en
quatre volumes près de six cents planches d'après ses dessins et ses
peintures est confiée à une cinquantaine de graveurs. Véritable creuset de
jeunes talents tels François Boucher ou Laurent Cars, elle participe à
l'affirmation dans toute l'Europe du style rocaille dont Watteau fut l'un
des principaux instigateurs.
Cette exposition
dédiée à l'art de l'estampe puise dans la collection Edmond de Rothschild
et présente une centaine de gravures en rapport avec le Recueil Jullienne.
Ces pièces, majoritairement des eaux-fortes "avant la lettre", rendent
hommage à Watteau graveur et à ceux qui ont su restituer, pointe en main,
ce "je-ne-sais-quoi de galant, de vif et de vrai" qui fit le succès de
l'artiste. Le tableau des Deux Cousines, issu des collections du Louvre,
et quelques pièces rares en provenance d'autres institutions, comme des
eaux-fortes et des dessins de la main même de Watteau, complètent la
sélection.
Le processus de
fabrication de cette vaste entreprise d'édition conclut cette exposition.
Sont illustrés les états successifs d'une même estampe qu'accompagne une
réflexion sur la qualité du papier et l'importance des filigranes. Enfin,
deux écrans permettent de consulter, sous forme numérique, les gravures
des quatre Recueils Jullienne de la collection Edmond de Rothschild.
Commissaire(s) : Marie-Catherine Sahut, conservateur au département des
Peintures, Pascal Torres-Guardiola, conservateur de la collection Edmond
de Rothschild et de la Chalcographie, département des Arts graphiques,
musée du Louvre.
Informations pratiques
Lieu
Aile Sully, 2e étage, salles 20-23
Tarifs collections permanentes
Qui veut découvrir les arts d’Afrique Centrale, ceux des peuples du fleuve
Congo, est invité à se rendre au musée du quai Branly, mezzanine Est,
jusqu’au trois octobre 2010. Dépaysement assuré, voyage le long des rives
du fleuve Congo (géant de 4700 kilomètres, deuxième plus grand fleuve
d’Afrique après le Nil) frontière naturelle et lien entre les sociétés qui
vivent de part et d’autre de ses rives. Territoire de 4 millions de
kilomètres carrés, l’ensemble du bassin du Congo et celui du fleuve Ogooué
au Gabon, traverse le sud du Cameroun, la Guinée équatoriale, le Gabon, le
Congo-Brazzaville, le Congo-Kinshasa et une partie de l’Angola. Deux aires
géographiques se distinguent, la forêt équatoriale et les vastes savanes.
Au fil des siècles, les familles communiquant entre elles dans une langue
commune se rattachant aux groupes bantous (les langues bantoues sont
encore parlées aujourd’hui au Nigéria dans la région de Benue, et offrent
un point de départ qui remonte à plus de trois mille ans) ont colonisé les
régions forestières de l’Afrique Centrale. C’est ainsi que l’on dénombre
plus de quatre cents ethnies, des Fang et Kwélés au nord du Gabon aux
Légas et aux Bembés à l’est du bassin congolais, dans l’actuelle
République démocratique du Congo (RDC). Cette circulation des populations
remonte à des temps très reculés et l’exposition « Fleuve Congo - Arts
d’Afrique Centrale » montre les correspondances, les mutations, les
appropriations, les mélanges culturels de ces sociétés qui au fil des
siècles se sont influencées, ont partagé, mieux encore se sont reconnues
mutuellement dans différents domaines tels que les croyances,
l’imaginaire, les signes corporels, les techniques matérielles ou les
formes esthétiques. Identités et ruptures se reflètent ainsi dans les
styles et les ateliers de sculpture, parfois les formes s’opposent
résolument comme pour se distinguer et affirmer une identité propre et à
celle du voisin.
Afin de mieux
appréhender les correspondances qui ont traversé plusieurs lignages et ont
produit des formes similaires illustrant les rites d’initiation, les
rituels thérapeutiques, les cérémonies entourant la mort, la prise de
pouvoir ou encore la place de la magie et de la sorcellerie pour certaines
pratiques ancestrales. Le musée du quai Branly propose un parcours de
présentation de chaque ethnie, montrant ainsi à travers presque trois
cents objets, la manière de moduler les traits généraux des productions
suivant certaines variations locales comme les scarifications, les formes
et les couleurs. Ce parcours initiatique analyse avec finesse une
civilisation unique qui a su tisser autant de correspondances dans des
secteurs aussi variés et toujours avec des œuvres d’une grande puissance
et d’une créativité reconnues très rapidement par les artistes du début du
20e siècle (Derain, Picasso, Matisse, Braque et les autres…) comme la
matrice des « classiques » de ce qu’on appelait à l’époque « l’Art nègre
».
François Neyt, commissaire de l’exposition, grand connaisseur de cette
partie de l’Afrique, nous donne un éclairage transversal et nouveau sur
ces peuples de l’Afrique Centrale, précise Stéphane Martin, Président du
musée du quai Branly. François Neyt est né en RDC où il vécut vingt ans.
Moine bénédictin du monastère Saint-André de Clerlande en Belgique,
docteur en philosophie et lettres de l’Université catholique de Louvain,
il s’est formé en archéologie et à l’histoire de l’art et enseignera en
Afrique de 1968 à 1972, les arts africains à l’Université officielle du
Congo puis à l’Université nationale du Zaïre. Après plusieurs missions en
Côte d’Ivoire, au Mali ainsi qu’en RDC, il publiera plusieurs ouvrages
dits de référence sur les Arts de l’Afrique centrale comme la « Redoutable
statuaire Songye » en 2004. C’est donc un des meilleurs spécialistes de
cette partie de l’Afrique qui avec la collaboration scientifique d’Angèle
Martin et, la scénographie efficace de Gaëlle Seltzer (Artistes du
d’Abomey et Présence africaine), nous montre de manière pédagogique et sur
un plan diachronique la valeur des archétypes, des sculptures majeures
significatives d’un style ethnique, des ateliers de production anciens ou
plus récents, mais aussi des productions mêmes qu’elles soient anciennes
ou bien fausses. La diversité de tous les signes proposés s’inscrit dans
la reconnaissance d’un patrimoine de l’humanité, qui bien que morcelé par
des découpages de frontières coloniales arbitraires, met en évidence
l’unité culturelle de l’Afrique Centrale. C’est à travers trois thèmes
fondamentaux et complémentaires que nous allons nous laisser aller à la
découverte de ces ethnies, comme Paul Du Challu, premier occidental à
rencontrer les Fang, qui explora le Gabon dès 1855 (Voyages et aventures
dans l’Afrique équatoriale – publié en 1861), ou encore Alfred Marche qui
rapporta et présenta en 1878 des objets du Gabon, à l’ouverture du muséum
ethnographique des missions scientifiques. On ne pourra pas tous les citer
ici, vous lirez donc ce panneau tout à fait passionnant racontant tous ces
explorateurs entre 1855 et 1932 et qui explique l’intérêt et la
fascination portés à cette région du monde. Exposés dans les plus grandes
villes occidentales, de grands artistes du début du 20e siècle, en quête
de nouvelles expressions artistiques et d’une vision du monde différente,
vont de suite s’en porter acquéreurs et publier des écrits sur ces objets,
qui comme le disait Picasso lors d’une visite au Trocadéro : « Quand je
suis allé au Trocadéro, j’ai compris que c’était très important, il
m’arrivait quelque chose… ». Déjà l’émergence de l’art africain laisse une
place de choix à l’art de l’Afrique Centrale. Les marchands et
collectionneurs ne s’y trompent pas et contribuent largement à sa
diffusion. La présence des masques assurant l’unité et l’identité des
groupes respectifs lors des cérémonies, l’importance de l’ancêtre
fondateur et de son lignage, la présence forte de la femme dans les
institutions, liées aux mystères de la régénération et de la fertilité,
sont les trois thèmes dont émerge cet imaginaire unique qui a produit tous
les objets présentés dans cette exposition.
Il ne faut pas
passer trop vite devant les masques en forme de cœur (illustration de
l’affiche de l’exposition) bien au contraire, les regarder avec attention
et dans les moindres détails, car ils nous en disent long sur l’histoire
des peuples, sur la cosmologie, la vision du monde (animiste) et sur ses
rôles multiples. Il est objet de communication, revivifie l’identité du
groupe dans les rituels, rend hommage aux ancêtres ainsi qu’aux esprits de
la nature Il dénonce aussi mes mauvais esprits (les mangeurs d’âmes), il
châtie les coupables ou guérit les malades, il accompagne les défunts et
prend toutes ses dimensions lors des danses rituelles. Cet archétype se
retrouve chez les Kwele et les Fang au Gabon, et ce, jusqu’au Lega à l’est
de la RDC actuelle. Chacun de ces masques cœur a la même structure, mais
il change selon les peuples et les coutumes, dans ses formes et ses
couleurs. Ces masques cœur portent en eux différentes figures allant des
animaux fétiches aux figures d’ancêtres disparus.
Leur structure
est liée aux signes sensoriels réceptifs (l’ouïe, la vue, la parole et
l’odorat). On notera l’importance de chaque détail comme les arcades
sourcilières, l’arrête du nez, la présence ou pas d’une bouche, la forme
des yeux, leur disposition et leur nombre même. La couleur et sa
symbolique n’échappent pas à notre compréhension des masques indiquant par
là l’identité des institutions et groupes sociaux en question (carte
d’identité visuelle comme les scarifications ou les tatouages pour
d’autres sociétés). Une carte d’Afrique centrale situant les masques en
forme de cœur permet de mieux suivre la répartition et par là même de
comprendre les déplacements et influence des différents groupes ethniques
présents. Dans toute la symbolique des masques africains, il demeure un
point commun fondamental ; étant le siège de présages de bénédictions et
d’espérances nouvelles, tous ces masques expriment la profondeur des
croyances auxquelles ils sont liés. Leur esthétique nous frappe, nous
effraie ou nous envoûte, nous occidentaux profanes.
Plein de toutes
ces figures étonnantes, et passant dans le deuxième espace de cette
exposition, l’esprit du visiteur est déjà bien au-delà de nos frontières
et se laisse happer par les représentations bantoues du culte des ancêtres
disparus. Crânes ou ossements, mâchoires, dents d’hommes importants, de
guerriers ou des femmes réputées ou redoutées, conservés religieusement
dans des boites, paniers et autres coffres, les reliquaires, les figures
et statues d’ancêtres sont une tradition tout aussi fondamentale que celle
des masques. On voit donc que les peuples d’Afrique Centrale illustrent à
profusion et de façons très diversifiées ce culte des ancêtres. Décorés,
peints, incrustés de cauris, d’emblèmes claniques, les ossements selon des
rituels précis étaient mis en relique dans des contenants devenus de
véritables œuvres d’art. Quatre aspects nous éclairent sur le culte des
ancêtres : la présence des reliques dans les rituels, les reliques des
ancêtres dangereux et des morts par violence, la place des rois et le rôle
accordé aux esprits de la nature. Sachant que le culte des ancêtres est
constitutif de la vie de ces défunts, leur mémoire est donc ravivée lors
des moments importants de leur existence comme le cycle des saisons, les
événements exceptionnels de la vie de la communauté, la mort d’un chef ou
le choix d’un nouveau dirigeant. Tous ces moments « phares » inscrivent le
défunt dans une généalogie et renforcent l’intégrité du groupe laissant
apparaître la continuité des rôles protecteur et consultatif bien après la
mort physique. Les nâmes (âme des aïeux continuant à vivre dans l’au-delà)
des ancêtres ou esprits malfaisants (définis comme des ancêtres dangereux
et personnes décédées de façons violentes, considérées comme redoutables)
étaient également honorés afin de prémunir le groupe des dangers que
recèlent les énergies des esprits de ces morts. De même, certains rituels
peuvent avoir une fonction offensive ou défensive, certaines reliques sont
associées à des sacrifices, à la divination ou encore à la sorcellerie.
Impressionnantes, ces statuettes et contenants de reliques mettent parfois
mal à l’aise ou tout au contraire, comme la vitrine consacrée aux
statuettes de gardiens de reliques en métal doré et fils de laiton,
sublime la fonction de ces objets. Incontournable, la place des rois dans
les rituels est à garder à l’esprit, car, occupant un rôle spécifique,
rendant encore plus complexe le culte des ancêtres, le roi est en quelque
sorte « une réalité hors norme » au-dessus de l’ancêtre même, intégrant
les forces de la nature, il correspond donc à une entité à part, parfois
appelée à transcender les interdits (inceste, meurtre…) ou à se soumettre
à d’autres interdits (manger seul, ne pas toucher la terre, ne pas voir la
mer…), il peut aussi comme chez les Kuba être considéré comme un sorcier
capable de se transformer en animal féroce pour assouvir quelques
vengeances, pouvant s’allier aux pouvoirs magico-religieux des forces de
la nature. Certains groupes d’Afrique Centrale usent de ces forces de la
nature qui sont des génies des eaux, des airs et de la terre. Ces génies
président à la vie de chacun. On trouvera alors des objets (Nkisi)
représentants tous ces éléments contenant des ingrédients magiques à la
signification métaphorique que l’on retrouvera placé dans les orifices des
statues ou bien mis dans de petites bourses en peau et placés à la
ceinture des sculptures.
Si le contenu
peut varier à l’infini, chez tous les peuples du fleuve Congo, il se fonde
sur les mêmes éléments naturels. La représentation féminine dans les
royaumes de la savane subéquatoriale nécessitait bien une section
entièrement allouée à cette femme liée à la terre et à l’agriculture. Les
représentations féminines, masques et statues témoignent de cette place
éminente et reconnue de la femme dans les structures économiques,
sociales, politiques et magico-religieuses. Aussi lorsqu’Amadou Hampaté Bâ
écrit en 1961 : « La mère est considérée comme l’atelier du divin où le
Créateur travaille directement, sans intermédiaire, pour former et mener à
maturité une vie nouvelle. C’est pourquoi, en Afrique, la mère est
respectée presque à légal d’une divinité. » Tout est dit. Portant en elle
le mystère de la création, la femme est reliée par la naissance, aux
figures ancestrales de son groupe et aux générations à venir. Féconde et
nourricière, elle est unie aux cycles de la vie, à la nouvelle lune, aux
saisons, à l’agriculture ainsi qu’à la fertilité de la terre et
directement à celle de sa famille par les naissances. Dans ces sociétés
matrilinéaires, principe inventé par les Kongo du Mayombe, l’ascendance
maternelle est prise en compte dans la transmission de l’appartenance,
l’autorité et le nom de la lignée. Toutes ses caractéristiques vont se
retrouver dans les représentations sculptées ainsi que dans les
reliquaires. Sculpter le corps de la femme revêt alors la plus haute
signification. Plusieurs cartels illustrent ces propos en indiquant
géographiquement le parcours et le discours de l’exposition.
L’exposition « Fleuve Congo – les Arts d’Afrique Centrale » développe la
curiosité du savoir, celle de comprendre pour pouvoir se mouvoir d’un
espace à l’autre, d’objet en objet, revenant sur nos pas pour de nouveau
s’émouvoir devant une statue, un masque, un reliquaire, un panier, sans
subir la complexité de ces sociétés, mais juste pour être en équation avec
les œuvres proposées. L’initiative du musée du quai Branly est à l’image
de cette exposition, brillante. Un événement à ne manquer sous aucun
prétexte, car nous ne sommes pas prêts de retrouver autant de
chefs-d'œuvre exposés dans un même lieu.
De nombreuses manifestations se dérouleront tout au long de l’exposition
sous forme d’atelier, de visites guidées, de rencontres avec des
écrivains, de concerts, un parcours jeux de piste pour les plus jeunes
autour d’animaux installés, cachés, dissimulés dans les jardins du musée.
Vous retrouverez toutes ces informations sur le site du musée
www.quaibranly.fr
Eivlys Toneg
Pierre Alechinsky / Fata
Morgana, des hommes qui aiment les livres
Exposition jusqu'au 9 octobre 2010
Pierre Alechinsky, photographie de Jacqueline Salmon
Pour le revers de la couverture de Baluchon et ricochets, édité en 1994
par Gallimard, Pierre Alechinsky rédige en guise de biographie cette
rapide notule : "Pierre Alechinsky est né en 1927 à Bruxelles. Quand il ne
peint pas, il dessine, grave ou illustre des livres, et en écrit
lui-même." Sur une autre page de couverture, cette fois-ci pour la
collection "Traits et Portraits" que Colette Fellous dirige au Mercure de
France, il rappelle qu'il "n'aime pas sa main droite, celle qui écrit"...
"préfère l'autre main, celle que les professeurs ont laissée intacte"...
Alechinsky n'a jamais suivi les cours des Beaux-Arts. A Bruxelles, son
temps d'apprentissage concerne prioritairement les métiers du livre,
l'illustration et la typographie. A propos de ses tout premiers travaux -
cinq linos pour les Fables d'Esope réalisées dans l'esprit du Pantagruel
d'André Derain, dix-huit linogravures imaginées en 1948 pour le Poète
assassiné d'Apollinaire, un ouvrage dont Fata Morgana fera l'édition en
2001 - il affirme dans un entretien avec Céline Cicha que "c'était
toujours de l'image en situation, face à l'écrit". En 2002, un catalogue
magnifiquement déraisonnable, une publication orchestrée à Anvers, avec le
concours de Frédéric Charron, Patrice Cotensin et Yves Peyré, a recensé
The complete books of Alechinsky. Puisque dans cet inventaire plein de
science et de malice, on parvenait à un total de 553 livres, on devrait
aujourd'hui en dénombrer une centaine de plus (...)
(...)
Rue du Puits Neuf où sont également présentées une douzaine de gravures et
de lithographies exécutées en solo par Alechinsky (par exemple, "Orange de
binche", et puis "Troisième acte" qui sert d'affiche à l'exposition) ou
bien à quatre mains avec de proches amis comme Christian Dotremont et
Alberto Gironella, on apercevra plusieurs grands livres d'Alechinsky :
entre autres, Vacillations qui l'associe avec beaucoup de douceur et de
véhémence à Cioran, Ces robes qui m'évoquaient Venise, un extrait de
Marcel Proust prélevé dans Sodome et Gomorrhe, L'Art magique d'Octavio Paz
ainsi que Choses rapportées du Japon où sont illustrées des notes de
Gérard Macé. Dans ce dernier livre de très belle saveur, quatre lignes
évoquent "comme devant une chose puérile ou incongrue, le sourire d'un ami
japonais apprenant que nous conjuguons le verbe espérer à la première
personne".
Parmi les livres que j'ai pu réunir rue du Puits Neuf, deux ouvrages sont
particulièrement émouvants. Le premier s'intitule La chambre et l'atelier,
il évoque le dernier espace de vie de Christian Dotremont à Tervuren, dans
sa chambre de la "Pension pluie de roses". On découvre dans un étui de
belle sobriété cinq héliogravures tirées sur vélin par Caroline Giffard :
ce sont les reproductions de cinq photographies d'Alechinsky. La dernière
est accompagnée par une "diablerie" à l'intérieur de laquelle le
peintre-écrivain, muni d'une loupe, légende les affichages de cet atelier,
"les victoires sur la monotonie" que Dotremont remportait chaque jour.
Dans cet hors champ où l'on aperçoit Groucho Marx, une coupure de journal
avec Paulhan en habit d'académicien, le portrait d'Erasme, la revue Les
deux soeurs, annuaires, téléphone, chaise et tabouret, Alechinsky
mentionne un logogramme de 1970 "écrit à Gloria, montré en mai 1971 à la
galerie de France, première exposition de Dotremont à Paris : chérie,
quand tu liras ceci, je serai vivant."
Lithographies, gravures et livres illustrés, Pierre Alechinsky / Fata
Morgana. Ouvert du mardi au samedi, 14 h 30 / 18 h 30, tél 04.42.96.23.67.
30 rue du Puits Neuf, Aix-en-Provence.
Louvre –
Collections permanentes - Les nouvelles salles d’art grec et hellénistique
A partir du mercredi 7 juillet, Aile Sully
Attendues par les amateurs d’art grec, espérées par les amoureux des
antiquités, les nouvelles salles d’art grec viennent d’ouvrir à l’Aile
Sully au Louvre depuis le 7 juillet 2010. L’une des grandes vedettes du
plus célèbre musée au monde, Aphrodite dite la Vénus de Milo trône plus
majestueuse que jamais dans une salle beaucoup plus grande qu’auparavant,
digne de l’intérêt planétaire qu’elle suscite chaque année avec ses 6
millions de visiteurs venus tout spécialement l’admirer ! Ce nouvel
emplacement n’est qu’un juste retour à l’histoire comme le soulignait
Jean-Luc Martinez, le directeur du département des Antiquités grecques,
étrusques et romaines du musée. C’est en effet là que le public du musée
parisien put découvrir pour la première fois de 1824 à 1848 la célèbre
Aphrodite (nom grec de la déesse) découverte dans l’île de Mélos (ou Milo)
dans les Cyclades en 1820 (lire les récits hauts en couleur de cette
découverte dans l’ouvrage « Enlèvement de Vénus » paru aux Éditions La
Bibliothèque). Des niches retrouvées dans l’architecture d’origine
permettent de manière très didactique de retracer le contexte de cette
découverte et les difficultés d’attribution (certaines théories
pencheraient également pour une représentation d’Amphitrite, déesse de la
mer, vénérée également à Milo) de la célèbre statue que l’inconscient
collectif ne saurait voir autrement que la représentation idéale de la
déesse de l’amour…
Mais, ces nouvelles salles ne sauraient cependant occulter la richesse du
fonds général redistribué en un parcours particulièrement pédagogique et
éclairant sur l’art grec. Comme le relevait également très justement
Jean-Luc Martinez lors de sa présentation d’inauguration, il ne s’agit
nullement d’exposer un nombre incalculable d’objets au risque de
décourager le visiteur souvent néophyte, mais bien au contraire d’ouvrir
le regard à une intelligence d’une civilisation à la fois très éloignée de
notre époque contemporaine et en même temps si proche par ses nombreuses
influences dans l’art et les idées.
Ainsi, la première galerie, au nord, regroupe-t-elle les salles 7 à 12 et
qui propose un voyage dans le monde grec, bien plus étendu que l’on ne
pourrait le penser de prime abord. Chaque salle expose des objets
représentatifs d’une région de ce monde grec que celle-ci soit située en
Italie du Sud, en Macédoine, en Grèce du Nord ou encore en Asie Mineure.
La galerie sud (salles 13-16) présente à nos yeux émerveillés de
magnifiques répliques romaines des chefs-d'œuvre disparus de la sculpture
grecque. Le parcours thématique proposé est remarquable d’intelligence,
car il habitue le regard néophyte aux attributs, aujourd’hui souvent
oubliés, du riche panthéon grec. C’est tout un pan de la mythologie
grecque qui se trouve réuni en trois dimensions et dans une muséographie
particulièrement travaillée (de nombreux panneaux explicatifs en trois
langues – français/anglais/espagnol – détaillent cette riche histoire). Le
visiteur peut ainsi librement flâner au gré des sculptures ou au contraire
adopter une démarche plus systématique en comparant les Dieux et les héros
du monde grec antique pour, au terme, parvenir de nouveau à notre fameuse
déesse qui attend patiemment notre regard insatiable !
CHEFS-D’ŒUVRE DU
MUSEE DU QUAI BRANLY AU LOUVRE
Les 10 ans du pavillon des sessions
2000/2010.
«Les chefs-d’œuvre du monde entier naissent libres et égaux…» Ce sont là
les premières lignes du manifeste qui parut dans la presse le 15 mars
1990, pour l’ouverture au Louvre d’un département consacré aux arts
d’Asie, d’Afrique, d’Océanie, des Amériques et d’Insulinde. Jacques
Kerchache, initiateur de ce manifeste, disparu en 2001 sans voir vu la
réalisation du musée du quai Branly dont il a été une des personnalités
les plus marquantes, était le conseiller scientifique de l’établissement
public de ce musée et auteur de la sélection des œuvres exposées au
pavillon des Sessions. Il aura réuni autour de ce manifeste près de 300
signatures d’artistes, écrivains, philosophes, anthropologues et
historiens de l’art, relevant le défi de Guillaume Apollinaire en 1909, de
Félix Fénéon en 1920, de Claude Lévi-Strauss et d’André Malraux en 1976,
qui tous demandaient à ce que « le Louvre recueille certains
chefs-d’œuvre exotiques dont l’aspect n’est pas moins émouvant que celui
des beaux spécimens de la statuaire occidentale… Apollinaire », «
…Car cet art (dit premier) n’est pas inégal aux plus grands…
Lévi-Strauss », « Beaucoup veulent l’art nègre au Louvre où il entrera…
Malraux ».
Tête commémorative XIIe-XIVe siècle Nigeria Terre cuite H. 15,5 cm
Ancienne collection musée Barbier-Mueller Musée du quai Branly 73.1996.1.4
Inauguré le 13 avril 2000 avec 6 millions de visiteurs plus tard, le musée
du quai Branly fête les 10 ans du pavillon des Sessions ! C’est avec le
soutien du Président de la République Jacques Chirac, passionné et féru
d’arts premiers (on se rappellera l’exposition en 1994, sur l’art des
Taïnos des Grandes Antilles, au petit Palais) et avec le regard éclairé de
spécialiste de son ami Jacques Kerchache, qu’en 1995, est constituée une
commission chargée de réfléchir aux moyens les plus appropriés pour que
l’art dit « primitif », « primordial », « lointain », « exotique » ou «
premier », selon les époques et les exégètes, trouve sa juste place dans
les institutions muséales de France. « Je ne pense pas que le Louvre du
21ème siècle pourra être vraiment un grand musée s’il ne comporte pas une
section importante consacrée aux arts premiers… », affirmait Jacques
Kerchache dans un entretien avec Jean Marie Drot à l’occasion d’une
exposition sur la sculpture africaine à Rome en 1986. « Changer le
regard sur l’œuvre, le regard sur l’autre, telle était bien l’ambition de
cette première étape, l’entrée au Louvre. » écrit Jacques Chirac en
introduction du numéro spécial de Connaissances des Arts consacré à cet
anniversaire. si depuis 1905, un nouveau regard fut porté sur cet art avec
les artistes fauves, cubistes et expressionnistes, il aura fallu encore de
nombreuses années pour que tous ces chefs-d’œuvre soient reconnus et vus
autrement que comme des curiosités ethnographiques, des spécimens
scientifiques que l’on avait depuis 1878 rassemblés au musée
d’Ethnographie du Trocadéro. La plus part des œuvres présentées au
pavillon des Sessions sont des archétypes célèbres du monde entier qui
font aujourd’hui la force symbolique du premier musée de France.
Poteau funéraire XVIIe-fin du XVIIIe siècle Côte sud-ouest de Madagascar
Bois H. 215 cm Mission Guillaume Grandidier, 1898 Don du Comité de
Madagascar, Exposition Universelle de 1900 Ancienne collection du musée
d'Ethnographie du Trocadéro Musée du quai Branly Inv. 71.1901.6.12
C’est un vrai plaisir que de déambuler dans ce lieu où tous les objets
présentés, quel que soit leur dimension, sont magnifiés par la
scénographie de Jean-Michel Wilmotte. La douceur des espaces, la lumière
savamment dosée donnent à cet endroit une véritable identité respectueuse
des œuvres choisies, jouant sur les ombres et les lumières. Le cheminement
est simple, le visiteur peut tourner autour de chaque chef-d’œuvre (chose
assez rare dans la scénographie des musées et des expositions pour être
signalée), leur coffrage de verre les rendant encore plus attirantes.
Sculpture dogon Attribuée au "Maître des yeux obliques" XVIIe-XVIIIe
siècle Mali Bois H. 59 cm Anciennes collections Charles Ratton, Hubert
Goldet Acquis par dation, 1999 Musée du quai Branly Inv. 70.1999.9.2
Nul ne pourra résister à l’envie d’aller bien au-delà de l’émotion
procurée en cherchant alors à comprendre tous les mystères qui enveloppent
ces œuvres majeures, d’une excellence qui échappe à tout regard d’anecdote
ou d’exotisme, car elles vivent et parlent doucement ou violemment à
chaque visiteur. Pour ce, des images d’archives, des interviews et
coupures de presse sont là pour comprendre la démarche qui a animé tous
les protagonistes de ce projet. Un salon de lecture, au sein même du
parcours est installé pour l’évènement, mettant à la disposition du public
de nombreux ouvrages, articles permettant de découvrir ou redécouvrir les
arts et civilisations non occidentaux et de comprendre les débats et
polémiques autour de leur reconnaissance, ainsi qu’une sélection
d’ouvrages donnant à voir l’impact culturel qu’ont eu et qu’ont encore ces
arts sur la création contemporaine. Mais laissons-nous porter par le
magnétisme des 108 œuvres venues d’Afrique (42 sculptures et objets),
d’Asie (6 pièces), d’Océanie (28 sculptures), des Amériques et d’Insulinde
(32 sculptures et objets). Comment représenter la richesse des nombreuses
cultures de ces continents entiers qui représentant les trois quarts de
l’humanité ? Sinon en apportant au monde de l’art un premier lieu de
dialogue et de beauté, un lieu serein, calme et propice à la réflexion, un
lieu où l’espace temps n’existe plus, où le respect flotte autour de
chacune des œuvres, un lieu conçu certainement comme une première étape
vers la connaissance de ces cultures, un lieu en hommage aux artistes, un
lieu qui vit par lui-même tout en étant relié aux chefs-d’œuvre de l’art
occidental du Louvre comme une porte ouverte pour passer de l’autre côté
des a priori et se lancer à cœur et esprit ouverts vers les rives
du musée du quai Branly.
Pendentif XIXe siècle République démocratique du Congo Ivoire H. 7,7 cm
Ancienne collection Charles Ratton Don Guy Ladrière, 1997 Musée du quai
Branly Inv. 73.1997.20.1
Quelles soient du pays Dogon, du Nigeria, du Bénin, du Mali, de Guinée, du
Cameroun, du Gabon, du pays Zoulou ou de Sierra Leone , d’Indonésie, des
Philippines, de Nouvelle-Calédonie, des îles Vanuatu, de Papouasie, de
l’île de Pâques, du Mexique, du Guatemala, du Canada, ou encore d’Alaska,
il est difficile de décrire l’esthétique de chacun de ces chefs-d’œuvre
tant leur magnétisme, leur beauté plastique, leur originalité esthétique,
leur symbolisme auront une répercussion sur chacun des visiteurs.
Il s’agit d’un véritable événement qui restera dans les mémoires laisse un
message d’espérance et d’ouverture vers plus de tolérance. Il faudra
dorénavant compter sur ce Pavillon des Sessions afin de s’immerger, se
laisser porter et voyager dans la beauté de ces œuvres qui manifestent
l’égalité, la dignité de tous les Hommes et de leurs Cultures.
Eivlys Toneg
horaires d'ouverture du Pavillon des Sessions * Le Pavillon des Sessions du Louvre est ouvert tous les jours de 9h à
17h30 sauf le mardi, le vendredi et les jours fériés suivants : le 1er
janvier, le 1er mai et le 25 décembre ;
* Nocturnes jusqu'à 21h45 le mercredi ;
* L'entrée est gratuite le premier dimanche de chaque mois.
accès et adresse au Pavillon des Sessions du Louvre * métro : Palais Royal-Musée du Louvre
* musée du Louvre, aile Denon, rez-de-chaussée
* entrée directe par la porte des Lions de 9h à 17h30, sauf le mardi et le
vendredi (jardins du Carrousel ou quai des Tuileries)
* accès également par la Pyramide, la galerie du Carrousel et le passage
Richelieu
Botticelli,
Bellini, Guardi…
musée des Beaux-Arts de Caen
Trésors de l'Accademia Carrara de Bergame
27 mars- 19 septembre 2010
Botticelli,
Portrait de Julien de Medicis
Il faudra
réserver une petite escapade à Caen au cours de cet été (jusqu’au 19
septembre) pour y découvrir une très belle exposition réunissant les
chefs-d’œuvre de l’Accademia Carrara de Bergame !
Le musée de Bergame qui abrite habituellement la prestigieuse collection
d’art italien fondée en 1796 par le comte Giacomo Carrara est en effet en
travaux et une heureuse collaboration avec le musée de Caen a permis que
ces œuvres fassent l’objet d’une unique exposition en France pendant cette
période. Ce sera ainsi l’occasion pour le public français d’admirer ces
tableaux qui ne quittent habituellement pas la belle ville lombarde…
Faisant écho au riche fonds de peintures italiennes du musée des
Beaux-Arts de Caen, les œuvres exposées témoignent de la richesse
artistique de la ville de Bergame nourrie à son époque par le dynamisme de
Milan et de Venise.
Le visiteur pourra ainsi admirer des œuvres d’artistes majeurs comme le
Portrait de Julien Medicis de Sandro Botticelli, le portrait de Lionello
de Pisanello ou encore de Bellini…mais également des artistes méconnus en
France tels Caselli, Zucco ou Nazzari.
La première
salle ouvre sur un vaste espace blanc baigné de lumière afin de mieux nous
amener à la contemplation de ces polyptyques majestueux qui ornaient les
autels des églises de Bergame aux XV° et XVI° siècles ! Les scènes
allégoriques sont parfois pour certaines de nouveau réunies pour la
première fois à l’occasion de cette exposition, un bonheur rare qu’il faut
savoir apprécier avant de passer à la seconde salle qui réunit les
chefs-d’œuvre de la collection Morelli du nom de ce médecin de formation
et critique d’art reconnu au XIX° siècle. Nous y découvrons des œuvres de
Botticelli, Pisanello ou encore Bellini avec cette Vierge à l’Enfant sur
fond de paysage bucolique qui atténue le drame futur évoqué par la
verticalité du pilier auquel sont adossés la Vierge et l’Enfant.
Cette exposition
est également l’occasion d’observer des « images de la réalité » selon le
titre de cette troisième partie. Nous entrons au cœur du portrait italien
avec Giovanni Battista Moroni (vers 1520-1524 / 1579) et Fra Galgario
(1655-1743), deux figures majeures du portrait européen de leur époque.
Les personnages portraiturés nous apparaissent ainsi dans toute leur
singularité ou nulle affectation académique n’est venue troubler la
sincère nature. L’insouciance d’un jeune peintre dont on devine qu’il ne
nous regarde nullement, mais réfléchit bien à ses compositions futures
(Fra Galgario), est tout aussi vivante plus de trois siècles après que le
regard insaisissable de ce jeune gentilhomme dont nous ne saurons que son
âge, 29 ans…
Ghidotti Moroni
Fra Galgario,
Portrait de jeune Homme Portrait d'un jeune
peintre
En fin de
parcours, nous quitterons à contrecoeur Bergame pour une destination tout
de même enchanteresse avec Venise ! Nous nous souvenons que Bergame
nourrissait des liens très étroits avec la cité des Doges, et le XVIII°
siècle sera ainsi l’occasion pour de nombreux artistes de Bergame d’aller
étudier cette fameuse lumière propre à la cité bâtie sur l’eau. Des
vedute (paysage panoramique) témoigneront de cet environnement unique
et tiendront lieu de récits de voyage pour les personnes nanties.
La visite est terminée et nos yeux garderont longtemps en mémoire ces
polyptyques élancés vers le ciel, cette jeune fille à l’éventail peinte
par Ceruti ou ce somptueux portrait de G. B. Caravaggi peint par Cariani…Une
exposition à voir absolument !
Commissariat
Patrick Ramade, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des
Beaux-Arts de Caen
Giovanni Valagussa, conservateur de la Pinacothèque Accademia Carrara de
Bergame.
musée des
Beaux-Arts de Caen jusqu’au 19 septembre 2010.
Adresse : Le château – 14000 Caen – 02 31 30 47 70 www.ville-caen.fr/mba
ouverture : du mercredi au lundi de 9h30 à 18h – fermeture le mardi
Canaletto, Le Grand Canal vu du Palais Balbi
Dans le
cadre du festival Normandie Impressionniste
L'estampe impressionniste
Trésors de la Bibliothèque nationale de France
musée des Beaux-Arts de Caen
4 juin - 5 septembre 2010
Dans le cadre du festival Normandie Impressionniste, le musée des
Beaux-Arts de Caen présente une large sélection d’estampes
impressionnistes - quelque cent vingt pièces dont plusieurs matrices et
épreuves précieuses - issues du département des Estampes et de la
Photographie de la Bibliothèque nationale de France. Grâce aux dons faits
par les artistes, leurs familles ou leurs proches, la Bibliothèque
nationale de France possède en effet une collection remarquable d'oeuvres
de cette période, l'une des plus riches au monde.
L’exceptionnel renouvellement thématique et formel que connaît l’estampe
entre les années 1860 et 1890 est à l’origine de l’estampe moderne, fruit
d’expériences passionnées et création à part entière.
Edgar Degas (1834–1917) Berthe
Morisot (1841–1895)
Sortie du bain, vers 1876-1877 La
Leçon de dessin, 1889
Au cours de cette période, ponctuée par la création de la Société des
aquafortistes en 1862 et les huit expositions impressionnistes organisées
entre 1874 et 1886, l’exploration technique devient incontestablement un
but en soi. Au-delà des sujets traités, on admire la facture libre des
eaux-fortes de Manet, la subtilité des procédés mixtes de Degas et de
Pissarro, la sincérité des croquis gravés par Cézanne, Guillaumin et Van
Ryssel, les pointes sèches délicates de Renoir et de Berthe Morisot comme
les effets de teinte de Whistler et la légèreté des aquatintes de Mary
Cassatt.
Diverses pratiques - au nombre desquelles la succession des états d’une
même planche, les manipulations d’encrage, les rehauts manuels et la
limitation des tirages - transforment l’estampe en objet rare. Cette
poursuite de l’épreuve singulière atteint son comble avec le monotype, une
image imprimée unique, obtenue sans recours à la gravure. Les recherches
portent autant sur l’éclairage, la texture et la teinte que sur le mélange
des techniques. Elles permettent de traduire les aspects changeants du
paysage selon les heures, les saisons et les variations atmosphériques.
Elles prêtent aux portraits et aux scènes intimes une spontanéité et un
caractère d’inachèvement très nouveaux. Propice à l’expérimentation, cette
époque voit enfin l’apparition de l’estampe en couleurs ainsi qu’un regain
d’intérêt pour la lithographie.
Pierre-Auguste Renoir
(1841–1919)
Le Chapeau épinglé,
2e planche, vers 1898
Camille Pissarro (1830-1903)
Paysage sous bois, à l’Hermitage (Pontoise), 1879
Cette exposition - la première en France depuis celle proposée en 1974 par
la Bibliothèque nationale - est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir
aux côtés des grands noms de l’Impressionnisme des artistes moins connus
qui ont pourtant joué un rôle décisif dans le renouveau de l’estampe
originale, tels Félix Bracquemond, Henri Guérard, le vicomte Lepic, Félix
Buhot, Auguste Delâtre et Marcellin Desboutin.
Elle a bénéficié du concours de Michel Melot, éminent spécialiste de
l'estampe impressionniste, auteur de nombreux ouvrages et articles sur ce
sujet. Le commissariat est assuré par Caroline Joubert, conservateur au
musée des Beaux-Arts de Caen, et Valérie Sueur-Hermel, conservateur au
département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque
nationale de France. La scénographie, inspirée en partie par ce qu'avaient
imaginé certains artistes impressionnistes, mettra en valeur les oeuvres
dans un parcours divisé en dix sections.
Une exposition de la Bibliothèque nationale de France et du musée des
Beaux-Arts de Caen.
Édouard Manet (1832-1883)
Les Courses, 1865-1878
Informations pratiques
Horaires
Du mercredi au lundi de 9h30 à 18h - Fermeture le mardi
Catalogue
coédité avec les Editions d'Art Somogy, format 22x28 cm, 160 pages
musée des Beaux-Arts de Caen
Adresse : Le château – 14000 Caen – 02 31 30 47 70 www.ville-caen.fr/mba
ouverture : du mercredi au lundi de 9h30 à 18h – fermeture le mardi
La voie du Tao, un
autre chemin de l’être
Galeries nationales – Grand Palais
31 mars – 5 juillet 2010
C’est le fruit d’une heureuse collaboration entre les Galeries nationales
et le musée des arts asiatiques Guimet qui nous est donné à découvrir au
Grand Palais. De cette collaboration a en effet résulté une exposition qui
réunit non seulement des objets de grande valeur, mais qui a également une
dimension didactique remarquable. Si l’évocation du taoïsme n’est pas
chose rare depuis le XX° siècle, sa signification profonde reste encore
trop obscure pour notre civilisation occidentale. Alors même que le
bouddhisme est devenu familier à un grand nombre d’occidentaux, le cœur de
ce mode de vie et de pensée du taoisme reste à découvrir. C’est ainsi le
but recherché par cette grande exposition, première du genre en Europe,
qui ouvre une porte initiatique à notre connaissance. Catherine Delacour,
commissaire de l’exposition, insiste sur le fait que le Taoïsme n’est pas
une religion au sens où nous l’entendons en occident ; il s’agit plutôt
d’une attitude de l’esprit relevant à la fois de la spiritualité et
englobant également une dimension philosophique, poétique, artistique et
même pragmatique. En abordant le Taoïsme, le visiteur pourra ainsi
percevoir comment peut s’élargir le champ d’appréhension du monde.
Et la première partie de l’exposition, nous y invite sans tarder avec
l’exposé très clair des cosmogonies illustrées par de nombreux objets tels
les 28 divinités des mansions célestes ou l’oiseau vermillon symbole du
sud provenant du musée national de Taipei. La très belle scénographie de
l’agence Mostra répond parfaitement à ces exigences du vide et du plein,
du yin et du yang. Les couleurs et leurs symboliques accompagnent le
visiteur dans cet « autre chemin de l’être » bouleversant parfois
nos réflexes hérités du cartésianisme. Les textes animés projetés sur une
cimaise et qui défilent suffisamment lentement pour être lus sont une
véritable réussite pour la pleine compréhension de cette exposition
exigeante. Un espace spécifique est bien entendu réservé à Lao zi, le
personnage central du Taoïsme. Et si nous ne sommes pas certain que le
personnage historique ait réellement existé, Le livre de la Voie et de
sa Vertu qui lui est attribué existe bien quant à lui. Cet écrit, que
des moines connaissent par cœur encore aujourd’hui, a eu et a une
importance centrale dans le Taoïsme.
Cette très belle exposition sera ainsi l’occasion de découvrir près de 250
œuvres venant du musée des arts asiatiques Guimet, des Etats-Unis,
d’Europe et de Taiwan. Ces chefs d’œuvre méconnus offriront ainsi au
visiteur une véritable découverte non seulement culturelle, ce qui est
déjà beaucoup, mais plus encore philosophique : comment prendre un autre
chemin pour retrouver son être…
Pakistan - Les arts
du Gandhara, Terre de rencontre
Musée des Arts asiatiques–Guimet
21 avril 2010 – 16 août 2010
Exposition organisée par le musée des arts asiatiques Guimet et le Centre
National d’Art et d’Expositions de la République fédérale d’Allemagne à
Bonn.
L’exposition de Paris dont le commissaire est Pierre Cambon, conservateur
en chef au musée Guimet, reprend sous une forme modifiée l’exposition
conçue par le professeur Michel Jansen et le docteur Christian Luczanits,
présentée sous le titre Gandhara. The Buddhist Heritage of Pakistan
Legends, monasteries, and Paradise
Cette exposition d’envergure internationale unique en France, présente
près de 200 œuvres gréco-bouddhiques exceptionnelles et caractéristiques
du Gandhara.
Le Gandhara est un ancien royaume d'influence hellénistique qui recouvre
les provinces du Nord-Ouest de l’actuel Pakistan. Cette civilisation
contemporaine des mondes romains à l'ouest, des Han chinois à l'Est,
trouve son essor entre le Ier et le IIIème siècle de notre ère, au temps
des successeurs d’Alexandre le Grand et de l’empire Kouchan.
Terre de rencontre, terre de Bouddhisme, terre d’invasions et d’échanges,
mais aussi terre de culture ancienne, et de diversités, le Gandhara voit
naître et se développer une civilisation brillante mêlant les influences
grecques, fruits des conquêtes d'Alexandre le Grand, aux inspirations
perses et indiennes. Sous la dynastie des Kouchans, l'art du Gandhara va
s’épanouir à travers le bouddhisme.
Dans cette exposition, vous retrouverez des statuettes, des statues du
Buddha et des vénérés (boddhisattva…), des bas-reliefs de temples et de
stupas, mais également des terres cuites et des stucs de monastères ou de
palais.
Ces œuvres sont en partie issues du site archéologique de Taxila, à 40 km
d’Islamabad, la capitale pakistanaise, qui, de par sa situation
géographique, favorisa un brassage de populations et de cultures. Taxila
abrite aujourd'hui les vestiges de trois villes successives et de nombreux
sites monastiques témoignant du raffinement des époques où la cité connut
son apogée.
La civilisation du Gandhara disparaît peu à peu après les invasions des
Huns laissant en héritage un art qui influencera durablement les pays de
Haute Asie (Asie Centrale, Chine, Corée et Japon).
Publications
- Album de l’exposition Pakistan – Terre de rencontre – Ier - VIème
siècles. Les arts du Gandhara ; coédition Rmn / Musée ; ouvrage réalisée
sous la direction de Pierre Cambon 22 x 28 cm ; 160 p. ; 150 illustrations
couleur ; Relié.
- Hors-série Connaissance des arts
- Hors série Art Absolument.
Horaires
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 18 h.
Fermeture de la caisse à 17h30, des salles à 17h45.
Fermé le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai
Audio guides gratuits pour les collections permanentes
Accès musée Guimet
6, place d’Iéna- 75116 Paris
Tél. : 01 56 52 53 00
www.guimet.fr
Le 30 septembre 1981 est à jamais fixé dans la mémoire collective des
français, date à laquelle le garde des Sceaux, et ministre de la Justice,
Robert Badinter, obtint l’abolition de la peine de mort. Comment expliquer
ces deux siècles d’attente depuis qu’en 1791, Le Peletier de Saint-Fargeau
avait, lui aussi, réclamé l’abolition de la peine capitale aux députés de
la Constituante… Deux siècles pendant lesquels, gouvernants, philosophes,
écrivains, religieux et autres penseurs vont discuter, réfléchir,
argumenter sur la valeur d’une peine, qui après avoir relevé de
l’omnipotence d’un Dieu ou de l’autorité absolue d’un Roi, tempérée par le
droit de grâce, ne sera plus administrée, dans la logique des Lumières,
que par l’homme et l’homme seul. Mais l’homme peut-il juger de l’action
des hommes ?
L’exposition « Crime et châtiment » actuellement et jusqu’au 27 juin 2010,
au musée d’Orsay, raconte deux siècles de cette sombre fascination pour
nombre des plus grands artistes peintres, écrivains, journalistes,
cinéastes, sculpteurs, caricaturistes…
Aux origines, il y a bien sûr cette histoire de famille qui a mal tourné,
Caïn tue son frère Abel, et nous entrons dans la spirale de transgression
de la plus fondamentale de toutes les lois bibliques qui régissent nos
sociétés humaines. Caïn, le fratricide ouvre le ban des crimes de toutes
espèces, parricide, infanticide, régicide, génocide. Le mal est entré en
chaque homme. Eternel puni et fugitif, Caïn vivant depuis dans la
culpabilité introduit aussi la question de la punition, du châtiment.
Crimes, prisons, décapitations, autant de thèmes qui parcourent en tous
sens l’art depuis la Révolution française et ses premières tentatives pour
abolir la peine de mort… Qu’ils soient bibliques, passionnels ou bien
crapuleux, politiques ou crimes de sang, tous décuplent, par la peinture,
le dessin, la photographie, par la presse ou les grands textes
littéraires, poèmes ou déclarations politiques, une certaine puissance
fantasmatique sur nous.
Dans un parcours construit autour de sept chapitres, le visiteur est
invité à se positionner (qu’il le veuille ou non) lui-même face aux
crimes, à la justice des hommes, aux châtiments, car nul n’est épargné
dans cette déambulation historico-artistique. En effet, si l’on admire
l’œuvre ou son auteur, les sujets peuvent vite nous incommoder par la
puissance des interprétations de Falguière à Picasso en passant par David,
Munch, Schiele, Goya, Géricault ou Degas… Mais aussi par les écrits et
dessins d’Hugo, Baudelaire, Bloy, Camus, Marat ou encore Diderot… Tous ont
été fascinés par ce côté plus qu’obscur de l’être humain capable de tuer
son semblable de sang froid comme sous l’emprise de la folie. Si certains
d’entres eux cherchent à capter l’instant même, l’émotion à son paroxysme
du condamné qui va mourir ou de celle de la victime, pétrifiée dans cette
mort inattendue, tous, dont la représentation artistique et libre de ce
que signifient le crime et son corollaire, auraient pu être d’accord avec
Robert Badinter, lorsque dans le catalogue de l’exposition, il se pose les
questions mêmes de qu’est-ce qu’un crime au-delà de ses définitions
légales ? Pourquoi l’homme est-il toujours et partout un être criminel ?
Que signifient ces châtiments, aux formes diverses, que la société inflige
à ceux qu’elle condamne ? Cette exposition, grâce à l’art, nous éclaire
sur ce double mystère de l’homme criminel et de la société punitive. «
Mais qu’est-ce donc que l’exécution capitale, sinon le plus prémédité des
meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être
comparé. » Albert Camus, dans cette simple phrase pose et résume
absolument ce que la peine de mort est en son essence même, un crime
collectif dilué dans cette même conscience collective et approuvée de tous
puisque la décision n’incombe pas directement à chacun d’entre nous, et
qui fait qu’il a pu se répéter depuis 1792 quand il est décidé que les
exécutions se feront par décollation et que la guillotine, jugée plus sûre
et moins cruelle pour le condamné, sera l’outil du supplice.
Le crime fascine
jusqu’à entamer des recherches scientifiques pour tenter de déterminer
s’il existe un ou des profils physiques et psychologiques du criminel. Les
scientifiques pensent donc que le crime peut s’expliquer et le criminel se
deviner.
Benedict-Augustin Morel établit alors la théorie de la dégénérescence qui
remet en cause ce libre arbitre qui tend à s’effacer avec la naissance de
la phrénologie (étude du caractère et des fonctions intellectuelles de
l’homme d’après la conformation extrême du crâne, fondée par F.J Gall en
1831, aujourd’hui complètement abandonnée), puis de l’anthropologie
criminelle (travaux de Lombroso, naissance de la police scientifique en
1878 avec les bases de l’identification judiciaires, posées par Bertillon)
qui voudra démontrer que l’homme, par atavisme, par dégénérescence, par
atteinte de ses facultés mentales, peut se révéler comme un criminel-né ou
un criminel en puissance, ce qui posera la question de la reconnaissance
de la responsabilité du mal et s’il faut punir ou soigner. La science, la
presse et son imagerie plus que suggestive, ont fait avancer la vision de
la petite et grande criminalité, mais cet étalage de faits-divers répandus
dans la population amène aussi cette idée que le crime peut toucher tout
le monde et que donc, une forme de punition ou vengeance collective, pas
toujours consciemment mesurée, peut mener le meurtrier jusqu’à la
guillotine. Sans toutes ces étapes, artistiques, politiques, littéraires,
scientifiques, philosophiques, journalistiques, auront été nécessaires sur
le chemin de l’abolition de la peine de mort.
Qui sait si, celle qui ouvre l’exposition, ne fonctionnerait pas encore
aujourd’hui ? Victor Hugo qui mena toute sa vie un combat acharné contre
la peine capitale (les derniers jours d’un condamné), la définit comme «
un crime permanent, comme le plus insolent des outrages à la dignité
humaine, à la civilisation, au progrès car toutes les fois que l’échafaud
est dressé, nous avons reçu un soufflet », aura quant à lui plaidé pour
que l’humanité gagne sur la barbarie qui semble bien être une des
caractéristiques humaines… Le crime et le châtiment, c’est bien sûr aussi
l’histoire de la justice, et cette dernière n’est pas oubliée avec un
espace qui lui est consacré. L’enfermement comme châtiment (car ignorée
sous l’ancien régime, la prison devient une sanction en 1791), après le
procès et ces caricaturistes (Honoré Daumier, lui-même emprisonné le 31
août 1832 coupable d’impertinence, excitation à la haine et au mépris du
gouvernement du roi), ces portraits de juges, cette porte de cellule
gravée du passage de chacun des détenus et qui deviendrait presque une
œuvre d’art à part entière, mais témoigne avant tout de la privation de
liberté. Du mythe fondateur, en passant par l’assassinat de Marat, ou
celui de Le Pelletier de Saint-Fargeau (proche de Robespierre), de
l’affaire Fualdès (ex procureur assassiné à Rodez) à Lacenaire (le
criminel poète), des cannibales de la république de Weimar à la
représentation des dites femmes fatales du 19ème siècle qui mènent l’homme
à sa perte, de l’histoire de la prison à la scène de crime et aux gueules
d’assassins, de l’art de la folie à la machine de Kafka, du surréalisme
alléché par le crime à nos jours, rien ne pourra vous laisser insensible.
Vous serez touchés, bouleversés ou écœurés, mais rien ne vous laissera
indifférent au cours de cette déambulation dans le côté sombre et « anti
héros » de l’humain qui laisse éclater cette violence criminelle que les
artistes peintres ont certainement fantasmé visuellement de manière plus
intense que les écrivains.
Cette exposition appelle aussi à réfléchir sur le combat des
abolitionnistes à travers le monde quelque soit le pays, le régime
politique en place et la culture concernés. Combat dur qui prendra encore
beaucoup de temps. L’histoire de la peine de mort est loin d’être
terminée.
« Crime et châtiment », exposition de Jean Clair de l’Académie française
et conservateur général du patrimoine, d’après un projet de Robert
Badinter, est présentée au musée d’Orsay jusqu’au 27 juin 2010.
Les nombreux et savoureux rendez-vous autour de l’exposition qui vous
attendent au musée Orsay, concerts, café littéraire, projection de films,
conférences, visites/conférence, activités pour le jeune public, la nuit
du crime spécial 18/25 ans et une micro fiction sur Internet seront aussi
de très bons soutiens pour s’imprégner encore un moment de cet univers qui
a tant fasciner les artistes.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.musee-orsay.fr
Pour Lexnews, Evelys Toneg
Musée du Jeu de
Paume
William Kentridge, cinq thèmes
du 29 juin au 05 septembre 2010
William Kentridge, cinq thèmes
du 29 juin au 05 septembre 2010
Le Jeu de Paume présente, pour la première fois en France, une
rétrospective de l’artiste sud africain William Kentridge, organisée par
le San Francisco Museum of Modern Art et le Norton Museum of Art.
Né à Johannesburgh en 1955, William Kentridge a d’abord suivi des études
de sciences politiques avant de se tourner vers l'art.
Connu essentiellement pour ses films d'animation composés de dessins au
fusain, cet artiste travaille aussi la gravure, le collage, la sculpture,
la performance et l'opéra. Associant le politique et le poétique, William
Kentridge entreprend dans son œuvre graphique, comme dans ses
installations et ses films, de dénoncer l'apartheid et le colonialisme :
"Je pratique un art politique, c'est-à-dire ambigu, contradictoire,
inachevé, orienté vers des fins précises : un art d'un optimisme mesuré,
qui refuse le nihilisme."
"William Kentridge, cinq thèmes" s’articule autour des grands thèmes qui
ont mobilisé Kentridge depuis les trente dernières années, au travers
d'une importante sélection de ses œuvres de la fin des années 1980 jusqu’à
nos jours. Mettant l'accent sur ses productions les plus récentes comme
Learning from the Absurd : The Nose (2008), l'exposition révèle, pour la
première fois en France, le très large éventail de son œuvre.
Cette exposition, organisée par
le San Francisco Museum of Modern Art
et le Norton Museum of Art,
a bénéficié du soutien
de la Koret Foundation
et du National Endowment for the Arts.
Commissaire : Mark Rosenthal,
conservateur adjoint au Norton Museum of Art.
"William Kentridge, cinq thèmes"
est présentée au Jeu de Paume,
du 29 juin au 05 septembre.
Neuflize Vie, mécène principal du Jeu de Paume,
soutient cette exposition.
La nouvelle exposition du musée Rodin est consacrée aux arts décoratifs et
à la décoration monumentale. À travers le thème « Corps et décors », nous
est dévoilée une dimension inconnue de l’œuvre d’Auguste Rodin, maître de
ces lieux, dont on oublie trop facilement qu’il a commencé sa carrière
comme sculpteur ornemaniste. Formé à la Petite École de dessin et
d’architecture, Rodin a travaillé dans l’atelier de Carrier-Belleuse dès
1870. Il participa à plusieurs chantiers de décorations monumentales comme
la Bourse de Bruxelles, le théâtre des Gobelins ou encore les fontaines du
Trocadéro. On savait déjà que Rodin avait aussi réalisé des masques et
autres mascarons de façades que l’on peut admirer sur certains monuments
de Paris. Intégrant la manufacture de Sèvres en 1879, il y produit de
nombreux vases décorés. L’art ornemaniste est trop souvent relégué à un
rang mineur dans l’histoire de l’art, bien que de très grands artistes s’y
soient essayés et même y ont trouvé leur mode privilégié de création. «
L’ornement n’est pas un crime », rappelle avec humour François
Blanchetière, commissaire de l’exposition et superviseur du catalogue.
L’exposition « Corps et décors » propose justement un parcours et une
réflexion sur la place qu’a occupée Auguste Rodin dans l’univers des arts
décoratifs et de la décoration monumentale. À travers toutes les œuvres
exposées, l’exposition ouvre aussi le débat sur nombre de questions
caractéristiques de la fin du 19e siècle comme l’unité des arts, le
dépassement des styles historiques, la valeur ornementale d’une œuvre…
Rodin, fort de son expérience d’artiste ornemaniste conduit des recherches
sur les matériaux et les changements d’échelle, revisitant ainsi ses
propres créations. Le parcours de l’exposition nous permet de revivre,
entouré « d’œuvres clés », ce à quoi Rodin lui-même, en son temps, fut
confronté.
« L’œuvre d’Auguste Rodin est pareille à un monde immense, et son génie
évoque l’idée d’une force naturelle dont la puissance créatrice emprunte,
pour se manifester, tous les verbes de l’art. », écrivait Roger Marx dans
son livre « Rodin céramiste – 1907 ». Cet aspect, peu étudié de l’œuvre de
Rodin, était considéré jusqu’à peu, plus comme des travaux alimentaires de
jeunesse bien que Rodin ne cessa jamais d’y consacrer une part de son
activité. Bustes décoratifs, cariatides, vases et essais d’émaillages,
croquis, œuvres originales pour ses mécènes, recherches pour la Porte de
l’Enfer, dans tous les cas, c’est le corps humain qu’il étudiait, tant par
le dessin (de très beaux dessins sont exposés en introduction de
l’exposition), en modelage, sur papier comme dans la terre, le plâtre, le
marbre, les bronzes, la porcelaine, le grès ou la pâte de verre. Les 165
œuvres sélectionnées, de toutes tailles et de toutes matières, pourraient
nous donner le tournis…
Or, le parcours
de l’exposition est tout à fait évolutif, suivant le choix des 5 grands
sujets traités ici. Le premier espace introduit avec de nombreux dessins
préparatoires au travail d’ornemaniste de Rodin en passant par les mécènes
et collectionneurs de l’époque ; Maurice Fenaille et Joseph Vitta en
étaient les principaux avec leurs commandes monumentales, et laissent
deviner à quel point ils souhaitaient intégrer Rodin dans leur cadre de
vie.
Pour arriver à
la création libre de cet artiste d’exception, la mise en espace de cette
exposition, laisse l’esprit flâner, le regard n’est pas agressé et se
laisse volontiers attiré par de délicats essais de cuissons d’émaux, de
petits plâtres, des morceaux d’architecture complexe, des études, des
esquisses et autres croquis d’œuvres monumentales que l’on découvre être
celles du maître. Cette façon de revisiter les œuvres parfois
retravaillées à différentes échelles, montre bien que la création ne
saurait être figée dans le temps, et que si Rodin lui-même s’amusait à cet
exercice, peut-être est-ce justement pour prouver également qu’il lui
restait toujours beaucoup de recherches à mener autour de ses propres
réalisations. « Comme à son habitude, Rodin semble s’être investi avec
passion dans ce nouveau domaine de création qui s’offrait à lui, et les
liens profonds de ses décors pour Sèvres avec ses dessins, ses gravures et
ses sculptures montrent qu’il est réducteur d’essayer de comprendre chacun
de ces champs d’expression artistique indépendamment des autres.
Toutefois, il est probable que l’œuvre céramique de Rodin aurait été plus
vaste et plus aboutie sans la lenteur paradoxale de ce modeleur virtuose
qui avait le plus grand mal à mettre un point final à ses œuvres. » Ce
qu’écrit là, François Blanchetière, dans le catalogue de l’exposition,
traduit bien ce que l’on ressent en sortant de ce lieu lumineux.
Vous avez donc jusqu’au 22 août pour découvrir cette partie de l’œuvre
d’Auguste Rodin, au musée Rodin même, et vous plonger dans l’univers de
l’artiste belge Wim Delvoye qui expose sa cathédrale dans la cour d’entrée
et quelques œuvres tout à fait étonnantes au 1er étage de l’hôtel Biron.
Une plaquette spéciale « carnet de jeux » pour les enfants permet de
découvrir et de chercher quelques indices, éveillant l’observation des
plus jeunes guidés ou pas de leurs parents…
Des visites-conférences, des rencontres, une journée d’étude (prévue
autour de l’exposition le jeudi 20 mai 2010) sont organisées pour
compléter les visites et répondre à la curiosité des visiteurs.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.musee-rodin.fr
Catalogue de l’exposition «Corps et décors – Rodin et les arts décoratifs»
- sous la direction de François Blanchetière et William Saadé.
Editions musée Rodin et Alternatives et Gallimard éditions.
Format 24,5 cm X 30 cm.
272 pages – 340 illustrations.
Et le carnet de l’exposition « Rodin. Corps et décors »
En partenariat avec Beaux Arts magazine
Format 16,5 cm X 24 cm
48 pages
Pour Lexnews, Evelys Toneg
Autres maîtres de
l'Inde * Créations contemporaines des Adivasi
musée du quai Branly
C’est jusqu’au 18 juillet 2010 que le musée du quai Branly accueille, dans
la galerie jardin, une exposition événement tout à fait remarquable «
Autres Maîtres de l’Inde * Créations contemporaines des Adivasi ».
Dépaysement et surprises assurés pour tous ceux et celles qui iront
s’immerger dans les différents Arts traditionnels, populaires et tribaux
trop peu connus des Adivasi. Les Adivasi ne sont pas un peuple que l’on
aurait découvert récemment après des années de recherches d’archéologie,
d’anthropologie et d’ethnologie ! Non ! Adivasi veut dire les premiers
habitants, en sanskrit. A l’écart des castes et des communautés hindoues
les plus importantes et reconnues par le gouvernement indien et sa
constitution, vivent encore aujourd’hui des peuples isolés dans les
montagnes, les forêts, loin des mégapoles indiennes, détenteurs de
traditions séculaires et des pratiques culturelles subtiles. Cette
exposition évoque l’art et la culture visuelle des communautés de l’Inde
rurale qui compte aujourd’hui soixante millions d’hommes et de femmes
répartis sur l’immensité du territoire. « Autres Maîtres de l’Inde » fait
référence aux artistes tribaux et populaires marginalisés, académiquement
et politiquement, par ceux qui gèrent et étatisent quelque peu l’art.
Loin d’être des produits commerciaux, bien qu’ils l’aient été et que des
économies locales aient pu se développer grâce à ces productions, cette
exposition propose un voyage géographique et visuel à travers la
créativité rurale et tribale, de la tradition à la contemporanéité, voyage
qui montre les mutations d’identité sous l’influence d’une modernité
pénétrant le quotidien des populations rurales par diverses voies de
contact et de communication. Cette exposition explore la nature de ces
voies et la façon dont les individus assument l’arrivée de cette modernité
dans leur culture orale et visuelle, et c’est par le transfert de cette
mutation culturelle que les artisans de toutes ces populations intègrent
la sphère artistique, nous explique Jyotindra Jain, commissaire général de
cette exposition. Historien d’art et anthropologue dans les cultures
populaires de l’Inde, il a été remarqué pour ses travaux novateurs en
muséologie notamment le nouveau souffle qu’il a donné aux arts
traditionnels et à l’artisanat de l’Inde y compris celui des zones
tribales. Il enseigne actuellement à la « School of Arts and Aesthetics »
à l’université de New Delhi. Les pièces exposées, photographies,
sculptures en bois Bhuta, gravures, figurines miniatures, peintures
Rathava, poteries et bas-reliefs d’argile des femmes Chgattisgarh, bronzes
Bastar…et autres documents d’archive offrent une palette de couleurs et de
matières tout à fait exceptionnelle.
C’est en suivant un parcours géographique traversant onze régions que
l’exposition « Autres Maîtres de l’Inde » nous fait découvrir les
caractéristiques de chacun des univers artisanal et artistique des peuples
Adivasi.
Le ton est donné. De monumentales et impressionnantes sculptures, pièces
artisanales d’Ayyanar commandées spécialement à l’occasion de cette
exposition, accueillent les visiteurs dans les jardins et à l’entrée
principale du musée.
Ce voyage commence par un espace consacré à la représentation des
communautés tribales sur lithographies, gravures, films, photographies,
sorte de panorama historique des différents regards portés sur les peuples
autochtones des campagnes et des sociétés tribales en Inde qui s’appuie
sur des documents ethnographiques où l’on peut voir que les Adivasi
étaient observés, étudiés et même classifiés comme des « indigènes
exotiques ». La description de l’identité tribale qui a caractérisé ces
clichés anthropologiques du début du siècle est aujourd’hui au cœur de la
photographie contemporaine et le travail de Dayanita Singh fixant dans ses
clichés la vision que les musées indiens donnent aux Adivasi ou celui de
Pablo Bartholomew qui s’intéresse à ceux que les Adivasi transmettent
d’eux-mêmes, en sont des exemples concrets. La scénographie de Stéphane
Maupin, très lumineuse, joue sur différents espaces qui ne sont pas
séparés puisque les Adivasi sont tous indiens et chaque genre d’objet est
savamment mis en valeur sur différents niveaux. Le regard passe ainsi de
pièces en bois sculptés Butha assez grandes à des figurines Kondh en
passant par des fenêtres ajourées comme de la dentelle avec leurs petits
personnages assis, peintes de couleurs vives, et encore des chevaux et
vaches géants, tissus tendus et toiles de toutes dimensions ; le regard et
les sens sont sollicités de toutes parts et le voyage est réussi.
Un second espace réunit les peuples représentés à travers leurs
productions artistiques, rituelles et matérielles. Partons en Inde du sud
dans l’état du Karnataka où pour jouir d’une bonne santé, de prospérité,
mais aussi pour éviter le courroux des esprits fâchés (esprits des
ancêtres, des parents et même des animaux disparus), il faut pratiquer le
culte des Butha. Parfois représentées par une niche vide, par un piédestal
avec ou sans masque, ou image de métal, des pierres brutes, des flèches et
des poignards en bois ou en métal, ou encore par des formes
anthropomorphes et animales, les sculptures en bois du culte Butha sont
les demeures d’esprits traditionnellement sculptées par les menuisiers
dans du bois de jaquier et de grandes dimensions. On les trouvera
principalement dans les sanctuaires, les maisons ou les lieux
communautaires, dans les champs, à la périphérie des villages voire aussi
dans les grandes villes. Au sud-est de l’Inde, les habitants des îles
Nicobar créent des sculptures liées à la tradition orale et au mythe des
origines des Nicobarais, quand ils habitaient les royaumes de la mer, de
la terre et du ciel, qu’ils traversaient via la sphère magico-religieuse.
Dans les maisons, les esprits des ancêtres de la famille habitent les
sculptures et font partie intégrante du cadre domestique, vivant en
harmonie avec ceux des deux mondes, représentés par les images comme les
planches Hentakoi, panneaux de bois peints réalisés avec des couleurs
organiques évoquant les éléments naturels et les ancêtres, soleil et lune.
Ce sont des repères tangibles dans un monde animiste et rempli d’esprits.
Toutes ces productions permettent d’établir un lien avec l’espace-temps
dont les frontières sont perméables. Eclairée par des sources de lumière
très contemporaines et ludiques, une série de figurines et objets de culte
en métal des groupes Kondh (région d’Orissa) et Gond (région Chhattisgarh)
vivant éparpillés sur d’immenses forêts, illustre par dizaine de
miniatures, les rites de chaque étape de la vie, de la naissance à la
mort. Rien n’est plus impressionnant que les productions artistiques des «
terracotta », gigantesques figures de terre (aujourd’hui en ciment et
béton) de plusieurs mètres de hauteur et aux couleurs vives et voyantes,
figures votives offertes par les fidèles en remerciement de la protection
d’Ayyanar, dieu qui mène sa chasse nocturne contre les esprits maléfiques
avec son cortège de chevaux et de guerriers. Ces œuvres sont réalisées par
les potiers Kusavan et Velar du Tamil Nadu qui sont également prêtres du
culte Ayyanar. Sont représentés des chevaux, des vaches, des bœufs et des
éléphants, des chiens, des gardes et des guerriers ; on trouve ces géants
colorés au centre des sanctuaires à ciel ouvert consacré au culte du dieu.
Dans l’Inde centrale, les murs racontent des histoires ! Les fermiers de
la région de Sarguja ont coutume de fabriquer de grands récipients
d’argile qu’ils agrémentent de reliefs rehaussés de motifs colorés. On
trouve dans les cours et les maisons de ces villages, des réalisations
faites par les femmes, véritables univers de motifs décoratifs, de
personnages humains, de dieux, d’animaux, d’oiseaux. Spécialement pour
cette exposition, les artistes Sundaribai et Pavitra Prajapati ont réalisé
des fenêtres et panneaux muraux dont l’imagerie est liée à leurs vies,
leurs enfances, aux rites de passage dans la vie des femmes, et renvoient
à leurs souvenirs personnels ainsi que ce qu’elles ont découvert à travers
le monde. Aujourd’hui leurs œuvres sont reconnues dans celui de l’art.
Signalons le panneau aux singes d’une beauté sensible et très élaborée.
Seuls les potiers de Molela, un village situé près de Nathadwara, (ouest
de l’Inde) peuvent réaliser ces plaques de terre cuite, initialement
destinées au culte que l’on trouvait dans les petits sanctuaires consacrés
aux ancêtres disparus, aux héros et aux satis (veuves qui se sont
immolées), mais aussi aux dieux et déesses locaux représentés en relief et
sous leur forme anthropomorphe sur ces plaques de terre cuite.
Khermraj,
artiste disparu trop tôt, fût le premier à créer des panneaux à caractère
narratif et à usage profane, racontant ainsi l’évolution de son village
vers la modernité se libérant aussi de la vocation rituelle créant une
œuvre plus individuelle. De ce magnifique panneau réalisé avec des
dizaines de plaques de terre cuite, il émane une grande douceur et une
précision d’exécution. Dans les montagnes et les forêts de Vadodara et
Panchmahal, au Gujarat, (dans l’ouest de l’Inde), vit un grand nombre de
tribus rathava. Pithoro est une de leurs divinités majeures qui joue un
rôle capital dans le mythe de la création et pour le remercier, les hommes
de la communauté réalisent des peintures colorées qui représentent
l’empire céleste des dieux. Ces peintures sont traditionnellement
réalisées sur des murs de terre, mais pour l’exposition « Autres Maîtres
de l’Inde », les artistes ravatha les ont produites sur des toiles. C’est
donc un immense privilège que de pouvoir les admirer au musée du quai
Branly et d’y voir se mélanger, et le contexte mythique et les éléments
typiques de l’époque actuelle. La qualité des couleurs, le bleu, les
ocres, les verts sont d’une grande subtilité. Toujours dans l’ouest de
l’Inde, la communauté nomade Waghri du Gurajat a réalisé une tenture de
cinq mètres de long que l’on appelle Mata-ni-Pachedi (Mata : déesse, ni :
appartenir à, Pachedi : derrière). Les étoffes étaient rectangulaires et
divisées en neuf colonnes, se rapprochant du format d’un manuscrit et
permettait la lecture du récit conté dans la composition, de haut en bas
et de gauche à droite. Chaque colonne contenait sa propre histoire et le
tout formait le « protomythe ». Ces textiles imprimés étaient bordeaux et
noir, et la surface du tissu constituait une troisième couleur. Les motifs
linéaires sont composés d’une imagerie pointilliste. Traditionnellement,
la symbolique des couleurs était très importante puisque le bordeaux était
associé à la déesse Terre, le noir servait à repousser les mauvais esprits
et augmentait l’énergie spirituelle, et le blanc représentant la pureté
était un intermédiaire entre les hommes, les esprits ancestraux et les
divinités. Cette forme d’art traditionnel est une véritable rareté. Les
Santhal, peuple animiste, minoritaire, vivant en petits groupes isolés à
l’est du continent avaient leur propre religion appelée Sarna. Les Santhal,
de tradition orale (pas de système d’écriture avant 1920) et croyant
profondément au caractère éphémère des choses (notamment la beauté sous
toutes ses manifestations) vivant dans un monde magico-religieux, peuplé
d’esprits, d’animaux, de montagnes qui touchent à la divinité aux côtés
d’autres figures anthropomorphes. Leurs rituels s’expriment par la musique
et la danse, et il n’est guère surprenant de retrouver la délicatesse des
mouvements et des sons dans les bas-reliefs sculptés sur les instruments
de musique ou sur les rouleaux de papier illustrés par les Jadupatua
(peintres magiques) ou se déroule l’histoire de leur mythe de création.
Les sculptures sur bois, instruments de musique, rouleaux, masques
racontent différents mythes fondateurs de leur culture. Mais dans les
villages montagneux du nord-est, vivent des communautés guerrières
repliées sur elles-mêmes qui sont représentées dans cette exposition à
travers des bijoux, des vêtements d’apparat, des sculptures de guerriers
en bois et autres tenues guerrières. Egalement de tradition animiste, les
Naga voyaient dans leurs rituels une façon de comprendre le monde en
perpétuelle transformation. Leur créativité artistique est aujourd’hui
encore, très inspirée de leur tradition orale et du mythe des origines.
Les Naga accordent une importance majeure à l’égalité entre hommes,
guerriers, protecteurs et femmes et cet aspect de leur vie culturelle et
sociale se retrouve dans leurs art, sculpture et sculptures guerrières
d’une part et bijoux et textiles d’autre part.
Un troisième et dernier espace est consacré à une série de peintures
populaires contemporaines qui nous fait découvrir les nouvelles voix de la
peinture tribale actuelle. Depuis une trentaine d’années, les artistes
comme Bhuridai, Anand Shyam, Deep Shyam et Nankusia Shyam, ici exposés, se
sont installés en ville et le processus d’assimilation du monde tribal
dans l’univers attitrant des grandes villes se dévoile dans les œuvres de
ces jeunes artistes. Cette expérience de vie citadine et la découverte de
matériaux nouveaux et du concept du marché de l’art leur ont ouvert de
nouveaux horizons d’expression visuelle. Les toiles exposées, fameux
mélanges des représentations de la ville et de l’univers mythologique des
communautés donnent un ton joyeusement coloré et plein de vie, voire
d’humour aux sujets traités que l’on pourrait qualifier d’ère postethnique.
Comme deux invités mis à l’honneur, les artistes Jivya Soma Mashe et
Jangarh Singh Shyam, sont connus mondialement et présents au plus haut
niveau du marché de l’art. Jivya Soma Mashe est originaire de la tribu
warli. Il a commencé à peindre tout petit (âgé aujourd’hui de
soixante-quinze ans) alors que cet art était celui que les femmes se
transmettaient de mère à fille. Grâce à lui, peindre est devenu un moyen
d’expression artistique pour les hommes de sa communauté. A partir des
années soixante-dix, il explora des thèmes plus narratifs que
l’iconographie traditionnelle avec, comme il le dit dans un document
filmé, l’envie de peindre ce qu’il voit dans les champs, aux bords des
rivières, à la chasse, bref des scènes narratives jusqu’à celles de ses
voyages personnels. Son travail et sa technique, inspirés des peintures
traditionnelles des aborigènes d’Australie (support naturel – enduit à
base de bouse de vache, dessins au trait à l’aide d’un bâtonnet et
peinture blanche – anciennement à base de farine de riz mais aujourd’hui
acrylique), se caractérisent par une construction singulière de l’espace
pictural, divisé en son centre de façon horizontale, verticale ou
diagonale où chaque personnage, chaque élément végétal, minéral ou animal
y trouve sa juste place, dans une minutie et une délicate harmonie de
pleins et de vides. L’œuvre de Jivya Soma Mashe est certainement
intemporelle et c’est ce qui touche l’âme. Jangarh Singh Shyam, jeune
peintre de la tribu des Pardhan Gond, mort prématurément à trente-sept
ans, laisse à ses contemporains, une œuvre colorée à souhait. Installé à
Bhopal où il découvre l’art moderne indien, il est le premier à exploiter
cette forme artistique (toile de grande dimension, peinture acrylique,
mélange de sujets) pour exprimer dans un style pointilliste à motifs
géométriques des événements très personnels. D’autres peintres de sa tribu
s’en inspirent et nait alors le style collectif « peinture gond ». Il
peint les légendes de sa communauté tout en y intégrant des images de son
environnement urbain. Dès son arrivée à Bhopal dans les années
soixante-dix et jusqu’à sa mort, au Japon, en deux mille un, il a été un
artiste reconnu. Ses toiles exposées au musée du quai Branly dans le cadre
de l’exposition « Autres Maîtres de l’Inde » sont un bel hommage à sa
créativité et à son œuvre inachevée.
Ainsi que le souligne très justement Stéphane Martin, le président du
musée du quai Branly, il y a encore peu de temps, seules les grandes
civilisations étaient accueillies dans les musées… Aujourd’hui et avec des
initiatives comme celle-ci, la création vivante de peuples autochtones
jusqu’alors méconnus sort de l’ombre et grâce aux talents réunis des
artistes représentés ici, « Autres Maîtres de l’Inde » érige l’art tribal
et populaire au rang d’art mondial, patrimoine commun de l’humanité.
Cette promenade à travers ces arts aux couleurs d’épices, aux matières
simples, ces artistes inspirés par la nature et leurs regards sur leurs
cultures prises dans le tourbillon du modernisme, nous laisse l’âme
rêveuse, les yeux pleins de lumière et le cœur en fête. C’est donc une
invitation à aller voir cette très belle exposition.
Autour de cet événement, vous pourrez voir des spectacles, films, des
concerts, ateliers de création et assister à des conférences, dont les
thèmes et les dates sont disponibles sur le site du musée.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.quaibranly.fr ou sur
contact@quaibranly.fr
Evelys Toneg
Qumrân. Le
secret des manuscrits de la mer Morte
du 13 avril 2010 au 11 juillet 2010
Un bédouin, Mohammed dit « le loup », découvre en 1947, dans une grotte de
Qumrân, au bord de la mer Morte, sept rouleaux de cuirs écrits en hébreu.
C'est ainsi que débute la plus importante et incroyable aventure
archéologique du XXe siècle.Entre 1947 et 1956, bédouins et archéologues
se livrent à une véritable compétition et découvrent onze grottes, de
nombreux rouleaux des livres de la Bible dont certains intacts et des
milliers de fragments vieux de plus de 2000 ans. On découvre aussi des
documents anciens témoignant de l'existence d'une secte inconnue,
contemporaine des manuscrits. Les hommes y respectaient des règles
strictes de pureté. Ils vivaient dans l'attente du Messie et se
préparaient à la guerre : à la fin des temps, conduit par un maître de
Justice, ils vaincraient à tout jamais le Maître d'Iniquité. Les
scientifiques tentent encore de répondre aux questions que soulève cette
incroyable découverte. Qui étaient les habitants de Qumrân ? Les
manuscrits leur appartenaient-ils ? Pourquoi l'accès aux manuscrits
découverts à Qumrân fut-il limité ? Le grand public aussi s'enflamma pour
le sujet : pourquoi mit-on autant de temps à divulguer le contenu des
rouleaux ? Les manuscrits dévoilent-ils des épisodes inconnus de la vie de
Jean le Baptiste ou de Jésus ? Pourquoi sont-ils encore aujourd'hui source
d'ardentes polémiques ? Retour sur la découverte et un demi-siècle de
recherche qui a permis et permet encore de renouveler notre connaissance
de la naissance de la Bible.
Informations
pratiques
BnF : Site François-Mitterrand
mardi - samedi de 10h à 19h
dimanche de 13h à 19h
sauf lundi et jours fériés
« Proust, du temps perdu au temps
retrouvé, lettres et manuscrits »
Musée des lettres et manuscrits
Le propre d’une lettre est de voyager souvent loin de son port d’origine.
Un manuscrit traverse lui aussi de nombreuses mues pour finir également
loin du lieu qui l’a vu naître. Le musée des lettres et manuscrits, qu’il
faudra plus commodément nommer « mlm » est le sanctuaire de ces
trésors enfin réunis en un lieu digne d’eux. C’est en effet dans un bel
immeuble haussmannien mâtiné de style Eiffel que ces précieuses missives
ont trouvé un lieu de repos bien mérité… Repos ? Ce n’est pas si sûr car
dés l’inauguration de ce musée habillé de neuf, ces documents voués à
l’éternité littéraire, musicale, scientifique ou artistique vont avoir une
tâche délicate : nous livrer quelques uns de leurs mystères dans une
scénographie faite d’acier, de bois et de verre, à la fois sobre et en
même temps très réussie !
A
l’Ombre des jeunes filles en fleurs. placard d’épreuves corrigées de 1914,
placé par Proust dans un exemplaire de l’édition de luxe de 1920.
Mythique placard de Proust, parmi les plus développés connus, de A l’Ombre
des jeunes filles en fleurs. Un extraordinaire témoignage du travail de
réécriture que Proust mena sur son roman pendant la guerre. Alors que les
premières épreuves des Jeunes filles avaient été imprimées en 1914 pour
Grasset, la guerre retarda la publication du livre. Proust entreprit
alors, de 1914 à 1918, un immense travail de relecture qui l’amena à
corriger et à amplifier formidablement son texte. A la demande de Gide,
Proust rejoignit finalement la M.R.F en 1916, et l’ouvrage parut chez cet
éditeur en 1918. Ces placards comportent encore d’innombrables variantes
par rapport au texte définitif. Très exceptionnel exemplaire complet de
ses placards d’épreuves corrigées, et conservé tel que paru en feuilles
dans son rarissime portefeuille d’éditeur.
L’invité d’honneur de ces nouveaux lieux ne pouvait être qu’un grand nom
des lettres et Marcel Proust fut tout trouvé. Ses lettres et autres
manuscrits, billets, placards et témoignages nourrissent la première
exposition temporaire de ces lieux. Il faudra se munir de ses lunettes et
réserver une plage suffisante dans son emploi du temps à deux pas du
Flore et des deux Magots…
C’est en effet bien du temps dont il est question lorsque le visiteur
aborde l’un des monstres sacrés d’une littérature toute accaparée par
cette recherche d’un temps perdu et d’un temps retrouvé. Le cheminement
est long chez l’écrivain et c’est dés ses premières années que la matière
de la Recherche se constitue, se compose et commence à prendre vie.
L’auteur de tous ces témoignages réunis devant nos yeux ébahis est une
personnalité d’une rare sensibilité qui imprègne chaque ligne de ces
missives. C’est dans cet encrier de larmes et de sourdes angoisses que
Proust aime à tremper la plume qui court sur toutes sortes de papiers.
Quatre-vingt-six lettres (dont une trentaine inédites !) et des envois
autographes offrent aux témoins de notre XXI° siècle une fenêtre sur
l’univers d’un écrivain de cette fin du XIX° siècle. Que d’attentions et
de prévenances, qui n’empêchent pas des fourberies et autres traits
cyniques, courants dans cette société parisienne sans concessions. Proust
y puisera toute la matière pour son immense épopée tout en entretenant des
relations étroites avec certains de ses contemporains amis des lettres,
écrivains ou artistes.
Gérard Lhéritier, maître des lieux, insiste pour que nous regardions cette
correspondance avec un autre regard « Au-delà du personnage mondain,
apparaît un homme plus sensible que vaniteux, en constante recherche
d’affections de ses proches » et le président de ce très beau musée a
vu juste. Pour mieux comprendre Proust, la découverte de sa correspondance
éclaire l’écrivain et son œuvre. Ce Proust « retrouvé » constitue une part
indispensable à la pleine compréhension de la Recherche : « Je
suis aussi peu homme du monde que possible et n’ai pas partagé pendant la
guerre le dilettantisme presque germanophile du faubourg Saint-Germain.
Vous verrez cela dans Le Temps retrouvé où on comprend que c’est parce que
M. de Charlus était hessois de famille qu’il parle avec tant d’ironie de
Mangin etc. Je crois qu’il y a là tout un chapitre avec vin neuf dans de
vieilles outres. » (Proust à Madame Léon Daudet, n° 81).
Le musée a publié à l’occasion de l’exposition Proust avec
les éditions des Equateurs un très beau catalogue qui réunit ces documents
inédits autour de Marcel Proust. L’heureux lecteur y retrouvera les
lettres et les manuscrits littéraires avec leur retranscription permettant
ainsi de les relire après leur découverte dans l’exposition. Illustré par
de nombreuses photographies, cet ouvrage sera le compagnon des amoureux de
Proust et des belles lettres !
Adresse
222, boulevard Saint-Germain, 75007 PARIS - FRANCE
Téléphone : 01 42 22 48 48
Fax : 01 42 25 01 87
Horaires d'ouverture
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu'à 20h
www.museedeslettres.fr
Une chronique de Bertrand
Galimard Flavigny
"Les passagers du vent
et les esclaves." Une rétrospective au musée de la Marine.
L’une des bandes dessinées parmi les plus
mythiques de son histoire trouve sa consécration au musée de la Marine.
« A l’origine, je ne pensais pas réaliser
une histoire purement marine, sans songer composer une histoire consacrée à
la traite négrière », confie François Bourgeon auteur et illustrateur qui a
imaginé cette histoire des « Passagers du vent » vers la moitié des années
1970, sans imaginer qu’elle deviendrait l’une des plus mythiques de celle de
la bande dessinée marine et de la BD tout court, car elle rompt les digues
qui la séparait de la littérature. Quatre albums devaient suivre jusqu’en
1984, puis plus rien. Le récit s’achève lorsque l’héroïne, dépouillée de
tout, s’élance, sous la pluie, sur une plage de Saint-Domingue, le vendredi
29 mars 1782, en disant : » Ce jour-là, j’ai failli oublier que je n’avais,
sommes toute, que dix-huit ans…et encore toute la vie devant moi ».
Vingt-cinq ans plus tard, François Bourgeon vient de donner une suite à ces
Passagers du vent, sous le titre La Petite-fille Bois-Caïman (1).
Le musée national de la Marine (2) présente aujourd’hui des planches
originales, des objets et maquettes sortis de l’atelier de cet auteur qui a
connu la mer et surtout les bâtiments de haut bord et autres navires, en
lisant Le vaisseau de 74 canons, traité pratique d'art naval, 1780 par Jean
Boudriot (3). Cet ouvrage est pratiquement le seul qui explique et décrit
d’une manière précise l’architecture, la composition de ce type de vaisseau
de ligne et également la vie à bord. « En refermant le livre, j’ai éprouvé
le désir, comme lorsque l’on vient d’assister à un bon film et que l’on
incite ses amis à aller le voir, de partager cet univers », dit François
Bourgeon. Sans coup férir, il réalisa une maquette de la frégate baptisée «
La Marie-Caroline » afin d’en apprendre et les gréements. Entre temps, il
eut entre ses mains l’ouvrage de Pierre Verger, Flux et reflux de la traite
des nègres entre le golfe de Bénin et Bahia de Todos Os Santos du XVII° au
XIX° siècle ». C’est ainsi que s’est orienté son récit. Il découvrit dans
les archives coloniales, rue Oudinot, à Paris, le plan du fort de
Saint-Louis de Juda, réalisé en 1776 par l’abbé Bullet. Relevant leurs
cotes, il les a reproduits en maquette, notamment pour étudier les ombres,
utilisant si besoin était, des miroirs afin de suivre le déplacement des
personnages. François Bourgeon est un grand lecteur qui ne cesse de croiser
et recroiser les informations qu’il glane çà et là. Les maquettes font
partie de ces croisements. Retrouvant des aquarelles figurant les
plantations de la Louisiane au milieu du dix-neuvième siècle, l’illustrateur
a su placer son décor principal de La Petite-fille Bois-Caïman.
L’histoire des Passagers du vent est
double. Elle est celle d’Agnès de Roselande dont l’identité a été volée à
cause d’un jeu d’enfants. Devenue, malgré elle Isabeau, dite Isa, elle se
retrouve embarquée sur un vaisseau du roi. Les aventures mèneront la jeune
femme en Angleterre puis en Afrique et enfin à Saint Domingue, avant que
nous la retrouvions, en présence de son arrière-petite-fille, en Louisiane,
au moment de la Guerre de Sécession. Nous sommes en présence d’un roman dans
lequel les femmes jouent le principal rôle au centre d’un conflit qui dura,
celui de la traite des noirs, jusqu’à sa suppression. François Bourgeon
conduit son récit avec des allers et retours, fournissant au lecteur les
explications qui lui semblent manquer un moment. Rien de linéaire chez lui,
il mène pourtant à bien sa bataille pour la liberté. Les deux derniers tomes
composés dans un format plus grand que celui des cinq premiers, et grâce aux
nouvelles techniques avec une colorisation plus intense, et un jeu de
vignettes superposées, sont, le mot n’est pas trop fort, remarquables.
(1) les Passagers du vent, « la Fille sous
la dunette », « le Ponton », « l’Heure du serpent », « le Comptoir de Juda
», « le Bois d’ébène », - La Petite-fille Bois-Caïman, livre 1, et 2, 70 p.
,Editions 12Bis,
(2) Musée national de la Marine, place du Trocadéro, Paris, jusqu’au 3 mai
2010.
(3) Ed. Ancre (Nice) 4 to. 416 €.
On peut lire aussi : Bourgeon, par Christian Lejale, Ed. Imagine & Co -
– François Bourgeon, le passager du temps, par François Cortegianni, Glénat
Frédéric Chopin. La Note bleue. Exposition
du bicentenaire
Du 2 mars au 11 juillet 2010
Eugène Delacroix (1798-1863)
Frédéric Chopin – 1838
Huile sur toile - Musée du Louvre, département des Peintures, Paris
Dans le cadre de la célébration du bicentenaire de la naissance du
compositeur, le Musée de la Vie romantique présente un important hommage à
Frédéric Chopin (1810-1849). Conçu spécifiquement pour la maison de la rue
Chaptal où Chopin se rendait en voisin et ami, cet hommage sera une
évocation de ses années parisiennes (1831-1849).
Il s’agira de créer une atmosphère qui soit la transcription plastique du
climat à la fois historique, esthétique et poétique où s’est épanoui le
génie musical de Chopin. Entre littérature, peinture et musique,
l’exposition se propose de faire jouer une gamme de correspondances,
d’entrer en résonance avec une couleur – celle de la note bleue que
Delacroix et George Sand entendent chez Chopin. De l’espace musical à
l’espace pictural, cette note bleue jouera comme la réverbération d’une
intériorité, d’un champ de force (comme on dit d’un champ de force
magnétique) où résonne toute la puissance poétique de l’exil, de la patrie
à la fois perdue et retrouvée. En somme interpréter pour mieux incarner…
L’exposition regroupe quelque quatre-vingt dix peintures, sculptures et
dessins de Chassériau, Clésinger, Corot, Courbet, Delacroix, Scheffer…
prêtés par les principaux musées français : Louvre, bibliothèque-musée de
l’Opéra - BNF, Carnavalet, Petit Palais, ainsi que Nantes, Rouen, Arras,
Montauban et le prestigieux Metropolitan Museum of Art, New York et de
nombreuses collections privées.
« …les phrases, au long col sinueux et démesuré de Chopin, si libres,
si flexibles, si tactiles, qui commencent par chercher et essayer leur
place en dehors et bien loin de la direction de leur départ, bien loin où
on avait pu espérer qu’atteindrait leur attouchement, et qui ne se jouent
dans cet écart de fantaisie que pour revenir plus délibérément – d’un
retour plus prémédité, avec plus de précision, comme sur un cristal qui
résonnerait jusqu’à faire crier – vous frapper au coeur ».
Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, Pléiade,
1987-1989, 4 vol. I, p. 326
Musée de la Vie
romantique
Hôtel Scheffer-Renan
16, rue Chaptal
75009 Paris
Tél : 01 55 31 95 67
www.vie-romantique.paris.fr
Accès :
- Métro : St Georges (12), Blanche (2), Pigalle (2, 12), Liège (13)
- Bus : 74, 67, 68
- Vélib' : rue Chaptal
Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h. NOCTURNE LE JEUDI JUSQU'A 20H
Fermé le lundi et les jours fériés
LA FABRIQUE DES IMAGES
Musée du Quai Branly
jusqu'au 17 juillet 2010
Comment voyons-nous le monde ? Comment vois-je le monde qui m’entoure, mon
monde et celui de ma culture ? C’est en ces termes que je me suis immergée
dans le parcours de l’exposition « la Fabrique des images » actuellement
au musée du quai Branly, Mezzanine Ouest. Etonnant parcours
anthropologique à travers les quatre grandes visions du monde qu’ont les
humains de tous les continents, de toutes les cultures. Ce sont quatre
grands modèles iconographiques créés par l’homme qui nous ouvrent aux
regards et à l’interprétation du monde des hommes d’Afrique, d’Alaska,
d’Amazonie, d’Australie, d’Amérique du nord et de l’Europe des 15ème et
16ème siècles. Nous sommes alors invités au décryptage de grandes
productions artistiques afin de voir et de comprendre ce qui n’est pas
perceptible d’emblée dans une image. C’est un fameux jeu de déchiffrement
des différents principes selon lesquels les civilisations voient et
rendent compte du monde dans lequel elles évoluent depuis la nuit des
temps, à travers ces quatre grandes approches qui sont dans « un monde
animé » : l’animisme, dans « un monde objectif » : le naturalisme, dans «
un monde subdivisé » : le totémisme et dans « un monde enchevêtré » :
l’analogisme.
C’est sous le commissariat de Philippe Descola, anthropologue, professeur
au collège de France et directeur d’études à l’EHESS, que ce dernier va
nous sensibiliser à ces 4 façons de rendre présent dans des images, tel ou
tel système de qualités prêtées aux objets du monde. Ces systèmes de
qualité sont appelés traditionnellement « ontologies » (une ontologie est
un système de distribution de propriétés. On donne telle ou telle
propriété à tel ou tel existant, qu’il soit un objet, une plante, un
animal ou une personne), or toutes les cultures n’ont pas la même
ontologie, on en définit 4 dans le monde, donc 4 façons différenciées de
percevoir des continuités et des discontinuités entre les choses. Dans
notre ontologie naturaliste qui domine l’Europe depuis l’âge classique,
l’homme se distincte du reste des êtres et des choses, car il est le seul
à posséder une intériorité (une âme, un esprit, une subjectivité).
Dans l’ontologie animiste des pays d’Amazonie, Amérique du Nord, Sibérie,
Asie du Sud-est et Mélanésie, c’est tout juste l’inverse qui prévaut, et
les animaux, plantes, et objets ont une intériorité semblable à celle des
hommes, se distinguant les uns des autres par la forme de leur corps. Dans
l’ontologie totémique (l’exposition prend pour exemple les Aborigènes
australiens), certains humains et non humains partagent, à l’intérieur
d’une classe nommée, les mêmes qualités physiques et morales issues d’un
prototype tout en se distinguant en bloc d’autres classes du même type.
Dans l’ontologie analogique, tous les occupants du monde sont dits
différents les uns des autres, raison pour laquelle on essaie de trouver
des rapports de correspondance (l’exposition présente en exemple la Chine,
l’Europe de la Renaissance, l’Afrique de l’Ouest, les Andes, la
Méso-Amérique..). La scénographie de Pascal Rodriguez, très subtile, nous
fait passer d’une ontologie à l’autre en toute fluidité, les espaces, les
couleurs, les éclairages laissent à penser que l’on est peut-être trop
attaché à une interprétation du monde particulière et que tout est à
découvrir de celle que l’on ne connaît pas encore.
Le premier espace de l’exposition s’intéresse donc à « un monde animé » :
l’animisme, une promenade troublante où de nombreux masques Yupiit
(pluriel de Yup’ik – Alaska), notamment de chamanes qui dévoilent
l’intériorité animale, les esprits auxiliaires (Tunraq) qui sont figurés
sous la forme d’un corps animal portant ou dissimulant par des mécanismes
articulés, le visage d’un humain. Masques zoomorphes qui comportent quand
même des indices ténus d’humanité, soit visage, soit membres humains
greffés au masque animal, sorte de chimère dont tous ces attributs rendent
capable une vie sociale et culturelle. Une autre façon de figurer
l’intériorité des animaux dans les régions autour du pôle Nord est la
miniaturisation. De nombreuses figurines d’ivoire de morse (culture du
Dorset et de Thulé) expriment, avec une économie de moyen, l’essentiel de
l’intériorité de l’animal, son âme (tarniq). Ce sont de minuscules modèles
réduits de l’être humain ou non humain qu’elles animent tout en opérant
certains types de métamorphoses liées à la relation avec les esprits des
animaux et leurs gardiens. Dans l’ontologie animiste, qui permet aux âmes
d’adopter différentes apparences, on n’est jamais sûr de l’identité réelle
de la personne qui se dissimule à l’intérieur du vêtement corporel que
l’on perçoit et les masques à transformation de la côte nord-ouest du
Canada vont bien plus loin puisqu’ils donnent à voir une véritable
métamorphose, un changement de point de vue, on retrouvera le même
phénomène dans les figurines inuit dîtes « à transformation ». La
manipulation des figurines animales est aussi une façon de garder les
animaux « à l’esprit » et porter sur soi une miniature animale revient à
s’attirer les bonnes grâces de l’animal en question et des esprits qui le
protègent. En Amazonie, les indiens sont plus attachés à transformer les
corps humains eux-mêmes en images, (body-painting, ajouter des pièces
animales comme les plumes, écailles, duvet, dents, os, griffes, pelage,
becs, élytres…) cherchant à retrouver la plénitude physique d’un temps
disparu. Les humains chercheraient alors à capter à leur profit, une
parcelle de l’expérience du monde des autres espèces, en revêtant un
costume animal, ils empruntent aux animaux leurs aptitudes biologiques et
donc l’efficacité avec laquelle ces derniers tirent parti de leur
environnement. Entre, les peintures de camouflage, vêtements, masques,
coiffes ou autres masques-costumes amazoniens vus et ressentis comme « les
habits des esprits » permettant de passer auprès d’autres espèces pour ce
que l’on n’est pas vraiment, on peut parler de véritables camouflages
ontologiques. De très nombreux objets et costumes illustrent le monde
animiste et en montre la dimension esthétique et plastique d’une grande
qualité.
La formule du naturalisme, dans le deuxième espace, est inverse de celle
de l’animisme. Ce n’est pas par leur corps, mais pas leur esprit que les
humains se différencient des non humains. Cette vision du monde tout
occidentale détermine deux traits spécifiques. Tout d’abord l’intériorité
distinctive de chaque être humain et la continuité des êtres et des choses
dans un espace homogène. Ces deux caractéristiques de la pensée et de la
vision du monde chez les naturalistes, voient naître une nouvelle façon de
peindre qui naît en Bourgogne et en Flandre, dans la peinture flamande dès
le 15ème siècle et met accent sur la figuration de l’individu. On voit
alors apparaître une forme de virtuosité sans cesse croissante à
représenter la peinture de l’âme (la représentation de l’intériorité comme
indice de la singularité de la personne – Jean Fouquet dans son
autoportrait – émail peint sur cuivre vers 450) et l’imitation de la
nature (la représentation de la continuité des êtres et des choses au sein
d’un monde physique qui mérite d’être observé et décrit pour lui-même
(enluminures – Lucas Gassel – vue d’une ville fortifiée avec un pont). Cet
espace montre la marque importante de l’évolution historique dans son
iconographie, résultante d’une tension entre l’intériorité et la
physicalité propres au mouvement naturaliste. Dès avant la Renaissance et
jusqu’à la naissance de la photographie, on voit cette intériorité se
dissoudre au fil des siècles et dans le domaine des images, cela se
traduit par un processus progressif d’ « immanentisation » (immanent : qui
est intérieur à un être, à un objet, qui résulte de sa propre nature). On
trouvera 4 périodes illustrant l’évolution historique de l’iconographique
naturaliste : L’émergence du sujet dans un monde objectif (15 et début du
16ème siècle), une beauté au quotidien (peinture hollandaise au 17ème
siècle), la naturalisation en marche (18ème siècle) et un monde physique
en soi et autour de soi (19ème siècle). De nombreuses peintures d’époque
et un programme multimédia (montage d’images IRM du cerveau) nous aideront
à mieux appréhender cet espace d’un monde objectif.
Dans les sociétés aborigènes d’Australie, qui illustrent le troisième
espace consacré au monde subdivisé et au totémisme, les images totémiques
révèlent une identité interne et une identité physique très profondes, qui
découlent traditionnellement du Rêve, le « the dream time », le temps du
rêve. Pour bien comprendre ce que sont les images totémiques, il faut se
pencher sur le statut général des images en Australie qui sont toutes et
partout liées aux êtres du Rêve et à leurs actions afin de mettre en ordre
le monde et le rendre conforme à leur propre organisation. On peut
appréhender deux stratégies bien différenciées qui montrent comment le
corps serait à l’origine de ce qu’il a lui-même engendré et que l’on
appellera l’empreinte du corps, illustrée par les peintures sur écorce, et
une autre qui montre comment le monde a été formé par des êtres qu’on ne
voit pas, mais qui ont laissé des traces de leur passage dans le paysage
et que l’on appelle l’empreinte du mouvement visible sur les toiles
acryliques des représentations de rêves ou de chemins codés lisibles bien
souvent uniquement par les membres d’une même classe totémique, car en
relation avec leur origine. Les Yolngu du Nord-est de la terre d’Arnhem,
peignent sur des écorces des séquences de récits qui relatent les
aventures des êtres totémiques au temps du Rêve ainsi que les éléments du
site géographique où se sont déroulés ces événements. Ces images retracent
des trajets suivis par les êtres totémiques et des représentations des
êtres du Rêve figurés sous forme animale ou végétale.
La complexité de l’ensemble témoigne du lien profond entre un groupe
totémique, un site géographique et une genèse ontologique. Ces écorces
sont l’expression d’un ordre totémique en train de se faire. Contrairement
aux Yolngu, les Kunwinjku de la partie occidentale de la terre d’Arnhem
représentant seulement l’être du Rêve et la source de cet ordre,
supprimant le contexte et les actions de ces êtres. Ils sont représentés
complètement immobiles et comme radiographiés, où squelette et organes
internes sont minutieusement dépeints. Cette anatomie interne est le
modèle de l’ordre social et cosmique ; ces images démontrent que
l’organisation totémique intemporelle s’est déployée à partir du corps
même de l’être du Rêve. Mais il existe aussi un ordre incorporé dans les
lieux géographiques que l’on retrouve dans les toiles des Aborigènes du
désert central qui prolongent une tradition autrefois exprimée par des
dessins sur le sable. Ces peintures pointillistes déclinent les
itinéraires et les chemins suivis par les êtres totémiques du temps du
Rêve bien qu’ils n’apparaissent jamais directement sur ces types d’images.
Elles ne représentent que les traces qu’ils ont laissées dans le paysage à
leur passage. A travers ces peintures, les peuples du désert central
rendent visible l’organisation totémique intemporelle telle qu’elle s’est
manifestée dans un lieu précis. De nombreuses peintures sur écorces et sur
toiles sont exposées dans cet espace en faisant un Rêve multiple et
troublant. Dans un quatrième espace, il nous est proposé le modèle inverse
au totémisme à savoir l’analogisme. Avoir sur le monde un point de vue
analogique veut dire que l’on en perçoit tous ces occupants comme
différents les uns des autres, chaque entité forme un spécimen unique,
auquel il faut donner des correspondances entre toutes ces composantes
humaines ou non humaines, ce qui suppose se de mettre en évidence, dans la
dimension de l’image, leurs relations en restituant la trame des affinités
dans lesquelles tous ces prototypes vont prendre un sens. On trouve alors
des illustrations contemporaines de l’ontologie animiste parmi les grandes
civilisations d’Orient, D’Afrique de l’Ouest ou dans les communautés
indiennes des Andes et du Mexique. La chimère en est la grande figure
classique. Cet être composé d’attributs appartenant à des espèces
différentes, mais ayant une cohérence anatomique, est un hybride qui doit
être identifiable par un élément anatomique et que la combinaison de tous
les éléments parvienne à donner une illusion de vie à cet organisme
capable d’action autonome. Le grand masque de Diablada représentant un
monstre cornu et aux yeux exorbités, à tête de dragon, en est un bel
exemple. Ces êtres sont pour la plus part liée à des récits décrivant
leurs qualités, leur genèse et les actions qu’ils accomplissent. Ils
deviennent indissociables au dispositif narratif par lesquels ils sont
institués. Une caractéristique de la pensée analogiste est de décliner de
façon obsessive la thématique des correspondances entre le macrocosme (le
monde) et le microcosme (la personne humaine étant vue comme un monde en
miniature). Il est rassurant alors de se dire qu’il existe dans la nature
et dans le corps un grand nombre de possibilités d’interprétation
permettant de se repérer dans le foisonnement et le parcours pratiquement
sans fin des similitudes. Dans un recoin de ce parcours initiatique à
toutes ces ontologies, on va trouver une illustration des formes les plus
communes de correspondance entre l’homme et le monde, comme la
transposition directe, la superposition (les signes du zodiaque
s’inscrivent sur les corps), la liaison schématique directe (les parties
du corps reliées au cosmos), la liaison aléatoire (plateau de divination),
l’analogie subtile entre l’humain et le cosmos (peintures chinoises de
paysage), ou encore comme dans les tankas tibétains où s’introduit une
contiguïté des éléments des cosmogrammes , ou encore l’expérience
individuelle (le chemin des âmes dayak). On peut dire qu’il se forme alors
réseau de correspondances qui est l’ensemble est l’ensemble des objets
entre lesquels une affinité existe qui est donné à voir, non chacun pris
isolément. Tous ces objets, soit hétéroclite (comme la tunique protectrice
de l’aire mandé ou le fardeau sacré huichol), soit en tant qu’acteur
contribuant à une activité commune (tels les masques-panneaux du Sri Lanka
ou les poteaux yoruba), mais le réseau peut aussi se donner à voir par
accumulation non exhaustive d’objets de même nature exprimant des qualités
différentes du monde comme l’extraordinaire collection de poupées kachina.
En observant une des massues u’u des îles Marquises, on voit apparaître
une répétition et même une accumulation de motifs comme dans les tapis
persans, qui donne aussi à comprendre le système d’un réseau élaboré et
symbolique. L’exposition s’achève par une présentation didactique d’images
ayant des propriétés similaires, mais dont les conventions figuratives
répondent à des principes tout à fait différents. Ces « faux amis », comme
des mirages de ressemblance, peuvent nous mener à une vision fausse et
attire notre attention sur le fait qu’une approche purement formelle des
images ne permet pas de mettre en évidence les différentes visions du
monde qu’elles expriment.
« L’objectif de cette exposition est de donner à voir comment chacune de
ces 4 ontologies figure et rend présents et actifs, dans des images, les
types d’identités que chacune permet de discerner dans le monde. Les
relations que ces entités nouent entre elles et les propriétés qui leur
sont associées », écrit Philippe Descola. Mais cette exposition ouvre
l’esprit aux différentes possibilités que les hommes se sont données pour
comprendre et évoluer dans un monde acceptable pour chacun. C’est une
leçon, certes anthropologique, mais aussi de tolérance à la différence de
l’autre. Peut-être même modifierons-nous alors notre façon d’aborder et
d’analyser notre propre vision ontologique.
De courts programmes multimédias et diaporamas illustrent certains propos
ontologiques et facilitent ainsi la compréhension de la démonstration,
pour le néophyte.
« La Fabrique des images » du 16 février au 17 juillet 2010 – Musée du
quai Branly – Mezzanine Ouest.
Tout autour de l’exposition, le musée du quai Branly propose de nombreuses
manifestations, des rencontres mensuelles et autres visites guidées.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.quaibranly.fr
Catalogue de l’exposition «La fabrique des images » sous la direction de
Philippe Descola.
Coédition du musée du quai Branly et de Somogy éditions d’art.
Broché. Reliure cartonnée souple à rabats.
Format 22 X 27,5 cm.
224 pages – 150 illustrations.
A signaler la publication d’un hors-série de « Connaissance des Arts »
sous le n°437 consacré à l’exposition.
36 pages.
Pour Lexnews, Evelys Toneg
Toussaint
Dubreuil
Premier peintre d’Henri IV
Musée du Louvre
du 25 mars au 21 juin 2010
Aile Denon, 1er étage, salles Mollien
Cette
exposition, la première à être consacrée à Toussaint Dubreuil, présente
cinquante de ses dessins parmi les plus beaux et les plus méconnus de
l’art français et quelques
uns de ses rares tableaux.
Toussaint Dubreuil fut le premier peintre d’Henri IV et comme le rappelait
Dominique Cordellier, commissaire de l’exposition, le jour du vernissage,
ce n’est que justice que de réhabiliter un nom et une œuvre que les années
avaient un peu trop relégués dans les antichambres de l’histoire de l’art
de la peinture.
Les nombreux dessins réunis pour la première fois dans cette exposition
témoignent de la sûreté et du goût de celui qui servit un roi qui avait
fort à faire pour la réunification du royaume. Dubreuil était un homme
habile en de nombreux arts et cette aisance nourrira son œuvre par
multiples inspirations. Sa courte carrière suit le règne d’Henri IV et se
nourrit également de l’essence du maniérisme, mouvement rompant avec
l’imitation de la nature et laissant plus de place à la touche personnelle
du peintre. Cet héritage repensé fera de lui le maître incontesté de la
Seconde Ecole de Fontainebleau, et cette très belle exposition montre
combien Dubreuil annoncera et rendra possible le classicisme français du
XVII° siècle.
La poésie qui a nourri Toussaint Dubreuil est omniprésente non seulement
dans l’inspiration créatrice qui s’exprime à merveille dans ses dessins,
mais également dans l’univers qu’il parvient à créer à partir de sa propre
réinterprétation. Qu’il soit donné au visiteur de s’arrêter à l’épopée
romanesque « La Franciade » et il constatera comment la magie opère !
Telle Hyante, fille du roi de Crète qui héberge Francus et amoureuse du
héros, désigne légèrement penchée le vallon où elle lui révèlera sa
descendance… Les rochers escarpés sombres et acérés où se tiennent les
sujets laissent deviner en contrebas un espace à peine évoqué où la
destinée semble souriante tant le lavis devient d’un beige des plus
légers.
Toussaint Dubreuil s’éteint le mois de la fête de son prénom, le 22
novembre, après une lésion due à une course effrénée sur un cheval rétif,
qui l’avait amené jusqu’à ce début XVII° siècle, une course qui résume
celle d’un artiste pressé de faire passer le relais entre la renaissance
tardive et le classicisme qui s’annonce !
SEXE, MORT ET SACRIFICE
DANS LA RELIGION MOCHICA
Musée du Quai Branly
Steve Bourget, archéologue, professeur associé au département Art et
Histoire de l’art à l’Université du Texas, Austin, mène entre 1995 et
1998, des recherches archéologiques sur le site emblématique de la culture
Moche, Huaca de la Luna, au Pérou où il découvre un important site de
sacrifices collectifs associés à l’enterrement des personnes de haut rang
dans la société Moche. A la vue de ces nouvelles perspectives d’études des
dimensions sociales et symboliques de la religion Moche et de son
iconographie, il lance, en 2004, un nouveau projet de recherches sur le
site de Huaca del Pueblo afin d’étudier le développement politique et
culturel de la civilisation Moche au nord de la Pampa de Paijan. Avec le
concours d’Anne Christine Taylor, directeur du département de la recherche
et de l’enseignement du musée du quai Branly, et la scénographe Gaëlle
Seltzer, Steve Bourget, commissaire de l’exposition, va nous transporter,
et le mot n’est pas vain, dans l’univers naturaliste, fantasmagorique,
érotique et humoristique, d’une civilisation où la vie et la mort font
partie d’un même processus. Steve Bourget se livre à une lecture
personnelle de cette production de céramiques érotiques mochicas. Il
propose des clés d’interprétation de cette imagerie religieuse qui utilise
la sexualité pour symboliser des opérations cosmologiques abstraites comme
le passage du monde terrestre à l’inframonde ainsi que les échanges
continus de substances nourricières (le sang, le liquide séminal ou
l’eau), les échanges entre les vivants et les divinités ou esprits
ancestraux qui garantissent la bonne marche de l’univers gérée par les
souverains et dignitaires religieux. Cette idéologie est soucieuse
d’assurer, par la reproduction de l’autorité gouvernante, la propre
continuité de la société elle-même et de l’univers.
Les
artisans mochicas représentent donc, à travers l’art de la céramique et
des poteries ici exposées, des rites non-reproducteurs, faisant des
attributs sexuels stylisés, les thèmes centraux d’une iconographie à
fonction rituelle politico-religieuse qui portent essentiellement sur des
activités cérémonielles liées à la guerre, à la capture de prisonniers,
aux sacrifices humains et aux rituels funéraires. Cette iconographique n’a
donc rien d’érotique dans le sens entendu dans nos sociétés, et son
naturalisme n’est que de surface, mettant en scène des êtres imaginaires
tels des humains morts-vivants, des animaux anthropomorphisés ou des
entités aux attributs surnaturels. Les interprétations proposées sont
d’ordre spéculatif puisque les sources archéologiques relatives à cette
civilisation ne permettent pas de connaître la réelle dimension de la
reproduction et de la sexualité chez les Mochicas.
Connaissez-vous les Mochicas ? Ils occupèrent la côte nord, zone aride, de
l’actuel, Pérou entre le 1er et 8ème siècle de notre ère. Cette
civilisation précolombienne appelée Moche se situe au rang des plus
grandes cultures indigènes des Andes, au même titre que les Incas qu’elle
précède de plus de cinq siècles. Cette société andine semble être la
première à atteindre le niveau de complexité sociale d’un état bâtisseur
de villes dotées d’édifices monumentaux, de centres de productions
artisanales (textile, métal et céramique), de quartiers réservés à l’élite
et d’autres au peuple et de sites funéraires imposants (celui du «
Seigneur de Sipan » ou encore les huacas, immenses sites cérémoniels de
forme pyramidale).
L’imagerie sexuelle de la céramique mochica est donc liée à des contextes
et des rites funéraires accomplis à la mort de dignitaires et aux
sacrifices humains qui les accompagnaient. Ces pratiques renvoient à la
dualité symbolique entre la vie et la mort, et à une cosmologie organisée
sur ce principe dualiste. En effet pour les Mochicas, l’univers et ses
composantes, sont scindés en deux moitiés et tous les éléments du monde
vont appartenir à une catégorie ou à l’autre. Un ensemble de reproductions
de frises montre des scènes figurant sur des bas-reliefs ou sur des vases
mochicas, illustrant le rapport d’identification entre les seigneurs
mochicas et leurs ancêtres mythiques, incarné par « Visage Ridé »,
divinité majeure. L’un des thèmes dominants dans l’art mochica et abordé
ici est celui de la guerre rituelle. Durant ces affrontements et combats,
étaient sélectionnées les futures victimes destinées aux sacrifices. Les
vaincus étaient dépouillés de leurs attributs de guerrier et conduits nus
sur le lieu du sacrifice. Ces sacrifices humains ainsi que l’échange de
sang entre dirigeants dotés des symboles divins attestaient du caractère
sacré du pouvoir et de ceux qui le détenaient. On remarquera la place
prépondérante du « sacrifice de la montagne » dans l’iconographie mochica
(entourées d’une assemblée présidée par « Visage Ridé », les victimes sont
précipitées du point culminant de la montagne, égorgées ou offertes aux
vautours, elles étaient décapitées par des êtres aux attributs surnaturels
ou encore dépecées par des félins) qui figure le passage vers
l’inframonde.
Ce sont là des morts en sursis que montrent ces fresques de sexe
non-reproductif. Les scènes de chasse sont également métaphoriques et, par
exemple, la chasse aux cervidés est assimilée à la guerre rituelle. Dans
la pensée mochica, deux notions centrales se combinent dans l’iconographie
sexuelle, la dualité symbolique et la notion d’inversion. Sur un plan
visuel, ce dualisme est représenté par l’opposition des contrastes des
formes et des couleurs (le blanc pour les êtres squelettiques et le rouge
pour les vivants) et par la figuration d’êtres transitionnels (les
borgnes, les mutilés, les futurs sacrifiés…). Il faut bien comprendre que
dans la pensée mochica, le registre de la sexualité est établi sur une
dichotomie entre les actes procréatifs et les non procréatifs, stériles.
Les premiers sont effectués par les « Visages Ridés » garant de la
reproduction à l’échelle cosmologique et les seconds par les êtres de
transition ou « morts-vivants ». Par tous ces actes sexuels, les Mochicas
renversent le processus mortuaire, ramenant le défunt à une nouvelle forme
de vie dans l’au-delà. On notera d’ailleurs, à travers une frise
illustrant un rituel funéraire, que la tombe du défunt ne doit pas être
considérée comme sa dernière demeure, mais comme un conduit vers une autre
dimension. Les scènes de copulation anales, pratique associée au
changement d’état, montreraient donc que l’accession à cette nouvelle vie
passerait par une inversion du processus funéraire.
La lecture de certaines frises révèle la très grande complexité quant à la
transformation métaphysique du défunt en Ancêtre à travers un
enchevêtrement d’inversions symboliques (étude facilitée par les
explications détaillées proposées tout au long du parcours). La symbolique
des couleurs donne immédiatement les codes de compréhension de la scène
représentée. Le rouge et le blanc renvoient respectivement aux domaines de
la vie et de la mort. Ce code chromatique est utilisé dans toutes les
autres formes d’expression comme dans la peinture murale et véhicule ainsi
le principe le plus fondamental de l’iconographie mochica. On analyse
comme suit que les capes rouges portées par des êtres squelettiques
évoqueraient le genre féminin et l’opposition dualiste de la vie (cape
rouge) et de la mort (squelettes et cadavres blancs). Le symbolisme des
couleurs s’étend aussi aux parties génitales des êtres représentés,
retrouvant là encore la dualité fondatrice de la pensée mochica (par
exemple, sur des êtres squelettiques blancs avec un pénis rouge, source de
vitalité et couleur symbolique de la vie). Les images les plus étudiées de
l’iconographie mochica traitent d’un scénario récurrent qui pourrait être
un mythe fondateur de la structure des pratiques sexuelles divines. On y
voit une interaction entre deux femmes et un oiseau à qui elles
transmettent un bâton servant à remuer le contenu d’un récipient, posé sur
un foyer. L’oiseau afféré à cette préparation est entouré de personnages
avec des jarres ouvertes. Un être-oiseau ou un humain (indéterminé) gravit
un escalier. Un « Visage Ridé » s’accouple avec une femme (?) dotée des
attributs d’un futur sacrifié pendant que l’être-oiseau verse un liquide
sur ce couple, peut-être la préparation faite auparavant. Tout ceci évoque
tout un éventail d’association avec d’autres thèmes de l’iconographie
mochica qui se rapporte à la croissance végétale, le versement de liquide
sur le dos du couple doit favoriser la croissance de l’arbre gigantesque.
La présence de singes cueillant des ulluchus dénote une association avec
des rites sacrificiels. Tout indique que l’association entre « Visage Ridé
», l’accouplement, la mort et le sacrifice renvoient à une relation
symbolique forte entre la croissance végétale, la fertilité féminine et le
versement du sang sacrificiel. Dans la représentation des actes sexuels,
les artisans céramistes n’omettent aucun des détails anatomiques qui
représentent de manière explicite la nature de l’acte sexuel.
La découverte de ces œuvres, longtemps réservées à un public averti,
sélectionnées dans les années 1960 par Rafael Larco Hoyle, éminent
spécialiste de l’archéologie précolombienne, sont autant de « curiosités »
au caractère baroque ou surréaliste avant la lettre que rende
passionnantes l’éclairage de Steve Bourget sur cette civilisation encore
auréolée d’un certain mystère, comme le souligne Stéphane Martin,
Président du musée du quai Branly.
A voir absolument, cette exposition, jusqu’au 23 mai 2010, mezzanine Est
du musée du quai Branly, s’appuie librement sur le livre publié par Steve
Bourget, en 2006, « Sex, Death and Sacrifice in Moche Religion and Visual
Culture. »
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.quaibranly.fr
Catalogue de l’exposition «Sexe, mort et sacrifice dans la religion
Mochica » – « Sex, Death and Fertility in Moche Religion» sous la
direction de par Steve Bourget.
Coédition du musée du quai Branly et de Somogy éditions d’art.
Edition bilingue français / anglais
Format 18,5 X 26,5 cm.
112 pages – 100 illustrations.
Evelys Toneg
Edvard Munch
ou l'Anti-Cri
Pinacothèque de Paris
du 19 février 2010 au 18 juillet 2010
Edvard Munch (1863-1944) est connu exclusivement pour une seule œuvre : le
Cri. Travail certes emblématique, mais si peu représentatif de l’ensemble
de son œuvre. La notoriété exagérée de ce tableau a eu pour conséquence
d’occulter la réelle dimension et le vrai message de l’artiste.
Il est étonnant de constater si tôt dans l’Histoire de l’art un artiste se
détacher de toutes les conventions auxquelles nous avaient habitué les
artistes et les mouvements précédents. Il est prodigieux de remarquer dès
les années 1880 Munch s’attaquer aux couches de couleur, de le voir
véritablement labourer la surface picturale ou encore laisser son œuvre
sous la pluie et la neige, transférer des photographies et des films muets
à l’intérieur de ses toiles et de ses œuvres graphiques. Surprenant encore
la transgression avec laquelle il supprime les frontières entre les
supports et les techniques, dans ses gravures, dessins, peintures,
sculptures, collages, photographies et films. Il s’inscrit dans la lignée
de William Turner et de Gustave Courbet, Il est le chaînon manquant entre
les artistes tels que Pablo Picasso, Georges Braque, Jean Dubuffet et
Jackson Pollock dans l’histoire du Modernisme. C'est par ces dépassements
sans limites pour l'époque et surtout par son attachement aux qualités
matérielles de la peinture et des supports que Munch laisse une œuvre
bouleversante d'une force incomparable.
Pinacothèque de
Paris
28, place de la Madeleine
75008 Paris
Les horaires d'ouverture du musée
Ouverture du musée tous les jours de 10h30 à 18h.
(fermeture des caisses à 17h15).
Samedi 1er mai 2010 et mercredi 14 juillet 2010, ouverture de 14h à 18h.
(fermeture des caisses à 17h15).
Les nocturnes
Nocturne tous les mercredis jusqu’à 21h (à l'exception du 14 juillet)
(fermeture de la billetterie à 20h15).
Durant les nocturnes, le service des publics organise des activités
culturelles : Table-ronde, lectures, débats, projections de films, autant
de propositions qui sont une façon de découvrir autrement les expositions.
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux, le
musée du Louvre, Paris, la Tate Britain, Londres et le Musée du Prado,
Madrid.
Elle a été présentée à la Tate, Londres du 23 septembre 2009 au 31 janvier
2010. Elle sera ensuite présentée au musée du Prado, Madrid du 22 juin au
19 septembre 2010.
La profonde singularité du peintre de paysages britannique J.M.W. Turner
(1775-1851) s’est nourrie de son dialogue avec la peinture tant des
maîtres anciens que des ses contemporains tout au long de sa très longue
carrière. Ce dialogue, souvent inquiet, pointilleux, volontiers compétitif
mais toujours fécond, a nourri le parcours exigeant du peintre. Dès ses
débuts, au milieu des années 1790, Turner se montre un aquarelliste
particulièrement doué et ambitieux rivalisant avec les plus grands de ses
contemporains (dont son ami Thomas Girtin (1775-1802) mais aussi avide de
maîtriser la technique picturale en s’inspirant du paysagiste gallois
Richard Wilson (1713-1782) et en visitant les premières collections
privées britanniques qui, en l’absence de musée, détiennent les œuvres des
maîtres anciens que Turner brûle d’égaler.
Tout jeune encore, il fond en larmes devant un tableau de Claude le
Lorrain (1600-1682), désespérant de faire aussi bien. Remarqué par ses
pairs, il expose très jeune à la Royal Academy et joue volontiers à
l’émulation avec ses contemporains tant peintres qu’aquarellistes. Son
ambition impérieuse, le pousse à sans cesse étendre le vaste champ de ses
connaissances artistiques et de ses champs d’investigation : aquarelles
topographiques, marines, paysages classiques, paysages fantastiques, voire
scènes de genre ou peintures d’histoires. La variété de ce parcours
s’appuie sur la variété des références que cet avide génie sait
rassembler.
Appliquant d’abord fidèlement les méthodes de la jeune tradition des
aquarellistes anglais, Turner aborde la peinture en suivant avec
application l’exemple des paysagistes hollandais rembranesques dans une
gamme chromatique sombre et encore restreinte. L’exemple stimulant et déjà
classique de son grand devancier Richard Wilson l’engage vers le tournant
du siècle à entreprendre des paysages classicisants de plus grande ampleur
et de coloris plus soutenu. Il étudie en parallèle, avec déférence et
bientôt la volonté d’en découdre, l’art des grands paysagistes actifs en
Italie au XVIIe siècle : Salvatore Rosa (1615-1673) et Nicolas Poussin
(1596-1665). Loin de pasticher ces grands modèles, Turner bouscule d’un
souffle puissant et tempétueux la perfection de leurs harmonieuses
compositions en inaugurant presque la magistrale tradition du paysage
fantastique britannique avec Le Déluge (1805, Tate) directement inspiré du
tableau éponyme de Nicolas Poussin (1664, Louvre).
L’exposition propose pour leur confrontation, ses quelques tentatives dans
le domaine de la peinture d’histoire (Sainte famille de 1803, collection
de la Reine, ou Vénus et Adonis vers 1805, collection privée) qui se
nourrissent d’un chromatisme plus riche et plus soutenu fécondé par
l’étude de Titien (vers 1490-1576) (La Vierge au lapin vers 1530, Louvre)
et de Claude. Ses petites peintures de figures rivalisent à la fois avec
des maîtres méconnus à l’époque tels Watteau (1684-1721) (Ce que vous
voudrez !, 1822, Williamstown, Clark Institute) ou ses rivaux les plus
célèbres tels David Wilkie (1785-1841). Le dialogue fructueux avec les
paysagistes de la génération suivante, Bonington (1802-1828) (Scène de la
côte française avec des pêcheurs de 1826, tate) et Constable (1776-1837)
(L’inauguration du pont de Waterloo, 1829, Tate) vont exalter encore la
liberté de touche et de ton de Turner (La plage de Calais, 1830, Bury Art
Gallery ou Le Bateau échoué vers 1828, Tate). _ Après 1820, la découverte
de Venise (Venise vue du porche de la Madone de la Salute, 1835, New York,
Metropolitan Museum) et l’approfondissement de l’étude de Claude Lorrain
portent les compositions de Turner vers un très grand raffinement
chromatique et une maîtrise des compositions à plans multiples et vaporeux
(Palestrina Composition, 1828, Tate). L’exposition permettra à ce titre,
comme Turner l’avait lui-même souhaité, de confronter un de ses plus
complexes chefs d’œuvre, Le Déclin de l’empire carthaginois (1817, Tate)
avec deux des visions magnifiques de Claude Lorrain qui l’ont inspirée :
Le Port de mer au soleil couchant (Louvre, 1639) et Le Débarquement de
Cléopâtre à Tarse (Louvre).
C’est par la confrontation exigeante et sans arrêt provoquée avec ses
peintres de prédilection que Turner a construit son affranchissement, sa
sidérante liberté de peindre portée à son apogée dans sa dernière décennie
d’activité (Tempête de neige, bateau à vapeur au large d’un port, 1842,
Londres, Tate).
L’exposition « Turner et ses peintres » retrace et illustre cette
construction de la vision de Turner, riche de rencontres multiples,
fortuites ou provoquées, mais toujours opportunes et fécondes, tout au
long de sa remarquable carrière. Elle rassemble près de 100 tableaux et
œuvres graphiques (études, gravures) provenant de grandes collections
britanniques et américaines, des musées du Louvre, du Prado, et de
Londres.
Commissariat de l’exposition
Guillaume Faroult, conservateur, département des peintures du musée du
Louvre, Paris
David Solkin, professeur d’Histoire de l’Art, Courtauld Institute, Londres
Ian Warrell, conservateur, Tate Britain, Londres
Scénographie
Didier Blin
Paris, ville rayonnante
10 février – 24 mai 2010
Musée de Cluny
LEXNEWS A VU POUR VOUS...
Nous sommes au cœur de Paris, du vieux Paris. Nous franchissons le seuil
d’un lieu chargé d’histoire puisque les Romains y avaient établi leurs
thermes encore visibles (ces derniers viennent d’être restaurés et sont à
visiter !). Le musée national du Moyen Âge
qui abrite une exposition passionnante fait lui-même partie de l’histoire
de la capitale puisqu’il s’agit de l’hôtel des abbés de Cluny datant de la
fin du XV° siècle. Ainsi, plus de dix siècles offrent à nos yeux les
traces souvent spectaculaires laissées par des civilisations si
différentes. L’exposition proposée par le musée de Cluny et la Réunion des
musées nationaux est chronologiquement centrée sur une période charnière
pour l’histoire de la ville : le XIII° siècle. Cette époque prospère qui
correspond au règne de Philippe Auguste voit le commerce et l’industrie
prendre un essor considérable. Cette dynamique sert un pouvoir royal qui
commence à prendre conscience de la nécessité de centraliser son autorité
à partir d’un lieu fixe, la ville de Paris. S’ensuivent un afflux de
population, une université à dimension européenne, des commandes
multipliées, une concurrence d’artisans pour la construction de nouveaux
édifices… Ce seront les nombreux facteurs qui vont provoquer le passage du
gothique classique au rayonnant. Pourquoi rayonnant ? La rose qui va
fleurir et s’élargir de plus en plus sur les murs des cathédrales va
inspirer les bâtisseurs qui vont rivaliser d’inventions pour réduire la
superficie occupée par la maçonnerie au profit des fenêtres omniprésentes.
Les édifices prennent de la hauteur, véritable chant architectural lancé
au divin. En un siècle, un style va naître et se développer en entrelacs
de plus en plus fins et ciselés.
La croissance économique réussit ce parallélisme étonnant
d’une croissance minérale qui n’a rien à envier à la profusion végétale.
C’est à cette éclosion qu’il nous est donné d’assister dans une exposition
particulièrement bien présentée dans le cadre idéal du musée national du
Moyen Âge. Les commissaires de l’exposition, Meredith Cohen et Xavier Dectot, ont mis en rapport plus de deux cents œuvres
significatives de cette grande heure de l’histoire. Notre-Dame (un Adam
remarquable) et la Sainte-Chapelle (de magnifiques apôtres) livrent bien
évidemment des témoignages de première importance dans le cadre de cette
exposition, mais des lieux disparus depuis longtemps sont également
l’occasion de rencontres précieuses avec cette époque : c’est le cas de la
Chapelle de la Vierge (rasée en 1802 lors du percement de la rue de
l’Abbaye) dont on peut admirer le très beau portail entièrement conservé
dans le cadre du musée de Cluny !
Ange, Priorale Saint-Louis-de-Poissy, Après 1297, Paris, Musée de Cluny
Musée national
du Moyen Âge
6 Place Paul Painlevé
75005 Paris
01 53 73 78 16
Cette exposition est coorganisée par le musée de Cluny et la Réunion des
musées nationaux.
retrouvez la chronique du catalogue de
l'exposition :
lire la suite...
Les Derniers
Maharajas
Costumes
Du Grand Durbar à l'Indépendance
1911-1947
En collaboration avec la Hutheesing Heritage Foundation, la Fondation
Pierre Bergé – Yves Saint Laurent consacre sa 12ème exposition aux
costumes des cours princières indiennes de la fin du Raj. Privés par la
couronne britannique du socle de leur pouvoir, ces derniers Maharajas
cultivent le faste et rivalisent sur la grandeur de leur image. Une
soixantaine de modèles et accessoires illustrent cette période où
l’apparat est devenu le langage officiel des cours : or, argent, soie,
brocart, broderies, profusion de couleurs et de matières précieuses
témoignent de toute la magnificence des costumes de cette époque.
Commissariat :
Jérôme Neutres et Umang Hutheesing
Scénographie : Christophe Martin
Exposition à la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent
du 10 février au 9 mai 2010
Entrée de l'exposition au 3, rue Léonce Reynaud, Paris 16ème
Ouvert du mardi au dimanche, sauf jours fériés
De 11h00 à 18h00 (dernière entrée à 17h30)
Tél. : +33 (0) 1 44 31 64 31
Shervani. Soie, brocart d’or et d’argent.
"Eloge du
négatif. Les débuts de la photographie sur papier en Italie, 1846-1862"
Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la
Ville de Paris
Du 18 février au 2 mai 2010
le Petit Palais organise une exposition qui retrace les débuts de la
photographie sur papier en Italie.
Utilisé au XIXe par les photographes professionnels, les amateurs et les
artistes, le négatif papier a permis à la photographie naissante de
s’intégrer pleinement au monde de l’art. Au cours des années 1840, le
négatif papier devient un outil novateur et fascinant : il inaugure «
l’ère de la reproductibilité » tout en créant un nouvel univers visuel.
L’exposition explore ce temps fort méconnu de l’histoire de la
photographie.
Provenant de prestigieuses collections italiennes et françaises, 140
oeuvres, négatifs ou tirages d'époque, sont pour la première fois
présentées. Cette exposition propose une réévaluation du rôle et des
usages du négatif sur papier en Italie, pays où pionniers et amateurs de
tous bords se rencontrent et mettent au point une nouvelle façon de
percevoir et d'utiliser les images.
Du paysage romantique à l'édition touristique en passant par le recueil
pour artistes, le négatif papier permet la professionnalisation des
photographes et la naissance de grandes entreprises édiotriales modernes.
Dans cette aventure, photographes italiens (Giacomo Caneva, Vero Veraci,
Luigi Sacchi ect), français (Eugène Piot, Frédéric Flacheron, Edouard
Delessert etc) et anglais (George Wilson Bridges, Calvert Jones, James
Grahan) collaborent étroitement.
Bien loin de la précision ou du réalisme photographique auxquels est
habituellement associée la photographie, ces
oeuvres sont des témoignages subjectifs et intimes de la sensibilité d’une
époque. Elles exigent de nous une véritable
conversion du regard.
Informations
pratiques
Du 18 février au 2 mai 2010
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermé le lundi et jours fériés
Visites conférences
Durée 1h30 - sans réservation - 4,50 € + entrée exposition
Les Jeudis 25 fév, 11 mars, 1er, 29 avril
Les Vendredis 19 fév, 5, 19, 26 mars, 9, 16, 23 avril à 12h30.
Au Petit Palais
Isadora
Duncan sur la plage à Venise, 1903 ou 1905, Anonyme
Crédits photo : Cologne, Archives de de la danse
Le musée
Bourdelle présente une ambitieuse exposition consacrée à Isadora Duncan,
l’une des sources d’inspiration d’Antoine Bourdelle (1861-1929), ainsi
qu’en témoigne l’abondance de dessins conservés au musée. Première
manifestation d’importance dédiée à cette figure pionnière de la danse,
elle porte sur les années qu’Isadora passa en France.
L’exposition s’articule en cinq volets restituant le contexte intellectuel
et artistique d’une époque, et célébrant la danseuse.
Le préambule retrace par le biais de photographies, d’ouvrages et de
documents, la vie tumultueuse et la carrière d’Isadora, ses tournées
mondiales et ses écoles de danse. Des portraits, peints - par Eugène
Carrière - ou des clichés d’époque d’Edward Steichen ou Arnold Genthe,
représentent cette femme audacieuse et moderne qui plaça son art et sa
transmission au coeur d’un projet de société plus libre et plus
démocratique. Défiant les conventions, Isadora dansait pieds nus, vêtue
d’une tunique dévoilant sa nudité, sur des musiques d’esthétique
romantique.
Cette exposition
rassemble environ 35 sculptures, 25 peintures, 150 dessins, 100
photographies, 5 pièces de costumes ainsi qu’une cinquantaine de documents
divers (ouvrages, affiches, programmes, manuscrits…), des extraits de
films, appartenant à des collections privées ou à des institutions
françaises et étrangères.
Juliette Laffon , directrice du Musée Bourdelle
Hélène Pinet, chargée des Archives et de la Recherche au musée Rodin
avec Stéphanie Cantarutti, conservateur au musée Bourdelle
Musée Bourdelle
18, rue Antoine Bourdelle
75015 Paris
Standard : 01 49 54 73 73
Ouvert tous les jours sauf lundis et jours fériés
du mardi au dimanche de 10h à 18h.
LEXNEWS A VU POUR VOUS... ISADORA
DUNCAN (1877- 1927) « une sculpture vivante ».
Il se passe quelque chose au musée Bourdelle ! Dans ce lieu où des géants,
des molosses de pierre et de bronze vous dominent littéralement, vous
écrasent même par leurs dimensions monumentales, une femme peu commune,
frêle, gracile, gracieuse, une entité tout droit sortie de l’art grec et
d’un tempérament hors du commun y est mise à l’honneur. C’est un hommage à
Isadora Duncan, muse de bien des peintres et sculpteurs du début du 20e
siècle, qui se déploie dans l’ensemble du musée. Quelques dizaines de
sculptures et peintures, cent cinquante dessins et photographies, des
pièces de costumes et un bel assortiment de programmes, affiches, ouvrages
et manuscrits, illustrent cette grande dame de la danse. Antoine
Bourdelle, dès 1909, a été très inspiré par ce phénomène de femme libre et
toujours en mouvement, en quête et en recherche de la respiration du corps
à travers une nouvelle forme de danse bannissant tous les critères de la
danse classique et académique de l’époque.
L’exposition est construite autour de cinq espaces, cinq moments
importants de la vie artistique d’Isadora Duncan, cinq volets qui
restituent le contexte intellectuel, culturel et artistique dans ce Paris
qui a célébré l’audace de cette danseuse.
La vie tumultueuse et la carrière de cette artiste libre et moderne, ses
tournées mondiales, ses voyages, la création de ses écoles de danse, ses
relations avec Madame de Saint-Marceaux, avec la princesse de Polignac ou
encore la comtesse de Greffhule, et ses prestations dans les salons
parisiens ou autres jardins jusqu’au projet d’études destinées au théâtre
des Champs-Élysées, tout témoigne de la nouveauté révolutionnaire de sa
danse resituée dans le contexte de l’époque.
Antoine Bourdelle (1861-1929), comme Auguste Rodin (1840-1917) et d’autres
artistes peintres dont Eugène Carrière (1849-1906) entre autres, des
sculpteurs comme Alfred-Jean Halou (1861-1944), des photographes (Eduard
Steichen), des musiciens et couturiers (Poiret), de ces années de remises
en question des codes établis par un académisme consensuel (Vive la belle
Époque !), se sont pris d’admiration pour cette femme venue d’Amérique
inspirée par la nature et son goût pour l’antique. « …Je suis née au bord
de la mer…Ma première idée du mouvement de la danse m’est certainement
venue du rythme des vagues…Je tâchais de suivre leur mouvement et de
danser à leur rythme… », écrit-elle dans « Ma vie ». Cela ne fait pas
tout. Une enfance Bohême, entourée de musique, une mère pianiste et
anticonformiste, sans grande contrainte, elle quitta l’école très tôt, une
vie de voyages, de rencontres, d’amours libres, une vie de mère résolument
moderne, une maîtresse exigeante, une carrière d’artiste absolument
révolutionnaire, tout cela attira et choqua à la fois la bonne société,
mais aussi et surtout les courants artistiques en plein bouleversement de
ce temps des années folles où tout allait prendre une nouvelle
trajectoire.
Convaincue de la nécessité de la danse, elle ira jusqu’à
créer des écoles et y accueillera des enfants sur un modèle d’éducation
libre et spontané autour de son art ; danse, musique et chant y seront les
disciplines principales enseignées. Les premiers centres Montessori et
Steiner apparaissent à la même époque et sont une source de réflexion sur
un nouveau modèle éducatif très inspirant pour Isadora. L’importance de la
recherche de la liberté des mouvements, celle de retrouver le mouvement
primitif ou la première impulsion, passe aussi par un corps libre et sans
entrave vestimentaire. Isadora et ses disciples dansent alors en tunique
légère, pieds nus ou en sandales et montrent l’esthétique du mouvement et
du corps qui le produit. Elle devient un modèle idéal pour les artistes
qui s’intéressent à son approche du monde et à la nouveauté des poses
qu’elle leur proposera en la dessinant pendant qu’elle danse. Dans la même
énergie, Vaslav Nijinski, son alter ego masculin, lui aussi propose, dans
ses chorégraphies « endiablées » la libération du corps et des mouvements,
une gestuelle défiante les lois de la pesanteur. Ces deux artistes qui ne
dansèrent jamais ensemble sont pourtant réunis dans « la Danse et la
Musique », œuvre sculptée de Bourdelle (dessus de portes d’accès) au
Théâtre des Champs-Élysées.
Isadora Duncan, meurtrie par la mort accidentelle de ses deux enfants,
continuera à se battre et à danser jusqu’au bout de son destin avec la
même énergie créatrice. Ses mécènes, ses admirateurs comme ses détracteurs
du monde entier ont été sa meilleure publicité, mais refusant d’être
filmée dans la pratique de son art, c’est donc tout à fait exceptionnel
que de pouvoir la voir quelques secondes danser dans un jardin pour des
proches.
Isadora Duncan, pionnière de la « danse libre », danse d’expression fondée
sur une relation d’empathie avec la nature et la musique, célébrant le
mouvement naturel et la simplicité du geste retrouvé, va vous envouter de
toute sa modernité, sa liberté et par l’évolution historique qu’elle a
apportée à la naissance de la future danse contemporaine. C’est jusqu’au
14 mars 2010, au musée Bourdelle, que vous pouvez découvrir ou vous
remémorer ce que cette femme a laissé dans son sillage.
Pour Lexnews, Eivlys Toneg
Journées
Internationales du Film sur l’Art
du mercredi 20 au dimanche 24 janvier 2010
Auditorium du Louvre (3ème édition)
Soirée
d’ouverture mercredi 20 janvier à 19h30
Soirée d’hommage à Luciano Emmer à 20h30
Formidable médium d’initiation à l’histoire des arts, le film sur l’art
offre également des occasions uniques d’incursion au cœur même de la
création artistique.
Les Journées internationales du film sur l’art proposent une sélection de
productions récentes, des tables rondes et des rencontres avec les
cinéastes et, en intégralité, le palmarès du Festival international du
film sur l’art de Montréal 2009.
Les films non francophones sont proposés en vostf ou en traduction
simultanée.
En partenariat avec le Fresnoy – Studio national des arts contemporains.
Avec le concours de la Délégation générale du Québec à Paris, de
l’Institut polonais, du Goethe Institut, de l’Institut néerlandais, du
Centre culturel canadien, de l’Institut culturel italien , du Centre
Culturel italien et du Festival international du film sur l‘art de
Montréal.
C’est un événement qui donne la mesure de l’évolution des tendances en
matière d’expression artistique et qui propose une double rencontre :
celle des cinéastes qui posent leur regard sur le travail et les oeuvres
des créateurs de disciplines aussi différentes que la peinture, la
photographie, le théâtre, la musique, la danse ou la littérature.
24 films sur 5
jours
dont 19 primés au FIFA 2009 – Festival International du Film sur l’Art de
Montréal
Une table ronde “Filmer la sculpture” animée par Christophe Viart, le
jeudi 21 janvier à 16h
Hommage à Luciano Emmer le jeudi 21 janvier à 20h30
Samuel Bianchini
"All Over"
Musée du Jeu de Paume
du 19 octobre 2009 au 31 mars 2010
All Over est une création sur Internet qui met en œuvre une série d'images
réalisées uniquement avec des caractères typographiques, à la manière de
l’“Ascii Art”, méthode d’affichage utilisée par les premiers
informaticiens. Mais, ici, les chiffres et les lettres qui composent ces
images sont changeants, dynamiques : ils proviennent en temps réel des
flux boursiers mondiaux. Au préalable fixes, ces photographies ainsi
transformées sont tributaires des mouvements financiers qui les alimentent
en même temps qu’ils les perturbent. Déstabilisées par leur système
d'affichage, elles deviennent également instables quant à leurs
significations. Prises entre numérique et numéraire, entre deux régimes de
représentation, ces images sans légende semblent lutter en permanence pour
leur visibilité et leur incertaine réalité : manifestation, traders,
supporters, meeting religieux ou politique, … ?
Réalisation informatique : Oussama Mubarak.
Commissariat : Marta Ponsa.
Projet produit par le Jeu de Paume,
en partenariat avec Corbis France.
Musée d’Art moderne de la Ville de
Paris
Jan Dibbets
Horizons
19 février - 2 mai 2010
Jan Dibbets est une figure majeure de l’art néerlandais et de la scène
artistique internationale. Il est notamment connu des parisiens pour son
Hommage à Arago matérialisant le méridien de Paris par des disques de
bronze réalisé en 1994.
La question de l’horizon a particulièrement marqué l’œuvre de Jan Dibbets
entre la fin des années 1960 et 1974 : c’est l’un des motifs récurrents de
son travail. Dans ses œuvres récentes – à partir de 2005 – l’horizon
réapparaît, matérialisant la continuité d’une réflexion artistique
extrêmement rigoureuse. L’exposition associera ces nouveaux travaux avec
ceux qui en forment le point de départ.
Si l’artiste néerlandais, né en 1941, s’est vu très tôt associé à l’art
conceptuel, l’extraordinaire déploiement de son œuvre depuis les années
1970 rend une telle définition inévitablement réductrice. À travers un
usage très personnel de la photographie, son travail s’est toujours tenu
au plus près d’une pensée en développement continu, trouvant son objet à
la fois dans l’expérience de la perception et dans la réinterprétation des
données de la perspective telles que l’histoire de l’art occidental nous
les lègue.
Selon la définition qu’en donne Le Petit Larousse, l’horizon est la «
ligne imaginaire circulaire dont l’observateur est le centre et où le ciel
et la terre ou la mer semblent se joindre ». L’horizon n’est donc pas un
motif comme les autres, il n’existe que par rapport à notre vision et à
travers elle. Intimement lié à l’histoire de la représentation, l’horizon
est à la fois une donnée immédiate de la perception du paysage et un «
motif » abstrait, insaisissable.
Depuis Quand les attitudes deviennent forme (1969) à la Kunsthalle de
Berne et la Documenta V (1972) de Cassel, le travail de Jan Dibbets a été
présenté à de nombreuses occasions et des expositions personnelles lui ont
été consacrées: à l’ARC en 1980, au musée Guggenheim de New York en 1986
ou au Miami Art Museum en 2007.
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson / 75116 Paris - www.mam.paris.fr
Tél : 01 53 67 40 00 / Fax : 01 47 23 35 98
Horaires d’ouverture
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi de 10h à 22h (seulement les expositions)
Fermeture le lundi et les jours fériés
Renseignements et réservations des ateliers et visites guidées
Tél. 01 53 67 40 80
ARTISTE D’ABOMEY
dialogue sur un royaume africain
musée du quai Branly
jusqu'au 31 janvier 2010
Au musée du quai Branly, là où dialoguent les cultures, Gaëlle Beaujean
Baltzer, commissaire de l’exposition « Artistes d’Abomey – dialogue sur un
royaume africain » et ses collaborateurs, Joseph Adandé et Léonard Ahonon,
proposent, sur la Mezzanine Est, de partir à la découverte des familles
d’artistes vouées aux dirigeants du royaume du Danhomè (actuel Bénin).
C’est avec subtilité que ce parcours parmi les trésors des derniers
souverains de cette vieille dynastie souligne l’importance, tant sur le
plan artistique, ethnographique qu’historique, de la véritable place que
l’on doit reconnaître à l’Afrique dans l’Histoire. Les œuvres de cour
présentées ici témoignent des contacts entre la France et le Danhomè.
Offerts comme cadeaux diplomatiques, collectés, donnés ou encore pris
arbitrairement comme butin de guerre, ces objets, comme le souligne
Stéphane Martin Président du musée du quai Branly, ne doivent pas être
regardés comme une simple collecte, mais comme un moment de l’histoire du
monde qui dit la rencontre entre la colonisation française et le dernier
royaume africain. Le travail de Gaëlle Beaujean Baltzer permet de lever
l’anonymat des artistes et des familles d’artistes qui créaient et
exécutaient les commandes des rois. C’est sur cette question que se
penchent aujourd’hui les historiens de l’art africain, ainsi que sur la
place sociale et historique de ces créateurs de formes et de messages
visuels.
Resituons le territoire du royaume du Danhomè avant 1894, chute du royaume
et exil du roi Béhanzin : Le Danhomè, ou royaume d’Abomey, du nom de sa
capitale, s’est développé dans le centre et dans le sud du territoire de
l’actuelle République du Bénin, du début du 17ème siècle à la fin du 19ème
siècle. Même si les fondateurs du royaume du Danhomé viennent de Tago (ou
Sado), aujourd’hui au Togo, l’histoire des migrations, des guerres et
querelles entre clans durent depuis le 13ème siècle, et c’est sous le nom
de Houegbadja, que le fils de Ganye hessou, établit à Agbomè (Abomey)
l’administration du royaume dont il est considéré comme le véritable
fondateur. Si le nom de royaume date de Houegbadja, on le doit vraiment à
son fils et futur successeur Yangodo. C’est lui en effet qui perpétra le
meurtre du chef de terre Dan en plantant un pieu dans son ventre, bois
central qui doit supporter sa case, d’où le nom de Dan-homè « dans le
ventre de Dan ». Yangodo devenu roi vers 1685 sous le nom d’Akaba, a doté
le royaume d’une solide organisation, à la hauteur de ses ambitions. Le
roi est la clé de voûte du système politique danhoméen. Vénéré comme
sémédo (maître du monde), aïnon (maître éminent de la terre), dokunon
(maître possesseur de toutes les richesses), jehossu (roi des perles), il
émane de lui une force absolue, surhumaine et quasi divine. La religion,
deuxième dimension essentielle de l’organisation, préserve la communauté
des vivants et des morts et garantit le bonheur des hommes (dans la
conception vodoun, le groupe social comprend les vivants et les morts,
avec des échanges constants de services et de force). Le culte sert donc à
garantir la quiétude des hommes et la satisfaction de leur bonheur
ici-bas. La hiérarchie est la troisième caractéristique de cette
organisation danhoméenne qui divise les gens en deux catégories : les
exploiteurs et les exploités. Les premiers sont la noblesse princière, les
dignitaires de charges publiques (ministres, militaires, grands chefs…) et
ceux de charges commerciales ou religieuses. Les autres, durement
exploités sont les esclaves, soumis au travail sur les domaines du roi,
vendus aux négriers européens ou réservés pour les sacrifices humains.
Sont également exploités, les roturiers libres ou asservis et les asociaux
(ceux qui ont perdu leur liberté suite à un crime). L’asservissement vu et
vécu comme une coutume limitait la prise de conscience et les révoltes des
exploités. Il semble bien que le commerce des esclaves « le bois d’ébène
», organisé avec les puissances européennes, ait été à l’origine de la
colonisation de tout le continent africain et la triste suite de
l’histoire pourrait être le sujet d’une autre exposition… On peut
néanmoins relever que lorsque les colons deviennent commanditaires, les
artistes rattachés à la cour réalisèrent à leurs demandes des objets
destinés à être montrés en France notamment pour l’exposition universelle
de 1931 à Vincennes. C’est ainsi qu’ont été constituées une partie des
collections du musée du Trocadéro, du musée de l’Homme, et plus tard celle
du pavillon des sessions, regroupées ensuite au musée du quai Branly.
Elles ont permis d’illustrer cette exposition.
Mais, une
question demeure : Les artistes africains peuvent-ils ou même doivent-ils
tous rester anonymes ? Le secret qui entoure la conception et la
réalisation d’une œuvre explique-t-il à lui seul cette réalité ? Si cet
anonymat est de règle dans la production africaine, bien qu’on parvienne
parfois à reconnaître la griffe des artistes, ou bien celle d’un atelier,
celui-ci cependant est écarté pour l’art de cour au royaume d’Abomey. Les
quatorze rois qui s’y sont succédé se sont entourés d’artistes de diverses
origines, Yoruba, Fon, Mahi ou Haoussa. Dans cet art de cour, les œuvres
sont immédiatement associées à son commanditaire : le roi ; mais la
technique, les matériaux et le type d’objets permettent d’identifier une
signature et un savoir-faire maîtrisé par un artiste ou une famille
d’artistes. On apprend par exemple que la famille des Hountondji travaille
les métaux précieux, le cuivre et l’argent, alors que les Yémadjé, Hatan
et Zinflou sont spécialistes des soies et cotons d’importation dont ils
confectionnent leurs tentures appliquées (4 splendides tentures et celle
du roi Ghézo ou encore celle des amazones du royaume). Les artistes de la
cour d’Abomey sont de véritables historiens de l’oralité et du visuel,
ainsi les traditions coutumières ont-elles été préservées avec bien plus
de précisions que d’autres.
L’exposition
présente les chefs-d’œuvre attribués à ces artistes d’Abomey comme la
statue du dieu Gou d’Ekplékendo Akati, celle des rois Glèlè et Bézhanzin
de Sossa Dede, qui trône dans le premier espace de l’exposition. Il y a
donc une mémoire des noms des artistes dans le royaume d’Abomey. L’art
n’était pas que celui de l’objet, de l’accessoire royal ou guerrier ni du
vestimentaire, il y avait aussi l’architecture des palais, des bas reliefs
polychromes et des portes sculptées de symboles (par exemple la présence
de huit crapauds qui apportaient paix, fraîcheur et protection pour les
fils du pays) ont fait de ces demeures une vitrine du royaume à travers le
monde et était l’orgueil des souverains ; « Il faut dire que si la terre
rouge du d’Abomey pouvait parler, elle nous raconterait tant de faits qui
se sont passés dans ces cours, derrière ces murs… » dit Léonard Ahomon
conservateur du site des palais royaux d’Abomey. (Lire l’article de
Bérénice Geoffroy-Schneiter dans le Beaux-Arts éditions). Les quelques
portes et bas-reliefs exposés donnent une note haute en couleur de ce que
devait être l’ensemble des palais royaux, véritable « royaume dans le
royaume ». Sur les murs des palais (véritables chroniques visuelles) se
lisent alors l’expansion du territoire, les acquisitions matérielles et
spirituelles, car ce sont bel et bien les murs qui parlent à Abomey !
Comme chaque nouveau roi faisait construire un nouveau palais près de
celui de son prédécesseur, on imagine facilement à travers ces
constructions et leurs façades, l’excellence des artistes de la cour
d’Abomey.
C’est à travers
82 objets et 8 documents graphiques anciens et quelques repères audio que
le promeneur a ici l’occasion de découvrir ces familles d’artistes qui
bien que jouissant de certaines libertés, devaient allégeance au roi, et
étaient contraintes dans leurs créations par un « cahier des charges »
précis de ce que voulait le roi, mais également par l’obligation de le
surprendre. Statues, tentures, autels, trônes, bijoux, tuniques, armes,
bas-reliefs, murs et portes de palais, illustrent le travail de ces
artistes et sont autant de témoignages de la richesse et de l’esthétique
qui caractérisent cette région d’Afrique. Qu’ils soient anonymes ou
identifiés, individuels ou collectifs, cette exposition est un hommage à
tous ces artistes. Hountondji (autel dédié aux rois, asen, alliage
cuivreux), la famille Hantan, Zinflou ou Yémadgé (tentures appliquées,
production unique dans ce royaume, coton et soie), l’atelier Yoruba (Siège
royal de Cana, bois et pigments), famille Houeglo, Djotohou et huntovo
(tambours akatahounto, bois, pigments et cuir), l’atelier Akati, Sossa
Dede ou Bokossa Donvide (statue de bochiodu roi Ghézo) et tous les autres
sont autant de noms auxquels on peut aujourd’hui associer des œuvres (fait
rare dans l’histoire de l’art africain). Depuis 1600 et jusqu’à 1988, pour
les artistes contemporains, on peut entrapercevoir la technique et la
qualité artistique de tous ces artistes dont le savoir-faire se
transmettait de père en fils. Toute cette histoire d’art, d’artisanat
d’art, de métiers d’art a eu une continuité, une mémoire vivante par le
travail de Cyprien Tokoudagba, artiste contemporain béninois qui met à
l’honneur les traditions du royaume d’Abomey, sur de grandes toiles,
peintes à l’acrylique et inspirées des œuvres d’art des ateliers royaux du
passé. « Il est le griot contemporain du Bénin ! », confie Léonard Ahonon.
C’est en 1989 au centre Georges Pompidou qu’il a été donné au public de
découvrir les œuvres de cet artiste, lors de l’exposition « Trésor de
Béhanzin ».
Cette exposition réussit à éveiller la curiosité et nous conduit à nous
demander quelle a été l’histoire personnelle de ces artistes, leur place
dans la société et à la cour, et quels souvenirs suscitent-ils aujourd’hui
à Abomey ? Qui sont leurs descendants ? Questions auxquelles l’exposition
nous aide à apporter des réponses de manière éclairante.
Des visites-conférences, des rencontres, des journées d’étude sont
organisées autour de cet événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.quaibranly.fr
Renseignements sur la Fondation Zinsou qui stimule et accompagne la
création contemporaine sur le sol béninois et est le grand partenaire du
musée du quai Branly pour la réalisation de cet évènement :
www.fondationzinsou.org/
Le catalogue de l’exposition édité par la Fondation Zinsou
Publication en français et en anglais.
250 pages – plus de 150 illustrations.
Hors série Beaux-Arts magazine
Spécial « Artistes d’Abomey – dialogue sur un royaume africain »
44 pages
Quelques 50 Illustrations couleurs.
Evelys Toneg
PRESENCE
AFRICAINE
musée du quai Branly
jusqu'au 31 janvier 2010
Et si Alioune Diop, grand intellectuel sénégalais (1910/1980 dont le
centième anniversaire de naissance sera célébré en 2010 au Sénégal),
n’avait pas en 1947, à Paris, fondé la revue « Présence africaine » avec
comme objectifs de publier les études africanistes sur la culture et la
civilisation noire, publier des « textes africains », passer en revue les
« œuvres d’art ou de pensée concernant le monde noir », où en serions-nous
aujourd’hui avec cet immense univers culturel qu’est l’Afrique ? Comment
aborderions-nous l’art nègre, la littérature, la poésie, la danse, le
théâtre, le cinéma africain…. ? Aurions-nous les clés et le recul
intellectuel qu’a apporté « Présence africaine » pour apprécier et
partager les domaines de la création du continent africain ?
En 1947, Alioune Diop écrit à propos de « Présence africaine » : « cette
revue ne se place sous l’obédience d’aucune idéologie philosophique et
politique ». Il donne le ton au cas où d'aucuns auraient voulu récupérer
politiquement ou intellectuellement les écrits publiés par des dizaines
d’artistes africains ou d’origine africaine. Il redéfinira encore plus
clairement ses objectifs en 1955 en déclarant : « Tous les articles seront
publiés sous réserve que leur tenue s’y prête, qu’ils concernent
l’Afrique, qu’ils ne trahissent ni notre volonté antiraciste,
anticolonialiste, ni notre solidarité des peuples colonisés ».
« Présence africaine » est donc un outil de diffusion qui a permis aux
intellectuels et aux écrivains noirs de revendiquer leurs identités
culturelles et historiques que le contexte colonial niait pratiquement
totalement. Cette revue fut un véritable mouvement, un réseau d’échange et
une tribune d’expression libre des différents courants d’idées liés au «
monde noir » ; « Présence africaine » a aussi été le médiateur pour
constituer la bibliothèque des textes fondateurs de l’anticolonialisme en
France. Dès les premiers numéros, Alioune Diop s’entoure de toutes les
personnalités intéressées par le monde noir, ethnologues, anthropologues
(Marcel Griaule, Georges Balandier, Théodore Monod, Michel Leiris ou
encore Paul Rivet), d’écrivains et de philosophes (Aimé Césaire, Léopold
Sédar Senghor, Jean-Paul Sartre, André Gide, Albert Camus ou Richard
Wright), ainsi que de galeristes et critiques d’art (Charles Ratton ou
William Fagg).
L’exposition dossier sur la revue « Présence africaine », au musée du quai
Branly, jusqu’au 31 janvier 2010, mezzanine Est, en continuité de celle
sur les artistes d’Abomey, a pour objectif de montrer le rôle majeur joué
par cette revue dans l’histoire politique et culturelle des intellectuels
noirs francophones, anglophones et lusophones des années 50/60. Dans les
vingt premières années de son existence, la revue analyse le rôle de
catalyseur qui lui incombe, et en 1949, la décision est prise de fonder
une maison d’édition et de produire en 1953 le film d’Alain Resnais et
Chris Marker « Les Statues meurent aussi ». Il y aura aussi la création
d’une association culturelle en 1956 permettant à « Présence africaine »
d’organiser deux congrès d’écrivains et artistes noirs en 1956 et 1966, et
de participer très activement à la mise en œuvre du « 1er festival des
arts nègres » en 1966 à Dakar. Des images d’archives de l’INA, Gaumont et
Pathé montrent à quel point il fallait ouvrir le monde des arts à ceux des
artistes africains, et ainsi qu’insistait André Malraux dans son discours
à Dakar, il était évident « de voir l’art nègre, comme la manifestation
des expressions africaines, qui relèvent des arts et certainement pas de
l’exotisme ».
Le concept de cette exposition dossier, avec des documents écrits, des
lettres d’artistes comme Picasso, André Breton et bien d’autres qui se
sont politiquement et artistiquement positionnés par rapport à l’Afrique
et au colonialisme, des vidéos d’ethnologues, anthropologues, cinéaste,
poètes et écrivains exprimant la nécessité d’avoir créé avec Alioune Diop
cette revue, les nombreuses couvertures des numéros de la revue, permet de
révéler au public, le rôle méconnu des intellectuels africains, antillais,
malgaches, et noirs d’Amérique, dans la vie intellectuelle française et
mondiale et aussi de connaître la personnalité et le travail d’Alioune
Diop, « le Socrate noir » comme l’appelait Léopold Ségar Senghor, trop peu
connu de nos compatriotes.
Cette exposition questionne et donne les réponses à ces questions, suivant
un plan de parcours établit par Sarah Frioux-Salgas, commissaire de cette
exposition, qui comme Georges Balandier, rappelle qu’il ne faut pas
oublier que les problématiques des études postcoloniales avaient déjà été
abordées par les acteurs de « Présence africaine » dès les années 50, et
que si le nom de la revue est célèbre, son contenu, ses éditions et son
apport et impact sont eux largement méconnus, et cette exposition a la
charge de nous les faire découvrir. C’est en quatre grands chapitres que
se découpe le parcours proposé : « L’atlantique noir, du panafricanisme à
la négritude » est consacré aux sources de la négritude, aux échanges
culturels et politiques entre l’Afrique, les États-Unis et la France dans
les années 1930. La seconde partie expose le projet et l’engagement
qu’incarnent la revue et la maison d’édition « Présence africaine ». Un
troisième espace intitulé « 1956 -1959 : Les intellectuels noirs débattent
» s’attache à présenter les idées et les principes de « Présence africaine
» exposés au cours de deux colloques organisés par la revue en 1956 et
1959. Un premier congrès des écrivains et artistes noirs venus des
Antilles, des États-Unis, de Madagascar, des Caraïbes Er d’Afrique doit
faire l’inventaire de la culture noire, du combat politique et culturel
afin de commencer à apporter une réponse au questionnement de toutes ces
personnalités réunies : comment se définir quand on n’a pas de culture
commune ? Que faire de l’héritage commun que constituent le racisme et
l’esclavage quand on est un intellectuel ? C’est Pablo Picasso qui en
créera l’affiche. Une quatrième partie est consacrée à « Dakar 1966 : les
arts d’Afrique en Afrique ». Cette année 1966 est en effet marquée par la
création du premier festival des arts vivants et anciens de Dakar. La
France et le Sénégal coordonnent ensemble l’exposition des arts anciens
sous l’égide d’André Malraux et de Léopold Sedar Senghor. « Le festival
est un moment crucial pour dire, frères africains, ce que nous avons
depuis toujours à dire, et qui n’a jamais pu franchir le seuil de nos
lèvres », dira alors Amadou Hampathé Bâ. Dès 1951, « Présence africaine »
consacra un numéro spécial sur les arts africains, c’est cette même année
que « Présence africaine » commande le film « Les Statues meurent aussi »
à Alain Resnais qui fut censuré en 1953.
Les 40 documents d’archives, les 110 photographies et les 19 objets qui
forment cette exposition dossier, donne l’unique occasion pour le visiteur
de découvrir, pour la première fois dans une institution muséale,
l’histoire de la revue « Présence africaine » et de comprendre
chronologiquement les réflexions et démarches intellectuelles, culturelles
et politiques de ce mouvement littéraire. Indispensable, la parution du
numéro spécial « Graghiva au musée du quai Branly – Présence africaine :
les conditions noires : une généalogie des discours » qui est une source
de documents historiques, bibliographiques, photographiques et d’études de
chercheurs retraçant la création de la revue et le travail de fond de ces
protagonistes. À lire et relire avant (comme introduction), pendant (comme
guide et sources de références) l’exposition et après (comme mémo), car la
densité des informations qu’apporte cette promenade culturelle nécessite
un support de qualité, ce qui est le cas de cette parution.
Comme à son habitude, le musée du quai Branly stimule la curiosité et
montre là la largesse de sa mission interculturelle.
Des visites-conférences, des rencontres, des journées d’étude sont
organisées autour de cet événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.quaibranly.fr
Publication d’un numéro spécial de « Gradhiva au musée du quai Branly ».
ISBN 9 782657 440180
240 pages – illustrations et photographies noir et blanc
Pour Lexnews, Evelys Toneg
MATISSE & RODIN
Musée Rodin
jusqu'au 28 février 2010
Henri Matisse (1869-1952) avait trente et un ans lorsqu’il rencontre
Auguste Rodin (1840-1917) lui-même âgé de soixante ans. Bien que rien dans
cette rencontre (en 1899) n’enthousiasme follement Matisse, ce dernier n’a
jamais caché son admiration pour celui qu’il qualifie de « très grand
sculpteur ». Ces deux immenses artistes qu’une génération sépare ont tous
les deux bouleversé les codes académiques dans la sculpture comme dans la
peinture de leur époque.
Nadine Lehni, commissaire de l’exposition « Matisse & Rodin » rassemble
ces deux maîtres sur un terrain commun : le dessin et la sculpture. Si ces
deux figures majeures de l’histoire de l’art des XIXe et XXe siècles
représentent pour le grand public, l’un, Rodin, la sculpture et l’autre,
Matisse, la peinture, il n’est pas moins vrai que leur attachement à la
figure humaine les ont conduits tous les deux à observer avec un nouveau
regard, dessiner, modeler avec de nouveaux gestes les corps de leurs
modèles, étudier ceux en mouvement, chez les danseuses et danseurs qui
grâce à Isadora Ducan et Nijinski libérèrent la danse.
C’est dans un couloir de dessins de ces deux grands artistes que débute
cette exposition. Que l’on soit admiratif, attentif par l’évolution et la
qualité des traits allant du plus conventionnel au plus essentiel, au plus
épuré, et même intimidé par la liberté, la sensualité des poses
inattendues, acrobatiques, voire érotiques, des modèles, voici le premier
choc de ces deux Titans. « Mon dessin au trait est la traduction
directe et la plus pure de mon émotion. La simplification du moyen permet
cela… », propos de Matisse dans « Notes d’un peintre sur son dessin »
en 1939. « C’est bien simple, mes dessins sont la clef de mon œuvre : ma
sculpture n’est que du dessin sous toutes les dimensions… » dira Rodin à
René Benjamin en 1910. Dans leurs déclarations mêmes, Matisse et Rodin
ressentent un besoin d’épurer le dessin puis la sculpture et certainement
la pensée pour aboutir à ces séries d’œuvres sculptées.
Le premier modelage de Matisse (1899-1901), d’après l’artiste animalier
Barye présente déjà une vision et un traitement nouveau d’un sujet
résolument classique d’une scène de chasse. Les deux animaux se fondent
quasiment l’un dans l’autre. C’est après l’acquisition du « Buste d’Henri
Rochefort » plâtre original de Rodin, que Matisse se met au travail et
géométrise très sensiblement les traits d’Henri Rochefort, sans doute une
des prémices de la révolution latente dans l’art de la fin du XIXe et le
début du XXe siècle.
Ici Matisse se saisit et se démarque aussi de la sculpture de Rodin «
en réalisant un travail d’architecture, remplaçant les détails explicatifs
par une synthèse vivante et suggestive… » selon l’artiste. C’est dans
une grande douceur que l’on passe d’un espace à l’autre, on se retrouve
alors devant un bronze, persuadé reconnaître une ébauche de «L’homme qui
marche» de Rodin, mais le sentiment éprouvé incite à regarder la sculpture
plus attentivement, à tourner autour et à comparer, et là, oui, c’est du
Matisse ! Cette sculpture emblématique qu’est « Le Serf (1900-1903)»,
Matisse aura mis trois ans à la réaliser après de très nombreuses séances
de pose. Ce fut une aventure proche de celle de
« L’homme qui
marche (1877) » de Rodin, qu’il aura vu en 1900 dans une exposition en
marge de l’exposition universelle. « Le Serf » est assurément la première
statue indépendante du siècle naissant, avec les traces des doigts de
l’artiste laissées dans la terre, l’aspect brut de tous ces défauts
reconnus comme nécessaires à l’œuvre, mais « cette statue qui, partant
d’une conception voisine de celle de Rodin, devient quelque chose d’autre,
plus rude et partiellement informe, mais extrêmement expressif.» (Jean
Puy « Souvenirs » 1939). C’est accidentellement qu’en 1908 les bras sont
cassés et que Matisse radicalise cette amputation avant de couler en
bronze la figure ainsi tronquée. Il emprunte alors cette voie originale et
audacieuse ouverte par Rodin, avec ces corps sans tête, sans bras ou sans
jambe, dans laquelle les deux sculpteurs ont le souci essentiel d’évoquer
de la façon la plus expressive possible un geste particulier.
« …Je ne corrige pas la nature, je m’incorpore à elle, elle me conduit.
Je ne puis travailler qu’avec un modèle. La vue des formes humaines
m’alimente et me réconforte. » Rodin « …Je dépends absolument de mon
modèle que j’observe en liberté, et c’est ensuite que je me décide pour
lui fixer la pose qui correspond le plus à son naturel. » Matisse.
L’approche même de la relation avec les modèles qu’ont Matisse et Rodin
leur confère une sorte de pensée commune, de respect de la liberté de
mouvement, ne serait-ce pas là aussi une transformation radicale de
l’appréhension du modèle qui n’est plus un objet sur lequel l’artiste
impose son désir, mais une source de sensations pures et rapides à
exprimer de toute urgence dans la terre glaise ? Et comme Rodin, Matisse
en tant que sculpteur préfère le modelage de l’argile à la taille directe.
Matisse et Rodin ont la même adoration pour le nu féminin, l’un et l’autre
ont besoin de travailler “d'après nature” et tous leurs dessins d’étude de
corps féminins montrent un certain hymne à la femme. C’est cette approche
du modèle qui chez ces deux artistes déclenchera le processus de création.
La danse, cet
art de l’instant, fugace et jamais répétitif, exalte autant Rodin que
Matisse. “Par le chant et la danse, l’homme manifeste son appartenance
à une communauté supérieure : il a désappris de marcher et de parler, et,
en dansant, il est sur le point de s’envoler dans les airs, il se sent
dieu… ” écrivait Nietzsche. « Le principal mérite de la bonne
sculpture est de rendre le mouvement…» affirme Rodin. Intéressé par
les formes de danses les plus nouvelles et les moins académiques, Rodin
s’enthousiasme pour les danses traditionnelles exotiques (des Javanaises
en 1889, les petites Cambodgiennes en 1906). Ces formes d’expression sont
pour lui « une séduction exotique et merveilleuse… », Rodin est
proche d’Isadora Ducan et de Nijinsky qui lui fait découvrir un langage
corporel novateur, athlétique et primitif. Toute une série de statuettes
consacrées aux études en terre cuite de Rodin défie les lois de la
gravitation dans des poses prise « en plein vol », une sorte de frénésie
chorégraphique… L’extraordinaire statuette de Nijinsky, replié sur
lui-même sans son pied d’appui et prêt à bondir est un chef-d'œuvre à elle
toute seule. Tout est concentré dans quelques grammes de terre et quelques
centimètres de hauteur, elle porte en elle le génie de Rodin qui a
assimilé celui du danseur. Rainer Maria Rilke a bien vu d’ailleurs qu’une
telle figure ne distribue plus les mouvements, mais « les reprend de
toutes parts» et c’est exactement ce que transmet « Le nu appuyé » de
Matisse. Prendre appui c’est capturer des forces externes à la statue,
celles du cosmos. La danse est un des thèmes dans la carrière de Matisse
et l’œuvre de Rodin va trouver de nombreux échos dans les images qu’il
donnera aussi de la danse entre 1905 et 1931. La danse renvoie dans les
esprits de ces deux créateurs aux notions de jeunesse et de vitalité, de
l’équilibre à l’envol. Avec cet exercice autour de la danse qui va des
statuettes à la décoration murale (la Danse 1931-1933) commandée par
Albert Barnes pour sa maison de Merion, Matisse explore la joie qu’il a de
modeler autant que de peindre. « Ainsi, pour exprimer la forme, je me
livre, parfois à la sculpture, qui me permet, au lieu d’être placé devant
une surface plane, de tourner autour de l’objet et de le mieux connaître.
» Depuis « Le Serf » et jusqu’à ses « Nus de dos », Matisse cherche comme
Rodin, Bourdelle et Maillol un peu plus tard, à libérer la sculpture de
son académisme, de toutes les contraintes anatomiques et sa représentation
illusionniste en contrebalançant le réalisme installé par l’expressivité
des formes, la suggestion du mouvement et des émotions. Les deux
sculpteurs ont souvent ce même objectif de parvenir à une silhouette (en
sculpture) ou une arabesque (en dessin) plus satisfaisante et plus
expressive. Rodin est le premier à fragmenter sciemment ses figures et à
les présenter comme œuvres à part entière. Matisse, influencé par la
démarche du maître de supprimer tout ce qui ne semble pas essentiel,
emboîtera le pas vers une plus grande abstraction comme dans ses grands
panneaux des « Nus de dos » où l’on peut voir sa propre évolution vers la
recherche de la simplification, de l’épuration. « …La simplicité fixe
l’essentiel… » disait Rodin à Henri Dujardin-Beaumetz dans ses
entretiens sur l’art. Et c’est avec une série de dessins de Rodin « Femmes
nues agenouillées » que l’on voit le travail vers une abstraction plus que
certaine. C’est le grand changement de ces deux siècles si proches de nous
que nous fait vivre cette exposition autour de « Matisse & Rodin ». C’est
une longue quête de la simplicité qui est au cœur du travail de ces deux
artistes autant dessinateurs que sculpteurs, qui sans être rivaux se sont
croisés spirituellement et artistiquement. Devenus des maîtres, les jeunes
artistes qui les copieront et les étudieront seront libérés de tant de
cadres et de carcans anciens qu’ils ont pulvérisés définitivement.
Il apparaît indispensable de déambuler dans cette très belle exposition
qui ouvre l’esprit à la connaissance et à la reconnaissance d’étapes
fondamentales de notre histoire de l’art, vivante et toujours si proche de
nous tous.
Des visites-conférences, des rencontres, des journées d’étude sont
organisées autour de cet événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site :
www.musee-rodin.fr
Le catalogue de l’exposition est disponible au musée.
Format 21 X 28 cm
160 pages – 130 illustrations couleurs.