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Édition Semaine n° 19 - mai 2012

LES EXPOSITIONS A DECOUVRIR avec LEXNEWS :

 

PROGRAMMES, LIEU, INFOS PRATIQUES,...

 

ARTEMISIA, pouvoir, gloire et passion d’une femme peintre

musée Maillol jusqu'au 15 juillet 2012.



Ce sont ces peaux pâles où la lumière créé des ombres franches et douces, des clairs-obscurs, ces nus, ces fouillis de cotonnade blanche, ces imposants bouillonnés de velours lourds bleu intense, ocre ou rouge sombre, ces turbans et châles brodés d’or qui attirent en premier le regard et puis il y a cette saisissante violence des scènes bibliques ou autres portraits qui dévoilent une autobiographie et des autoportraits si peu dissimulés. On y voit de la rage, de la furie, de la vengeance et du sang qui coule et souille le tissu des splendides robes des criminelles…
Partout ce regard dur et ce visage, ce corps, les mêmes, sur toutes les toiles, ceux d’Artemisia, son propre modèle. Première femme peintre reconnue dans ce 17e siècle où l’art appartient uniquement aux hommes, tel son père, Orazio Gentileschi (1563-1639) reconnu comme un grand peintre de cette époque par Le Caravage lui-même.

 


Artemisia, aînée d’une fratrie de 6 enfants, est née en 1593, un temps où les femmes n’avaient aucun droit, même pas celui de sortir dehors. Douée, très douée pour les arts, elle fut formée par son père à toutes les étapes de la création d’une œuvre picturale, en cachette, dans les hauteurs de l’atelier entre la piazza del Popolo et la piazza di Spagna. Au début de sa carrière, Artemisia, bien qu’adulée en son temps, fut bien plus connue du grand public par le roman de sa vie que par son art pourtant si affirmé (histoire du procès de son viol par le collaborateur de son père Agostino Tassi, publié en 1876 par Bertolotti qui la réintègre dans l’histoire de l’art après des siècles d’oubli).

 


 

Dès son arrivée à Florence en 1613, au bras de son époux, le peintre Pierantonio Stiattesi dont elle aura plusieurs enfants et libérée de la tutelle de son père, du haut de ses 20 ans, le charme de la jeunesse, le talent et son histoire dans ses bagages, elle connaîtra un succès immédiat, protégée de la cour de Cosme II de Médicis. Elle peignait comme les plus grands maîtres florentins. Elle gagnera définitivement son indépendance de femme et d’artiste lorsqu’elle fut admise à l’Accademia del Disegno en 1616, où elle rencontra Galilée et se lia d’amitié avec le grand physicien. Elle a su aussi s’entourer du dramaturge Michelangelo Buonarroti (petit neveu de Michel-Ange) et en 1622 du peintre français Simon Vouet. Elle fréquenta alors musiciens et peintres et parfit sa culture auprès des plus grands. Artemisia va voyager entre Florence, Rome, Venise, Londres et Naples, au grès de ses amours, des commandes et des dettes qu’elle fuyait. D’autres femmes peintres exerçaient à l’époque l’art de la nature morte ou du portrait, mais la rage de vivre d’Artemisia en fit la seule qui peignit des nus, des scènes bibliques alors réservées aux hommes, elle s’affirma dans la première toile signée de son nom « Suzanne et les vieillards » (1610) et s’attaqua plus tard aux héroïnes de l’histoire antique, des résistantes à la condition des femmes.

 

 

C’est vraiment dans ces œuvres fortes et d’une esthétique unique, qu’elle fut considérée comme la première femme peintre expliquent Roberto Contini et Francesco Solinas les deux commissaires de cette première rétrospective des œuvres d’Artemisia à Paris. Dans le parcours proposé, certains sujets sont déclinés plusieurs fois à différents moments et l’on y distingue l’œuvre maîtresse des autres tout aussi intenses, comme « Suzanne et les vieillards » ou « Bethsabée au bain » (1640-1645). La délicatesse des portraits, « autoportrait au luth » (1615-1619), « Sainte Cécile » (1610-1612), « Sibylle » (1608-1609), « portrait de religieuse » (1613-1618) ou ses allégories « Muse de la peinture » (1635), « l’allégorie de la renommée » (1630-1635) n’en sont pas moins faits de grâce et de volonté. Certaines toiles ne lui furent pas attribuées, explique Alexandra Lapierre, écrivaine, parce qu’on les disait trop belles pour être celles d’une femme… Pendant quarante ans, cette femme cultivée, ambitieuse, intelligente et déterminée à ÊTRE ce pour quoi elle savait qu’elle était destinée, va peindre, peindre et encore peindre. On perd la trace d’Artemisia autour de 1654. On suppose qu’elle meurt âgée de 61 ans en 1656 pendant l’épidémie de peste. Elle est enterrée à l’église San Giovanni dei Fiorentini à Naples.
Bien que des collectionneurs privés, comme Don Antonio Ruffo, achetèrent nombre de ses toiles, il faudra attendre 1883, la réédition des archives du procès de Tassi, pour qu’Artemisia soit de nouveau perçue comme une grande artiste dans le monde de l’art. Mais c’est véritablement dans les années 1960/1970 que sa peinture est regardée plus attentivement comme une œuvre militante et qu’à travers la supériorité de son art elle a fait triompher LA FEMME.
Sur les trente six lettres inédites écrites par Artemisia entre 1618 et 1620, que Francesco Solinas a découvertes, cinq sont exposées à Paris et confirment que cette femme d’affaires était aussi une amoureuse passionnée.
« Si j’avais été un homme, je doute que cela se serait passé de la sorte…», se plaignait-elle souvent…

C’est jusqu’au 15 juillet 2012, au musée Maillol-Fondation Dina Vierny, que sont exposées les toiles de la période napolitaine de cette femme d’exception que fut cette artiste italienne du 17e siècle : Artemisia.

Eivlys Toneg
 


A lire :
Le catalogue de l’exposition – coédition Musée Maillol/ Gallimard.
256 pages

 

 

Exposition Berthe MORISOT – musée Marmottan Monet
8 mars 2012 au 1er juillet 2012


 

Quoi de plus naturel que de rendre un hommage à Berthe Morisot au musée Marmottan, lieu qui abrite tant de ses peintures léguées par la famille du peintre ?
Cette exposition jette un nouveau regard sur celle qui fut trop souvent occultée par les figures de proue de la peinture de cette fin du XIX° siècle que furent Manet, Degas, ou encore Renoir. Et c'est avec le regard porté par Berthe Morisot sur elle-même que nous pouvons commencer la visite. Cette admirable représentation date de 1885, le peintre a alors 44 ans, et il ne lui reste plus que dix ans à vivre. Le visage est assuré, à peine marqué par les années depuis le fameux tableau que Manet lui avait consacré et qui est également présent à quelques mètres de là. Le corps est droit, le regard noir, toujours aussi perçant, qu'un foulard sombre vient renforcer. La représentation n'est pas idéalisée : Berthe Morisot se voit avant tout comme un peintre, tout dans sa tenue, ses vêtements et dans son corps manifeste ce seul désir. Nous ne savons pas si le léger sourire, à peine esquissé sur ses lèvres, s'adresse à elle-même par distance, ou bien à son art.

 

Berthe Morisot, Autoportrait, 1885 - Huile sur toile - 61 x 50

- Musée Marmottan Monet, Paris - © Musée Marmottan Monet, Paris / Bridgeman Art / Presse


Toujours est-il que Berthe Morisot est peintre avant tout, à l'image des hommes de son époque et qui l'ont d'ailleurs accueillie comme telle. Elle saura très rapidement faire évoluer son style vers des teintes pastel délicates qui ne seront pas sans rappeler Watteau ou Fragonard, mais une fois encore nous cédons là à des références masculines...
Tout le propos des commissaires de cette exposition audacieuse est de démontrer justement que Berthe Morisot n'est pas une artiste de second plan, mais bien un peintre ayant acquis une réputation solide lui permettant une vision d'avant-garde qui anticipera souvent sur bien des novations réalisées quelques années plus tard par Monet par exemple.
 

L’influence de l'impressionnisme est déjà bien présente dans de nombreuses œuvres ayant pour thème l'enfance. Le visiteur sera certainement troublé par ce "Cerisier" peint en 1891 où les lignes des arbres se mettent à fuir sous l'effet de la cueillette. La lumière abonde, les vêtements cotonneux se fondent dans le végétal, retrouvant ainsi leur état initial. Nous avons presque le sentiment d'être déjà au XX siècle...

Mais ce sont surtout des toiles comme celle intitulée "sur le lac du bois de Boulogne" qui emporteront conviction : une femme et une jeune fille sont assises dans une barque sur le fameux lac enchantant encore les Parisiens. Deux cygnes et des canards s'approchent de l'embarcation. Au-delà, la surface de l'eau subit une métamorphose incroyable qui n'est pas sans rappeler ce que fera Monet, des années plus tard à Giverny. L'onde est traitée par touches successives à un tel point qu'un canard n'y retrouverait pas son petit ! Et pourtant la magie gagne, l'effet rendu est audacieux, nous sommes en plein Impressionnisme. Il faudrait encore s'attarder sur ces meules peintes en plein champs, ces jours d'été vaporeux où seules quelques impressions nourrissent la toile...

 

Berthe Morisot, Sur le lac du bois de Boulogne, 1884 - Huile sur toile - 55 x 43

- collection particulière © Christian Baraja, studio SLB

 

Nous quittons définitivement le XIX siècle avec cette œuvre peinte par Berthe Morisot, alors même que l'artiste ne connaîtra pas le siècle nouveau. Sa peinture manifeste une véritable relecture des formes et des lignes, annonciatrice des grandes mutations à venir dans l'univers pictural du XX siècle.
 

Bergère nue couchée, 1891 Huile sur toile, Carmen Thyssen-Bornemisza, Madrid, en prêt au musée Thyssen-Bornemisza © Carmen Thyssen-Bornemisza Collection, on loan at the Thyssen-Bornemisza Museum


Catalogue de l'exposition Berthe Morisot 1841-1895, HAZAN éditions, 2012.

 

Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 heures et nocturne les jeudis jusqu'à 20 heures - fermeture le lundi, le 1er mai, le 25 décembre, et le 1er janvier.
2, rue Louis-Boilly 75016 Paris France
Tél. : 01 44 96 50 33

 

 

Matisse, paires et séries
Centre Pompidou
Jusqu’au 18 juin 2012



On entre dans la peinture de Matisse comme dans une véranda inondée de lumière. Partout, les sollicitations de couleur submergent l’œil découvrant cet univers à nul autre pareil. C’est ce rayonnement pictural qui est particulièrement bien rendu dans l’exposition du Centre Pompidou sous la direction du commissaire Cécile Debray. Qui mieux qu’Aragon a su décrire cet effet d’apparente simplicité de la peinture d’Henri Matisse, simplicité de ce qui est parvenu à l’essentiel dans l’art. Aragon dans son poème « Matisse parle » prononce cette phrase prophétique à l’égard de la peinture du maître :
Tout ce qu´enfle un soupir dans ma chambre est voilure.
Et le rêve durable est mon regard demain
Le poète souligne ainsi la poésie du peintre qui sait expliquer sans les mots le pas qui fait la ronde, le soleil sur l’épaule pensée, et tout cet univers capté par l’artiste et rendu vivant dans ses toiles.
Cette très belle exposition suggère d’appréhender l’œuvre de l’artiste sous l’angle de la répétition, pratique qui ne relève pas de l’exercice, mais plutôt de la tentative de capter le réel et l’imaginaire en une seule peinture. Les séries ainsi présentées, souvent pour la première fois depuis leur création, suggèrent alors un univers incroyable, pourtant à la portée de notre regard et en même temps si éloigné de notre perception du réel. Le peintre, à l’image du poète, a brisé -ou pour Matisse plutôt effacé- les rigidités de la représentation, qu’il s’agisse des formes ou des couleurs.

Ces soixante peintures et cette trentaine de dessins proposent ainsi d’entrer dans l’intimité du peintre quant à sa perception du monde. Le visiteur pourra alors percevoir cette « explication » du monde pour reprendre le poème d’Aragon, dimension que seuls le poète, le musicien, le danseur ou encore le sculpteur atteignent parfois dans le génie de leurs créations.
 

Arrêtons-nous devant ces Capucines à la danse dans leur version I et II dans lesquelles Matisse entrelace dans une farandole d’une légèreté aérienne le mouvement des corps en écho avec celui des fleurs au centre du tableau. La nature suggère l’imitation de la danse à moins qu’elle ne se plaise à imiter les hommes dans leur légèreté… Les éléments rigides du mobilier ne sont là que pour mieux souligner le caractère éthéré de la ronde. Ainsi, grâce à ce choix particulièrement éclairé des œuvres du peintre, nous pouvons déambuler à travers les différentes salles comme dans une invitation à la danse initiée par le peintre, entre esquisses et tableaux achevés !

 

Capucines à La Danse I      Capucines à La Danse II
Issy-les-Moulineaux, printemps-début été 1912 Issy-les-Moulineaux, printemps-début été 1912
Huile sur toile  Huile sur toile
191,8 × 115,3 cm  190,5 × 114 cm
The Metropolitan Museum of Art, New York  Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou
Legs de Scofield Thayer, 1982  Ancienne collection Serguei Chtchoukine



Centre Pompidou
75191 Paris cedex 04
Téléphone : 00 33 (0)1 44 78 12 33
Métro : Hôtel de Ville, Rambuteau
Horaires : Exposition ouverte
tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi

 

 

 

La pluie

exposition au musée du quai Branly

jusqu'au 13 mai 2012



En ces temps de changements climatiques et de phénomènes météorologiques majeurs, dans différentes régions du monde jusqu’alors préservées, on constate un véritable bouleversement des saisons, des températures et essentiellement du manque de pluie ou son contraire, d’inondations. Ce déséquilibre qui a des conséquences dramatiques pour les hommes et son environnement. Quels rapports avons-nous avec les éléments naturels qui nous dépassent par leur force, leur violence ou leur absence soudaine. Nous qui sommes faits à presque 80% d’eau, quels sont ceux que nous entretenons avec notre source vitale ?
Quelques réponses se trouvent au musée du quai Branly, mezzanine Est, jusqu’au 13 mai 2012 avec, sous le commissariat de l’ethnologue Françoise Cousin, l’exploration de ce dénominateur commun à toutes les cultures depuis la nuit des temps : La pluie. La diversité des mythes, de la symbolique, des rites et cérémoniels permettent de comparer les approches culturelles de cet élément universel, qu’il soit imploré ou maudit.
« La pluie, on la prévoit, on l’appelle, on l’attend, on la craint, on s’en protège, on la reçoit comme le plus grand cadeau » commente Françoise Cousin, et c’est le fil conducteur de cette exposition étonnante qui nous montre les différentes représentations réalistes, figuratives ou abstraites, symboliques ou métaphoriques allant jusqu’à la divination de chaque goutte tombée du ciel. Rassemblant une centaine de pièces et documents iconographiques, le parcours de l’exposition nous amène à appréhender la pluie dans le système global de l’univers, explorant ces différents aspects à travers une sélection d’œuvres collectées en Afrique, Asie, Océanie et Amérique. Tous ces objets « à forte charge émotionnelle et esthétique » en côtoient d’autres, plus ordinaires ou strictement utilitaires. Sont donc réunis en ce même lieu, le trivial et le spirituel, le profane et le religieux dans le contraste métaphorique de ce que représente la pluie dans l’équilibre de la vie même. Divisée en trois sections, l’exposition commence par des pierres dont les formes font penser à des nuages, ou encore dites « pierre à magie » à l’aura magico-religieuse qui donnent d’emblée la dimension des projections du désir profond de faire venir la pluie à travers certains rituels que l’on retrouvera dans toutes les cultures concernées. Et quand elle tombe avec plus ou moins de violence sur les cultures et apporte tous ses bienfaits à la terre, l’homme, lui, s’en protège.

C’est l’occasion de montrer des vêtements de pluie et accessoires parfois très sophistiqués et qui prouvent une connaissance des matériaux naturels et d’un savoir-faire ancestral dans la réalisation de ces protections (notons par exemple un « K-Way » esquimau en intestins de phoque). Tous les rituels autour de la venue de la pluie démontrent sa nécessité vitale, mais aussi de l’importance d’en favoriser et d’en contrôler sa venue. La pluie fertilise la terre pour de bonnes récoltes et nourrir les peuple, de même symboliquement elle fertilise aussi le ventre de la femme, elle est donc associée à la fécondité et on trouvera des rituels communs pour ces deux attributions. Tous ces rites et cérémonies soulignent l’importance des liens qui unissent les hommes à leurs divinités (système de croyances animiste) et leur place dans l’environnement, conscients que sans cet équilibre naturel, ils ne sont rien, et même en sont les jouets. Faire venir la pluie, par l’intermédiaire de danses, de mascarades, de chants, de transes, de musiques (extraits de films de Jean Rouch sur des rituels de la pluie en Afrique), d’expositions de figurines et sculptures, vecteurs des liens entre les hommes et le réel pouvoir que la nature à sur eux, stimulent la production de créations artisanales d’objets essentiellement consacrés à la pluie depuis la plus lointaine des civilisations. La venue de cette pluie si souhaitée, vénérée, idéalisée et parfois maudite s’est intégrée dans un système de pensée cosmogonique (qui est relatif aux récits mythiques de la formation de l’univers) et a entraîné une symbolique forte liée à la pluie, comme l’arc-en-ciel en tant que lien entre l’inframonde et le supramonde, des représentations d’animaux (essentiellement des batraciens et reptiles) liés à l’humidité et à la saison des pluies : «Il pleut, il mouille, c’est la fête à la grenouille, il fait pas beau, c’est la fête aux escargots ! ». On retrouvera leurs effigies sur des tissus des indiens d’Amérique, des bijoux, amulettes, instruments de musique et autres objets de culte. Dans toutes ces cultures il est nécessaire de concilier avec les divinités, les entités supérieures représentées dans les mythes et conceptions du monde liés à la pluie, ce qu’illustrent les peintures sur écorces des aborigènes de la terre d’Arhem en Australie visant à maintenir l’équilibre entre des forces naturelles identifiées ou non, équilibre tout simplement garant de la survie des hommes.
Que penser de notre avenir, hommes du XXIe siècle, sur cette planète écologiquement en perdition après ce « voyage au bout de la pluie » ? Toute réflexion reste ouverte.

 

Livre cartonné portant la mention manuscrite "Album d'Hokusai".

Japon © musée du quai Branly, photo Claude Germain



Un astucieux livret-jeux en direction des plus jeunes visiteurs est à disposition en début de parcours.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site www.quaibranly.fr
Hors-série Beaux-Arts 44 pages


Eivlys Toneg

 

 

 

Pour l'amour de l'art, Artistes et amateurs français à Rome au XVIIIe siècle
musée des beaux-arts du Canada - musée des beaux-arts de Caen

4 février - 23 avril 2012

 

 

Quel rapport Rome entretient-elle avec ses artistes, notamment français, une fois passée la Renaissance qui a tant fait parler d’elle ? C’est toute la problématique retenue par la dernière exposition du musée des Beaux-arts de Caen qui a organisé à partir d’une scénographie réussie une ambiance propice à un nouvel imaginaire néo-classique. Nous sommes au XVIII° siècle, et les Français ont leur mot à dire et de nombreuses œuvres à réaliser. L’antiquité est bien entendu la première sirène qui enchantera Hubert Robert, Fragonard, Vernet ou encore David, qui déambuleront dans des éboulis rêvés, souvent dans un piteux état… Peu importe, la Rome éternelle ne saurait être détruite, elle ! Le paysage romain naît sous leurs yeux et leur palette reflète cette lumière qui semble parfois diluée dans l’antique, une couleur à nul autre pareil.
Le musée, sous la direction du dynamique Patrick Ramade, offre une très belle sélection d’une centaine de dessins, estampes et peintures qui évoquent cette période exceptionnelle où amateurs, mécènes et artistes vont décidément interpréter une nouvelle version des gouts réunis. Le visiteur aura du mal à résister à ces évocations sincères in illo tempore où les colonnes et les marbres avaient d’autres fonctions que d’attirer les touristes en masse. Cette force d’attraction, encore sensible malgré les décombres de l’antique, permettait à Hubert Robert ces incroyables jardins où les dieux venaient juste de quitter les lieux, quelques instants auparavant…

N’allons pas croire que cette Rome fantasmée était occasion de Bohême ! L’académisme y a droit de cité et les dessins d’une rigueur technique irréprochable sous l’égide de l’Académie de France sont là pour le prouver. Il s’agira de faire ses preuves en copiant les Anciens et l’anatomie n’est pas une option libre en ces temps-là. Mais l’attraction des mythes et de l’imaginaire semblent une fatalité en ces lieux et les peintres les plus aguerris cèderont vite à leurs charmes. Nous avons cité Hubert Robert, prenons également quelques instants pour nous arrêter devant ce Parc romain avec une fontaine, peint en 1774 par Fragonard. Deux grands arbres, des ifs probablement, font figure d’esprit titulaire des lieux. Ils enserrent un sarcophage, ce qui renforce la première impression. Immédiatement le regard se porte sur ces colonnes qui dominent une terrasse bordée de balustrades. Dans ce décor, à la fois atemporel et en même temps animé d’un souffle immémorial, de tout petits individus semblent presque saugrenus, perdus dans cette immensité qui les dépasse. Voilà, un bel exemple de l’imaginaire de ces artistes du XVIII° siècle, épris d’Histoire, nourris de mythe et en même temps amoureux de la vie qu’ils soulignent de leurs traits inspirés !

 

Philippe-Emmanuel Krautter

 

Hubert robert, Jardin d'une villa italienne (detail),1764,

huile sur toile. Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada.


L'exposition présente trois albums rares sous vitrine et consultables dans leurs versions numériques : un album de dessins de Joseph- Marie Vien, un recueil de gravures de Jean Barbault (Les plus beaux monuments de la Rome ancienne, 1761) et un Recueil d'antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines (1752-1767).

 

 

 

SHO 1 - 41 maîtres calligraphes contemporains du Japon
Musée Guimet
Du 14 mars au 14 mai 2012

L’exposition conduite en partenariat avec la fondation Mainichi Shodo Kai (Association pour la calligraphie dépendant du journal Mainichi Shimbun), exposera en « avant-première », les lauréats du concours de calligraphie national organisé chaque année par la fondation.

41 calligraphies contemporaines seront exposées dans l’enceinte du Musée Guimet, au sein des collections permanentes.

Témoignages vivants d’une certaine diversité stylistique, elles suggèrent déjà les principaux courants de la calligraphie japonaise. Cette exposition rendra compte en Europe de la vivacité de la pratique contemporaine de la calligraphie au Japon ; Elle permettra dans le même temps d’appréhender peu à peu l’histoire de cet art au Japon et de témoigner de son importance fondamentale dans l’esthétique extrême-orientale, et notamment quelle compréhension les collectionneurs, les artistes, les contemporains et les écrivains, ont développé de cet art.

Pour cette raison, créant le lien entre ses collections patrimoniales et le Japon d’aujourd’hui, le musée Guimet a choisi de mettre en regard ses collections, les lauréats de ce concours de calligraphies contemporaines, mais aussi des œuvres essentielles appartenant à la collection de la fondation Mainichi Shodokai.

Musée Guimet
6, place d’Iéna
75116 Paris
Tel : 01 56 52 53 00
 

 

 

 

Les masques de jade Mayas

Pinacothèque de Paris

jusqu'au 10 juin 2012



« Ils partent vers l’au-delà, le visage couvert d’un masque où leurs traits se mêlent habilement à ceux du dieu du maïs K’awiil : passeport vers la réincarnation… »
Ce que nous propose la Pinacothèque de Paris, jusqu’au 10 juin 2012, dépayse la pensée cartésienne occidentale et l’emporte avec subtilité dans cette mystérieuse culture millénaire maya en créant un parcours de visite original à travers les sépultures de personnages de haut rang de la période dite « classique », qui s’étendait de 250 à 900 de notre ère, mettant en avant cet aspect méconnu de la civilisation maya.
Les Mayas avaient une forte prédilection pour la couleur verte et le jade qui était pour eux le matériau le plus rare et donc le plus précieux. Apanage de l’élite de la société, le jade était associé au sacré, considéré comme un élément vital et primordial comme le ciel ou l’océan, sources de vie dans lesquelles se trouvaient les dieux créateurs. Il est aussi le symbole de l’une des principales divinités, K’waiili, le dieu du maïs, qui donnait l’immortalité au souverain. Le jade symbolisait la pérennité, l’humidité, la fertilité, le renouvellement, la renaissance et le souffle de l’essence vitale. Il était aussi celui des voies de communication entre les trois plans du cosmos. Les treize masques, ici exposés, sont un témoignage artistique, sociétal et politique créé pour les gouverneurs les plus prestigieux de la cité et avaient pour mission d’assurer la vie éternelle à ces hauts dignitaires après leur mort. Ces masques ont donc été retrouvés dans des tombes d’élite, sur la péninsule du Yucatan.
 

Masque funéraire en mosaïque de jade et de chrysoprase
Chambre 203, Temple des Cormorans, Dzibanché, Quintana Roo.
Classique tardif, 600-750 apr. J.-C.
Mosaïque en chrysoprase, jade, Unio sp. et obsidienne 22,5 x 17,5 x 9 cm
Centre INAH, Quintana Roo, Chetumal © Photo : Martirene Alcántara / INAH

Les artistes mayas les confectionnaient à partir de tesselles de jade et de pierre verte, de coquillages, d’escargots de mer, d’obsidienne, d’hématite et plus tard de turquoise et d’amazonite. Ils faisaient montre d’une grande virtuosité dans l’agencement de ces mosaïques, poussant leur art vers le plus grand réalisme possible. Ces masques représentaient généralement le mort sous ses traits de jeunesse et étaient posés sur son visage ou sur son épaule gauche, du côté du soleil couchant. Présentés dans leur contexte originel, les masques de certains dignitaires ou aristocrates, comme le roi Pakal, sont placés avec le reste du trousseau funéraire qui comprenait des colliers de jade, des boucles d’oreille, des pectoraux, des bracelets, des céramiques polychromes, des perles, des offrandes diverses comme des pots de résine ou encore de tapis funéraires confectionnés de graines et de conques. Les masques étaient considérés comme des êtres animés, investis des pouvoirs de ceux qu’ils représentaient (ce que l’on retrouve dans toutes les civilisations où les masques et leurs rituels sont pratiqués), les Mayas les nommaient k’oh, « image », « représentation ».
Vases tripodes, représentation du dieu jaguar de l’inframonde, stèles, figurines, têtes sculptées, masques funéraires et autres récipients cérémoniels, conservés et restaurés, retrouvent une intégrité qui fait d’eux des œuvres d’art d’une qualité exceptionnelle. Environ cent trente pièces constituent ce panorama de l’art et coutumes funéraires maya et donnent une occasion unique de découvrir ces œuvres conservées au musée national d’anthropologie de Mexico et mis en espace sous le regard de Madame Sofia Martinez del Campo Lanz, experte renommée et commissaire de cette exposition.
 

Masque funéraire en mosaïque de jade
Tombe 1, structure VII, Calakmul, Campeche
Classique tardif, 660-750 apr. J.-C.
Mosaïque de jade, Spondylus princeps, Pinctada mazatlanica et obsidienne
grise 36,7 x 23 x 8 cm
Musée d’Architecture maya, Fuerte de la Soledad, Campeche
© Photo : Martirene Alcántara / INAH


Vous trouverez toutes les informations pratiques au 0142680201 et sur le site www.pinacotheque.com

L’album de l’exposition :
24X33 cm, broché – reproductions couleur
Edition Pinacothèque de Paris.
Le journal de l’exposition

Evelys Toneg

 

 

 

 

Christopher Wool
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
30 mars – 19 août 2012

Sans titre, 2001
Encre pour sérigraphie sur toile de lin
Collection particulière
Courtesy de l’artiste et de la galerie Luhring Augustine, New York

 


Depuis plus de 30 ans, Christopher Wool explore les territoires de la peinture abstraite par une continuelle interrogation du procédé pictural : recours à la répétition, application de méthodes de l’art conceptuel et minimal, adaptation d’images photographiques, et travail avec différentes techniques comme le spray, l’encre pour sérigraphie et la reproduction numérique.
Conçue en étroite collaboration avec l’artiste, l’exposition se concentre sur plus d’une trentaine d’œuvres de grand format peintes entre 2000 et aujourd’hui.

 

Né à Chicago en 1955, Christopher Wool émerge sur la scène new-yorkaise au milieu des années 80. Cherchant une troisième voie entre la peinture informelle et le pop-art auquel il emprunte son esthétique (répétition, détournement), il partage avec Jeff Koons, Cady Noland et Robert Gober l’attrait pour la banalité du quotidien.

Durant les années 1990, Wool s’est imposé par une œuvre où domine une esthétique urbaine : notamment avec des motifs gestuels abstraits en noir et blanc, des mots au pochoir à l’humour impassible, adressés au spectateur.

Dans les années 2000, la construction picturale de ses peintures subit une profonde métamorphose. La composition des éléments picturaux – des lignes noires peintes à la bombe ou des clichés d’images sérigraphiées sur toile – se fait de plus en plus complexe et diffuse.

Ses peintures plus récentes associent techniques sérigraphiques et peinture à la main. Entre improvisation et composition, ces œuvres aux techniques multiples font preuve d’une grande liberté formelle.

L’œuvre de Christopher Wool a fait l’objet de nombreuses expositions internationales, en particulier celles au Museum Boymans van Beuningen (Rotterdam) en 1991, au Museum of Contemporary Art (Los Angeles) en 1998, au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg en 2006 et au Ludwig Museum (Cologne) en 2009. L’artiste a participé à la Biennale de Venise en 2011. En 2013, le Musée Solomon R. Guggenheim de New York organisera une importante rétrospective de Christopher Wool.


Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
11 avenue du Président Wilson - 75116 Paris - Tél. 01 53 67 40 00 – www.mam.paris.fr

 

 

« Henri Edmond Cross et le néo-impressionnisme. De Seurat à Matisse ».

musée Marmottan Monet jusqu'au 19 février 2012

 

Le musée Marmottan Monet présente du 20 octobre 2011 au 19 février 2012 une exposition intitulée « Henri Edmond Cross et le néo-impressionnisme. De Seurat à Matisse ».
Cette exposition suit l'évolution chronologique de l'oeuvre d'Henri Edmond Cross (1856 - 1910) et la confronte à celle des autres néo-impressionnistes. Elle met en évidence les liens tissés par le peintre, des années parisiennes durant lesquelles il côtoie Seurat, Signac et les premiers « néo » jusqu'aux années 1892-1910 lorsque Cross s'établit à Saint- Clair et Signac à Saint-Tropez, point de ralliement de toute une jeune génération où Matisse et les futurs fauves s'initieront à la « division ».

C'est au total une centaine de toiles et d'aquarelles en provenance de collections particulières et de musées internationaux (Allemagne, Belgique, Japon, États-Unis….) qui a pu être réunie, permettant ainsi de découvrir des oeuvres inédites de la plus haute importance pour l'histoire du néo-impressionnisme.

La première partie de l'exposition présente des toiles des artistes du premier groupe néo-impressionniste (Cross, Signac, Angrand, Dubois-Pillet, Pissarro, Luce, Van Rysselberghe), qui ont mis en pratique la technique rigoureuse du courant, à travers le mélange optique, la division de la touche, le contraste de tons et l'emploi des complémentaires. L'exposition se poursuit par le parcours parallèle de Cross, Signac et Van Rysselberghe dont les toiles témoignent d'une véritable révélation de la couleur, point de départ d'un « second néo-impressionnisme » qui voit la touche s'élargir et la couleur devenir plus sonore. La dernière partie met en évidence les liens entre Cross et les peintres de la jeune génération, tels que Camoin, Manguin ou encore Matisse, faisant du peintre un jalon essentiel et unique entre le divisionnisme de Seurat et le fauvisme de Matisse et Derain. Enfin, l'exposition laisse une place privilégiée aux aquarelles de Cross, qui jalonnent sa carrière.

Organisée en partenariat avec le musée départemental Matisse du Cateau- Cambrésis, une partie de l'exposition du musée Marmottan Monet sera présentée au Cateau-Cambrésis du 12 mars au 10 juin 2012.
Ces deux expositions, proposant un fonds commun d'oeuvres, enrichies l'une et l'autre de pièces inédites, donneront à l'oeuvre de Cross un éclairage nouveau, dans le but de favoriser sa reconnaissance internationale. En la singularisant parmi les artistes de son époque, tels que Seurat, Signac, Luce, Angrand, Camoin, Matisse…, elles mettront ainsi en avant la nature poétique de son oeuvre et démontreront son importance dans l'aventure de l'art moderne et son influence déterminante.

Commissariat
Françoise Baligand Conservateur honoraire du patrimoine, musée de Douai

 

Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 heures et nocturne les jeudis jusqu'à 20 heures - fermeture le lundi

2, rue Louis-Boilly 75016 Paris France
Tél. : 01 44 96 50 33

 

 

 

Sorcières , mythes et réalités

musée de la Poste jusqu'au 31 mars 2012



Le musée de la poste prendrait-il le risque de refaire venir des sorcières dans la capitale avec sa nouvelle exposition temporaire « Sorcières, mythes et réalités » ? Quoi que vous sachiez ou croyez savoir sur ces femmes de l’ombre, acoquinées au Diable et à ses suppôts, c’est jusqu’au 31 mars 2012 que vous pourrez vous plonger dans cet univers entre mythes et réalités. À travers un parcours à thèmes, de l’imaginaire de la sorcellerie, de la sorcellerie au cinéma, de la chasse aux sorcières, des pratiques magiques et jusque chez Mme P, envoûteuse du 20e siècle, les objets et documents présentés pourraient vous glacer le sang ! Mais, c’est aussi la tragique et réelle histoire de ces femmes qui ont été chassées, torturées, jugées et condamnées au bucher pour des raisons très discutables aujourd’hui, que nous propose avec pédagogie Patrick Marchand, commissaire de ce voyage dans l’inconscient populaire qui a créé bien des mythes autour de ces personnages énigmatiques. L’approche historique, culturelle, ethnologique, ainsi que les productions artistiques qui ont ont pu naître autour de ce monde étrange, entre guérisons et sortilèges, entre crédulité des esprits et prise de position de l’église inquisitrice, sont prétextes à une interprétation inédite des différences dont les sorcières mises au ban de la société ont payé le prix fort.

Cette exposition est également l’occasion de comprendre comment le personnage de la sorcière a cristallisé les peurs complexes d’une société entière, du roi au ravi du village, du pouvoir à la soumission totale. Les sorcières fascinent et effraient, l’ambigüité de leur « non-statut » dans la société en font des êtres à part qui focalisent toutes les peurs ancestrales notamment celle de la mort. Associée au monde des ténèbres, on en oublie qu’elles étaient de parfaites phytothérapeutes et connaissaient bien des secrets du monde végétal, animal et minéral. Sans doute la pharmacopée des sorcières faisait aussi peur que tout le « folklore » des rituels magiques qui accompagnaient la prise d’une potion, l’envoûtement ou son contraire, les sortilèges et autres pratiques qui leur incombaient. Si les sorcières sont devenues des boucs émissaires facilement identifiables notamment par l’église, c’est bien évidemment parce qu’elles reflétaient aussi l’impossibilité de cette dernière d’apporter la véritable réponse au questionnement fondamental humain. Les sorcières étaient-elles des femmes affranchies, libérées ou de grandes schizophrènes ? Les réponses qui jalonnent le parcours de l’exposition nous montrent que face à ses peurs (du néolithique à nos jours) l’homme a toujours eu recours au dit « surnaturel » pour essayer de comprendre et a interprété tout ce qu’il ne comprenait pas en passant par les domaines défendus de la magie (noire ou blanche) de la sorcellerie, de l’exorcisme et autres angoissants systèmes de guérison, celles de l’âme certainement avant celle du corps.
Un parcours enfants attend tous les aventuriers qui n’ont pas peur des grimoires, des chouettes, des serpents, des chats noirs, des pattes de crapauds, des potions et filtres…
Cette exposition est une belle escapade historique entre les 13e et 20e siècles, et rappelle les fondements de nos cultures régionales qui somme toute ont toutes un point commun : les sorcières !
Une série d’événements entoure cette exposition, vous trouverez tous les renseignements sur le site du musée

www.ladressemuseedelaposte.fr
Le catalogue de l’exposition est disponible au musée.
Coédition Ladresse et LVE
160 pages - illustrations couleur et noir et blanc

Eivelys Toneg

 

 

L’invention du sauvage

Exhibitions

musée du quai Branly



Dans la société et la culture dans lesquelles je vis, pour qui suis-je « le monstre », « la curiosité », « l’anormal », « l’exotique », « le sauvage » ? Pour qui suis-je « l’autre » ? Celui ou celle que l’on exhibe, dont on se moque, dont on ne veut pas dans son groupe parce qu’il ou elle est différente. De qui ? Forcément quelqu’un qui ne me verra pas comme je suis, ne supportera pas mes défauts physiques, n’appréciera pas ma culture et ma langue, reculera devant la couleur de ma peau, trop claire ou trop foncée, n’aimera pas mes cheveux, ni mon odeur, ni tout simplement ma façon de vivre et d’appréhender le monde qui m’entoure, quel est cet autre qui me décrirait comme… Un primitif…
Une partie de la réponse se trouve peut-être dans la mezzanine Ouest du musée du quai Branly qui propose, sous le commissariat général de Lilian Thuram et des commissaires scientifiques associés, Pascal Blanchard et Nanette Jacomijn Snoep l’exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage » jusqu’au 3 juin 2012. Son propos met en lumière un « drôle » de processus mis en place dès le 15e siècle et jusqu’au milieu du 20e siècle par les Européens : celui d’exhiber les différences de femmes, d’hommes et d’enfants que les premiers grands voyageurs tels Christophe Colomb rapportent dans les cales de leurs bateaux, comme « curiosités de la nature », à exhiber dans les cours royales.


L’histoire aurait pu s’arrêter là et la découverte de l’autre, des différentes cultures devenir très vite un partage généreux entre humains… Mais quelle idée folle est passée dans l’esprit de certains pour dépasser la frontière ambigüe de la découverte à l’exhibition organisée et la justification scientifique qu’il y aurait des races et non pas des types humains ; une race supérieure, la blanche, et ainsi par le biais des exhibitions, des zoos humains, des spectacles, des villages reconstitués, faire naître dans les esprits l’idée de l’intolérance et du racisme établis dont toutes les cultures du monde sont intellectuellement, et dans les actes, encore imprégnées.
C’est en 1800 que la Société des Observateurs de l’Homme donne corps à une première forme d’étude d’anthropologie. Les premières thèses racistes apparaissent et éveillent en Angleterre, Allemagne, France et aux Etats-Unis une curiosité saine ou malsaine autour de la curiosité de la différence appuyée par des thèses scientifiques qu’aucun, à l’époque, ne remettra en cause, trop heureux de la supériorité prétendue qu’elles accordent aux homo sapiens « blancs ». La construction de ces théories sont illustrées tout au long du parcours de cette exposition dans un processus historique et chronologique, des premières colonisations aux expositions universelles des années 1930, par des témoignages peints, sculptés, moulés, photographiés et diffusés par voie d’éditions, filmés, audios, et qui ne quitteront pas les cultures qui s’en seront emparés pour justifier actes de colonisation, d’évangélisation, d’exhibitions forcées ou de création de véritables spectacles (la revue nègre, le Wild West Show, les danses Zoulous, les spectacles orientalistes…). Même si cette exposition rend une dignité partielle à tous ces êtres rapportés, collectionnés, montrés, exhibés, observés, classés, mesurés, hiérarchisés, recrutés, diffusés, exposés, scénarisés simplement parce qu’on les a considérés comme différents, et à qui on a pu donner une identité, elle laisse un goût amer quant à la considération des hommes entre eux. Toutefois un espoir dans la lutte contre le racisme pointe à l’horizon de cette exposition aussi intéressante que dérangeante, avec le travail de fond des associations et fondations comme « Education contre le racisme » de Lilian Thuram qui travaillent au quotidien sur la déconstruction du concept purement intellectuel et culturel qu’est le racisme. « Pouvons-nous encore avoir une bonne estime de nous-mêmes sans dénigrer l’autre ? » telle est la question posée et qui nous poursuivra dans notre recherche d’égalité, de fraternité et de liberté envers l’Autre.

Le programme de toutes les manifestations entourant cet évènement est sur le site du musée.
www.quaibranly.fr

Evelys Toneg
 

 

 

Exposition Giorgio Vasari - Dessins du Louvre

musée du Louvre
jusqu'au au 8 Février 2012

Vasari Bacchanale

© RMN / Thierry Le Mage



A l’occasion du cinquième centenaire de sa naissance, le Louvre rend hommage à Giorgio Vasari, peintre, architecte et écrivain italien, à travers une exposition des plus beaux de ses dessins conservés par le musée.

Giorgio Vasari, peintre, architecte et écrivain italien, naît en Toscane en 1511. Il se forme à Florence, puis à Rome où il découvre l’Antiquité et les grandes créations de Raphaël et de Michel-Ange. De longues années d’itinérance enrichissent sa connaissance de l’art italien.

 

En 1554, il entre au service du duc de Toscane, Cosme Ier de Médicis, sous le règne duquel l’ancienne République florentine achève de se constituer en État monarchique. Peu à peu, il se retrouve au centre de toute la production artistique florentine, qu’il domine par l’extrême diversité de ses talents, par son sens de l’organisation et par son infaillible instinct de courtisan. Le palais des Uffizi, destiné à abriter l’administration du nouvel État, est l’expression la plus accomplie de son génie. Il meurt en 1574. Vasari est l’un des plus purs représentants de ce qu’il a lui-même contribué à définir comme la bella maniera, la « belle manière » moderne destinée à surpasser la nature et l’antique : un art de cour, élégant et précieux, plein de grâce, de douceur, d’apparente facilité, et dont l’unique fondement théorique et pratique est le dessin. C’est cette conception du dessin comme principe premier de tout acte créateur qu’illustre cette exposition.

Commissaire(s) :

Louis Frank et Stefania Tullio-Cataldo, musée du Louvre, département des Arts graphiques.

Informations pratiques
Adresse :
Musée du Louvre, 75058 Paris - France
Téléphone :
+ 33 (0)1 40 20 53 17
Horaires :
Ouvert tous les jours de 9 h à 18 h sauf le mardi
Nocturnes jusqu’à 21 h 45 le mercredi et le vendredi
Fermetures :
Les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre

 

 

L'univers d'Edvard Munch
Musée des Beaux Arts de Caen

5 Novembre 2011- 22 janvier 2012

Soirée sur l’avenue Karl Johan, 1892, huile sur toile © Werner Zellien, kunstmusuem de Bergen
© The Munch Museum / The Munch-Ellingsen Group / Adagp, Paris 2011.


Edvard Munch est considéré comme le plus grand peintre de l'Europe du Nord. Contemporain de Gauguin et Van Gogh, il a été témoin et surtout acteur de la grande aventure de l'art moderne, à la suite de l'Impressionnisme. La tendance symboliste de sa peinture et son rôle dans l'émergence de l'expressionnisme lui ont donné une place exceptionnelle dans l'histoire de l'art. Si la production du peintre fascine par sa constance et son aptitude au perpétuel dépassement ; son oeuvre gravé n'en est pas moins exceptionnel. Munch commence la gravure à Berlin en 1894 mais c'est à Paris, en 1896, qu'il fait ses vrais débuts, apprenant la lithographie et surtout l'art difficile de la gravure sur bois. La rigueur de l'art graphique, la concentration qu'elle impose libère son art lui permettant d'atteindre plus complètement qu'en peinture cette puissance synthétique qu'il recherche éperdument. C'est pourquoi nous avons choisi de présenter les facettes de ce génie scandinave en confrontant deux modes d'expression essentiels chez lui: la peinture et l'estampe.
Ce parti a été possible grâce à la complicité de deux collections norvégiennes prestigieuses, l'une publique, le Kunstmuseum de Bergen et l'autre privée, la collection Gundersen.
 

Regroupées par thème, les oeuvres de l'exposition caractérisent l'univers de l'artiste: la Norvège, la mélancolie, la femme, le couple, l'angoisse, la mort ; présentées indépendamment de toute chronologie puisque, on le sait l'oeuvre de Munch est marqué par d'incessants allers et retours vers les thèmes centraux qu'il a exploré sa vie durant, parfois à plusieurs décennies d'écart.
Munch n'a pas fondé d'école mais la présence de son art est aujourd'hui intacte, tout comme sa sincérité, sa spontanéité, son âpreté aussi, en un mot sa modernité.

Commissariat
Patrick Ramade : conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des Beaux-Arts de Caen.
Avec la collaboration du Kunstmuseum de Bergen, Erlend Hoyersten, directeur, et Knut Ormhaug, conservateur
en chef.

 

Soirée sur l’avenue Karl Johan, 1892, huile sur toile © Werner Zellien, kunstmusuem de Bergen
© The Munch Museum / The Munch-Ellingsen Group / Adagp, Paris 2011.

 

 

Mascarades et carnavals- musée Dapper

jusqu’au 15 juillet 2012



C’est au musée Dapper et dans le cadre de l’année des Outre-mer que l’équipe qui entoure Mme Christiane Falgayrette-Leveau, directrice du musée et commissaire de l’exposition, s’est lancé un défi de taille : mettre en lumière les résonnances du ou des rôles des masques traditionnels de l’Afrique subsaharienne et les pratiques carnavalesques des Caraïbes. Le propos n’était pas simple, mais « Mascarades et Carnavals » est l’illustration du fruit de recherches et de réflexions dont l’intelligence est le fil d’Ariane de cette exposition.
Que sont devenus les mascarades et carnavals de nos sociétés occidentales ? De vastes festivités à caractère commercial, sans plus du souffle vital qui déstructurait la hiérarchie sociale, sans plus de symbolique, celui du monde à l’envers, journée folle où tout était possible, journée païenne de rôles inversés… Ou bien encore des journées « vitrines narcissiques » où l’on admire son reflet dans le flash des appareils photo des touristes à peine endimanchés…

 

VUVI GABON Masque Bois, fibres végétales et pigments
H. : 32 cm Musée Dapper, Paris Inv. n° 4291 © ARCHIVES MUSÉE DAPPER
PHOTO HUGHES DUBOIS.


En réunissant pour la première fois les créations d’Afrique et des Caraïbes, « Mascarades et Carnavals » expose les liens entre les masques d’Afrique et les productions carnavalesques des Caraïbes. A travers un parcours haut en couleur, et la mise en espace de pièces (masques et costumes entiers) de volumes impressionnants et de créations contemporaines toutes aussi fabuleuses, on appréhende l’idée même des différentes réalités du monde, transmises par les seuls membres de certaines confréries, habilités à « danser » les masques. Quels pouvoirs ont ces personnages qui semblent sortir d’une forêt mythologique, parés de cornes d’antilopes ou de buffles, symboles en mouvement de toutes cultures animistes, soucieuses de transmettre les traditions et les connaissances dans un avenir le plus lointain possible ? Qu’ils soient du Nigéria, de l’Angola, du Cameroun, de la RDC, du Sénégal, de Martinique ou encore de Trinidad, tous ces masques ou mas (masques en créole) et costumes ont des racines communes, et c’est bien là le propos de cette exposition : nous faire ressentir les liens qui unissent ces pays, ces hommes et ces cultures issus d’une même tradition et d’une histoire partagée.
 

 Aujourd’hui, les créations contemporaines autour du carnaval sont de véritables outils de médiation. C’est la dérision et la dénonciation des problèmes socio-économiques que montrent les œuvres d’Hervé Beuze, de Georges Grangenois, celle du groupe Psyché ou les photographies de Zak Ové, qui s’emparent du monde qui les entoure et le transforment en visions carnavalesques, en personnages de mascarades, dénonçant l’incohérence de la réalité des conditions humaines au sens le plus large. Quoi de plus impressionnant que d’imaginer l’embrasement de Vaval, roi du carnaval ? Celui exposé au niveau 2 du musée est particulièrement parlant, figure mi-homme, mi-femme qui crie haut et fort la « pwofitation », les conflits sociaux de 2009 qui ont marqué les Antilles. Que ce soit le « Diable rouge » de Martinique, les zombis de Trinidad ou le diable blanc (the Devil is White), chaque production autour du carnaval et des mascarades souligne les codes qui structurent ces fêtes comme pratique sociale et artistique.

 

KUBA / République démocratique du Congo Masque moshambwooy
Bois, tissu, cauris, perles, métal, plumes, poils et pigments. H. : 47 cm (masque) ; H. tot. : 246 cm Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren Inv. n° EO.0.0.15365 PHOTO STUDIO ROGER ASSELBERGHS FRÉDÉRIC DEHAEN, MRAC TERVUREN ©


 

C’est jusqu’au 15 juillet 2012 que vous pouvez vous plonger dans ces rites et coutumes, dérangeantes, provocantes, terrifiantes, belles et salvatrices, ces exutoires aux injustices sociales et économiques que font subir les grandes puissances aux hommes d’Afrique et des Caraïbes, ici représentés et à tant d’autres à travers le monde.
Cette exposition ouvre grand les yeux et on en sort l’esprit et le cœur plus ouverts encore.

 

De très nombreuses manifestations sont organisées autour de l’exposition. Des conférences, des projections cinématographiques, colloques et autres.
Vous trouverez toutes les informations pratiques au et sur le site www.dapper.com.fr

 

Le catalogue de l’exposition est disponible au musée.
Editions Dapper
Format 22 X 29 cm
328 pages – 158 illustrations couleurs et 36 en noir et blanc
Evelys Toneg

 

 

A la découverte

des musées de Lombardie

Un samedi matin d’été

à l’ouverture de la Pinacoteca di Brera…

 

Au 28 via Brera, à Milan, se trouve un ancien convent, aujourd’hui sanctuaire des plus belles œuvres de l’art italien. Une fois passée l’austère façade de l’édifice, le regard se porte sur une statue érigée par le sculpteur Antonio Canova en l’honneur de Napoléon Bonaparte dans la cour intérieure, statue qui le représente en empereur romain et qui est nettement moins sensuelle que celle qu’il réalisa de Pauline Bonaparte dans la Villa Borghèse…

 

 

On gravit les marches d’un escalier monumental, et il est impossible de ne pas croiser le regard de la statue de Cesare Beccaria, le grand juriste natif de ce quartier de Milan, et qui fut l’un des fondateurs du droit pénal moderne et premier adversaire de la peine de mort…
Alors même que de multiples trésors attendent à l’intérieur, flâner quelques instants sur ce balcon intérieur qui longe toute la cour au premier étage est un enchantement, surtout lorsqu’il est tôt, le musée ouvre « aux aurores », et qu’un beau soleil éclaire tout l’espace qui vous est réservé, sans l’ombre d’un autre visiteur. Une fois entré, vous pourrez avoir l’agréable surprise d’une exposition temporaire, comme celle réservée au peintre du romantisme italien Francesco Hayez dont on pourra admirer le célèbre « baiser », ainsi que les portraits également passés à la postérité de Verdi et de Manzoni. La collection permanente suit immédiatement, et là, un dilemme se pose inéluctablement : comment appréhender une telle richesse en une seule visite ! Il faudra naviguer, comme autrefois lorsque le quartier était bordé de canaux comblés bien malencontreusement par Mussolini, entre des chefs d’œuvre qui à eux seuls nourrissent des monographies entières…

 

Hayez Le Baiser © Pinacoteca di Brera


Il serait tentant d’aller immédiatement vers la Pietà de Giovanni Bellini, représentation émouvante de la mort du Christ à faire pleurer les cœurs les plus secs ou encore ses deux « Vierge à l’Enfant » qui vous feront presque oublier la proximité d’admirables tableaux de Mantegna à quelques mètres… Cette salle qui porte le numéro VI est décidément inoubliable, une seule solution y revenir au plus tôt…

 

 

©Pinacoteca di Brera


Un peu plus loin, c’est à Lorenzo Lotto que nos regards s’attarderont avec une autre Pietà où deux anges soutiennent avec difficulté le corps du Christ au bas de la Croix alors que sa mère effondrée est elle-même littéralement tenue par saint Jean, la souffrance extrême à la vue de son fils mort l’empêchant de se maintenir encore dans le monde des vivants. A peine reposé le regard de cette scène chargée d’émotions, vous apercevez tout à côté de vous des Tintoret, des Véronèse et même un Titien, vous ne rêvez pas, vous êtes à Brera et vous irez encore longtemps de découverte en découverte…

 

 

 

Piero della Francesca La Vergine con il Bambino e santi

©Pinacoteca di Brera

 

Pinacoteca di Brera
Via Brera, 28 20121 Milano
www.brera.beniculturali.it

 

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La Cène de Léonard de Vinci

La fragilité d'une œuvre éternelle...

 


Ce sont plus exactement deux grandes œuvres qu’abrite le très sobre réfectoire du couvent dominicain de l’église Santa Maria delle Grazie à Milan : la Crucifixion de Montorfano, bien évidemment trop souvent occulté par la fameuse Cène peinte par Léonard de Vinci !

C'est avec un nombre très restreint de visiteurs que nous entrons pour voir l’une des évocations les plus belles du dernier repas du Christ, objet de toutes les interprétations, même les plus farfelues, en raison de la notoriété de l’œuvre. Nous voyons cet espace dans une ambiance certainement plus lumineuse qu’à l’époque du peintre, car depuis, les ouvertures des fenêtres ont été agrandies. Cette lumière reste cependant tamisée et bien entendu tous les regards se portent sur cette fresque mémorable, que l’on n’imaginait pas ainsi alors même que l’on pensait pourtant tant la connaître.

 

© Museo del Cenacolo Vinciano

 

Mais laissons la parole à Goethe qui a consacré toute une réflexion à l’auteur de cette fresque très tôt appréciée dans l’histoire de l’art :


« Telle était l’époque dans laquelle parut Léonard de Vinci, et en même temps que son habileté naturelle lui rendait facile l’imitation de la nature, son esprit profond remarqua bientôt que, derrière l’apparence extérieure, qu’il savait si heureusement reproduire, étaient cachés encore bien des mystères qu’il devait s’efforcer sans relâche de découvrir. Il chercha donc les lois de la structure organique, la base des proportions ; il étudia les règles de la perspective, de la disposition, du coloris ; bref, il tâcha d’approfondir toutes les exigences de l’art. Mais ce qui l’intéressait surtout, c’était la diversité de la figure humaine, sur laquelle se manifeste aussi bien le caractère permanent que la passion momentanée, et ce sera le point auquel nous devrons nous arrêter le plus en étudiant le tableau de la Cène. »

 

détail du Christ © Museo del Cenacolo Vinciano

 

Cette attention toute particulière portée par l’artiste aux caractères des passions humaines par contraste à la Passion préfigurée par la trahison tout juste évoquée dans ce dernier repas est au cœur de la fresque que nous avons devant nous. Jésus vient d’annoncer qu’un des leurs, un disciple donc, le trahira et la stupeur se lit sur tous les visages peints par Vinci. Un espace se fait alors entre les disciples et le Maître, réservant déjà une distance préfigurant les épreuves à venir dans les heures que vont suivre.

 

©Museo del Cenacolo Vinciano

 

Seul Jean semble sinon serein tout au moins à peine surpris par l’annonce, nous savons qu’il sera le seul à rester jusqu’au terme du supplice et qu’il recueillera la Vierge Marie chez lui selon les ultimes paroles du Christ. La tempête règne plutôt chez les autres disciples, c’est à qui de s’interroger : est-ce lui ? Est-ce moi ? Les mains sont particulièrement éloquentes, la plupart des disciples, à l’exception de Jean, font des grands mouvements de protestation, l’épreuve a débuté, et la Cène préfigure la future Eglise en devenir qui aura fort à faire pour gagner son unité et sa paix. On quitte avec peine cette salle du réfectoire mais le temps est minuté pour ne pas endommager la fragile fresque réalisée par Léonard de Vinci…

 

detail © Museo del Cenacolo Vinciano

 

Museo del Cenacolo Vinciano Piazza Santa Maria delle Grazie, 2 - 20123 Milan

www.architettonicimilano.lombardia.beniculturali.it

 

 

 

La Pinacoteca Ambrosiana :

"Pour un service universel"

 


Il est des lieux rares qui, à leur première visite, vous empoignent par leur force, leur caractère, l’héritage laissé aux générations futures. La Pinacoteca Ambrosiana née en 1618 et de manière générale l’ensemble formant un tout conçu par l’admirable cardinal Federico Borromée, archevêque de Milan, font partie de ces lieux marquants qui croisent votre chemin plus que vous ne les avez choisis…

 

 

Si vous avez la chance de rencontrer l’un de ces personnages habités par ces lieux tel Don Rocca, un des docteurs du collège de cette institution, il soulignera dans ces premiers propos que l’institution fut souhaitée par le grand humaniste afin de préserver la culture et de la rendre accessible au plus grand nombre, surtout aux plus démunis. Il évoquera tous ces trésors gardés depuis ce début du XVII° siècle, dans le mouvement de la Contre-Réforme, afin de raffermir les croyants dans leur foi dispersé par les suites de la Réforme. Il soulignera aussi quelques anecdotes telle celle de la gratuité de l’accès à tous les ouvrages de la Bibliothèque en son temps avec la menace d’une excommunication irréversible pour tout vol de ces volumes… On est impressionné par tant de savoir réuni entre les murs de ce palais, particulièrement calme en ces heures d’été milanais.

 

cardinal Federico Borromée

 

La mission léguée par l’illustre archevêque perdure encore aujourd’hui avec la volonté de faire partager au plus grand nombre les trésors de la culture héritée des siècles précédents tout en les confrontant aux cultures d’autres civilisations et d’autres horizons. Chaque docteur, membre du collège administrant l’Institution présidée par un Préfet cooptés par eux, a sa spécialité, et elles sont diverses et variées. Ainsi, ils travaillent chacun à leur domaine tout en bénéficiant du savoir des autres spécialistes réunis en une seule et vaste salle de travail ou seul le silence et l’étude ont droit de résidence…
Le visiteur ne voit bien évidemment que la face immergée de cet édifice de savoir et de connaissance mais c’est grâce à une telle administration qu’autant de chefs d’œuvre et de recherches conjointes ont pu être réunis depuis plus de quatre siècles, exemple unique dans le monde. Des coffres dignes de ceux des banques les plus sûres abritent en leur sein de précieux et fragiles manuscrits, des centaines de mètres d’étagères, savamment classées, conservent des codex incroyables tel cet exemplaire unique et incroyable des œuvres de Virgile qui avait appartenu à Pétrarque et annoté par lui ! Les lieux abritent également dans leur sous-sol, les restes archéologiques du Forum de la ville à l’époque romaine au 1er siècle de notre ère…
Il est impossible de réunir en quelques lignes tout ce que ces lieux offrent à l’intelligence et à l’admiration de l’âme de nos contemporains. Les plus pressés auront à cœur de découvrir les trésors renommés de la peinture réunis dans la Pinacothèque, exposés avec goût et suffisamment d’espace pour reprendre son souffle, et il en faudra, tant les signatures, ici encore, impressionneront les plus blasés.

 

Titien La Maddalena           Luini Gesù Bambino con l'agnello

© Pinacoteca Ambrosiana


Après les fondations antiques de la ville, gravissons quelques escaliers et le premier regard pourra s’arrêter sur cette magnifique Madeleine peinte par le Titien, un personnage que le cardinal appréciait tant en raison du caractère humain qui s’en dégage, entièrement tourné vers la source divine de toute lumière, même les plus fugitives… La même salle offrira la tendre évocation de l’enfant Jésus enlaçant tendrement un agneau évoquée par cette peinture de Bernardino Luini, une œuvre pourtant si dramatique lorsque l’on réfléchit quelques instants à la symbolique représentée par ce jeune animal.

 

Le Caravage Corbeille de fruits © Pinacoteca Ambrosiana

 

Ces premières impressions ne sont que le début d’une visite qui occupera plusieurs heures pour les plus persévérants ou bien quelques découvertes flânées au hasard des salles telle cette célèbre nature du morte du Caravage sous forme d’une corbeille de fruits automnale si différente dans sa simplicité (elle s’autorise même la figuration de feuilles à moitié desséchées) de celle figurant à la Villa Borghèse à Rome. Impossible de passer à côté de l’admirable portrait d’un musicien peint par Léonard de Vinci, le seul portrait masculin que l’on connaisse du peintre et qui représente le compositeur Franchino Gaffurio, auteur de nombreuses messes et motets pour la cathédrale de Milan entre le XV° et XVI° siècle.

 

Léonard de Vinci Le musicien © Pinacoteca Ambrosiana


La liste est longue des trésors à découvrir dans ces lieux où le silence règne et ou le personnel de surveillance est d’une délicatesse rare dans les musées de nos jours. Il faudra encore réserver de longs instants pour admirer le Codex Atlantico de Léonard de Vinci séparé en feuilles préservées de l’agression du temps dans des vitrines protectrices alignées tout au long de l’impressionnante Bibliothèque conçue selon la règle du nombre d’or, prônant l’équilibre parfait des dimensions dont la Renaissance fera grand usage. Un instant de sérénité extrême vous gagne et vous n’avez qu’un seul désir à l’esprit, revenir goûter ces rares moments de bonheur dans des lieux si généreux !

 

Codex Atlantico © Pinacoteca Ambrosiana

(Lexnews tient à remercier tout particulièrement Don Rocca pour ses généreuses informations et présentation des lieux)

 

 

VENERANDA BIBLIOTECA AMBROSIANA

Piazza Pio XI, 2 - 20123 Milano
www.ambrosiana.eu

 

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Le Palazzo della Ragione per Accademia Carrara et une exposition de peinture italienne à Bergame…


 

« Vincere il Tempo », vaincre le temps… tel est l’ambitieux programme de cette nouvelle exposition dans l’éternel Palazzo della Ragione, symbole architectural de cette victoire sur le temps tant l’édifice a surmonté les siècles avec fierté et peut même s’enorgueillir de vieillir en beauté ! Dans un espace à couper le souffle avec une voute de plusieurs mètres de haut, cerné de toute part par des fresques sur les murs de pierre de taille et surmonté d’une charpente comme on ne peut même plus les rêver, voici réunie une sélection des plus beaux tableaux de l’Accademia Carrara.

 

 

La vénérable institution est en travaux jusqu’à sa réouverture que l’on espère proche, en attendant des expositions se poursuivent néanmoins dans ce très beau Palazzo della Ragione . C'est ici que se tient la très belle exposition « Vincere il Tempo » qui poursuit d'une certaine manière l’exposition qui avait été menée jusqu’aux portes de Caen l’année passée avec une présentation des œuvres réunies par le comte Giacomo Carrarra tout au long du XVIII° siècle. La visite permettra ainsi d’apprécier toutes les œuvres de Lorenzo Lotto conservées par l’Accademia, un peintre qui réalisa un grand nombre de tableaux de qualité dans la ville et dans les églises avoisinantes en cherchant à entretenir un certain dialogue entre l’art vénitien et l’art lombard.

 

 

Giovanni Bellini                    Lorenzo Lotto

Madonna con il Bambino    Noces mystiques de Ste Catherine

Bergamo, Accademia Carrara. © LEXNEWS

 

 

De nombreux chefs d’œuvres furent réunis grâce à l’esprit visionnaire de collectionneurs avisés tels Carrara mais également Giovanni Morelli au XIX° siècle, qui surent réunir des peintures de Pisanello et de Bellini avec notamment cette magnifique Madonna col Bambino acquise en 1891. Le visiteur se laisse entraîner par une belle scénographie circulaire, presque dans la pénombre, allant de merveilles en merveilles de la peinture italienne détenue par l’Accademia Carrara…



www.accademiacarrara.bergamo.it

 

 

 

Cézanne et Paris
12 octobre 2011 – 26 février 2012
Musée du Luxembourg

 

 


L’idée de cette exposition part d’une intuition : celle d’inverser le regard habituellement porté sur l’œuvre du peintre Cézanne trop indissociablement associé à la lumière de la Provence. Si, bien entendu, il ne saurait être question d’occulter l’importance des fameuses représentations de la montagne Sainte-Victoire dans la création du peintre né à Aix (1839-1906), Denis Coutane, le commissaire de l’exposition, reconnaît volontiers que le défi serait atteint avec cette exposition si les visiteurs prenaient conscience de l’importance des « Paris » de Cézanne. Nous réalisons en visitant cette belle exposition placée dans un décor très sobre mettant en avant les œuvres bénéficiant de vastes espaces d’accrochage que Cézanne a passé en effet beaucoup plus de temps qu’il n’y parait dans et autour de Paris, près de la moitié de sa vie de peintre, autant qu’en Provence ! Une autre donnée statistique est rappelée dans l’exposition : sur près de mille tableaux peints par Cézanne, plus de trois cent cinquante ont été réalisés dans le Nord, cela donne à réfléchir ! Et c’est justement cette réflexion qui est sollicitée dès les premiers espaces d’exposition. Il ne faut pas s’attendre à de multiples vues de la capitale comme le fit son contemporain, Gustave Caillebotte. Le Paris de Cézanne est tout autre, plus intérieur et les quelques rares vues de la ville sont plutôt énigmatiques qu’emblématiques si l’on pense à cette surprenante vue sur les toits de Paris alors que l’artiste habitait rue de l’Ouest…

 

 

 

Paul Cézanne Les Toits de Paris 1881-1882 Huile sur toile 59,7 x 73

© Collection particulière


L’exposition rappelle que Cézanne était l’ami d’enfance de Zola dès le collège Bourbon d’Aix en Provence qu’ils fréquentaient en même temps. C’est d’ailleurs ce même Zola qui invitera ardemment son jeune camarade à venir le rejoindre à Paris où il avait déménagé avec sa mère. A partir de là, commence une maturation picturale dans laquelle la capitale va jouer à la fois le rôle de pigment et en même temps de toile. Il puise dans ces années une certaine familiarité avec le passé, il fréquente avec passion le Musée du Louvre, sans pour autant s’y enfermer. Il n’a pas de vision radicale balayant les maîtres du passé, mais plutôt cherche à « ajouter un nouveau chainon… » selon sa propre expression. Ce sont ces chainons qui sont mis en évidence dans ce beau travail analytique réalisé par les responsables de cette exposition. La dynamique de la création artistique est ainsi, d’une certaine manière, éclairée d’un jour nouveau et les toiles du maître se mettent à parler, comme les meilleurs témoins du peintre.

 

Poteries, tasse et fruits sur nappe blanche Paul Cézanne
The Métropolitan Museum of Art © The Metropolitan Museum of Art, Dist. service presse Rmn-Grand Palais / Malcolm Varon Vers 1877 Huile sur toile - 60,6 x 73,7 cm

 

Prenons les natures mortes et les portraits de Cézanne et ce qu’ils sont susceptibles d’exprimer à qui veut bien les écouter. Dans la même salle se trouve un tableau représentant un plat de pommes sur fond de papier peint, papier que l’on retrouve également dans Madame Cézanne cousant. Alors que le motif du papier commence à annoncer avant l’heure le cubisme, la représentation de premier plan exprime au mieux ce que Paris est en train de produire dans l’âme du peintre. Cette maturation que rend possible la vie foisonnante des ateliers d’artistes trouve progressivement ses repères dans ces formes simples et à la fois profondes, dignes des plus grandes évocations sociales de son ami Zola ! Paris est bien la capitale des arts et Cézanne y puise une sève nourricière mise en évidence par le très beau parcours proposé au musée du Luxembourg cet automne !

LES LECTURES DE L'EXPOSITION...

 

 

Le catalogue de l'exposition, lire notre chronique

 

 

 

 

Cézanne et Paris, Denis Coutagne

Cézanne, puissant et solitaire, Michel Hoog

Découvertes Gallimard, 2011

 

 

« Maori, leurs trésors ont une âme »

musée du quai Branly, Galerie Jardin, jusqu’au 22 janvier 2012.


 


C’est au musée du quai Branly, dans la Galerie Jardin et jusqu’au 22 janvier 2012, que les Maori de Nouvelle-Zélande exposent leurs trésors autour d’un événement unique « Maori, leurs trésors ont une âme ». Avec une approche qui n’est ni anthropologique, ni ethnologique, mais vivante et contemporaine, les Maoris ont investi « scènographiquement » la galerie jardin en mettant en espace et en lumière des œuvres majeures de leurs traditions ancestrales, les taongas, et celles des artistes contemporains qui expriment les liens et les imbrications, de génération en génération, de l’histoire du peuple Maori, des luttes politiques et de la préservation des richesses propres à leur culture.
Trois espaces principaux avec des focus historiques permettent à tout à chacun de suivre et de comprendre l’importance des traditions et celle de lutter en permanence politiquement et artistiquement pour garder la culture Maori indépendante et prête à être pleinement dans le 21ème siècle.
Dans la déclaration d’indépendance de 1835, les Maori affirmaient clairement leur volonté inextinguible de conserver leur souveraineté ; détermination confirmée lors de la signature en 1840 du « Te Tiriti o Waitangi » (traité de Waitangi), qui ancrait fermement l’autorité des Maori sur leurs terres, leurs forêts, leurs zones de pêche, de regagner le contrôle de leur culture, de leur identité et de leurs ressources.

Pūtōrino (bugle flute), date unknown, maker unknown, New Zealand, wood, flax. Te Papa

© Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa


Pour les Maori, tout est lié et il existe naturellement une interrelation entre toutes choses animées et non animées. Il est proposé à chacun, en entrant dans l’univers du Whakapapa
(identité et interconnexion) de caresser une pierre belle et fraîche qui nous met en lien avec l’Esprit des Maori. Quelle meilleure façon d’accepter les différences et les propos culturels de ce peuple que de commencer par respecter une de ces traditions ?
 

Tout au long du parcours de cette exposition, et en traversant les différents espaces consacrés au Wahakapapa, système de référence généalogique et d’identité culturelle, à l’expression du Mana, l’intégrité - charisme et leadership, au Kaitiakitanga, la sauvegarde et la protection de l’environnement naturel, sont abordés tous les principaux sujets de réflexions culturelles contemporaines et traditionnelles qui rendent compte du contexte assez complexe de la culture des Maori. Alors, oublions tous nos modèles occidentaux, car cette exposition nous propose le monde vu selon les perspectives Maori, illustré par les 250 œuvres présentées, allant des récits cosmologiques et généalogiques aux œuvres des plus contemporaines. Du symbole de la pirogue par laquelle les ancêtres sont arrivés en Nouvelle-Zélande : le Waka, de l’importance de la maison communautaire et ses règles de respect : la Whare Tupuna, de l’art du tatouage : le Ta Moko, des trésors personnels et leurs véritables pouvoirs : les He Taonga Rakai, des instruments de musique : les Taonga Puoro, de la langue vivante Maori : le Te Reo, de l’influence des femmes dans le développement et la préservation de la culture Maori : le Mana Wahine à la gestion des ressources de l’environnement, c’est une découverte complète de la culture et de l’histoire du peuple Maori de Nouvelle-Zélande qui nous est expliquée là. De superbes pièces traditionnelles, ancestrales inédites se mêlent les œuvres d’artistes contemporains avec une douce évidence esthétique.
Art numérique, sculptures, photographies, colonnes et fronton sculptés de maison des ancêtres, bijoux, hameçons, pirogue et pagaies, proue de canoë, objets rituels de tatouage, flûtes, tous ces trésors témoignent du raffinement et de la richesse de l’art et de l’artisanat des Maori.

 

Matau (fish hook), 1500–1800, maker unknown, New Zealand, bone, fibre. Te Papa

© Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa


La culture de Maori n’a donc jamais cessé d’exister même si des événements politiques ont tenté de la faire disparaître. Cette exposition qui s’adresse à tous, est le témoignage vivant de la force de cette culture et l’affirmation de la volonté de tout un peuple de maîtriser sa culture et son devenir. Comme le dit cet adage Maori « I Mua I Muri, le passé est devant, l’avenir est derrière » signifie bien que tous les éléments qui font la culture Maori sont interactifs et « inter-reliés ». C’est certainement pour cela que l’on se promène parmi tous ces trésors avec autant de plaisir, sans appréhension et sans complexe puisque cette puissance qui relie tout à tout nous enveloppe immédiatement. Sans doute l’âme des Maoris…
La plupart des objets exposés viennent du Museum of New Zealand Te Papa Tongarwa chargé du commissariat de cette exposition.

Pour tout un programme des manifestations qui entourent cette exposition, vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site www.quaibranly.fr

Le catalogue de l’exposition
Coédition du musée du quai Branly-Somogy propose une traduction française du catalogue original « E tu Ake : Maori Standing Strong »
192 pages 21X24 cm 156 illustrations
En exclusivité depuis le 5 octobre à la librairie du musée avant la sortie nationale le 9 novembre, un DVD « Maori », premier volume de la nouvelle collection « Dialogues avec le monde » éditée par France télévision Distribution – Collection du quai Branly
Hors-série de 44 pages et environ 80 illustrations de Beaux Arts magazine

Evelys Toneg

 

 

Au Royaume d'Alexandre le Grand, la Macédoine antique

musée du Louvre jusqu'au 16 janvier 2012.

 



Pour Sophie Descamps-Lequime, commissaire de l’exposition, les nombreuses découvertes archéologiques entreprises depuis près de trente ans ont radicalement redessiné le paysage de la Macédoine antique. Que l’on pense quelques instants à la fascinante découverte de la tombe de Philippe II laissée depuis ces temps anciens inviolée et livrant des trésors qui allaient illustrer dorénavant tout ce qui n’était jusqu’alors qu’hypothèses et suppositions. 500 œuvres sont ici réunies, au musée du Louvre, dans une scénographie sombre et propice à faire ressortir l’éclat des nombreux trésors où les ors témoignent de l’extrême habilité des artisans telle cette admirable Couronne de feuilles de chêne en or retrouvée dans le sanctuaire d’Eukleia.

 

 

Il n’y a pas que les ors qui éclairent cette très riche exposition devant être lue à plusieurs niveaux comme le propose le parcours pédagogique conçu pour les visiteurs. La dextérité des autres métiers d’art surprendra également plus d’une personne, et là encore bien des préjugés tomberont sur des savoir-faire que l’on pensait réservés à une époque plus contemporaine de la nôtre avec des clairs-obscurs et des effets de perspective avant l’heure…

Les premiers espaces sont ouverts sur la Macédoine antique avec les grandes découvertes réalisées par les pionniers de l’archéologie macédonienne et notamment la mise au jour de l’immense tumulus de 110 mètres de diamètre par Manolis Andronikos en 1977 qui abritait la fameuse tombe inviolée de Philippe II !
La chronologie adoptée pour ce parcours permettra au visiteur de prendre conscience de l’émergence des premières dynasties royales. Avec cette organisation politique, les richesses s’accumulent démontrant rapidement que le Macédoine est un pays riche, avec lequel il faudra savoir composer, à la veille de la grande royauté des Ve et VIe siècles. L’œil ne sait plus où s’arrêter tant les témoignages de ces époques affluent, les uns pour leur importance archéologique, les autres pour la virtuosité extrême de ses artistes !

 

Médaillon d'Olympias


Le cœur même de l’exposition est bien entendu réservé à Philippe II et à son célèbre fils Alexandre. Philippe a retenu les leçons de sa captivité à Thèbes et va avoir à cœur d’améliorer la formation de l’armée macédonienne. La terrible sarisse, lance de près de 5 mètres, associée à l’organisation des soldats en phalange feront des ravages auprès des armées adverses. L’expansion est ainsi programmée sur des bases solides qui ouvriront les portes au futur conquérant de l’Orient…
Le visiteur s’arrêtera longuement sur des œuvres exceptionnelles si l’on en juge leur provenance : une Oenoché, une coupelle d’argent et un trépied trouvés dans la tombe de Philippe II.
Le parcours réserve encore bien des surprises avec des vitrines emplies de trésors du quotidien tel ce magnifique Bracelet à têtes de bouquetin en or ou encore l’incroyable buste d’Athéna coiffée de la tête de Méduse que l’on dirait fait d’hier…

 

 

Le catalogue de l'exposition, lire notre chronique

 

 

 

Pompéi - Un art de vivre - Musée Maillol
du 21 septembre 2011 au 12 février 2012

OEnochoé à tête de femme bronze H. 14 cm Inv. 77839
Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e
Pompei Fouilles de Herculanum © Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e
Pompei / Photo Pio Foglia


Peut-on encore imaginer le récit de Pline le Jeune à Tacite, ce 24 août 79, dans la baie de Naples après avoir vu la très belle exposition, Pompéi – un art de vivre au musée Maillol ? Tout semble tellement rayonner de beauté, de plaisir et d’insouciance qu’il est difficile de relire les lignes pourtant vécues en direct, premier témoignage digne d’un envoyé spécial… Ce fut le dernier jour de Pompéi, une catastrophe qui laissera à jamais une empreinte dans la mémoire collective jusqu’à nos jours, sublimant nos peurs et notre angoisse du jour dernier. Mais, ici, au musée Maillol, point de fumerolles ! Patrizia Nitti, la directrice artistique, a souhaité reconstituer pour notre XXI° siècle une domus représentative de cette époque. Le musée Maillol transformé en maison à atrium fait ainsi revivre les différents espaces quotidiens des Pompéiens avec un mode de vie d’une étonnante modernité qui surprendra le visiteur habitué aux préjugés sur les temps anciens. Deux cents œuvres venant de Pompéi et des autres sites du Vésuve sont ainsi mises en l’espace dans une très belle scénographie d’Hubert le Gall.

 

Baignoire bronze H. 44 ; L. max 63 ; l. 160 cm Inv. 73007
Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e
Pompei Museo Archeologico Nazionale di Napoli
© Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei / Photo Pio Foglia

 

C’est bien entendu les soins du corps et le thermalisme qui étonneront en premier. Les plus riches demeures sont équipées de bains privés et, à défaut, d’un lavabo (lavatio), d’une baignoire en marbre ou en bronze accompagnées de tout le nécessaire pour la toilette. Ces espaces de soins soulignent ainsi un raffinement toujours surprenant lorsque l’on considère ces premières décennies de notre ère.
 

 

 

 

 

Le corps est également abordé dans cette exposition d’une manière plus intime encore avec l’omniprésence d’Eros dans cette société pompéienne. Le professeur Antonio Varone, directeur des fouilles archéologiques de Pompéi, a bien su reconstituer un petit aperçu de l’univers érotique des habitants de cette ville. L’audace des représentations étonnera plus d’un visiteur, comme quoi l’Antiquité ne peut être taxée de pudibonderie à toutes les époques !

 

Barque en forme de phallus avec Pygmées fresque H. 78 ; L. 209 cm inv. 41654
Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei Fouilles de Pompéi
© Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei / Photo Pio Foglia

 

Satyres et Hermaphrodites venaient hanter l’imaginaire et les fantasmes des habitants de la Pompéi antique qui avaient sous les yeux dans ces fresques d’une étonnante fraicheur, l’évocation du plaisir, un plaisir d’ailleurs plutôt décliné au masculin…
Il faudra réserver un petit espace dans son agenda de la rentrée pour cette exposition à découvrir avant le 12 février, une exposition qui en quelques instants vous transportera sous les latitudes pour l’instant clémentes du climat napolitain…

 

Fontaine à cascade mosaïque H. 240 ; L. 200 ; P. 177 cm inv. 40689 a-g
Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei Fouilles de Pompéi
© Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei / Photo Pio Foglia

 

Musée Maillol
Olivier Lorquin, Président
Patrizia Nitti, Directeur artistique
Comité Scientifique
Teresa Elena Cinquantaquattro, Surintendante, Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di
Napoli e Pompei
Alain Pasquier, Conservateur général honoraire du Patrimoine
Commissariat de l’exposition
Valeria Sampaolo, Directrice du Museo Archeologico Nazionale di Napoli
Antonio Varone, Directeur des fouilles de Pompéi
Stefano De Caro, Directeur général honoraire du Patrimoine archéologique, Professeur à l'Università
Federico II di Napoli
Scénographe
Hubert le Gall

Catalogue coédition Gallimard - Musée Maillol, 224 pages, 220 illustrations environ
Album de l’exposition Gallimard, 48 pages, 55 illustrations
Hors-Série Le Figaro

MUSÉE MAILLOL - FONDATION DINA VIERNY
59-61, rue de Grenelle
3375007 Paris
Tél : 01 42 22 59 58
Fax : 01 42 84 14 44
Métro : Rue du Bac
Bus : n° 63, 68, 69, 83, 84
www.museemaillol.com

 

 

Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde
Musée d'Orsay

Cette exposition explore l'"aesthetic movement" qui, dans l'Angleterre de la seconde moitié du XIXe siècle, se donne pour vocation d'échapper à la laideur et au matérialisme de l'époque, par une nouvelle idéalisation de l'art et de la beauté. Peintres, poètes, décorateurs et créateurs définissent un art libéré des principes d'ordre et de la moralité victorienne, et non dénué de sensualité.

 


Des années 1860 à la dernière décennie décadente du règne de la reine Victoria, qui s'éteint en 1901, ce courant est étudié à partir des oeuvres emblématiques de Dante Gabriel Rossetti, Edward Burne-Jones et William Morris, James McNeill Whistler, Oscar Wilde et Aubrey Beardsley. Tous sont réunis dans une même quête associant la création artistique à l'art de vivre et qui trouve des terrains d'expression féconds dans les domaines de la photographie, des arts décoratifs, du vêtement et de la littérature.
 

Commissaires
Stephen Calloway, conservateur au Victoria & Albert Museum
Lynn Federle Orr, conservateur au Fine Arts Museum de San Francisco
Yves Badetz, conservateur au musée d'Orsay

Exposition également présentée à :
Londres, Victoria & Albert Museum, du 2 avril au 17 juillet 2011
San Francisco, Fine Arts Museums, du 18 février au 17 juin 2012

 

 

 

 
 

 

 

 

Fra Angelico

et

les Maîtres de la lumière

 

Musée Jacquemart-André

du 23/09/2011 au 16/01/2012

Fra Angelico et les Maîtres de la lumière

Le Musée Jacquemart-André consacre une exposition à Fra Angelico. Le Musée Jacquemart-André est le premier musée français à rendre hommage à Fra Angelico, figure majeure du Quattrocento. L’exposition présente près de 25 œuvres majeures de Fra Angelico et autant de panneaux réalisés par les peintres prestigieux qui l’ont côtoyé : Lorenzo Monaco, Masolino, Paolo Uccello, Filippo Lippi ou Zanobi Strozzi.


L’EVENEMENT : POUR LA PREMIERE FOIS, UN MUSEE FRANCAIS CONSACRE UNE EXPOSITION A FRA ANGELICO

Alliant dans ses œuvres l’éclat des ors, hérité du style gothique, à la nouvelle maîtrise de la perspective, Fra Angelico (1387-1455) a pleinement participé à la révolution artistique et culturelle que connaît Florence au début du XVe siècle. Il a ainsi été l’initiateur d’un courant artistique que les spécialistes ont appelé les « peintres de la lumière ».

Autour de lui, seront évoqués les peintres illustres qui ont eu une influence significative sur son art, comme son maître Lorenzo Monaco (1370-1424), Masolino (1383-v. 1440) et Paolo Uccello (1397-1475), ainsi que les artistes qu’il a inspiré à son tour, tels que Filippo Lippi (1406-1469) ou Zanobi Strozzi (1412-1468).

 

Fra Angelico (1387-1455), Le Couronnement de la Vierge, 1434-1435, tempera sur bois, 112 × 114 cm, Galerie des Offices, Florence
© 2010. Photo Scala, Florence - courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali

Musée Jacquemart-André :
158, bd Haussmann
75008 Paris
Tél. : 01 45 62 11 59
Fax : 01 45 62 16 36

 

 

Enluminures, Moyen Age et Renaissance
Jusqu’au 10 octobre 2011
Musée du Louvre

Guillaume Vrelant, Arbre de consanguinité,
département des Arts graphiques, musée du
Louvre, RF 1698 © 2006 musée du Louvre /
Martine Beck-Coppola

 

« La peinture mise en page », tel est le sous-titre d’une exposition qui se tient aux salles Mollien dans l’aile Denon du musée du Louvre cet été. L’expression est bien trouvée, car le visiteur s’étonnera plus d’une fois des prouesses qu’il aura fallu mettre en œuvre pour miniaturiser à ce point certaines évocations dans un si petit espace pictural ! Dominique Cordelier, le commissaire de l’exposition, est intarissable sur le sujet ! Il vous fait naviguer d’une enluminure à l’autre comme s’il était un contemporain des nombreux artistes qui ont concouru à créer cet art trop souvent ignoré jusqu’à peu. Soixante-dix enluminures sont ainsi réunies pour la première fois et forment de cette manière un tableau miniature de la rencontre entre la page et la peinture dans un dialogue entrelacé. Le livre peint s’offre à la lecture et à la contemplation, pour notre regard profane nous les jugerons essentiellement sur ce deuxième critère… Rassurons-nous, des esprits peu scrupuleux avaient dès le XVII° siècle opérer un tel tri de manière plus radicale en découpant ces petits tableaux des manuscrits pour lesquels ils avaient été créés !


L’art de l’enluminure désigne les peintures qui illustrent un texte, s’en font l’écho ou au contraire en annoncent les futurs développements. L’exposition en présentant des témoignages majeurs de Jean Fouquet, Lorenzo Monaco ou Giulio Clovio nous introduit dans un univers moins hermétique qu’il n’y paraît surtout lorsque leurs portes sont ouvertes avec tant d’intelligence.

 

Jean Fouquet, Le Passage du Rubicon par César
département des Arts graphiques, musée du
Louvre, RF 29493© RMN /Thierry Le Mage


Prenons l’un des noms les plus connus de l’enluminure française du XV° siècle, Jean Fouquet et traversons le Rubicon avec César, thème de l’œuvre présentée sur un parchemin haut en couleur où l’armée du grand stratège romain campe sur la gauche du fameux fleuve qui ne devait être en aucun cas traversé par des forces en armes. L’espace pictural est délimité par une miniature cintrée d’à peine plus de 2 cm de largeur et de hauteur.

 Le cheval ainsi que l’illustre cavalier sont bien loin des équipements antiques ! Armures et selleries sont toutes d’or revêtu, le cheval bien rassemblé fait signe d’un premier pas vers l’Histoire, sous nos yeux qui suivent l’admirable perspective suggérée par le fameux cours d’eau…

 

C’est toujours en Italie que nos regards s’attarderont avec l’art de Lorenzo Monaco pour une évocation sacrée des Trois Marie au tombeau. Il s’agit d’un livre de chœur dont Vasari avait souligné l’exceptionnelle beauté en son temps. La lettre A de l’Angélus enserre entre ses branches l’un des moments les plus importants de la chrétienté, celui du jour de Pâques où le Christ n’est plus dans son tombeau et un ange annonce aux trois femmes qu’Il est ressuscité… Comment un artiste pourtant habitué aux compositions les plus monumentales a-t-il pu insérer en un si petit espace autant d’intensité et d’émotions ? Les soldats endormis, le cercueil ouvert avec des formes triangulaires symbolisant la Trinité, les femmes écoutant le message si lourd de conséquences pour les siècles à venir et passés, tout est là, tout est dit…

 

Lorenzo Monaco, Les trois Marie au tombeau,
département des Arts graphiques, musée du Louvre,
RF 830 © RMN /Thierry Le Mage


Tous ces trésors se trouvent au Louvre, pendant cet été, au premier étage de l’aile Denon, passeport pour un merveilleux voyage dans l’Europe médiévale et de la Renaissance !

 

 

Philippe de Mazerolles (Maître du Froissart de Philippe de Commynes)

Bifeuillet du Livre d’heures noir de Charles le Téméraire

 département des Arts graphiques, musée du Louvre, MI 1091

 © RMN /Thierry Le Mage

 

 

7 juillet - 10 octobre 2011
Aile Denon, 1er étage, salles Mollien
Horaires
Exposition ouverte tous les jours de 9h à 18h,
sauf le mardi, nocturnes jusqu’à 21h45 les
mercredi et vendredi.
Renseignements
Tél. 01 40 20 53 17 - www.louvre.fr

 

 

 

Exposition Yamada
Métamorphoses
du 10 septembre au 8 octobre 2011

GalerieAnne-Marie et Roland Pallade - Lyon

 

L’empire du lien

La surprise préside au travail de Yamada. Ou mieux, l’étonnement, l’interrogation propice à la spéculation et au concept. Pour autant, rien n’est plus concret (on serait tenté d’écrire, essentiellement élémentaire) que cette œuvre qui perçoit plastiquement le monde tel un inépuisable vivier de matériaux et de formes. Tuyau, bois, fer, tissus, plexiglas, goudron, résine, papier, plomb, bronze, béton armé, peau, céramique… rendent compte du vide, du ductile, du rugueux, du lisse, du soyeux, par l’entremise de pratiques multiples (peinture, dessin, sculpture, photographie, installation).
La captation sensible, quasiment sensuelle, du réel, se dévoile ainsi dès le premier regard. Dans le même mouvement, l’art de Yamada s’avoue comme hétérogène. Il s’apparente à une culture du fragment, de l’objet abandonné, remis en question, réinvestit par l’artiste. L’œuvre devient le lieu complexe de la translation, de l’échange entre les choses et les personnalités, l’artiste se transformant en intercesseur, tel le garant d’une nouvelle approche cohérente du monde. Ici, se discerne un aspect «Grand horloger», un désir d’ordonnancement de l’univers à partir de ses éléments, de ses parcelles, de ses éclats. Yamada n’a-t-il pas réalisé dans la moitié des années quatre-vingt, une série de «peintures sans peinture», à partir de milliers de bribes d’affiches déchirées ? Le matériau prenant ainsi le pas sur la citation et la référence, le collage assumant son rôle de principe actif en renouvelant la technique de la mosaïque. Une pratique composite de la (re)composition du réel où la présence de l’homme s’affirme dans le temps et l’espace, dans sa profondeur intérieure, sa lisibilité relative, son rapport au visible et à l’invisible.


 

Sans doute est-il utile de rappeler que Yamada a quitté son Japon natal en 1973 pour étudier à Paris dans l’atelier de César. Un exil pour découvrir et approfondir une culture différente mais avant tout pour se réapproprier sa propre existence au travers d’autres références, d’autres signes, d’autres codes. Beaucoup plus qu’une simple formation, un voyage initiatique dont on retrouve les transpositions dans les traces, empreintes, souvenirs, réminiscences qui jalonnent son œuvre. La conversion et la transmutation impliquent un alchimiste. Les métamorphoses relèvent des Dieux ou des fabulistes. Yamada est tout cela mais plus encore un passeur occupant une place singulière à la confluence de deux mondes, deux esthétiques. Un point cardinal unique dont il a lui-même établi les coordonnées. Un point de vue qui lui permet de jouer avec la volupté des maîtres, de la tresse, de la torsade, de la ligature. Le lien comme pratique, comme sujet, comme expérience, structure ce travail en suspension, en attente, à l’image d’un plongeur saisit entre le ciel et l’eau. Au fil du temps, le plongeur de Paestum s’élance dans la Vague de Hokusaï…
Sous l’empire du lien, Yamada capte plus que jamais les métamorphoses de la forme, du sens et la trace de l’éphémère.


Robert Bonaccorsi
 

 

art contemporain
35, rue Burdeau - 69001 LYON
galerie@pallade.net
www.pallade.net
09 50 45 85 75

 

 

 

 

De Finiguerra à Botticelli. Les premiers ateliers italiens de la Renaissance
du 07-07-2011 au 10-10-2011
Musée du Louvre

Copiste d’Altichiero, Deux études de cabane,

trois oiseaux et une pomme encre et tempera sur parchemin,

département des Arts graphiques, musée du Louvre, inv. 844 DR /
Verso © 2008 Musée du Louvre / Angèle Dequier


Avec l’exposition « De Finiguerra à Botticelli », nous retrouvons les plus beaux témoignages de la collection du baron Edmond de Rothschild et nous entrons dans l’intimité des premiers ateliers italiens de la Renaissance pour y découvrir dessins, nielles et estampes, admirables de beauté. Catherine Loisel, conservateur en chef des Arts graphiques du Musée du Louvre et Pascal Torres, conservateur de la collection Edmond de Rothschild ont tous deux conçu un parcours remarquable dans ce qui peut être considéré comme l’antichambre de la Renaissance italienne. Pour quelles raisons ? La première tient à l’articulation de l’exposition autour de deux livres de modèles que le visiteur pourra découvrir en se souvenant qu’il s’agit presque là d’une date de naissance, d’un point de départ pour l’incroyable aventure qui éclairera tous les arts non seulement en Italie, mais dans l’Europe entière. Le baron, grand collectionneur, eu la justesse d’esprit et de goût de se porter acquéreur à la fin du XIX° siècle de plusieurs séries d’albums et de carnets de dessins d’artistes italiens très souvent délaissés à cette époque…
Ces dessins du Quattrocento sont ainsi mis en rapport avec des incunables, pour la plupart jamais exposés, et cette créativité sera telle qu’elle donnera naissance à l’art de l’estampe, naissance que nous pouvons presque deviner avec le travail exceptionnel de Maso Finiguerra. Le dessin est alors au cœur des arts de cette époque et se trouve à la base de toute recherche artistique. La plupart des recueils de dessins de cette époque ont été démembrés et ont disparu. Cela n’en donne que plus de valeur aux deux livres ici réunis. C’est à une véritable enquête que s’est livrée Catherine Loisel pour l’Album Bonfiglioli-Sagredo-Rothschild acquis chez Christie’s le 15 juin 1883 par Edmond de Rothschild. Le gothique prédomine sur ces cartons avec des édifices inspirés d’univers oniriques ou de souhaits les plus fous à une époque en devenir. Catherine Loisel passionnée par cette recherche n’hésite pas à vous avouer que ces architectures tissent des liens indéniables avec les fameuses fresques d’Altichiero tout en soulignant immédiatement que certains détails telles ces colonnes grêles qui reviennent souvent sur ces dessins laissent également penser aux fresques d’Avanzi…
Nous réalisons ainsi qu’à l’image d’une galaxie en formation, nous sommes dans une période d’une telle effervescence artistique qu’il faudra accepter ces interrogations comme preuve de la créativité de cette région de l’Italie septentrionale !
 

Animé par la même passion, Pascal Torres vous fait découvrir cette exceptionnelle transition de l’art du nielle à l’estampe, perceptible à vos yeux, grâce à une très belle présentation d’œuvres uniques ici réunies. Cette technique de transfert d’émail noir sur papier au moyen d’une plaque de métal précieux anime tout le XV° siècle avant de tomber dans l’oubli. On sent toute son âme vibrer lorsqu’il évoque cette épreuve de nielle en soufre à quelques centimètres de nous, réalisée très probablement par Maso Finiguerra. Cette petite plaque représentant Le Couronnement de la Vierge prend alors une tout autre dimension : nous avons l’impression en l’écoutant que l’artiste florentin nous regarde et s’instruit lui-même de ce qui est dit. Finiguerra a-t-il eu conscience de l’avenir de cette technique du trait et de la gravure en Florence dans son atelier, marquant l’histoire de l’art pour les siècles à venir ? Il est fort probable que l’artiste devait être un peu comme ces apôtres du Christ dans cette épreuve de nielle en soufre « Jésus au mont des Oliviers » peu conscient du rôle qu’il allait avoir tout en étant dans l’Histoire en favorisant un dialogue fertile entre les grands ateliers de cette époque…

Maso Finiguerra (Florence, 1426-Florence, 1464),
Jésus au mont des Oliviers, épreuve de nielle en soufre,
6,1 x 4,5 cm., département des Arts graphiques, musée
du Louvre, 1 Ni © RMN / Stéphane Maréchalle


Toujours est-il que les découvertes sont nombreuses dans cette exposition qui aurait mérité un espace plus important, il faudra en effet se rendre dans les salles un peu exiguës de l’Aile Sully au 2e étage. Mais l’effort sera vite récompensé en ayant la chance jusqu’au 10 octobre de découvrir également l’incroyable « Combat d’hommes nus » d’Antonio Pollaiuolo considéré comme la première estampe signée de la Renaissance italienne !

Commissaire(s) : Catherine Loisel et Pascal Torres, département des Arts graphiques, Musée du Louvre

Informations pratiques
Lieu : Aile Sully, 2e étage, salles 20-23
tous les jours de 9 h à 17h45 sauf mardi, nocturnes mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.
Renseignements :
01 40 20 53 17

 

 

Maya de l'aube au crépuscule, collections nationales du Guatemala
du mardi 21 juin au dimanche 2 octobre 2011
musée du quai Branly


Il aura fallu attendre le 19e siècle pour que soient découvertes, dans le foisonnement des forêts vierges du Belize, de l’Honduras, du Salvador, du sud du Mexique et du « cœur du monde maya » le Guatemala, les ruines mayas. L’attrait pour la culture « des Grecs du Nouveau Monde », comme les appelaient les archéologues du même siècle, n’a pas cessé de croître depuis et c’est une exposition unique que propose le musée du quai Branly, en retraçant le développement de la civilisation maya, son apogée et son déclin à travers 162 objets de cet art préhispanique, étonnant de modernité, prêtés par les collections nationales du Guatemala.
Quel saut dans l’histoire nous propose là le musée du quai Branly !
Tout au long d’un parcours, dans la mezzanine Est et jusqu’au 2 octobre 2011, on découvre, exposées pour la première fois en France, des œuvres guatémaltèques de toute beauté. Quels mystères cache encore cette civilisation dans toute sa complexité sociale, économique et politique, son remarquable système d’écriture (glyphes), ses calendriers d’une précision étonnante, qu’ils soient divinatoires ou temporels ? Qu'est-ce qui a précipité l’effondrement de la civilisation maya classique ? Quels grands secrets sont encore à découvrir sur cette culture, une des plus florissantes du monde précolombien ? A ce jour, seules des suppositions sont avancées, mais aucun archéologue ne connaît le véritable contexte de ce déclin total. Voici de bonnes raisons d’aller s’immerger dans les méandres de cette culture et de suivre chronologiquement l’héritage préhispanique du Guatemala (2000 av. J.C – 1524 apr. J.C) à travers les objets provenant des trois régions : les basses terres, les hautes terres et la côte pacifique. Cette exposition traite de plusieurs aspects de la culture maya et explique certains éléments de cette société qui reste encore énigmatique aux yeux du grand public. Des milliers de sites mayas préhispaniques ont été inventoriés, mais il est impossible de tous les mentionner, seuls les plus célèbres guideront ce parcours. Les Mayas ne vivaient pas à l’intérieur de frontières ethniques et politiques précises, ils ont cohabité et échangé avec d’autres groupes ethniques tout au long de leur histoire et l’influence de la biodiversité des régions de leurs territoires ont également influencé leur vision de monde, leurs croyances, et les formes institutionnelles de leurs pratiques religieuses. Les cités mayas sont de véritables zones de passage et leur économie est basée sur le commerce, les échanges de produits lointains qui étaient essentiels à leur économie locale et régionale. Toute la production artisanale exposée montre la nécessité d’objets du quotidien qui dépassant le fonctionnel et deviennent de véritables œuvres uniques, par l’originalité des formes, la gamme des couleurs rouge, ocre, noire, blanc, crème, quelques bleus délavés, quelques traces de verts.

Certaines sont surprenantes par leur « design » tout à fait contemporain. Les Mayas n’étaient pas des pacifiques et la guerre constituait un facteur de développement commun, mais aussi un élément certainement significatif de la disparition de leur société, par la dégradation de l’environnement, les pressions sociales, et l’épuisement même de la civilisation (successions de conflits entre les sites). Dans les premiers âges de la civilisation maya, les productions étaient précéramiques, des pointes de flèches (période pléistocène – âge de glace) essentiellement destinées à la chasse et la découpe de la viande. C’est pendant la période Préclassique que certains groupent se sédentarisent et produisent les premiers récipients, bols, cruches, plats et tecomates (vases) en céramiques monochromes aux formes et techniques décoratives (incisions, chanfreinage, inclusions…) qui révèlent alors une unité culturelle émergente intense et permettront de dater et d’établir des liens entre les groupes et les différentes régions. Les plus récentes recherches archéologiques et scientifiques prouvent le développement exceptionnel de la civilisation maya dans les domaines des arts, de l’architecture, dans l’organisation sociale et politique. Les grands sites se multiplient, l’architecture devient plus imposante, témoignage du fort accroissement de la population et du pouvoir politique et économique des Mayas.

 

 

Les premiers signes d’écriture hiéroglyphique apparaissent aussi au cours de la troisième période du Préclassique et une forme primitive de papier peut y être associée. Tout semble réussir à cette grande civilisation et pourtant vers 150 après J.C, des tensions apparaissent et poussent mystérieusement les populations guatémaltèques à quitter et à abandonner leurs lieux de vie. Le système social du Préclassique s’effondre, mais dès le début du Classique (de 250 à 1000 après J.C), les prémisses de l’apogée de la civilisation maya se font sentir. Commence alors une autre période d’histoire (classique ancien, récent et terminal) de cette grande civilisation… Mais elle ira à sa perte sur près de trois siècles et cela reste toujours un mystère pour les spécialistes.
Aller au Musée du quai Branly, c’est avoir envie de mieux appréhender les civilisations du monde. Voyager dans le temps avec une d’entre elles, celle des Mayas, c’est s’ouvrir aux autres et aux hommes d’aujourd’hui qui descendent de ces grandes histoires de l’humanité ! C’est pourquoi cette exposition se termine sur les Mayas d’aujourd’hui, à la recherche de leurs racines et réhabilitant leur culture pour que les générations actuelles et futures sachent d’où elles viennent.

Autour de l’exposition sont proposés un certain nombre d’activités, visites contées, et un colloque international dont vous trouverez tous les renseignements sur le site du musée : www.quaibranly.fr
 


Eivlys Toneg

 

 

Enluminures en terre d’Islam
entre abstraction et figuration
BnF Richelieu 7 juillet- 25 septembre 2011

Album de calligraphies,
Iran, XVIe - XVIIe siècle
BnF, département des Manuscrits


Une exposition vient d’ouvrir ses portes à la Bibliothèque nationale Richelieu à deux pas du Musée du Louvre où viennent de débuter également deux très belles expositions sur la Renaissance italienne et l’Enluminure médiévale. Ici, dans la prestigieuse bibliothèque, c’est à l’Islam que sont consacrées les plus riches enluminures possédées par la BnF. L’exposition porte le sous-titre « entre abstraction et figuration » qui résume la thématique abordée par le très beau travail réalisé par le commissaire de l’exposition, Annie Vernay-Nouri.
La question est éternelle, l’homme a de tout temps cherché la transcendance pour expliquer son existence. Chercher une finalité à son quotidien et faire de sa quête un absolu vers lequel tendre. Certes, les questions d’actualité feront de cette exposition un sujet brûlant, cela est tentant, mais ô combien réducteur. Tout, pour notre occident laïc, suspicieux du religieux, aura tendance à qualifier d’extrême et d’intégriste cette interdiction de la représentation du divin. Ces revendications existent bien et sont parfois manifestées de la manière la plus violente et aveugle, mais que l’on fasse un effort, et que l’on retourne à l’histoire la plus ancienne du monothéisme avec l’interdiction également présente de représenter le divin. L’exposition n’a pas choisi cette facilité, elle laisse libre le visiteur d’aller de l’une à l’autre salle, depuis l’absence absolue de représentation graphique (1re salle) jusqu’aux tentatives les plus osées de représenter le Prophète (2e salle).

 

Coran, VIIIe - IXe siècle
BnF, département des Manuscrits

 

 La question, on le comprend, est beaucoup plus profonde que notre crainte d’une religion poussée à l’extrême, cette question touche au cœur de tout à chacun : il s’agit de savoir si nous préférons l’abstraction la plus absolue pour appréhender notre existence ou alors dans un souci compréhensible de se rassurer, le choix délibéré de figurer cet absolu en le rendant tangible et en figurant, au sens étymologique du terme, la divinité.

 

Traité d’hippiatrique, Lucknow,
vers 1750-1760
BnF, département des Manuscrits

La question a longtemps occupé les premiers temps du monothéisme, elle l’occupera également les premiers temps de la chrétienté avec la querelle des icônes, pour cette représentation ou au contraire radicalement opposée avec l’iconoclasme. Voilà résumée la problématique, le commissaire de cette très belle exposition a souhaité la plus grande ouverture possible, tout est présenté dans une admirable scénographie avec une salle bleue, d’un bleu profond, où l’interdit le plus absolu fait l’objet, de la part des œuvres présentées, d’un respect magnifié par la beauté de l’art. Le divin n’est ici appréhendé que par le verbe, et ce verbe est manifesté par la lettre et l’art de la calligraphie. L’absolu est magnifié par l’art de l’enluminure et les différents styles d’écriture, qui forment autant de chants adressés au divin.

 

Coran, Espagne, 1304
BnF, département des Manuscrits

 

Le visiteur pourra se faire une idée de la beauté suscitée par cette inspiration divine en admirant les plus précieux Corans réunis pour l’occasion dans cette première salle. Puis, la tendance naturelle de l’homme le porte à toucher du doigt l’absolu et de le rapprocher de ce qui est plus connu et de ce qui le rassure : c’est l’objet de la deuxième salle, d’une couleur plus chaude, où la poésie, les sciences, la littérature, l’histoire tentent d’en dresser les contours, d’en donner une réalité plus tangible, mais tout aussi transcendante. Nous pouvons ainsi presque feuilleter les grands livres de poésie et de sciences (cela est tout à fait possible numériquement sur le site de la BnF) et remarquer l’extraordinaire créativité des arts de l’Islam dans toutes ses manifestations. L’influence des Persans et des Turcs a été grande dans ce développement de la figuration et les nombreux documents présentés laissent cette impression d’une immense arabesque, parfois visible, le plus souvent disparaissant sous nos yeux pour mieux graver notre imagination...

 

al-Harîrî, al-Mâqâmât (les séances)
[ Iraq ], vers 1240
BnF, département des Manuscrits


L’exposition est nourrie par une ambition de longue haleine, car elle se poursuivra bien au-delà de son terme avec la numérisation de toutes les œuvres déjà accomplie et accessible en ligne, ainsi que de nombreuses animations multimédias.
La question est lancée, cette exposition devra faire l’objet de débats et de recherches, pour dépassionner le débat et l’approfondir dans ses différentes dimensions, l’actualité facile y perdra, la théologie et l’histoire des religions et de l’art y gagneront !


Un travail didactique remarquable a été réalisée également dans l’espace numérique de l’exposition avec une un parcours commenté par le commissaire de l’exposition http://expositions.bnf.fr/islam/
 

Informations pratiques
Site Richelieu 5, rue Vivienne 75002 Paris
Tél : 33(0)1 53 79 59 59 (serveur vocal)
mardi - samedi de 10h à 19h
dimanche de 12h à 19h
sauf lundi et jours fériés

 

 

 

Huit maîtres de l’ukiyo-e / Maison de la culture du Japon
Chefs-d’œuvre du Musée national d’Art Asiatique de Corfou
Du 28 septembre au 17 décembre 2011


Le Musée national d’Art Asiatique de Corfou, unique en Grèce, possède une riche collection japonaise dont le noyau se compose de 1600 estampes. Elles ont été réunies par Gregorios Manos (1850-1928), ambassadeur de Grèce à Vienne de la seconde moitié du XIXe siècle au début du XXe siècle. Manos a acquis la plupart de ces œuvres à Paris après avoir quitté ses fonctions d’ambassadeur. Sa collection fait ainsi le lien entre le Japon, la France et la Grèce.

Cette exposition réunit 150 œuvres des huit plus grands maîtres de l’ukiyo-e sélectionnées parmi cette collection exceptionnelle : Sharaku, Hokusai, Hiroshige, Utamaro, Toyokuni, Kuniyoshi, Harunobu et Kiyonaga. Elle montre de manière éclatante l’originalité de ces huit artistes de l’époque d’Edo.
 

Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis, quai Branly 75015 Paris

 

 

 

DOGON

Musée du quai Branly



C'est au musée du quai Branly et jusqu'au 24 juillet 2011 que les peuples Dogon dévoilent quelques secrets de leur art. C'est la meilleure occasion de découvrir ou de mieux comprendre la spécificité de ces créations artisanales. Bien qu'il soit un des arts africains des plus connus, l'art dogon n'en reste pas moins plein de mystères. En effet les différentes grandes familles qui ont formé au fil des temps, le grand peuple Dogon, méritaient une exposition d'envergure. Les Dogon ont occupé les falaises de Bandiagara, au Mali, depuis le X° siècle, au fil des invasions, fuyant la religion musulmane et des déplacements des populations animistes. Tous ces hommes ont bâti leurs abris et sanctuaires, gardés par de fascinants gardiens de bois sculptés aux bras levés vers le ciel, vers le dieu créateur. Ces protecteurs de la communauté s'inscrivent dans les croyances et rituels dogon dont la complexité est aussi fascinante que le mythe d'origine, complètement intégré dans chaque geste et événement des la vie quotidienne. Il aura fallu attendre l'expédition Djakar-Djibouti et dans les années 1930, les travaux et recherches de Marcel Griaule, pour que l'ethnographie française s'intéresse de très prêt à la richesse de la culture dogon. Le pays Dogon appelé aussi falaise de Bandiagara, se situe au centre-est de la République du Mali, à proximité de la frontière du Burkina Faso. Cette terre aride depuis la grande sécheresse du XIIIe siècle, est un refuge idéal pour fuir les guerres ou les famines. Entre le Xe et le XIVe siècle, les différents peuples se sont adaptés les uns aux autres sur ce plateau dogon, lieu d'échange et de rencontre, et ont donné naissance à une production artisanale et artistique riche qui évoluera au cours des siècles, avec différentes écoles ayant chacune développé un style propre. Essentiellement réputée pour sa statuaire et ses masques, la création plastique du pays dogon compte également des objets moins connus, d'usage culturel ou quotidien, d'une grande richesse de formes et de sens.

 

Maternité © musée du quai Branly, photo Hughes Dubois


Cette exposition restitue la diversité et l'évolution des formes et des concepts de cette région jusque dans ses styles locaux enfin identifiés et présentés au public pour la première fois. Elle présente l'histoire de l'art et de la culture dogon à travers 350 œuvres exceptionnelles, masques, objets, bijoux, portes, serrures et chose tout à fait unique un tissu Dogon. Nous traversons ainsi dix siècles d'histoire et d'esthétique en suivant un astucieux marquage au sol, une promenade d'un peuple à l'autre, nous permettant de comprendre visuellement et dans l'instant présent, les influences et les points communs récurrents de cet art. L'exposition s'articule en trois temps, de la statuaire et des formes en pays dogon, des masques, peintures rupestres et recherches anthropologiques enfin des objets de collections portés vers le sacré. Laissez-vous happer par le raffinement et l'élégance de la statuaire dogon et des représentations humaines déclinées en cavaliers (symbole du mythe), des splendides maternités, des hermaphrodites personnifiant l'idéal de la réunion des deux sexes ou encore des personnages aux bras levés implorant le dieu Amma pour faire venir la pluie. Ces oeuvres peuvent aussi être la représentation d'un ancêtre ou de son statut social et deviennent alors l'expression de l'énergie vitale de chaque individu pendant le nyama des morts. Dans d'autres cas, elles seront utilisées contre les maladies et la stérilité. On déambule entre styles et zones géographiques des Djennenke aux N'Duleri, Tombo, Niongom et Tellem, des Dogon-Mande, Tintam, Bombou Toro, Kambari et Komakan, témoignant tous de la richesse artistique de ces artisans, souvent des forgerons dispensés des tâches quotidiennes agraires pour se consacrer à leur art.

 Autant d'artistes que de styles et d'écoles reconnaissables par leurs spécificités. En fin de parcours chacun en saura assez pour se plonger plus profondément dans l'histoire de ces peuples. Les masques cérémoniels, (soixante-dix-huit types répertoriés par Marcel Griaule) impressionnants par leurs formes et leurs volumes, sont liés au mythe d'origine et représentent tout ce qui constitue l'univers. La société des masques, l'awa, uniquement formée d'hommes circoncis, font intervenir les masques à des moments précis de la vie des Dogon, comme le Dama -levée du deuil- et le Sigui -grande fête qui célèbre tous les 60 ans la révélation de la parole aux hommes ainsi que la mort et les funérailles du premier ancêtre-. Les recherches filmées par Marcel Griaule en sont des témoignages particulièrement parlants. On ne peut pas appréhender la culture dogon sans tenir compte de la cosmologie et du mythe de la création d'une étonnante complexité et qui sous-entend l'ensemble des coutumes et de l'art dogon. Surprenante est l'histoire de ce mythe. C'est à partir de la parole du dieu suprême, Amma, qu'a lieu la création du monde. Se décline alors un certain nombre d'événements liés les uns aux autres expliquant la naissance des Dogon. A découvrir...

 

Grande statue Djennenké

© musée du quai Branly, photo Patrick Gries


Ce voyage en pays Dogon se termine par quelque 140 objets qui évoquent toujours le mythe d'origine et montrent ainsi l'inclination des sculpteurs dogon à l'évoquer jusque dans les objets les plus singuliers, bijoux, poulies, boites en fer, appuie-tête, portes et serrures, sièges, coupes et plats... Ces objets déclinent les mêmes thèmes « magico-religieux » que les sculptures présentées dans le premier espace de l'exposition. Les piliers de Togu na (case à palabres), qui se situe au centre du village, sont subtilement sculptés de figures féminines ou masculine ou parfois de varans. Cet abri est associé à la parole et sa configuration est propice à l'échange. (La positon assise correspond à l'équilibre des facultés qui influence la parole, elle empêche les emportements et permet les échanges calmes.) En quelques décennies, l'islamisation du plateau de Bandiagara et les contacts avec l'Occident (industrie touristique) ont induit une transformation du mode de vie des Dogon. La culture dogon, désormais distincte de la religion, reste vivante et évolutive. Les Dogon adaptent leurs techniques créatrices aux matériaux modernes et de récupération. Aujourd'hui les quelque 400 000 Dogon qui peuplent le plateau ont ainsi pu préserver, adapter et renouveler leur art et leur culture, patrimoine toujours vivant. Chaque individu appartient à une série de groupes concentriques : Il est membre d'une lignée, d'un clan, d'un village avant d'être Dogon et enfin Malien, mais toutes les générations partagent les valeurs traditionnelles de l'harmonie, le respect des anciens et des objets rituels.
« L'art des Dogon n'est pas un art bavard qui se perd dans l'ornement. Il correspond à ce qui est pour moi la vraie sculpture : il va à l'essentiel. » écrit Hélène Leloup, spécialiste de l'art des Dogon, commissaire et scénographe de l'exposition.
Des programmes multimédias rendent plus concrètes certaines informations des chercheurs sur l'art dogon, sur les danses rituelles ou encore sur les patines des statuettes, liées à l'utilisation même des objets dans un contexte rituel et dont l'étude est un moyen d'approcher la fonction des objets.
Autour de cette exposition, le musée du quai Branly propose de nombreux rendez-vous au public : festival « Afrique dans tous les sens », performances artistiques, rencontres et conférences, des contes et ateliers pour les plus jeunes.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sont sur le site www.quaibranly.fr

Les publications :
Le catalogue « Dogon ».
Coéditions Somogy éditions d'art / Musée du quai Branly
416 pages - illustrations couleurs.
A l’occasion de cette exposition, le musée du quai Branly propose un album iPad Dogon disponible en français et anglais..
Connaissance des Arts sort un hors-série de 68 pages et 80 illustrations.
Chez Gallimard découverte, un hors-série « En pays Dogon » est publié à l'occasion de cet événement. Se procurer l'ouvrage de référence d'Hélène Leloup, commissaire de l'exposition, « Statuaire Dogon » publié en 1994 par Amez.

 

Evelys Toneg

 

 

 

Manet, inventeur du Moderne

exposition Musée d’Orsay 5 avril – 3 juillet 2011



Manet a bouleversé l’univers pictural de son époque non seulement en préfigurant et en rendant possible l’introduction de l’impressionnisme, mais également, selon Michel Foucault, en élargissant « les propriétés matérielles de l'espace sur lequel il peignait ». La dernière rétrospective consacrée au grand peintre datait de 1983 ; or, depuis, un grand nombre de recherches ont jeté de nouveaux éclairages sur celui que l’on pensait pourtant bien connaître. Le commissaire de l’exposition, Stéphane Guégan, souligne combien il importe d’apprécier à sa juste valeur l’esthétique née de son art qui dépasse largement la notion de réalisme dont on le caractérise habituellement. Le titre de cette exposition se fait d’ailleurs bien l’écho des propos introductifs de Foucault : Manet peut être considéré comme un inventeur du Moderne.

 

Henri Fantin-Latour (1836-1904)Hommage à Delacroix1864Huile sur toile H. 160 ; L. 250 cm Paris, musée d'Orsay Donation d'Etienne Moreau-Nélaton, 1906© RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski


Cette modernité se développe tout au long du riche parcours d’une exposition amenée à faire date. Le point de départ, un tableau : L’Hommage à Delacroix peint par Fantin-Latour en 1864. Manet se tient entre Champfleury, défenseur de Courbet, et Baudelaire grand admirateur de Delacroix. Entre ces deux piliers du réalisme et du romantisme, Manet serait un trublion qui aurait brouillé les cartes. Qu’il s’agisse de la rencontre de Manet et de Baudelaire en 1860, et d’où va naître une « vive sympathie » pour un imaginaire que les deux hommes peuvent partager, ou bien du catholicisme bien particulier du peintre avec ses anges si décalés dans le contexte saint sulpicien de son temps, Manet étonne et invente sans cesse. Cet « inventeur du Moderne » va chercher son inspiration avec la réussite que l’on connaît en Espagne où son écriture picturale se nourrit des Velázquez du Prado, mais également de Greco et de Goya.

Edouard Manet (1832-1883)L'homme mort Vers 1864Huile sur toile H. 75,9 ; L. 153,3 cm Washington, National Gallery of Art Widener Collection © courtesy National Gallery of Art, Washington

 

Le visiteur de l’exposition pourra s’arrêter de longs instants devant L'homme mort, ce torero allongé éblouissant par la force qui se dégage de cette évocation pourtant morbide. Manet ne s’enferme dans aucune tendance et s’il se tient à l’écart de la première exposition des « impressionnistes », ce n’est pas par désertion, comme certains l’accusent, mais bien parce que son art ne peut être rattaché à un mouvement ou une école.

L’exposition du musée d’Orsay sera également la possibilité d’admirer les nombreuses natures mortes de l’artiste, natures qu’il convient de replacer dans leur contexte et surtout celui du peintre.

 

Edouard Manet (1832-1883)Vase de pivoines sur piédouche1864Huile sur toile H. 93,2 ; L. 70,2 cm Paris, musée d'Orsay Donation Etienne Moreau-Nélaton, 1906© Musée d'Orsay, dist. RMN / Patrice Schmidt

 

Si le Vase de pivoines sur piédouche émeut notre sensibilité par la fraicheur de ces fleurs dont certains des pétales sont tombés négligemment au pied du vase, le peintre les considérait plus modestement comme des instants propices à l’étude et au recueillement.
Manet s’éteint le 30 avril 1833, mais Olympia pourra longtemps encore lui adresser ce regard inimitable qui fait de l’artiste un peintre toujours vivant en témoigne cette très belle exposition à découvrir avant le 3 juillet de cette année !

Musée et expositions
* Ouverture de 9h30 à 18h
le mardi, le mercredi, le vendredi, le samedi et le dimanche
de 9h30 à 21h45 le jeudi
vente des billets jusqu'à 17h, 21h le jeudi
évacuation à partir de 17h30, 21h15 le jeudi
groupes admis sur réservation uniquement du mardi au samedi de 9h30 à 16h, jusqu'à 20h le jeudi
* Fermeture tous les lundis et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre

Spécial exposition Manet

Le samedi, ouverture de l'exposition Manet, inventeur du moderne jusqu'à 20h. Fermeture des caisses de 17h30 à 18h.

 

 

 

 

Le musée ART ROCH

Le premier misée d'art aborigène d'Australie


 


Le 24 mars dernier, au 24 rue Saint Roch dans le 1er arrondissement de Paris, un évènement tout particulier a eu lieu. Le Musée privé Art Roch, dédié à l’art aborigène d’Australie, a ouvert ses portes au public, dévoilant sa collection permanente d’objets et peintures traditionnelles et contemporaines aborigènes. Sous de magnifiques voûtes de caves du 17ème siècle, une des plus belles collections de cet art du « Temps du Rêve », a été rassemblée et mise en espace par le musicien iranien Moreza Esmaili. Cet artiste, qui a vécu avec les aborigènes, a été initié aux arts traditionnels de leur culture. Il a tissé, grâce à la musique, médiateur universel, des liens profonds et des ponts entre deux cultures, la tradition soufie (celle de son enfance) et la tradition ancestrale des aborigènes. Dans cette dernière, il n’est pas un peintre qui ne soit aussi musicien et danseur, il n’y a pas de cloisonnement des arts et moyens d’expression ; le chemin d’un partage authentique se dessinait comme autant de dessins traditionnels tracés dans le sable. Ce n’est que dans les années 1970 que les peintres aborigènes ont commencé à peindre sur des toiles, à la peinture acrylique, leur vision du monde, gardant les techniques anciennes pour passer « hors les murs » leur tradition et être découvert et apprécié dans une grande partie du monde par des « passeurs » tels que Morteza Esmaili.

La collection du musée composée de dizaines d’objets et peintures nous fait voyager dans les temps les plus reculés de l’histoire de ces peuples. Outre les traditionnelles peintures sur écorces, des totems, des objets cérémoniels, des représentations de figures mythiques millénaires (Wanjinas, Mimi, Yawk Yawk), des pointes de lance, des boucliers de chasse, des woomera (propulseurs de lance), des boomerangs, des passeurs de message, des coolamons et autre tablettes rituelles, la scénographie et le parcours du musé nous guident parmi les toiles de certains des plus grandes artistes de l’art contemporain aborigène actuel, nous berçant dans les origines de la création. Toutes les pièces présentées ont été choisies avec le souci de la connaissance et de rapprocher les cultures entre elles. L’approche intimiste des œuvres permet aux visiteurs de percevoir l’ordre intemporel du « Temps du rêve », si présent dans toutes les œuvres présentes ici. Le musée ne cherche pas à mettre en avant une démarche anthropologique, il valorise plutôt la charge expressive et la puissance d’évocation de cet art ancestral, que tout à chacun est à même de ressentir.
Aujourd’hui, l’art aborigène est reconnu comme un art tribal mais est également reconnu dans les sphères de l’art contemporain. Un lieu comme le Musée art Roch, devient alors le seul lieu d’immersion totale dans l’histoire de cet art et participe à ce que les grands noms de ces artistes figurent aux côtés des maîtres de la peinture occidentale.
Un lieu à découvrir absolument !


 Evelys Toneg
 

Musée ART ROCH
24, rue Saint Roch 75001 Paris
01 42 60 05 47
www.artroch.net

 

 

 

L’œil et la passion Musée des Beaux-arts de Caen.
Dessins italiens de la Renaissance dans les collections privées françaises
19 mars - 20 juin 2011

 


L’œil et la passion sont réunis à l’occasion d’une exposition remarquable au musée des Beaux-Arts de Caen jusqu’au 20 juin 2011. Une fois de plus, le musée dirigé par Patrick Ramade a réussi la prouesse exceptionnelle de réunir soixante-dix feuilles dignes des plus grands musées internationaux en un parcours à la fois didactique et esthétique. Provenant de riches collections privées françaises, ces œuvres du Cinquecento italien (XVI° siècle) sont emblématiques des styles de la Renaissance, du Maniérisme et de la Contre-Réforme, une exposition décidément exigeante et qui nécessitera de prendre son temps pour l’apprécier pleinement. Avec une scénographie sobre, cette exposition nous plonge au cœur du trait et du dessin des plus grands artistes de cette époque, et l’œil du visiteur sera plus d’une fois surpris de pouvoir admirer aussi librement (aucune distance entre le visiteur et l’œuvre) ces créations qui étaient pour la plupart d’entre elles des études et des projets pour les chefs-d'œuvre à venir. Véronèse, Tintoretto, Parmigianino ou encore Beccafumi sont réunis avec un éventail de dessins d’une grande variété. Avec Patrick Ramade, Catherine Monbeig Goguel et Nicolas Schwed ont conçu cinq parties suivant la succession des générations et les différents foyers artistiques. La plupart de ces dessins sont inédits et n’ont jamais été exposés. L’exposition présentée à Caen prend ainsi figure d’une collection idéale, rêve de tout esthète de la Renaissance…
 

Franco, Neptune sur son char (détail), DR

 

Le mouvement est au cœur d’une effusion picturale sous la pierre noire de Battista Franco, un peintre vénitien qui servira la Cité par ses nombreuses évocations mythologiques. Ici, Neptune sur son char est momentanément fixé sur le papier par l’artiste, mais nul doute qu’une fois l’œuvre regardée, le dieu des mers poursuive sa route sur sa monture effrénée !

 

Véronèse, Etude de manteau sur une figure debout, DR

Un peu plus loin, l’incroyable drapé d’un saint évêque qui prend forme sous le trait de Véronèse laisse songeur le visiteur qui croit avoir perçu le froissement de l’étoffe de celui qui pourrait bien être saint Ambroise, le saint bien-aimé de la ville de Milan.

 

Tintoret, Adoration des Bergers, DR

 

Une halte devant l’Adoration des Bergers de Domenico Tintoretto, le fils de Jacopo, témoigne des audaces de ces artistes du XVI° siècle, audace que ne désavouerait pas un peintre comme Picasso si l’on observe les traits évoquant les personnages de la sainte scène. L’essentiel n’est pas là, et devant la candeur d’un enfant Jésus dont les traits sont réduits au minimum (trois points…), la force de la composition est ailleurs, dans cette tension qui anime chacun des protagonistes, tension qui oscille entre surprise et émerveillement, stupeur des bras écartés et recueillement des bras croisés.
L’œil aiguisé par la beauté, mais aussi par la qualité des œuvres et l’état de leur conservation rencontre la passion de posséder ou plutôt d’acquérir, car est-il possible de « posséder » le beau ?
La réponse à cette question se fera pour tout à chacun en visitant cette très belle exposition où chacun d’entre nous pourra emporter avec soi quelques fragments de beauté qui hanteront longtemps après la mémoire de nos émotions.

 

 

 

 

 

 



Informations pratiques
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 9h30 à 18h. Fermeture dimanche de Pâques, 1er mai et jeudi de l’Ascension
Commissariat
Commissariat scientifique :
Catherine Monbeig Goguel, directeur de recherche émérite (CNRS), département des Arts Graphiques du Musée du Louvre.
Nicolas Schwed, historien de l’art
Commissariat général :
Patrick Ramade, conservateur en chef du Patrimoine, directeur du Musée des Beaux-Arts de Caen.

Catalogue
Reproduction et analyse de toutes les œuvres dans le catalogue (editions Somogy).

 

 

« Nature et idéal, le paysage à Rome 1600 – 1650 »

exposition Grand Palais , Galeries nationales

Paris, jusqu’au 6 juin 2011.

Quels rapports entretiennent ces deux mots « nature » et « idéal » dans le langage pictural de la première moitié du XVII° siècle ? La représentation du paysage à Rome est le thème retenu pour cette exposition qui se tient actuellement au Grand Palais, évocation qui a inspiré tant d’artistes dont les noms sont parvenus jusqu’à nous tels des synonymes de beauté et de perfection. C’est cette perfection née de l’antique que soulignait Chateaubriand lorsqu’il affirmait : « On n’a point vu Rome quand on n’a point parcouru les rues de ses faubourgs mêlées d’espaces vides, de jardins pleins de ruines, d’enclos plantés d’arbres et de vignes, de cloîtres où s’élèvent des palmiers et des cyprès, les uns ressemblant à des femmes d’orient, les autres à des religieuses en deuil. » Rome a réussi cette extraordinaire métamorphose en renaissant encore plus belle de ses ruines. Elle a pu opérer une telle métamorphose grâce à ses couleurs et aux formes qu’elle a su inspirer aux artistes majeurs de ce XVII° siècle en profond changement. Il est vrai, qu’auparavant, peindre le paysage pour lui-même aurait paru incongru pour un artiste qui le réservait comme un complément d’un thème central. La ville éternelle a donc su inspirer cette mutation picturale grâce aux nombreux attraits qu’elle a toujours suscités : De nombreux peintres vinrent de l’Europe entière dans l’espoir d’en capter les plus beaux reflets. La très belle exposition réalisée par Stéphane Loire avec la collaboration scientifique de Francesca Cappelletti, Patrizia Cavazzini et de Silvia Ginzburg proposent ainsi à notre regard plus de 80 peintures parmi les plus belles sur la ville éternelle et son paysage.

 

Domenico Zampieri, dit le Dominiquin (1581-1641)

huile sur toile (164 × 213 cm) Paris, Musée du Louvre © RMN / Gérard Blot


Le visiteur pourra, comme le suggère le parcours, commencer par Annibal Carrache (1560-1609), précurseur, car l’essentiel de son activité le rangera plus dans le dernier tiers du XVI° siècle que le XVII° s. Si l’artiste réalise avec brio une commande du décor peint de la galerie du palais Farnèse, il saura parallèlement « s’échapper » de cette peinture classique avec les premières évocations d’un paysage « idéal ». La Fuite en Egypte marquera le point de départ et servira de modèle pour les artistes qui suivront. Avec le peintre bolognais, la nature entretient un rapport particulier avec les personnes qui y sont représentées. La nature se sait-elle regardée ? Difficile de répondre à pareille question, toujours est-il qu’avec cette nouvelle approche, le regard devra dorénavant être pluriel, dépasser la lecture immédiate pour tisser un réseau de dialogues de plus en plus complexe. Cette expérience ressentie et transposée par Carrache sera irréversible pour les siècles à venir. Le Dominiquin reprendra le flambeau laissé allumé par son illustre prédécesseur, qu’il suffise pour s’en convaincre de s’attarder de longs moments devant « Le Sacrifice d’Abraham » peint vers 1602. La lente montée d’Abraham et de son fils Isaac s’avère périlleuse, les arbres au feuillage sombre et les troncs tortueux soulignant l’acte terrible demandé au père pourtant soumis à la volonté divine.

Par contraste, la plaine, au loin, paraît sereine presque confiante dans le destin qui s’écrit sous nos yeux. Voilà un exemple de cette transformation de la représentation de la nature confirmée par l’excellence de l’art du Dominiquin.

 

Nicolas Poussin (1594-1665) huile sur toile, 155 × 234 cm

© Madrid, Museo nacional del Prado


Le chemin est tout tracé pour ouvrir une voie lumineuse vers les grandes réalisations de Poussin ou du Lorrain, eux-mêmes influencés par l’influence plus descriptive des peintres nordiques. C’est ainsi que le visiteur découvrira au fil des salles sobrement organisées les plus belles réalisations de cette première moitié du XVII° siècle, avec, en point d’orgue, les grands paysages exécutés par Nicolas Poussin et Claude Lorrain tels le Paysage avec saint Paul ermite qui révèle une nature particulièrement inextricable en écho avec la démarche érémitique du saint ou encore le paysage lunaire inquiétant évoqué par Claude Lorrain dans Paysage avec la tentation de saint Antoine. Le paysage peut être également circonscrit à la vue d’un port, thème qui occupa particulièrement ce peintre dont l’incroyable lumière d’un soleil toujours masqué par un point de l’horizon illumine l’ensemble de la représentation. La peinture plus intellectuelle de Nicolas Poussin ne cesse quant à elle de tisser un dialogue raffiné de plus en plus étroit avec la nature, dialogue souvent difficile à entendre au XXI° siècle. Cette très belle exposition parvient à nous le restituer avec intelligence et raffinement, et à l’image de Goethe découvrant pour la première fois la ville éternelle, nous pourrons dire avec lui : « Tout est comme je me l’imaginais et tout est nouveauté ! ».

 

Claude Gellée, dit le Lorrain (vers 1600-1682) huile sur toile, 211 × 145 cm
© Madrid, Museo nacional del Prado
 

Galeries nationales du Grand Palais

Entrée Clémenceau
3, avenue du Général-Eisenhower
75008 Paris
Tél : 01 44 13 17 17

 

RETROUVEZ LA CHRONIQUE DU CATALOGUE DE L'EXPOSITION :

 

« Nature et idéal, le paysage à Rome 1600 – 1650 » catalogue de l’exposition Grand Palais , Editions de la RMN et du Grand Palais, Paris, 2011.

Rome est le point de convergence de nombreuses influences qui permettront à l’art du paysage de progressivement prendre son essor en tant que tel dés la fin du XVI° siècle...(Lire la suite...)

 

 

 

Gustave Courbet, l’amour de la nature
Du 4 mars au 4 juin 2011
Mona Bismarck Foundation

 

 




« [ Je suis] l’élève de la nature […] je n’ai eu que moi-même pour maître ». Chez un autre que Courbet, une telle affirmation pourrait paraître prétention et vanité réunies ; or, avec le peintre maître du réalisme, il n’en est rien. Nature et artiste se fondent en une osmose parfaite, l’un dessinant l’autre, dans un éternel retour de la perfection esthétique. Courbet estimait, en effet que « Le beau est dans la nature », et il appartenait à l’artiste de le reconnaître pour en témoigner dans l’art. Une telle quête a nourri les trente-cinq toiles et quatorze dessins de celui qui souhaitait à tout prix rompre avec l’académisme de son époque, pour cette recherche libre évoquée précédemment. La Fondation Bismarck ne pouvait être que l’écrin rêvé d’une telle exposition, organisée en partenariat avec l’Institut Courbet, à la fois intimiste et en même temps exigeante. L’âme de la si belle comtesse plane encore dans ces lieux et nul doute qu’elle aurait validé pareil accrochage de beautés et d’émotions artistiques. Car la nature est presque surprise dans les instantanés du peintre Courbet. Il semble même parfois tapi si silencieusement dans ses recoins qu’il a su en surprendre les murmures inaudibles et les reflets masqués habituellement à la descendance d’Adam et d’Eve… il suffit pour s’en convaincre de se recueillir devant ces évocations de sa vallée natale pour mieux comprendre ce que Courbet affirmait : « L’imagination dans l’art consiste à savoir trouver l’expression la plus complète d’une chose existante, mais jamais à supposer ou à créer cette chose même.»

 

Etude de paysage de Fontainebleau - Gustave Courbet - 1850,

huile sur toile, 38x45 cm, photo@Institut Courbet d'Ornans
 

La clairière de sable près de Fontainebleau peinte en 1850 déploie sous nos yeux cette humilité active : le sol sablonneux dessine subtilement la masse verte compacte des arbres indistincts dont seule une trouée de ciel légèrement dégagée vient de nouveau éclaircir le paysage. Il n’y a nulle béatitude devant la création de Courbet : la nature est magnifiée sans être pour autant enserrée dans un carcan étouffant.

Le Petit Pêcheur d’Ornans renouvelle cette expérience devant notre regard : l’artiste a su percevoir l’œuvre de la nature dans ces reflets argentés, presque neigeux, de l’eau agitée par la retenue du barrage. Nous regardons ainsi Courbet qui lui-même perçoit ce petit pêcheur qui s’abîme dans la contemplation de la nature dont il fait lui-même partie. Seul un ciel rouge de fin de journée qui s’annonce vient rompre cet équilibre parfait, la masse sombre des nuages souligne la fugacité de ces instants de quiétude, on n’ose dire de bonheur…

 

Le passage du gué - Gustave Courbet - 1841,

huile sur papier marouflé sur toile, 26x22 cm, photo@Institut Courbet d'Ornans


La nature peut parfois s’effacer chez Courbet, ou tout au moins devenir témoin discret d’une idylle à l’abri des regards tel Le Passage du gué, peint en 1841, et qui semble être un autoportrait au bord de la Brême. Un jeune homme tient fermement dans ses bras une jeune femme afin de lui permettre de traverser à pied sec le gué. Nous comprenons vite au regard porté par le peintre à la bien-aimée que le motif de la traversée est tout autre, mais cela ne nous appartient plus !

Cette très belle exposition est à découvrir à la Mona Bismarck Foundation, 34 avenue de New York, à quelques pas du Musée d’Art Moderne et du Trocadéro jusqu’au 4 juin.

Gustave Courbet, l’amour de la nature
Du 4 mars au 4 juin 2011
Ouvert de 12h00 à 18h30 tous les jours sauf dimanche, lundi, et jours fériés
Mona Bismarck Foundation
34 Avenue de New York – 75016 Paris
Contact : Cynthia Cervantes au 01 47 23 83 37
Site web : www.monabismarck.org

Catalogue Gustave Courbet, l’amour de la nature, C. Rajakaruna, F. Lépine, J.-J. Fernier, Mona Bismarck Foundation, 2011.

Institut Gustave Courbet
1971-2011, 40 ans d’exposition

Créée en 1938 par le peintre comtois Robert Fernier et ses amis, l’Association des Amis de Courbet, aujourd’hui Institut Courbet, acquit la maison natale du peintre à Ornans pour y ouvrir le Musée consacré à son oeuvre. À la disparition de son fondateur, elle offrit le Musée Courbet au département de Doubs pour qu’en soit assurée la pérennité. L’Institut Courbet, qui conservera la direction du musée jusqu’en 2008, consacre désormais son activité au service de Courbet et des
artistes qu’il inspire, notamment en proposant ses collections et des manifestations en France et à l’international.

 

 

 

CRANACH ET SON TEMPS
Musée du Luxembourg – Sénat
9 Février 2011 / 23 Mai 2011



Le peintre Cranach l’Ancien naît, un an après Dürer, en 1472 à Kronach, en Haute-Franconie, ville de Bavière en Allemagne qui a inspiré son patronyme. Forgé aux armes de l’humanisme, le jeune homme sera engagé comme peintre officiel à la cour du prince électeur de Saxe à Wittenberg. L’exposition qui réunit une sélection importante de ses œuvres au musée du Luxembourg est une belle manière d’aiguiser son regard à la Renaissance du nord de l’Europe. Ses œuvres vont en quelque sorte, le temps d’une exposition, offrir le miroir de son époque, une époque riche en ces temps de Réforme. Les différents portraits officiels, qui sont présentés dans ce musée qui vient de rouvrir ses portes, proposent une « illustration » des grands de cette époque, ce qui est déjà beaucoup ; mais, l’art de Cranach va bien au-delà et opère également par magie une impression étrange de vie qui surprendra plus d’un visiteur.

Que l’on place en vis-à-vis les portraits de Martin Luther et de Philippe Melanchthon et l’on comprendra immédiatement la proximité qui unissait le peintre de ces deux humanistes réformateurs. Il faudra également s’arrêter sur son étonnant autoportrait réalisé en 1531 dont émane un regard à la fois ferme de l’homme sûr de son art et en même temps la perplexité : est-ce en raison de ses multiples engagements officiels qui font de son atelier une activité florissante ? Les tourments de la foi réformée qui ébranlent son temps et son cercle le plus intime d’amis ont-ils eu raison de ses certitudes ? Nous ne le saurons pas et son regard nous accompagnera longtemps après la visite…
 

Cette « propagation » de la foi par une nouvelle manière de voir sera au cœur des préoccupations artistiques de Cranach. L’image vient à l’appui de la Parole du Christ et l’aide à la graver dans la mémoire du croyant. La représentation de La Charité peinte après 1536 est significative de cette vaste entreprise. Une jeune femme est assise, nue, sur un tronc d’arbre scié, quatre petits enfants également nus l’entourent, goûtent une pomme ou tètent le sein de la jeune femme, dans un total abandon à la manne bienfaitrice…
Les références à l’Antiquité sont également nombreuses dans l’art de Cranach et de son temps, leurs fonctions rhétoriques sont manifestes pour la légitimation des princes électeurs. Mais, peu importe ces calculs, ils offrent la possibilité pour nos contemporains d’admirer l’art établi de Cranach qui a su transcender ces contingences pragmatiques, signe de la qualité de l’artiste. Tout aussi convaincante est la manifestation de la délicate dévotion apportée par le peintre dans ses représentations de la Vierge, qui, si elles n’ont pas la chaleur de leurs homologues italiennes, traduisent néanmoins une émotion profonde et solidement ancrée.

Lucas Cranach L’Ancien, La Vierge allaitant l’enfant, vers 1515 huile sur panneau tilleul, 81,6 x 54 cm, Budapest, église réformée, collection Ràday
© Budapest, église réformée, collection Ràday


Il restera à l’heureux visiteur de cette exposition décidément riche d’apprécier les fameux nus qui ont rendu célèbre le peintre Cranach et de juger de leur sensualité qui a fait couler encore plus d’encre que de peinture !

A lire :
-Album de l’exposition « Cranach et son temps »
Cet album est publié à l'occasion de l'exposition Cranach et son temps présentée à Paris, au musée du Luxembourg, musée du Sénat de la République française, du 9 février au 23 mai 2011. Éditions de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais, Paris
Nb. de pages 47, Illustrations 40, Format 21x26.5 cm, Couverture Brochée
-Naïma Ghermani « L’Europe au temps de Cranach 1480-1560 » Rmn Grand Palais, 2011.

Horaires :
Tous les jours de 10h00 à 20h00
Vendredi et samedi jusqu’à 22h00
Fermeture exceptionnelle : 25 décembre et 1er mai

Accès
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard
75006 Paris
Tél. : 01 40 13 62 00
 

 

 

 

Parmesan, dessins et gravures en clair-obscur

 cabinet des dessins Jean Bonna, Beaux-arts de Paris

 exposition du 18 février au 6 mai 2011

Girolamo Francesco Mazzola dit le Parmesan
Saint Christophe portant le Christ enfant
Plume, encre brune et lavis d’encre brune sur papier préparé rose Mas 2367

© Ecole nationale des Beaux-arts de Paris - Photo : J.M Lapelerie

 


Alors qu’à quelques centaines de mètres de là, le musée du Luxembourg célèbre le peintre Cranach dans une exposition très médiatisée, de véritables joyaux sont également à découvrir dans le même périmètre, dans un cadre intimiste, et à l’abri des grandes files d’attente !
C’est en effet à l’Ecole nationale des Beaux-arts de Paris qu’il faudra également se rendre, d’autant plus que l’artiste qui y est honoré est un contemporain italien de Cranach, une belle manière de comparer les arts de la Renaissance du nord et du sud
C’est grâce au mécénat de Jean Bonna et à Emmanuelle Brugerolles (commissaire) que cette exposition a pu réunir une trentaine d’œuvres de la Renaissance issues de l’école émilienne caractérisée par l’art de Girolamo Francesco Maria Mazzola nommé plus abruptement par Vasari, Parmigianino, « le petit Parmesan », l’artiste étant né à Parme…

 

Attribué à Parmesan
Tête de jeune femme pour La Vision de saint Jérôme
Sanguine sur stylet Mas 2545

© Ecole nationale des Beaux-arts de Paris - Photo : J.M Lapelerie


C’est ce même Vasari qui n’hésite pas à décrire le peintre comme étant sans rival en Lombardie « par la grâce du dessin, par la vivacité de l’invention et par une rare habilité à peindre le paysage (…) Il sut donner aux attitudes de ses personnages un charme, une suavité, une élégance qui n’appartiennent qu’à lui.». Comment ne pas souscrire à un jugement aussi sûr, après avoir visité l’exposition des Beaux-arts de Paris !

Nous sommes dans le temple du raffinement et de la délicatesse sublimés par la quintessence du dessin. Nul artifice ne peut venir atténuer une faiblesse du trait ou de la forme comme en témoigne cette superbe Etude d’une figure allégorique féminine pour le camerino de Fontanellato.

Quelle que soit l’attribution du personnage évoqué dans cette étude, la sanguine invite le regard à contempler l’intimité d’une Diane ou de la déesse lunaire Hécate dans une attitude où le port de tête souligne la grâce du buste à moitié découvert. Que l’on rapproche de ce dessin l’admirable Tête de jeune homme où le pastel de couleur esquisse sur le papier bleu un visage étonnant de vie et de fraîcheur. Ce pastel assez inhabituel chez Parmesan est à rattacher aux travaux de Corrège et de Léonard.

C’est d’ailleurs à Rome (1524-1527) qu’il complètera sa formation et qu’il fera connaissance des oeuvres de Raphaël et de Michel-Ange, encouragé en cela par la bienveillance du pape Clément VII qui garda pour lui le tableau de la Circoncision que le jeune artiste réalisa dès le début de son séjour.
De cette période romaine date la Vierge baignant l’Enfant Jésus réalisé à la plume et à l’encre brune dont le caractère intimiste frappe immédiatement : la Vierge, allongée à même le sol, tient son enfant penché sur elle dans un geste maternel universel.

 

Ugo da Capri d’après Girolamo Francesco Mazzola dit le Parmesan
Diogène, vers 1526-1527 Gravure sur bois Est 11337

© Ecole nationale des Beaux-arts de Paris - Photo : J.M Lapelerie


L’exposition sera également l’occasion d’apprécier l’art de Parmesan quant aux gravures en clair-obscur, chiaroscuro, technique pour laquelle il développera tout l’éventail de ses qualités artistiques. La curiosité dont il fait preuve sur le développement de cet art gravé est manifeste dans les œuvres présentées tel ce Diogène admirable dans ce face à face avec le coq plumé et dont la fougue soulignée par le mouvement de son vêtement ne cesse d’étonner…
Il faudra s’attendre à de véritables moments d’émotions artistiques lors de cette visite à ce Cabinet des dessins qui rivalise avec les plus grandes institutions internationales quant à la qualité et au nombre de ses dessins conservés !

 



Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris
Cabinet des dessins Jean Bonna
14, rue Bonaparte 75006 Paris
www.beauxartsparis.fr
(semaine de fermeture du 18 au 24 avril 2011) – ouverture du lundi au vendredi
Catalogue de l’exposition par Emmanuelle Brugerolles et Camille Debrabant « Parmesan Dessins et gravures en clair-obscur » Beaux-arts éditions, 160 pages, 2011.

 

 

 

 

L’ORIENT DES FEMMES vu par Christian Lacroix

Musée du Quai Branly



Quel plus bel hommage pouvait-on offrir à ces femmes d’Orient, ces femmes du « croissant fertile », du nord de la Syrie à la péninsule du Sinaï, que le regard aiguisé et sensible d’un artiste aussi talentueux que Christian Lacroix, à qui le Musée du quai Branly a confié la direction artistique de cette exposition !
« L’Orient des Femmes vu par Christian Lacroix » est un subtil parcours autour de robes richement colorées et brodées par ces femmes des campagnes et des tribus itinérantes qui rivalisaient de créativité pour confectionner tous ces vêtements. Pièces uniques, constituant avec quelques autres accessoires brodés aussi, l'essentiel de chacun des trousseaux des futures jeunes mariées. Montrées pour la première fois au public, ces robes, collectées depuis des décennies ou issues de collections particulières, sont autant de livres d'étoffes qui racontent une terre d'origine, un milieu social, une religion, un art de vivre, une manière d'être, une mémoire collective, des gestes ancestraux répétés à l'infini, des vies entières...

 

détail de Manteau de fête de femme syrienne, dara'a Date : vers 1965
Provenance : Sukhné (province d'Alep),
© musée du quai Branly, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

 

Cette exposition dévoile un autre visage de la femme orientale que peu de voyageurs jusqu'au 18e siècle avaient eu l'occasion de voir. « Ils s'attendaient à voir des vêtements de pauvres paysannes, ils découvrirent des costumes de ballerines d'opéra » décrit Jacques Weulersse en 1946. Oui, ces robes, et les voiles de visages qui en accompagnent certaines, sont de véritables trésors, qui depuis l'époque médiévale ont préservé la forme même de la coupe, du montage, des codes de couleurs, des techniques de teinture et des broderies chargées de tous leurs symboles. Du noir au blanc, passant par des rouges, bleus, ocres et orangés comme le passage de la nuit au jour, de l'aube au crépuscule colorés, ces robes semblent suspendues, comme figées, planant dans un espace-temps puisqu'elles ne seront plus jamais portées.
 

Ces costumes de femmes syriennes, jordaniennes, palestiniennes ou encore bédouines, dont les secrets de confection transmis de générations en générations, de mère à fille (dès 7 ans), dans le bruissement et la douceur des étoffes de coton, de drap de Damas, de gaze ou de soie, sont des espaces de liberté pour toutes ces mains expertes qui se sont passé ce savoir-faire de ce patrimoine du geste depuis des siècles. Malheureusement, cet art disparaît inéluctablement depuis le 19e siècle avec les échanges commerciaux entre le monde méditerranéen et l'Occident exportant sa propre mode vestimentaire. En ce début de 21e siècle, la globalisation culturelle et la montée d’un certain fondamentalisme sonnent la fin d’une tradition vestimentaire séculaire et il est impossible de rester indifférent à la disparition de ce patrimoine identitaire, voire à l’anéantissement de cette mémoire de femmes, car, comme l’explique Hana Chidiac, commissaire de cette exposition, derrière ces costumes d’une rare beauté, il y a des générations de femmes pétries de rêves et de sensibilités, des femmes qui ont piqué des milliers de points colorés sur leurs robes pour embellir la vie et adoucir leur avenir…
« L'Orient des femmes » est un événement joyeux, un tourbillon pour les sens. La vue, le toucher, l'ouïe sont sollicités. Imaginer les parfums d'Orient, les goûts des plats de fête donnera la touche finale à ce voyage vers cette région du monde qui a toujours exercé sur l'Occident une véritable fascination.

 

© musée du quai Branly


Autour de cette exposition, le musée du quai Branly propose conférences et publications.
Vous trouverez toutes les informations pratiques au 01 56 61 70 00 et sur le site www.quaibranly.fr

Le catalogue « L’Orient des femmes vu par Christian Lacroix ».
Ouvrage collectif préfacé par Christian Lacroix.
Coéditions Actes Sud Beaux-Arts / Musée du quai Branly
164 pages - illustrations couleur et noir et blanc.
Photographies de Grégoire Alexandre.
A l’occasion de cette exposition, le mensuel L’ŒIL édite un hors-série
22 pages – illustrations couleurs et noir et blanc.

Evelys Toneg

 

 

 

« ENTRE CIEL, TERRE ET MER OU LE MYTHE REVISITE - DENNIS NONA.»
AMBASSADE D’AUSTRALIE - PARIS
27 JANVIER - 20 MAI 2011



« Il faut véritablement être équilibriste pour donner un sens au passé à la fois en respectant les formes d’expression artistiques traditionnelles – même renouvelées d’une manière créative – tout en s’écartant de cet héritage.» écrit Simon Wright en préambule du catalogue consacré à l’œuvre de Dennis Nona, exposé à l’ambassade d’Australie, jusqu’au 20 mai 2011.
Entrer dans l’univers imaginaire et traditionnel de Dennis Nona est un voyage vers les terres des îles du détroit de Torres, cernées par la Nouvelle-Guinée au nord et l’Australie au sud, mais aussi vers sa terre, l'île de Badu, archipel tropical aux cultures spécifiques entre mondes aborigènes et univers mélanésiens. Dennis Nona y est né en 1973 et y apprend dès son enfance l'art de la sculpture traditionnelle sur bois. Après des études et l’obtention de diplômes en arts plastiques et en arts visuels, il est reconnu aujourd'hui, et de nombreuses fois primé de prix prestigieux, comme l'un des créateurs les plus originaux et novateurs de la scène artistique contemporaine. Au fil des années, son talent va se développer avec une finesse particulière à travers ses techniques de prédilection, la linogravure, les eaux-fortes et la sculpture. Son œuvre, d'une très d'une grande complexité et de forme visuelle très vivante, nous emporte âme et corps dans la tradition des légendes mythologiques de son île, qui jusque-là se transmettait oralement et par les danses traditionnelles. Dennis Nona a recourt, lui, à la narration graphique pour nous transmettre directement et visuellement son histoire, tant historique et clanique que spirituelle. La richesse de ses œuvres réside dans la multiplicité des niveaux de lecture. Stéphane Jacob, commissaire de l'exposition, nous invite à découvrir un ensemble d'une cinquantaine d'œuvres récentes mêlant l'art de l'estampe et de la sculpture, 33 eaux-fortes, 6 linogravures, 11 sculptures et 1 installation éphémère en sable, roches et Bu (coquillages trompette - chemin initiatique des jeunes garçons passant à l'âge adulte). Sans scénographie particulière, on déambule d'œuvre en œuvre, ébloui par le foisonnement de signes et le raffinement des traits, les couleurs, la maîtrise totale des techniques employées et l'extraordinaire bestiaire légendaire et mythologique que célèbre Dennis Nona.

Hommes, plantes, animaux et paysages ont tous leur propre signification dans l'épopée ou les événements magiques du passé de cette culture qui glorifiait le combat et tenait les guerriers en haute estime. C'était une culture de chasseurs de têtes (Byerb Ibaik, Baidam Aw Kuik, sculptures représentant les crânes humains utilisés comme monnaie avec les populations voisines de Papouasie Nouvelle-Guinée), de cannibales et de guerriers, culture où lorsqu'ils mourraient, les hommes et femmes, les sorciers et sorcières se transformaient en créatures marines ou devenaient des rochers, des îles du détroit. Le travail de Dennis Nonna prend souvent des proportions monumentales, ce qui lui permet de traduire visuellement et en détail, des légendes longues et complexes (Mutuk – eau-forte de 4,30 mètres de long ou encore Yawaar - linogravure de 6 mètres de long), sa sculpture aussi prend ce même chemin vers le monumental avec Ubirikubiri of Awaiau Kasa (crocodile en bronze de 3,60 mètres de long).

 

Dans sa démarche artistique, il repousse constamment les limites des supports qu'il utilise, ce qui crée de véritables défis techniques pour les fondeurs (sculptures de bronze) et fait que son art devient alors unique et se distingue de toute la production artistique contemporaine insulaire et australienne. La beauté frappante des œuvres de Dennis Nona n'a d'égal que la complexité des récits, tous expliqués sur des panneaux bilingues à côté de chacune des œuvres. Dennis Nona a su faire de son art un vecteur idéal pour toucher de nouveaux publics à travers le monde en donnant une lecture de la tradition que les insulaires du détroit de Torres se passent entre eux depuis des siècles, toujours sous les formes traditionnelles tels les tatouages, la sculpture, les danses, les dessins sur le sol, et toutes les significations symboliques et interactives entre les corps, la flore et la relation « mère » avec la mer nourricière. Les œuvres de Dennis Nona sont au-delà des œuvres de collection, car elles participent à la sauvegarde de la tradition et appartiennent en quelque sorte à la communauté dans la mesure où elles s'inspirent des récits des mythes fondateurs, des danses et des esprits qui sont liés à sa culture. Chaque projet d'œuvre est soumis aux sages du clan et validé avant d'être exécuté.
Dennis Nona est un conteur visuel qui a pour mission culturelle de nous faire partager par la beauté de son art, la culture vivante de son peuple.
Stéphane Jacob, commissaire de cette exposition, directeur de la galerie Arts d'Australie à Paris, membre du C.N.E.S, diplômé de l'école du Louvre est le spécialiste incontournable de l'art contemporain australien, particulièrement de l'art aborigène et de celui des insulaires du détroit de Torres, et signe là une très belle initiative qui porte haut l'œuvre de Dennis Nona.
Les œuvres de l’artiste sont connues dans le monde entier et l’artiste a le projet d'une sculpture monumentale, de bronze et de nacre, de 6 mètres de haut et de plus de 8 mètres de long qui trouvera sa place sur le parvis du nouveau Musée des Confluences à Lyon courant 2014.
Les plus jeunes ne sont pas oubliés et un parcours de questions permet aux enfants de découvrir les clés et les réponses de ce jeu de piste à travers l'art de Dennis Nona.


Le catalogue de l'exposition est subtil, délicat à l'image de l'œuvre de cet artiste. Juste un texte de présentation par Simon Wrigth et le reste du catalogue est consacré aux œuvres commentées livrant ainsi un peu de leur mystère symbolique et narratif. Les très belles reproductions laissent voir les nombreux détails des linogravures, estampes, eaux-fortes et la subtilité des jeux d'encrage des supports, ce à quoi tient particulièrement Dennis Nona. C’est un très bel ouvrage que l’on peut sans hésiter mettre dans sa bibliothèque.
Catalogue de l'exposition « Entre ciel, terre et mer ou le mythe revisité »
Éditions AAPN (Sydney)
Sous la direction de Stéphane Jacob et Mikaël Kershaw
130 pages – bilingue français/anglais.
Format 21X21 cm
 

Du lundi au vendredi, de 9h à 17h (sauf jours fériés) Renseignements : +33 (0)1 46 22 23 20
Ambassade d’Australie - 4, rue Jean Rey, Paris 15ème.
Métro Bir Hakeim, RER C Champ de Mars-Tour Eiffel
Exposition bilingue / Visites guidées (gratuites sur réservation) Activités scolaires (participation forfaitaire sur réservation)

entrée libre


Eivlys Toneg

 

 

 

 

ANGOLA FIGURES DE POUVOIR
musée Dapper

 

sculpture chokwe représentant l'ancêtre Chibinda Ilunga (Museu de História Natural,
Faculdade de Ciêncas, Porto) © Archives Musée Dapper - photo Olivier Gallaud.


Evénement de taille au musée Dapper ! Christiane Falgayrettes-Leveau, commissaire de l’exposition « Angola, figures de pouvoir » et son conseiller scientifique, Boris Wastiau, nous emportent corps et âme vers les mystères des objets et des représentations du pouvoir en Angola. Pays frontalier de la Namibie, de la Zambie, de la République Démocratique du Congo, du Congo et ses côtes léchées par les vagues de l’océan Pacifique, l’Angola couvre une superficie de 1 246 700 kilomètres carrés pour 16 millions d’habitants qui tout au long de leur histoire se sont déplacés, croisés, installés et de nouveau déplacés ceci dès la préhistoire. Le peuplement actuel de l’Angola compte de nombreux groupes d’origine bantu qui résulte des importants déplacements au cours de siècles. Riche de son histoire, riche de ses peuples, riche de toutes ses sociétés structurées, de ses royaumes, l’Angola impressionne les premiers colons portugais du 15e siècle qui débarquèrent dans l’estuaire du fleuve Zaïre. Les royaumes de Kongo, Ndongo, Kakongo, Loango et Ngoyo, entre autres exerçaient alors leur plein pouvoir, mais comme à chaque épisode de conquête, l’implantation de colons et avec eux, leur religion, le christianisme, leur culture, provoqua un bouleversement profond de toute l’organisation et équilibre de ces sociétés locales et de l’histoire même du pays (enjeux politiques et économiques, traite négrière, commerce des matières premières et richesses du pays, différentes alliances avec groupes autochtones et les Portugais puis avec d’autres Européens). L’Angola contemporaine, indépendante en 1975, se reconstruit après la guerre civile de 2002 (c’était hier…). Cette exposition révèle les liens profonds entre les peuples qui ont contribué à édifier ce patrimoine artistique exceptionnel, affirmant la diversité et l’originalité de styles comme de multiples indices d’un univers où sont en jeu tous les pouvoirs. A l’origine, Chibinda Ilunga, héros civilisateur, est la figure de légende d’un récit mythique qui mêle la généalogie des dynasties et un certain nombre de légendes. Reconnaissable à la coiffe (mutwe wa kayanda) spécifique des souverains chokwe, ses larges épaules, ses jambes solides, ses pieds et ses mains de tailles très surprenantes montrent sa force physique, quant à ses attributs, bâton, fusil, dénotent que sa puissance de chasseur va bien au-delà, ses yeux sont clos, mais il écoute comme un animal aux aguets et ses narines dilatées suggèrent que tous ses sens sont en éveil. Tous ces indices renvoient au domaine du chasseur. Il était honoré en tant que héros civilisateur et les chefs chokwe les plus importants se considéraient comme ses descendants. La représentation exposée ici a été collectée en 1904, c’est en 1956 que Marie Louise Bastin, historienne de l’art belge, identifie cette effigie comme une représentation générique d’ancêtres fondateurs.

 

Tout au long de ce parcours pratiquement initiatique pour les visiteurs, plusieurs thèmes sont abordés qui ont un rapport direct avec le pouvoir, les insignes mêmes du pouvoir que l’on retrouve dans une belle collection de sceptres d’une grande finesse d’exécution, symboles d’autorité, surmontés de têtes masculines dotées de la coiffure mutwe wa kayanda chez les chokwe, on retrouvait la figure féminine sur les sceptres ovimbundu. A chaque objet du pouvoir un rôle bien précis et une utilisation codifiée. On pourra admirer au court de cette déambulation dans la culture de l’Angola, des couteaux, glaives, haches et autres armes d’apparat décorées si finement qu’elles en deviennent toutes des œuvres d’art. Sièges, repose-tête, trônes sculptés et ouvragés donnent une place particulièrement définie aux figures féminines et autres caryatides ornant les dossiers ou les pieds, représentation du lien de filiation matrilinéaire des détenteurs du pouvoir. Une superbe vitrine de tabatières et de pipes en bois sculpté montre un autre aspect du raffinement des arts de cour. La dimension du pouvoir spirituel est loin d’être négligeable et tous les ancêtres perçus comme bénéfiques sont invoqués et vénérés au sein du village, parfois sur des autels rudimentaires, mais la symbolisation des lieux, les artefacts manipulés par les devins et rites de sacrifices d’animaux permettent aux forces de cet autre pouvoir, invisible mais bien présent, de faire leur chemin. L’impressionnant autel chokwe, hamba wa mwima, fait de branche, de crânes d’animaux et de pigments pourrait bien nous faire penser à nos vanités et à l’impermanence des choses.
L’exposition nous propose une excursion autour de la Mukanda, initiation des jeunes garçons, car certains esprits se manifestent pour cette occasion notamment les esprits des anciens appelés akishi et qui sous la forme matérialisée des masques vont prendre part à l’éducation des novices. Les masques ici exposés, impressionnants et imposants de volumes, couleurs, d’aspects différents selon les groupes, et par leur fonction dans les rites d’initiation, semblent prêts à prendre vie. Les plus distinctifs sont les masques chokwe chihongo, en bois sculpté, de facture naturaliste et fait de matériaux éphémères, ils peuvent apparaître lors des cérémonies de la Mukanda, seulement pour les fils de chef, et au cours de certaines commémorations ; les masques chokwe pwo symbolisent la beauté par ses traits féminins, faits de bois, perle fibre, graminées et de pigments. Bien que dansés par des hommes, comme la plupart des masques dans les pays d’Afrique, ils miment les tâches féminines, la sexualité comme suggestion de la fécondité et de la perpétuation des lignées, ils peuvent être vu par un plus grand nombre ; quant aux masques chokwe chikunza, en résine, fibres végétales, tissus et pigment ils sont plus agressifs et querelleurs avec les spectateurs. Ils ont pour fonction de protéger les novices et le camp d’initiation contre d’éventuels intrus et actes de sorcellerie. Le visage anthropomorphe est surmonté d’un immense appendice qui contiendrait des substances à forte valeur médicinale recherchées par les devins. On peut voir ces masques en situation pendant la projection d’un film, dans la salle où masques et costumes entiers de danseur ont un œil bienveillant sur vous ! Certains mystères de la vie et règles de comportement dans la société sont révélés aux jeunes initiés à travers des panneaux sculptés en haut-relief et peints, d’une très grande beauté plastique (Nkanu).

Ces mises en scène des symboles forts de la virilité et de la fécondité ne seront présentées aux novices qu’à la fin de la Mukanda. Parmi les objets du pouvoir il y a aussi les nkisi, objets décrits comme des « fétiches » ou « figures-force » relativement complexes, ils occupent une place centrale dans la pensée des Kongo. On les qualifie aussi d’intercesseurs, ils sont investis d’une charge culturelle forte et interagissent sur les mondes spirituels et physiques auxquels appartiennent tous les êtres vivants. Rien n’est dû au hasard et que ce soit les matériaux utilisés à leur réalisation ou la façon dont ils sont fixés les uns autres, tout traduit le pouvoir dont ces objets sont investis. Nous sommes là en présence d’objet de pratiques magico-religieuses qui jouent un rôle très important dans l’équilibre social, économique et politique des sociétés. Il existe des nkisi nkondi, qui sont parfois de taille humaine, d’aspect agressif, bardé de clous portant un ou plusieurs reliquaires. Les officiants font appel à ces objets lorsqu’il s’agit de faire intervenir des forces rétablissant l’équilibre sociétal. Quelques pièces très impressionnantes sont présentées au musée Dapper et ne peuvent pas laisser indifférents, tant leur plastique peut déranger l’esthétique des autres objets et figures du pouvoir de l’exposition ; mais ceux-ci montrent bien que ce sont avant tout le symbole, la charge donnée et la fonction de l’objet dans les pratiques magico-religieuses qui en font leurs des objets de pouvoir ainsi que l’impact qu’ils auront dans le système des croyances et de l’ordre retrouvé, une fois mis en action. Etonnantes toutes ces croix laissées en héritage par les chrétiens venus évangéliser les peuples d’Afrique, elles sont à la fois reconnaissables et déjà appartiennent à un mixage de croyances et d’art qui mélange l’art européen et l’art kongo. Un espace consacré à l’univers féminin et à l’image de la femme si présente dans les arts de l’Angola illustre cette thématique à travers des poteries, vases funéraires de facture plus ou moins naturaliste exhibant les symboles typiquement féminins comme les tatouages, les coiffures complexes, les ornementations, les seins… On trouvera quand même pour différentes régions différents styles avec leurs significations propres. Dans une scénographie claire, pédagogique, baignée d’une lumière douce, toutes ces figures de pouvoirs, masques, coiffes, sceptres, costumes, objets de cour, ornements ou armes sont subtilement mis en valeur. Aucun ne rivalise avec les autres, sauf peut-être ces deux pièces très anciennes, un buste daté au carbone 14 du 15e 17e siècles et une figure zoomorphe du 18e ou 19es siècles. L’archéologie contemporaine prend pleinement sa place dans les recherches sur les cultures africaines, car leur datation est bien plus ancienne que ce que les collectes plus ou moins hâtives et sélectives du 19e siècle nous ont permis de déterminer. Une question peut se poser : Il y a-t-il une histoire antique ou pariétale en Afrique, et la réponse est affirmative.

 

CHOKWE – ANGOLA Statuette Bois, cheveux et pigments
H. : 40 cm Museu de História Natural, Faculdade de Ciêncas, Porto
© Archives Musée Dapper Photo Hughes Dubois.


Après une exposition sur le Ghana, « Angola, figures du pouvoir » couvre un pays entier, et permet ainsi de ne plus aborder l’art africain comme quelque chose de morcelé et d’ultra complexe mais comme l’identité même d’un pays et de ses populations, retrouvant ainsi les origines et l’évolution de ces dernières vers l’Afrique de demain et plus particulièrement l’ouverture aux nouvelles formes d’expression et aux gestes artistiques qui montrent bien que progressivement les structures politiques et sociétales se sont modifiées et que l’art contemporain y gagne tranquillement sa place. Pour illustrer ce propos le musée Dapper a fait une proposition à l’artiste angolais, Antonio Ole Peintre, cinéaste, sculpteur, performeur, photographe. Cet artiste utilise tous les moyens mis à sa disposition pour traduire ses relations au monde et la façon dont il appréhende les réalités qui l’entourent. C’est la première fois que son travail fait l’objet, en France, d’une exposition individuelle.
Les 7 œuvres choisies, essentiellement des sculptures et assemblages de grandes dimensions, portent les traces encore fraîches de la guerre dans la mémoire collective. Des images fortes et sous-jacentes révèlent les explorations que l’artiste a fait au sein des croyances des populations de son pays, notamment chez les Chokwe et les Kongo. L’artiste privilégie alors les matériaux bruts, le bois, la tôle rouillée, des crânes, les artefacts utilisés par les devins, les objets du quotidien, il en tire sa nourriture, la substantifique moelle de son imagination et de sa création, avec un désir de bousculer l’ordre hiérarchique des choses. Il fait du détournement d’objets, recycle et reconstruit. Les anges de la paix, « Anjo da paz », sont là comme deux protecteurs contemporains qui veillent sur nous et sur tout l’univers de cette exposition, regardant vers l’avenir et placés devant le passé. Les œuvres d’Antonio Ole sont denses, ouvertes et elles se transcendent elles-mêmes, laissant place aux émotions qu’elles suscitent juste parce qu’elles sont là, bien plantées devant vous. On ne peut pas passer sans les voir car se serait alors nier tout le propos du travail de toute l’équipe du musée Dapper : L’Afrique n’est pas un continent du passé, il faut cesser de le voir artistiquement comme tel, comme une source féconde de productions à mettre dans les musées…De ses multiples richesses culturelles est né un art contemporain qui gagne du terrain.

Jusqu’au 10 juillet 2011 au musée Dapper « Angola, figures de pouvoir » à voir et à revoir !

Des visites-conférences, des rencontres artistiques et littéraires, des projections de films, des journées d’étude sont organisées autour de cet événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.dapper.com.fr


Le catalogue de l’exposition est disponible au musée.
Format 21 X 28 cm
160 pages – 130 illustrations couleurs.

 Evelys Toneg

 

 

L’Antiquité rêvée - Innovations et résistances au XVIIIe siècle

Musée du Louvre

du 02-12-2010 au 14-02-2011

L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle, illustre, à travers un choix de plus de cent cinquante oeuvres majeures, la naissance du mouvement dit « néoclassique », qui, au XVIIIe siècle, a porté de nouveau l’Europe vers la redécouverte de l’Antiquité. Prenant le contrepied des inventions formelles du goût rocaille parisien ou du baroque « décoratif » italien qui avaient irrigué tout le continent, ce renouveau stylistique s’empara aussi bien des arts plastiques que de l’architecture et des arts de vivre, stimulé par les avancées de l’archéologie et les débats académiques.
Toutefois, dès les années 1760, s’élèvent diverses propositions alternatives, nourries d’autres sources anciennes, contre-courants regroupés dans l’exposition sous les noms de « néo-baroque », et de « néo-maniérisme » et de quête du « sublime ». De Rome à Edimbourg, de Stockholm à Paris, les artistes manifestent leur singularité en exprimant leur vision d’une antiquité rêvée, moins archéologique, quitte à la justifier par des emprunts à la Renaissance, au XVIIe siècle voire au Moyen-âge, synonyme d’antiquité nationale.
Le dernier quart du siècle voit pourtant s’affirmer durablement un langage plus universel qui se radicalise sous l’égide de valeurs héroïques, illustrées dans l’exposition par les thèmes du triomphe de Mars, du Grand homme, de l’apologie de la Vertu, et du corps magnifié. Ces sections regroupent des chefs-d’oeuvre de David, de Füssli, de Sergel et de Canova, autant de projets d’architectures, de toiles monumentales et de grands marbres qui manifestent les aspirations nouvelles d’une société européenne à la veille de l’embrasement révolutionnaire.

© Collection particulière

INFORMATIONS PRATIQUES
lieu : hall Napoléon

dates : 2 décembre 2010-14 février 2011

horaires : ouvert tous les jours sauf le mardi de 9h à 18h
nocturnes jusqu'à 22h les mercredi et vendredi

 

 

 

 

Troy Henriksen

à la Galerie W Eric Landau
 

ARTISTES / Troy Henriksen

Troy Henriksen est un artiste plasticien américain d’origine norvégienne. Son style optimiste et proche de la figuration libre plonge dans le rêve. Ses toiles et réalisations sur plexiglas reflètent un imaginaire nourri de souvenirs et d’aspirations. Son travail oscille entre réalités tangibles. Des villes. Des voitures. Des personnalités : Marylin, Rimbaud, l’indien Sitting Bull, Gandhi, James Dean, etc. Des allégories : des cœurs, ou ces mêmes personnalités qui sont chacun à leur façon des symboles. Leur point commun : l’éclat des couleurs qui rend la vie tellement plus joyeuse.

Troy note avec justesse que comme tous les enfants, les couleurs l’attiraient, mais qu’à la différence des autres, il s’en souvient encore. La couleur transparaît à travers ses toiles et leur donne toute leur profondeur. Son goût pour la peinture lui vient de son enfance d’apprenti pêcheur. Des visions en mer ou dans les ports. Sur l’eau, les sens en exergue, Troy admire le ciel, le soleil. De retour à la terre ferme, il voit ses confrères se divertir en peignant sur des coques de bateaux. Issu d’une famille de pêcheurs, le jeune Troy serait pêcheur ou peintre. Il devient pêcheur au long cours jusqu’à ses vingt-huit ans, où l’envie de stabilité prend le pas sur l’aventure. Après quelques expériences équivoques avec les stupéfiants, Troy redécouvre la vie sous un nouveau jour. Grâce à… un pot de peinture jaune, posé là dans son appartement de Boston.

Dés ce moment, Troy s’intéresse de plus près à l’histoire de la peinture : expressionnisme abstrait, surréalisme, dadaïsme, impressionnisme, puis la Beat generation, les expressionnistes allemands et le Bauhaus. Chicago, Los Angeles, New York jalonne le parcours de Troy. Mais Boston reste sa ville de prédilection. Là, Troy découvre la France. A travers un exemplaire du Petit Prince, que son amie Helen Frankenthaler lui a offert et à travers Rimbaud, dont la photographie l’a frappé par sa ressemblance avec lui. Ces rencontres, aussi fortuites que formatrices, pousse Troy à quitter les Etats-Unis pour Paris.

1998 : Paris. La France lui promet de nouvelles rencontres. Celle de sa future femme, Delphine Perlstein, et de son futur galeriste, Eric Landau. Entre autres. Sa carrière décolle lorsque sa présence permanente à la Galerie W lui permet de toucher un public plus large. A ce titre, Troy est source d’inspiration pour d’autres artistes : le musicien Arthur H. lui a dédié son album « Les Négresses Blanches ». Dix tableaux de Troy ont été accrochés dans la loge de l’humoriste Gad Elmaleh à l’Olympia pendant les deux mois de son spectacle. Troy aime à dire qu’il est un nouvel homme. Un artiste épanoui.

 

 

 

 

 

Galerie W Eric Landau
44 rue Lepic Paris 18
01 42 54 80 24
10h30 / 20h00 | 7/7 jours

 

 

 

Henry MOORE – L’ATELIER

Musée Rodin



Le musée Rodin, présente, jusqu’au 27 février 2001, « Henry Moore, l’atelier », dans la superbe chapelle et la cour d’honneur de l’hôtel Biron, une exposition consacrée au sculpteur anglais, Henry Moore (1898-1986). C’est une longue histoire d’amitié qui lie le musée et cet artiste… Henry Moore, artiste atypique, qui laisse derrière lui des centaines d’œuvres de toutes tailles, de la plus petite au jusqu’au monumental. Henri Moore est d’ailleurs plus connu pour celles-ci par le grand public que pour l’ensemble de son œuvre. L’exposition que propose le musée Rodin, nous permet d’être plus proche de cet artiste, très discuté, critiqué de son vivant, même si en 1948 il remporte le grand prix de la Biennale de Venise qui le consacre à un niveau international. Certainement mal compris dans sa démarche artistique, l’idée de cette exposition est, justement, de revenir sur son approche ainsi que sur le processus de sa création.

 

 

 

Trois espaces organisés autour des dessins, de l’atelier et des œuvres de taille moyenne, dévoilent mieux le parcours de cet homme de l’art. Henry Moore est un très grand dessinateur et la première partie de l’exposition en est une parfaite illustration. Une cinquantaine de dessins, de croquis, de jets d’idées font penser aux réflexions graphiques et « en 3D » de Rodin et qu’Henri Moore utilisait lui aussi. On remarquera ces dessins où, à l’image de Rodin, Henri Moore cherche en tournant autour de son modèle. Cette technique donne une idée assez claire, même esquissée, d’un projet sculptural. Cette sélection couvrant une grande partie de la carrière de Moore nous introduit à l’œuvre même de l’artiste, indispensable à la compréhension de sa démarche. L’originalité de la scénographie reproduisant l’atelier de l’artiste montre à quel point l’homme travaillait et cherchait sans relâche, dévoilant aussi sous un nouveau jour les œuvres et l’univers imaginaire d’Henri Moore.

Entouré d’ébauches de toutes matières et de toutes tailles, inachevées, en attente comme de belles endormies et d’objets singuliers amassés par l’artiste, pierres, coquillages, morceaux de bois, os, racines … lors de promenades et jusqu’aux impressionnants crânes d’éléphant ou de rhinocéros, mystérieux, qui trouvent une place étonnante dans ces innombrables sources d’inspiration, on perçoit un artiste qui s’interroge sur la relation de l’homme à la nature, à un moment, où dans l’histoire de l’art, ce genre de considérations n’est plus dans l’air du temps. « Je suis excité par toutes les formes naturelles, comme la formation nuageuse, les oiseaux, les arbres et leurs racines, ou les montagnes, qui sont pour moi le plissement de la surface de la terre, comme la draperie » disait Henri Moore.

 

 

Le bâton de marche, la mallette de voyage, l’atelier, la chaise de l’artiste, ses instruments de travail nous confrontent à une forme d’intimité avec l’artiste comme si il nous invitait à entrer dans son univers. Sur chaque étagère, des formes organiques, des boites en carton, son transistor, quelques bols, sans aucun rangement ou logique d’un quelconque classement, se mêlent objets et formes humaines, ébauches et maquettes, parties de l’histoire des œuvres, moment privilégié de leur naissance, des plus petites aux plus grandes. C’est dans ces juxtapositions fortuites qu’Henri Moore trouvait l’inspiration, établissant ainsi des liens entre ces racines noueuses et un torse humain, une forme moulée avec une autre et les laissait, dans un faux abandon, mûrir l’idée pour pouvoir y revenir des années plus tard. Presque toutes les œuvres majeures d’Henri Moore sont représentées ici sous forme de petits modelages, de maquettes ou dans toute leur puissance et dimension définitives.
 

 Evelys Toneg

 

 

 

 
www.musee-rodin.fr

 

 

 

« DANS LE BLANC DES YEUX – Masques primitifs du Népal .»

Musée du quai Branly
jusqu'au 09 janvier 2011


 

Ils envoûtent, ils dérangent, ils déroutent, hypnotisent, ils bouleversent, peuvent faire rire ou sourire, ils laissent rêveur, effraient, sont comme des scrutateurs d’âmes, ils sont bienfaisants ou démoniaques, ils vous regardent de leurs yeux creusés dans le bois. Ont-ils des regards vides ou trop pleins de tout ce dont ils ont été témoins, de toutes leurs vies passées, de ce pour quoi ils ont été créés ? Passés de génération en génération, patinés par le temps et les manipulations, noircis de suie, usés, raccommodés, abîmés, brisés, cloués, couverts de matières, de sueur, de poils, de pigments, d’offrandes, les masques primitifs du Népal vous regardent droit dans le blanc des yeux, mais ne vous disent rien de ce que vous ne devez pas savoir…
C’est jusqu’au 9 janvier 2011 que sont exposés les masques tribaux de l’Himalaya, cas si particuliers dans les arts premiers que les ethnologues d’aujourd’hui commencent tout juste à s’y intéresser. C’est Marc Petit, écrivain, artiste et collectionneur qui s’est attaché dans les années 1980 à faire connaître ces masques devenus le point fort de sa collection personnelle, et auxquels il va consacrer un ouvrage entier « A Masques découvert, regards sur l’art primitif de l’Himalaya » dont nombre de commentaires et d’informations utiles pour cette exposition, sont tirés. En 2003, à l’occasion de l’ouverture du musée du quai Branly, Marc Petit donne 25 masques de sa collection au musée.

 

Masque anthropomorphe
© musée du quai Branly photo Thomas Duval

 

Les 22 masques à caractère purement tribal présentés dans le cadre de l’exposition « Dans le blanc des yeux » sont tous originaires du Népal, jamais exposés et remarquables tant par leur qualité plastique que par leur ancienneté, qu’ils soient liés à des mythes tribaux parfois non élucidés, qu’ils soient utilisés lors de fêtes ou des rituels chamaniques, ou qu’ils aient été détournés de leur fonction, ils sont tous uniques, semblables à nul autre et déroutants. Pour faire un masque, ne faut-il pas être deux ? Celui qui regarde derrière le masque et celui qui est regardé ? Celui qui scrute et celui qui est scruté, l’observateur et l’observé ? Ces regards-là joignent deux êtres dans un même facteur temps et dans un univers émotionnel non partagé par la fonction de chacun. Nous voilà d’emblée, renvoyés à nous-mêmes, à nos peurs profondes et ancestrales, aux mystères de ces têtes muettes, obstinées et fermées sur leurs secrets. Ce sont de véritables gueules, gueules de bois et de matières plus ou moins ragoûtantes, des gueules de monstres, d’humains déformés, aplatis, tordus, difformes ou réalistes qui vous emportent en un « coup d’œil » vers des temps immémoriaux où ils étaient si vivants que nous en aurions peut-être été effrayés ou guéris ou amusés. A nous d’imaginer ou de ne pas résister et de nous laisser prendre par leur apparence repoussante, porte ouverte sur le grand Tout ou sur rien, recto verso, se demandant de quoi sont faits ces visages, d’où sortent-ils, de quel imaginaire, de quelle culture ?

Loin de la logique binaire du laid et du beau, ils sont avant tout d’ordre religieux, mythologique, esthétique ou indéfinissable puisque l’on connaît si peu de chose sur eux. Marc Petit, lui qui les a approchés, rapportés, collectés, observés, et qui s’en est entouré par sa collection, se pose encore mille questions quand à leur histoire. Une conversation filmée passionnante sur sa « découverte artistique » (parallèlement à celle des artistes cubistes pour les masques africains, mais sans la moindre comparaison possible) éclaire sur une véritable recherche, celle de cette vérité que possèdent ces œuvres artisanales sans savoir si jamais il la trouvera complètement. « L’art primitif n’a jamais si bien mérité son nom, n’en déplaise à certains, qu’en ces confins où l’archaïsme s’ajoute à l’antiquité…

 

Masque de danse, personnage masculin
© musée du quai Branly photo Thomas Duval

 

C’est dire qu’il est peu probable que nous ne puissions jamais reconstituer les costumes, des danses, les rituels dans lesquels les plus anciens de ces masques durent se produire…C’est en renonçant à faire du savoir un instrument de possession, en reconnaissant l’existence de l’autre comme une donnée irréductible, qu’une nouvelle forme de connaissance devient possible, née du regard, qui s’épanouit dans un discours sans fin… »
Déambuler tout autour de ces masques népalais, se savoir en présence d’objets rares et uniques, donne à cette immersion involontaire dans l’imprévu d’une journée qui aurait pu être quelconque, le savoureux goût de la rencontre et du plaisir de se laisser surprendre, d’abandonner ses propres repaires et de mettre de coté une vision intellectuelle parfois bien trop chargée de connaissances et d’accepter ce qui pour beaucoup d’occidentaux reste du domaine de l’inacceptable.
Toujours, et encore, la mission du musée du quai Branly nous fait rencontrer les autres cultures, petit électrochoc si nécessaire qui nous évite l’endormissement et la satisfaction de nos propres savoirs. C’est pour cela qu’il faut regarder bien profondément dans le blanc des yeux ces masques primitifs du Népal.

De très nombreuses manifestations entourent cet événement et vous retrouverez toutes les informations et toute la programmation sur le site du musée www.quaibranly.fr


A l’occasion de l’exposition, Beaux Arts éditions et le musée du quai Branly proposent un numéro spécial « Dans le blanc des yeux, masques primitifs du Népal »
36 pages
Photographies couleurs de haute qualité
Bonus d’un DVD d’entretien avec Marc Petit
Cette édition n’est trouvable qu’à la librairie du musée.

Eivlys Toneg

 

 

 

Romain Gary - des Racines du ciel à La Vie devant soi
Musée des lettres et manuscrits (3 décembre 2010 - 20 février 2011)
prolongée jusqu'au 3 avril

 

Romain Gary (1975)
© Jeanloup Sieff/Agence Vu

 


Trente ans après sa disparition (le 2 décembre 1980), le Musée des lettres et manuscrits fait revivre à travers ses écrits Romain Gary, l’homme au deux Goncourt, le mystificateur sublime, héros, diplomate, écrivain, cinéaste, grand reporter, grand séducteur, dans toute sa complexité et son humanité vibrante et douloureuse.
À travers quelque 160 pièces uniques, notamment un premier roman totalement inédit, et divers manuscrits, lettres autographes, articles de presse et photographies, voici le portrait kaléidoscopique de celui qui éprouva si bien « l’effort d’être un homme ».

Le mot de Gérard Lhéritier, Président du Musée des lettres et manuscrits

La qualité des expositions dans la sélection des manuscrits, c’est la promesse de l’aube faite par le Musée des lettres et manuscrits, ces racines qui devaient nous conduire un jour au ciel de Romain Gary. Ce sera chose faite à partir du 3 décembre, au lendemain du trentième anniversaire de sa disparition, avec une exposition consacré à ce prodigieux écrivain. Cet homme est un mystère à plusieurs visages, l’approcher au plus près, un défi. Le seul chemin pour y parvenir est bien sûr d’aller au plus intime de ses manuscrits les plus authentiques, les plus mystérieux. C’est ce que va permettre pour la première fois en France et dans le monde cette exposition exceptionnelle qui rassemble la plus importante collection d’écrits de Romain Gary. Cet événement culturel unique et inédit mobilise déjà les chercheurs et les critiques, les éditeurs et les biographes.
C’est sous le nom d’Emile Ajar (« braise » en russe) que Romain Gary va susciter le plus fameux scandale littéraire du XXe siècle. Souffrant d’être incompris par une critique dont il veut mettre les préjugés à l’épreuve, il s’invente une autre identité et rédige plusieurs romans avec une créativité renouvelée, dont Gros-câlin (1974), La Vie devant soi (1975), et L’Angoisse du Roi Salomon (1979).
Gary demande à son cousin Paul Pavlowitch d’assumer ce personnage auprès des médias, mystification qui ne sera révélée qu’après sa mort, et faisant de Romain Gary le seul auteur ayant obtenu deux fois le prix Goncourt, en 1956 pour Les Racines du ciel puis en 1975 pour La Vie devant soi.

Traité avec une certaine condescendance par la critique de son vivant mais lu et apprécié par un public fidèle qui fait un triomphe à ses livres, Romain Gary a vu un certain nombre d’entre eux portés au cinéma, notamment Les Racines du ciel en 1958, réalisé par John Huston avec Errol Flynn, Juliette Gréco et Orson Welles, La Vie devant soi qui donne en 1977 un de ses plus grands rôles à Simone Signoret ou Clair de femme en 1979, réalisé par Costa-Gavras avec Yves Montand et Romy Schneider. Jaloux de son indépendance, Gary s’est tenu à l’écart des coteries littéraires et politiques. La résistance est un mot-clé pour comprendre un auteur qui présente souvent des héros en lutte contre des puissances qui les dépassent. Son œuvre porte en filigrane la marque de son combat pour la Libération, à l’origine d’une fidélité jamais démentie au Général de Gaulle. Pilote de chasse dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL), résistant, diplomate, voyageur, homme de lettres et séducteur, il est le grand mystificateur des lettres françaises. Sa revanche posthume et jubilatoire contre ceux qui sous-estimaient Romain Gary et portaient Emile Ajar aux nues est celle de Janus, le dieu des portes, ouvertes dans ses temples en temps de guerre et fermées en temps de paix. Mais s’il est une guerre que Janus-Gary-Ajar a menée, c’est celle de l’humain contre la bêtise et, par son œuvre, de la vie contre la mort. Estimant qu’il avait passé la limite au-delà de laquelle son ticket n’était plus valable, il a prouvé par son dernier geste qu’il n’était pas besoin que l’arbre demeure sur pied pour que les racines montent pour toujours au ciel.

Romain Gary se suicide le 2 décembre 1980 à 66 ans, lui qui avait affirmé «J’ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J'ai fait un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais.»

 

© Coll. privée/Musée des lettres et manuscrits, Paris

 

222, boulevard Saint-Germain, 75007 PARIS - FRANCE
Email : info@museedeslettres.fr
Téléphone : 01 42 22 48 48
Fax : 01 42 25 01 87
Du mardi au dimanche de 10h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu'à 21h30
Fermeture hebdomadaire le lundi

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« Lapita, ancêtres océaniens »

Musée du Quai Branly jusqu'au 09 janvier 2011

 



« Approcher la céramique Lapita, c’est prendre conscience de la profondeur historique de la culture océanienne à travers la grande migration austronésienne qui en est la matrice. C’est aussi contempler un art d’une parfaite beauté » écrit Stéphane Martin, Président du musée du quai Branly. Il est maintenant reconnu par les archéologues et ethnologues qui étudient la culture océanienne, que le premier peuplement austronésien du Pacifique Sud-Ouest a laissé un marqueur archéologique unique en son genre sur les poteries décorées de motifs pointillés complexes qui sert depuis un siècle de fil conducteur à leurs recherches. Cette tradition céramique appelée du nom du site archéologique de Nouvelle-Calédonie, Lapita, montre un véritable ensemble culturel, avec des caractéristiques multiples car en mêlant les apports asiatiques et ceux du nord de la Mélanésie, la période Lapita est un chapitre très important de l’histoire de l’humanité, faisant partie du patrimoine historique commun des peuples du Pacifique.

 

Tête © musée du quai Branly

photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

 

Ce que les spécialistes appellent « le phénomène Lapita » correspond à l’une des migrations les plus rapides de l’histoire de l’humanité, qui s’est étendue du Sud-est asiatique (période néolithique) jusque dans les îles déjà habitées à l’ouest de la Papouasie Nouvelle-Guinée et aux Salomon, ainsi que dans d’autres îles inhabitées du Vanuatu, de la Nouvelle-Calédonie, de Fidji, Tonga et Samoa, il y a 3300 ans ! Aujourd’hui, près de 250 sites Lapita ont été identifiés dans cette vaste zone géographique, qui ont permis de vraiment définir cette culture. C’est dans les années 1910 que le prêtre catholique Otto Meyer découvre les premiers tessons distinctifs de cette tradition. De nouveaux morceaux de poteries sont mis à jour autour des années 20, en Nouvelle-Calédonie et à Tonga, mais il faudra attendre les années 50 pour que des connexions entre ces diverses découvertes soient établies et que commence réellement un travail précis de fouilles et recherches dans ces régions. Aujourd’hui, deux découvertes majeures ont particulièrement transformé la compréhension de la poterie à décoration pointillée ainsi que les pratiques funéraires Lapita, avec des pots complets enterrés dans des fosses, comme au cimetière Lapita de Téouma sur l’île d’Efate au Vanuatu. Ceci a permis pour la première fois de comprendre le traitement complexe du corps et du squelette des défunts grâce à une soixantaine de structures funéraires, dévoilant une des fonctions de ces poteries si richement décorées et leur étroite association au traitement des morts comme l’ont montré les traces de crânes et d’ossements déposés dans ces poteries. Mais la culture Lapita n’est pas exclusivement réduite à l’art de la céramique.

 

Poterie carénée à décor sur-modelés

© Centre Culturel du Vanuatu, Vanuatu / Philippe Metois
 

Tesson © musée du quai Branly

photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

 

En dehors des fragments des poteries exposées ici, il faut aussi compter sur des objets utilitaires, tels des herminettes, les parures, des nattes, des paniers, des tapas, des instruments de musique, des tatouages et l’art du dessin dans le sable (création d’un genre labyrinthique où la ligne est tracée à l’index, comme un circuit codé et ininterrompu. Sans jamais lever le doigt jusqu’à ce que cette œuvre éphémère soit achevée, le maître trace un récit ou un mythe. Aujourd’hui chacun de ces dessins est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO), qui tous trouvent leur origine dans la magnifique complexité des motifs pointillés des poteries d’il y a 3000 ans. Le musée du quai Branly propose et nous donne l’opportunité unique de découvrir et d’aborder l’histoire des populations Lapita et des descendants directs de ces ancêtres océaniens, avec l’ exposition « Lapita, ancêtres océaniens » jusqu’au 9 janvier 2011, présentant les découvertes archéologiques récentes montrant les spécificités techniques, la diversité stylistique de plusieurs dizaines d’objets Lapita et analysant l’héritage encore présent de ces décors dans les traditions décoratives océaniennes contemporaines.

 

Pagaie © musée du quai Branly

photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

 

A travers quatre sections organisées autour de l’histoire du peuplement des territoires Lapita, des différents styles régionaux de la céramique, pourtant marqués d’une étonnante homogénéité, entre le Lapita extrême-occidental (archipel de Bismarck), le Lapita occidental (sud des îles Salomon et Vanuatu), le Lapita méridional (Nouvelle-Calédonie) et le Lapita oriental (Fidji et Polynésie occidentale), la culture Lapita avec de nombreuses pièces archéologiques (herminettes, hameçons) l’économie de ces peuples, essentiellement issus de la mer mais avec des régions d’élevage, à la lumière des rites funéraires et du cimetière de Téouma, on appréciera la fabrication des poteries et la complexité de leurs décors, découvrant une partie de leur signification. Des exemples de motifs géométriques, d’autres anthropomorphiques, d’autres modelés, d’autres incisés, colorés montrent que les potiers Lapita se sont, au fils du temps, diversifiés dans leurs traditions décoratives. Quel héritage les ancêtres océaniens ont-ils laissé aux générations d’aujourd’hui ? On peut dire que l’héritage Lapita est toujours très visible dans les arts océaniens comme on peut le voir dans les successions de bandeaux décoratifs et frises en tous genres où la complexité des motifs basée sur les courbes est identifiable immédiatement ainsi que tout ce qui fait allusion au motif en pointillés que l’on va remarquer sur les nattes, les tissus actuels, l’art des tatouages, les dessins dans le sable. On peut affirmer sans se tromper, que l’expansion austronésienne à travers le Pacifique Sud-ouest, il y a 3000 ans, a contribué à structurer en profondeur, un cadre linguistique très important, culturel et même génétique ancestral aux sociétés océaniennes traditionnelles. Il y a là, un véritable ensemble culturel et sociétal qui ne peut être résumé ou même réduit simplement à la production d’une tradition céramique. Christophe Sand et Stuart Bedford, tous les deux commissaires de cet événement unique, et grands spécialistes des civilisations du Pacifique, nous enseignent à travers cette exposition la richesse des origines du peuple Lapita.
Vous avez donc jusqu’au 9 janvier 2011 pour vous rendre Mezzanine Est du musée du quai Branly et vous laissé porter par la vague de la curiosité et de l’étonnement, jusqu’aux rivages lointains des îles du Pacifique.

De nombreux événements sont organisés autour de l’exposition « Lapita, ancêtres océaniens », colloques, conférences, visites guidées…
Vous retrouverez toutes ces informations sur le site du musée www.quaibranly.fr



Eivlys Toneg
 

 

 

 

 

BABA BLING – signes intérieurs de richesse

Musée du Quai Branly jusqu'au 30 janvier 2011



Pour la première fois en Europe, la culture peranakan s’expose jusqu’au 30 janvier 2011 au musée du quai Branly, pour le plus grand plaisir des curieux et des connaisseurs de l’art d’Asie du Sud-est.
Baba-Nyonya, Baba est un mot chinois qui signifie « père » et désigne les hommes et Nyonya qui vient du portugais donha veut dire « dame » et désigne les femmes.
Les peranakans ou Chinois des Détroits sont les descendants des premiers marchants immigrants chinois venus de Chine et d’Inde, qui se sont installés en Asie du Sud-est il y a plusieurs centaines d’années. Ces Chinois ont très probablement vécu à Java dès le début du 14ème siècle ainsi qu’à Malacca au 16ème siècle. Un grand nombre de Chinois sont arrivés aux les 19ème et 20ème siècles, fuyant la pauvreté et les bouleversements politiques. À mi-chemin entre un groupe ethnique et une véritable classe sociale, les peranakans sont devenus des entités singulières et indispensables à l’équilibre de Singapour où la plupart se sont regroupés.
Les Baba-Nyonya ont en partie adopté les coutumes malaises afin de s’intégrer aux communautés locales. Pendant la domination britannique, ils acquirent une forte influence dans les colonies des Détroits et furent même surnommés les Chinois du Roi… Les Peranakans ont développé le port de Singapour en faisant fortune dans le commerce.
Connus et reconnus pour leur bonne humeur constante, leur élégance, leur cuisine, la beauté de leurs textiles et de leur mobilier, les peranakans représentent toujours aujourd’hui un bel exemple de métissage de cultures, allant jusqu’à la fusion des langues (les Chinois peranakans de Malacca parlaient en baba malais, un patois malais et le hokkien, dialecte de la province chinoise du sud du Fujian), un art de vivre mêlant les styles chinois, malais et anglais. « Aucune culture n’est « pure » pas même la culture chinoise. Les découvertes archéologiques ont remis en question le modèle d’une culture matérielle chinoise dominante et les objets de jade, en bronze, les porcelaines, et autres matériaux des périodes dites classiques symboliques du style et du goût chinois, ne représente en aucun cas sa totalité. Les cultures des diasporas sont par définition mixtes », explique Kenson Kwok, commissaire de l’exposition et Président fondateur du musée des Civilisations asiatiques (Asian Civilisations Museum, ACM) de Singapour.

 

© image courtesy of the Peranakan Museum


Cette exposition témoigne donc de l’histoire fascinante d’une communauté d’immigrés qui a su créer une culture unique, en se laissant imprégner des influences, coutumes et croyances du pays d’adoption. Un parcours dans le temps, agrémenté de quelques 480 pièces, allant du mobilier aux bijoux de cérémonie, de fines porcelaines aux tissus batiks ou perlés… Tout est emprunt de culture chinoise, malaise et même européenne, dans les formes, les motifs et les couleurs. Savoureux mélanges de la réunion de ces cultures, on reconnaît chaque touche harmonieusement intégrée comme les couleurs des porcelaines roses et vertes clair, les éléments religieux dans les sculptures des autels consacrés à la vénération des ancêtres, les motifs des tissus, les formes des bijoux.
La maison baba est le témoignage le plus concret de l’identité culturelle perarakan, c’est pourquoi le parcours de l’exposition s’organise autour de ce lieu de vie conçu selon une logique fonctionnelle et traditionnelle. Après avoir passé le Pintu Pagar (portes battantes peintes et sculptées de motifs et symboles des différentes cultures et qui symbolise la richesse des familles peranakans), le plan même des habitations est constant avec un vestibule où trône un autel dédié à la divinité qui protège la famille, d’un hall consacré à la vénération des ancêtres où l’on y trouvera leurs portraits, un autel dédié toujours paré d’objets en argent et en porcelaine blanche et bleue, couleurs associées à la mort et au deuil ainsi qu’une lampe à l’huile allumée en permanence pour les hommages quotidiens et qui symbolise le dévouement constant des vivants envers leurs ancêtres, de magnifiques bancs de bois sculpté (de préférence dans le tronc d’un arbre du jardin familial), d’une salle à manger et d’une cuisine. Les chambres se situant à l’étage, on trouvera des puits de lumière et d’aération, car les maisons peranakans sont étroites et longues. De nombreux meubles, essentiellement du 19ème siècle, illustrent remarquablement l’ambiance intérieure et le mode de vie (rites, rythme de vie, fêtes familiales…) Les objets « métissés » présentés montrent l’importance des rites aux divinités et aux ancêtres, mais aussi celle de la cuisine et des repas. Une belle collection de bols à thé, d’assiettes, de petites théières, et autres ustensiles et couverts, tous en porcelaine rose et verte ou bleue et blanche, invite à partager une cuisine odorante et abondante, mélange savoureux des cuisines chinoises, malaise et indienne avec l’apport d’épices tels les currys.

 

© image courtesy of Benjamin Seck

La cuisine peranakan, très réputée est devenue un emblème culturel. Chaque famille garde jalousement ses propres recettes qui se transmettent de génération en génération. La cuisine la plus authentique est celle que l’on mangera chez soi. Les peranakans sont de grands amateurs de porcelaines (origines culturelles chinoises obligent) et on retrouvera dans chaque foyer profusion de pièces aux couleurs vives (rose, vert citron, bleu ciel et marron clair), aux dessins variés et élaborés (motifs traditionnels chinois de bon augure comme le phénix, motif de l’impératrice, les pivoines pour la richesse et l’honorabilité, les chauves-souris pour le bonheur, les grues comme symbole de longévité, le poisson pour la fertilité ainsi que les huit emblèmes bouddhistes pour la chance.) On les retrouvera sur les batiks (tissus imprimés), les broderies et les ouvrages de perles. Une production de porcelaine blanche et bleue servira plus particulièrement au quotidien et pour les funérailles avec les motifs et couleurs traditionnels de ces occasions.

Passant doucement d’un espace à l’autre, on pénètre dans la salle mariage. Traditionnellement ces derniers respectent les coutumes chinoises. Ils sont arrangés et la compatibilité du couple dépendra en grande partie de l’horoscope chinois. Installée dans la maison de la mariée, la chambre nuptiale occupe une place importante et une grande partie des cérémonies s’y déroule. Somptueusement décorée par les femmes de la famille de la mariée, on trouvera des objets brodés, perlés fabriqués par la mariée, qui par leur raffinement peuvent être considérés comme des œuvres d’art, et qui lui garantiront le respect des femmes de sa future belle-famille. La pièce la plus importante est sans conteste le lit nuptial, lit à baldaquin richement sculpté de nombreux motifs floraux, animaliers et ornés de broderies et décorations de perles.
Colorées, recherchées et d’une grande finesse, les broderies en relief, ou en aplat, embellissent de nombreux objets, ici exposés, napperons, taies d’oreillers, traversins, décors de tables ou suspensions, vases, porte-peigne, mouchoir donnent à voir une leçon de patience d’exécution (celle des femmes) notamment les ouvrages brodés de perles finement ouvragés comme cette nappe du début du 20ème siècle, qui vue de loin semble être en tissus alors qu’elle n’est que perles de toutes petites dimensions. Toujours ce raffinement des couleurs et des motifs traditionnels chinois. Sur une estrade, une collection de bijoux peranakans brillant de mille feux ne laissera personne indifférent tant ces bijoux en or et diamants, parfois quelques rubis, sont romantiques à souhait. Ils ont une fonction certes esthétique, mais aussi économique, montrant le rang social atteint par la famille. Les bijoux traditionnels associent des styles et techniques locales et chinoises. Les bijoux correspondants sont souvent assortis aux différents vêtements portés. Bijoux de style chinois pour les tenues traditionnelles chinoises et d’autres pour les vêtements occidentaux ou locaux. On retrouve des motifs protecteurs chinois aussi dans les bijoux comme le qilin, créature mythique à l’apparence d’un lion ou autres divinités taoïstes protectrice. Le motif étoilé est assez représenté dans l’exposition, l’ingéniosité du montage des broches fait que d’un bijou (style ferrets) on peut en tirer trois éléments portables chacun indépendamment les uns des autres (par exemple une broche en étoile, or et diamants, dont l’élément central composé de neuf pierres, peut être dévissé et enlevé ; on peut le porter alors en bouton, bouton de manchette ou même en boucle d’oreille). D’autres pièces comme des boucles de ceintures sont si finement travaillées que ces pièces de joaillerie pure, en or ou en argent, deviennent des bijoux elles aussi. Autre particularité des peranakans que met en valeur l’exposition du quai Branly, est le goût vestimentaire de cette ethnie culturelle. Les costumes de mariage d’origine chinoise, coiffes, chaussures brodées, bottes brodées, col de mariée représentant des plumes d’oiseaux, perroquets ou autres phénix colorés sont de toute beauté. Aujourd’hui perdure des tenues mixées entre les jupes malaises, les chemises d’inspiration chinoises avec une grande recherche de couleurs et de motifs. Les femmes peranakans portent des tuniques sur des pièces de tissus en batik appelés kain sarong (jupe en forme de tube) et kain panjang (pièce de tissu non cousu). Le choix des motifs montre les influences chinoises ou européennes. Tout aussi codées par les couleurs et les motifs choisis, ces tenues sont aussi un mixage vestimentaire. Aujourd’hui, une orchidée dans les cheveux, les femmes peranakans portent gracieusement ces tenues dans les fêtes traditionnelles et événements de famille comme les mariages.

 

paire de pantoufles

© Collection of the Asian Civilisations Museum, Singapore

 

Assez incroyable, la décoration des mules dites « perlées », portées par les femmes peranakans, cousues pour leur propre usage, semble être à la mode dans les années 1920 en remplacement des mules brodées de fils d’or et d’argent. La collection montrée dans « Baba bling » est totalement étonnante de motifs classiques, pivoines, jusqu’à Betty Boop et autres personnages de dessins animés. Ceci n’empêche pas le remarquable travail de broderie à la perle ou « rocailles » importées de France, d’Italie ou de Tchécoslovaquie.
Tout le long de leur histoire, les peranakans ont eu la capacité de créer des ponts entre les mondes des affaires locales et coloniales qui a fait leur spécificité ainsi que leur contribution au développement de Singapour, qui de simple comptoir de la Compagnie des Indes orientales devient un port colonial puissant considéré, un temps, comme l’un des joyaux de l’Empire britannique.
Aujourd’hui, la particularité identitaire des peranakans s’estompe quelque peu, car la jeune génération adopte une culture chinoise plus standardisée, mais les artistes contemporains peranakans fiers de leur culture la montrent à travers le cinéma et la photographie. Les artistes peranakans, comme toute la communauté, sont particulièrement dynamiques dans les domaines de la création. Dans la dernière partie de ce voyage au cœur de la culture peranakan, le photographe Chris Yap propose une série de photos qui se lisent comme un roman-photo, mettant en scène trois générations d’une famille chinoise peranakan fictive. Comme un jeu où il faut trouver les indices, des objets de l’histoire des peranakans y sont mis en scène comme des traces du passé, du présent et de l’évolution vers leur avenir. Pleine d’humour et de nostalgie, ces vues contemporaines sur une culture en avance sur bien des systèmes de tolérance, illustrent absolument ce que l’on peut entrevoir, voir et ressentir du vécu des Chinois peranakans.
L’histoire même de ces hommes et femmes, de leur intégration interculturelle est une véritable leçon d’ouverture et de tolérance, un mélange ethnique toujours vivant et qui dessine les nouvelles frontières de l’identité culturelle, sujet plus que jamais d’actualité…
 


A noter que depuis 2008, le musée Peranakan a ouvert ses portes au public, dans l’ancienne école Tao Nan, à Singapour, où sont restitués tous les aspects de la culture « Baba » et ce, jusqu’aux patrimoines immatériels, écrits musicaux et dansés.
 


Tout un programme de manifestations et d’animations originales accompagne cet évènement (activités pour les enfants, visites guidées, ateliers de vacances scolaires en octobre.)


A noter également le « Singapour Festiarts » consacré à la création contemporaine à Singapour avec un programme de conférences, projections de films, danses, concerts,
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site www.quaibranly.fr

Hors série Beaux-Arts Magazine
68 pages


Lexnews, Eivlys Toneg

 

 

 

Trésor des Médicis

MUSÉE MAILLOL - FONDATION DINA VIERNY

jusqu'au 31 janvier 2011



Quand l’art rencontre le pouvoir…

Quand l’art rencontre le pouvoir… il n’en résulte pas pour autant un rôle subalterne, un apparat de plus au profit des seuls puissants. Ainsi, en témoigne l’Italie du Quattrocento et du siècle suivant qui voit fleurir des familles dont le nom restera pour toujours synonyme non seulement de puissance et de gloire, mais aussi de renommée artistique. Que l’on pense à la famille d’Este avec le duché de Ferrare ou à la Maison de Gonzague, leur point commun a toujours été de donner une priorité aux arts que tous ces princes et princesses pratiquaient souvent avec excellence. Exceller dans ces domaines faisait non seulement partie de l’éducation dés le plus jeune âge, mais était également considéré comme un « mode de communication » indispensable dans cette concurrence effrénée entre grandes familles.

 

Sandro Botticelli (Florence, 1445-Florence, 1510)
L’Adoration des mages 1475-1476
Tempera sur bois, 111 x 134 cm Florence, Galleria degli Uffizi, inv. 1890 n. 882
© Archivio Fotografico della Soprintendenza per il Polo Museale Fiorentino


Dans le cadre du Musée Maillol a été recréée, le temps d’une exposition, une miniature des plus réussies de ce que pouvait être cette société des Médicis, célèbres marchands et plus tard banquiers, famille dont les ramifications iront jusqu’à la papauté et au pouvoir royal en France. Cet écrin à la scénographie et au goût le plus sûr reproduit d’une certaine manière ce que pouvait être ce raffinement nourri par une curiosité surprenante ; en témoigne les nombreuses collections exotiques réunies lors de l’exposition. Tous les arts sont invités et les goûts réunis ! Peinture bien entendu, mais également tapisseries, orfèvrerie, sculpture, marqueterie…

 

 

 

 

Chine et Flandres Verseuse XVIe siècle Nacre et vermeil gravé, h. 26 cm
Florence, Palazzo Pitti, Museo degli Argenti, inv. Bg 1879 n. 23
© Archivio Fotografico della Soprintendenza per il Polo Museale Fiorentino

 

AGNOLO BRONZINO, dessinateur, GIOVANNI ROST, tisseur Le Printemps, 1545
Tapisserie, 235 x 168 cm Florence, Palazzo Pitti, deposito Arazzi Inv. Arazzi n. 541
Photo: Archivio Fotografico della Soprintendenza per il Polo Museale Fiorentino


 

La culture est au cœur de ces multiples collections réunies avec soin, où l’humanisme caractéristique de cette époque s’exprime par ces œuvres d’art particulièrement vivantes pour le visiteur du XXI° siècle. Cet humanisme exprimé par Botticelli a été rendu possible par la protection de la famille des Médicis chez qui il pourra côtoyer et échanger avec les grands noms de son époque tel le fameux Pic de la Mirandole ! Fra Angelico lui aussi profitera de la générosité de la célèbre famille qui lui permettra de dépasser les cadres classiques de la composition et d’ouvrir vers une perspective jamais réalisée jusqu’alors ; perspective qui s’observe notamment dans la « Sépulture des Saints Côme et Damien, et de leurs trois frères"», splendide évocation des saints de la famille des Médicis et présentée dans l’exposition.

 

FRA ANGELICO Sépulture des Saints Côme et Damien, et de leurs trois frères, vers 1438-1440
Détrempe sur panneau, 36 x 45 x 4 cm Florence, Museo di San Marco (prédelle)
Inv. 1890 n. 8494 Photo: Archivio Fotografico della Soprintendenza per il Polo Museale Fiorentino


Les Médicis, suivant en cela cet esprit humaniste de la Renaissance italienne, ont tenté de reproduire cette harmonie originelle du monde en la représentant dans ces petits laboratoires qu’étaient les cabinets de curiosités où des écorchés côtoient des animaux empaillés parmi de superbes pièces minéralogiques et autres objets exotiques…
Maria Sframeli, commissaire de l’exposition, souligne ainsi combien « se forma un singulier trésor, constitué de précieux vases en pierres dures, de camées et de bijoux antiques, de pierres précieuses taillées, de raretés orientales et de codex anciens et modernes, d’objets sophistiqués fabriqués dans des matériaux insolites et parfois jugés magiques, de fragments de sculptures classiques et de chefs-d’œuvre contemporains. » sans que cette énumération ne soit signe d’un éclectisme conduisant à la dispersion comme nous pourrions trop rapidement conclure à notre époque.
C’est là un véritable dépaysement auquel nous invite le musée Maillol avec la collaboration des plus grands musées de Florence !

 

Pieter Boy l’Ancien (d’ap. Adriaen Van der Werff) (Lübeck, 1650-Düsseldorf, 1727)
Sainte Famille aux cerises 1702-1706 Plaque d’or émaillée, 16,5 x 20 cm ; cadre en or, émaux et pierres précieuses, 29 x 2,5 cm
Florence, Palazzo Pitti, Galleria Palatina, inv. 1890, n. 811 © Archivio Fotografico della Soprintendenza per il Polo Museale Fiorentino




MUSÉE MAILLOL - FONDATION DINA VIERNY
59-61, rue de Grenelle
75007 Paris
Tél : 01 42 22 59 58
Fax : 01 42 84 14 44
Métro : Rue du Bac
Bus : n° 63, 68, 69, 83, 84
www.museemaillol.com
Horaires
L’exposition est ouverte tous les jours de 10h30 à 19h sauf les 1er novembre, 25
décembre et 1er janvier.

 

 

 

 

 

LA GALERIE DES ENFANTS DU MUSEUM - JARDIN DES PLANTES

GRANDE GALERIE DE L’EVOLUTION



A la Grande Galerie de l’évolution, ça bouge !


Un nouvel espace vient d’ouvrir ses portes ! Conçu en premier pour les enfants de 6 à 12 ans (et leurs familles…), cet espace inventif, à vocation scientifique et pédagogique est consacré à la biodiversité. Ce lieu coéducatif et d’échanges montre, démontre et explique les enjeux fondamentaux du monde de demain, celui que nos enfants ou petits enfants mettront en pratique et dans lequel ils évolueront. Dotée d’une véritable identité, la Galerie des Enfants invite directement à une prise de conscience active et interactive de la diversité des êtres vivants : ceux qui nous entourent, leurs interdépendances dans l’équilibre général du monde et notre place d’homme (qui se devrait responsable…) dans ce grand manège. Sur cinq cents mètres carrés et à travers un chemin scénographié pour éveiller la curiosité et l’intelligence de l’observation et du raisonnement, les petits visiteurs, écocitoyens en herbe, peuvent toucher, voir, chercher, questionner et trouver des réponses, mais aussi trouver une aux problèmes qui leur sont posés dans des jeux complètement adaptés à leur curiosité naturelle.

 


Ce projet a muri pendant cinq ans dans les esprits féconds de l’équipe de scientifiques qui ont participé à cette aventure, autour de Bernard-Pierre Galey, Directeur général du Muséum. C’est par une réflexion scientifique rigoureuse que les différents experts mettent directement leurs connaissances à la portée d’un public familial et même si « la science ne délivre pas de message, elle aide à voir le monde tel qu’il est et à chacun d’en tirer les conséquences sur lesquelles s’appuyer pour réfléchir et agir » explique Alain Foucault, professeur émérite en géologie et sciences de la terre du MNHN.
Alors, allons-y et immergeons-nous dans cet univers de jeux et explorons les quatre espaces permanents proposés dans ce parcours multisupport avec des écrans tactiles, des éléments audiovisuels, des manipulations, des mini spectacles, des artefacts et autres spécimens authentiques, qui stimuleront les neurones chercheurs de chacun. L’exposition s’organise sur deux niveaux, en bas on découvrira la ville de Paris, sa rivière la Seine et la forêt amazonienne des Indiens Kayapo, au Brésil. En haut s’élargit la réflexion générale sur la planète et comment il est possible de sauvegarder et garder sa biodiversité. Les enfants de Paris ou sa banlieue qui viendront appréhenderont différemment cette ville géante, portant un regard sur le « micro-milieux » comme la rue, les jardins publics, la friche, la maison, la nuit et une évocation de Paris au fil du temps. Ce sera les yeux grands ouverts et pleins d’étoiles que les plus jeunes (et leurs parents… grands enfants éternels…) découvriront, la flore et la faune qui les entourent et auxquelles on ne porte plus l’attention nécessaire pour grandir en harmonie avec elle et avec son temps. Saviez-vous que la vallée de la Seine et de la Bassée offre un exemple unique de biodiversité aquatique ? Non ! Alors, l’espace consacré à notre fleuve vous montrera la véritable mosaïque d’écosystèmes dont chaque élément vivant, poissons, plantes, animaux et hommes (représentés par les pêcheurs) sont en interaction les uns avec les autres et combien les cours d’eau, berges, prairies et forêts sont aussi en étroite connexion.

 

Un grand saut autour de la planète et nous voila en pleine forêt tropicale, au Brésil, chez les Indiens Kayapo. Cet espace invite à la rencontre du milieu de vie des Indiens, nature foisonnante de plantes et d’animaux (du plus petit insecte au jaguar) où tous interagissent sur l’équilibre parfait exemple de biodiversité. Pascale Robert, anthropologue a travaillé avec la communauté Kayapo afin de choisir les éléments les plus appropriés pour illustrer cet espace. Véritable plongée au cœur de la forêt tropicale, au niveau bas, les sous-bois et sur la mezzanine, l’univers de la canopée. Tout le long des ces parcours, il faut regarder partout, dans les cachettes, dans les loupes, sur les écrans tactiles, sur les écrans interactifs, en hauteur, sous certains éléments, soulever, fouiner, chercher et apprendre et réfléchir tout en s’amusant. Le dernier espace consacré à notre planète aujourd'hui élargit le discours à toute la planète, elle montre les menaces qui pèsent sur la biodiversité, mais aussi les moyens individuels ou collectifs à notre disposition ou celle que nous pouvons inventer pour remédier à cette menace qui n’est pas à prendre à la légère. Chacun peut s’interroger sur ces changements, qu’ils soient d’ordre climatique ou comportemental et sur l’intérêt des gestes écocitoyens que tous nous pouvons mettre en place.

 


A la Galerie des Enfants, il n’y a aucune notion de culpabilité, juste une réflexion ludique et une prise de conscience que bien souvent les plus jeunes perçoivent avant leurs aînés, sur l’état actuel des choses et qu’ils tiennent à partager avec ces derniers dans une discussion étayée de tous les éléments mis en place avec sensibilité et intelligence, à la dimension des enfants, comme ce jeu de rôle collectif autour d’une table, qui permet à chacun de devenir conseiller d’un maire ou d’un président de la République et d’essayer ensemble de trouver les solutions les plus pertinentes aux problèmes posés.
Un coup de chapeau pour la scénographie, qui comme dans un livre duquel on tournerait les pages, nous donne dès la première visite, un goût d’y revenir avec le plus d’enfants possible pour lire ensemble le grand livre de la biodiversité.

Tous les enfants sont les bienvenus dans cet espace, car les activités et informations sont données en français, anglais, langage des signes, braille et tous les accès sont prévus pour les personnes à mobilité réduite.
C’est certainement un grand succès qui attend la Galerie des Enfants ! Bravo !

Vous trouverez toutes les informations pratiques au sur le site www.galeriedesenfants.fr
Un livre illustre cette visite : « Sur la piste de la biodiversité »
Coédition Seuil Jeunesse / Editions du Muséum
48 pages - illustrations couleurs
 


Pour Lexnews, Eivlys Toneg

 

 

 

 

MONET

Galeries nationales Grand Palais

22 septembre 2010 - 24 janvier 2011

 

« Un jour, j’avais trouvé Monet devant un champ de coquelicots, avec quatre chevalets sur lesquels, tour à tour, il donnait vivement de la brosse à mesure que changeait l’éclairage avec la marche du soleil. […] On chargeait des brouettes, à l’occasion même un petit véhicule campagnard, d’un amas d’ustensiles, pour l’installation d’une suite d’ateliers en plein air, et les chevalets s’alignaient sur l’herbe pour s’offrir aux combats de Monet et du soleil. » (« Claude Monet – Georges Clemenceau : une histoire, deux caractères » Alexandre Duval-Stalla, Gallimard, 2010, p. 17).
Ce témoignage rapporté par Clemenceau, l’ami de toujours, éclaire le regard que portait Claude Monet sur son rapport avec la nature, nature qu’il tentait de capturer sur ses toiles : des instants fugaces d’éternité qui, à la manière d’un vol de papillon, ne seraient jamais identiques et nécessitaient de la part du peintre une armada pour les attraper « au vol ».

 

Les Coquelicots à Argentueil, 1873 - Huile sur toile, 50 x 65,3 cm
© Crédit Photo : Service presse Rmn/Hervé Lewandowski

 

C’est un peu de ce rêve fou dont se fait l’écho l’exposition Claude Monet aux Galeries nationales, Grand Palais du 22 septembre 2010 jusqu’au 24 janvier 2011. Depuis 1980, date de la dernière rétrospective dans les mêmes lieux, un grand nombre d’études sont venues apporter de nouveaux enseignements et conclusions nouvelles sur le regard du peintre. Que l’on place en vis-à-vis « Le Pavé de Chailly » de la foret de Fontainebleau (première salle de l’exposition), peinte par l’artiste en 1865, et le fameux « Pont Japonais » (dernière salle de l’exposition) du jardin de Giverny réalisé dans les dernières années de sa vie, et nous avons résumé l’extraordinaire parcours de l’illustre représentant de l’impressionnisme.

 

La Débâcle, temps gris, 1880 - Huile sur toile, 68 x 90 cm
© Crédit Photo : Museu Calouste Gulbenkian, Lisbon, Portugal


Le visiteur pourra dès les premières salles suivre le parcours chronologique du travail créatif du peintre. La côte normande ainsi que les paysages de campagne nourrissent la palette de Monet, une palette déjà très étendue si l’on considère la plage de Sainte-Adresse par temps gris ou l’impressionnant Port du Havre, effet de nuit… Monet aime le froid et cette lumière particulière que projette la neige qu’il capte dans le tableau La Pie, juchée sur une barrière d’un herbage normand. La géographie et les lieux ont leur importance chez le peintre qui très tôt profitera du développement des moyens de communication pour élargir ses explorations. Argenteuil, l’Ouest parisien avec la Grenouillère , Vétheuil… apporteront autant de sources d’inspiration pour un peintre qui nourrit son art au fur et à mesure de ses découvertes. Au milieu des années 1880, Monet va succomber au charme des couleurs de la Méditerranée à un tel point qu’il s’en effraie : « C’est si beau ici, si clair, si lumineux ! On nage dans de l’air bleu, c’est effrayant ! » Ce sera l’occasion pour le visiteur de l’exposition de découvrir des toiles peu connues avec des vues sur Antibes, l’Estérel…

 

Le Port du Havre, effet de nuit 1873.
© service presse Rmn / Droits réservés

 

Monet est un observateur insatiable, mais le peintre est également terriblement conscient de l’imperfection de l’art à rendre ces fruits de l’observation, mais il n’aura pourtant de cesse de tendre vers cet objectif impossible : « […] vous ne pouvez vous faire une idée de la beauté de la mer depuis deux jours, mais quel talent il faudrait pour rendre cela, c’est à rendre fou. » avoue-t-il à celle qui sera sa deuxième épouse, Alice Hoschedé, le 3 février 1883, alors qu’il séjourne à Etretat.

 

Grosse Mer à Etretat, 1868-1869 - Huile sur toile, 66 x 131 cm

© Crédit Photo : Service presse Rmn/Hervé Lewandowski


Le regard, tant menacé par la maladie qui guette ses yeux, est insatiable. Il conduit même Monet à d’impossibles variations sur un même motif à l’image des musiciens. Des motifs aussi élémentaires que des meules de foin vont devenir l’objet d’un véritable laboratoire de la lumière et de ses effets. Monet déconstruit bien avant la philosophie les éléments de la matière jusqu’à leurs plus simples expressions. Il en reste une incroyable beauté, inimaginable pour le commun des mortels, beauté de l’essence première révélée par le pinceau aux différentes heures de la journée. Cet exercice sera également appliqué à des architectures plus complexes comme celle de la cathédrale de Rouen. Ces cathédrales de lumière peintes par Monet dépassent la structure minérale pour atteindre une réalité picturale vertigineuse : le monument de pierre se voit opérer une mutation presque alchimique en se transformant en monument de couleurs et de lumières immatérielles.

 

Meule, effet de neige, le matin
© 1891 - huile sur toile, 65 x 92 cm - Museum of Fine Arts, Boston, Etats-Unis


Le vertige prend souvent le visiteur au fur et à mesure de sa progression dans les nombreuses salles, véritables feux d’artifice en hommage à Claude Monet. Le bouquet final des Nymphéas conclut cette apothéose : le jardin de Giverny se dilate et ouvre à une autre dimension dont seul Claude Monet a le secret. Nous ne savons plus si l’eau reflète le ciel, si le végétal peut encore porter ce nom et si toute cette nature mérite encore d’être identifiée. Nous devinons sans le savoir que le peintre a atteint une certaine extase à l’image de ces grands mystiques dont seuls un regard ou un sourire laissent deviner ce dépassement des contingences…Un beau parcours dont les couleurs occuperont nos yeux longtemps après ce bel hommage.

 

Nymphéas 1904
© Musée des beaux-arts A.Malraux, Le Havre

 

Informations pratiques

 

Ouverture tous les jours de 10h à 22h, les mardis jusqu'à 14h et les jeudis jusqu'à 20h.
Pendant les vacances scolaires (du 23 octobre au 7 novembre et du 18 décembre au 2 janvier), ouverture tous les jours de 9h à 23h, y compris le mardi. Derniers accès : 45 minutes avant la fermeture des Galeries. Fermeture des salles : 15 minutes avant la fermeture des Galeries. Fermeture exceptionnelle à 18h les 24 et 31 décembre. Fermeture le 25 décembre.

L'exposition participe à la Nuit Blanche le 2 octobre 2010 : entrée gratuite de 19h30 à 0h15 (fermeture à 1h).

 

voir nos sélections Livres et Revues

 

 

 

Musée du Louvre

Arts graphiques
du 08-07-2010 au 11-10-2010
Antoine Watteau et l’art de l’estampe

© Musée du Louvre / Samuel Brosset

 


Une centaine de gravures d’Antoine Watteau, principalement issues de la collection Edmond de Rothschild, illustrent l’art de l’estampe au XVIIIe siècle.


Peintre, graveur et inlassable dessinateur, disparu prématurément à trente-sept ans, Antoine Watteau (1684-1721) a marqué le XVIIIe siècle par la grâce et la spontanéité de son art. Son oeuvre est gravé presque immédiatement, entre 1724 et 1735, à l'initiative de son ami et protecteur Jean de Jullienne. Cette entreprise remarquable qui va rassembler en quatre volumes près de six cents planches d'après ses dessins et ses peintures est confiée à une cinquantaine de graveurs. Véritable creuset de jeunes talents tels François Boucher ou Laurent Cars, elle participe à l'affirmation dans toute l'Europe du style rocaille dont Watteau fut l'un des principaux instigateurs.

Cette exposition dédiée à l'art de l'estampe puise dans la collection Edmond de Rothschild et présente une centaine de gravures en rapport avec le Recueil Jullienne. Ces pièces, majoritairement des eaux-fortes "avant la lettre", rendent hommage à Watteau graveur et à ceux qui ont su restituer, pointe en main, ce "je-ne-sais-quoi de galant, de vif et de vrai" qui fit le succès de l'artiste. Le tableau des Deux Cousines, issu des collections du Louvre, et quelques pièces rares en provenance d'autres institutions, comme des eaux-fortes et des dessins de la main même de Watteau, complètent la sélection.
 

Le processus de fabrication de cette vaste entreprise d'édition conclut cette exposition. Sont illustrés les états successifs d'une même estampe qu'accompagne une réflexion sur la qualité du papier et l'importance des filigranes. Enfin, deux écrans permettent de consulter, sous forme numérique, les gravures des quatre Recueils Jullienne de la collection Edmond de Rothschild.


Commissaire(s) : Marie-Catherine Sahut, conservateur au département des Peintures, Pascal Torres-Guardiola, conservateur de la collection Edmond de Rothschild et de la Chalcographie, département des Arts graphiques, musée du Louvre.

Informations pratiques
Lieu
Aile Sully, 2e étage, salles 20-23
Tarifs collections permanentes
 

© Musée du Louvre / Angèle Dequier

 

 

 

« FLEUVE CONGO - Arts d’Afrique centrale.»

musée du quai Branly

jusqu'au 3 octobre 2010




Qui veut découvrir les arts d’Afrique Centrale, ceux des peuples du fleuve Congo, est invité à se rendre au musée du quai Branly, mezzanine Est, jusqu’au trois octobre 2010. Dépaysement assuré, voyage le long des rives du fleuve Congo (géant de 4700 kilomètres, deuxième plus grand fleuve d’Afrique après le Nil) frontière naturelle et lien entre les sociétés qui vivent de part et d’autre de ses rives. Territoire de 4 millions de kilomètres carrés, l’ensemble du bassin du Congo et celui du fleuve Ogooué au Gabon, traverse le sud du Cameroun, la Guinée équatoriale, le Gabon, le Congo-Brazzaville, le Congo-Kinshasa et une partie de l’Angola. Deux aires géographiques se distinguent, la forêt équatoriale et les vastes savanes. Au fil des siècles, les familles communiquant entre elles dans une langue commune se rattachant aux groupes bantous (les langues bantoues sont encore parlées aujourd’hui au Nigéria dans la région de Benue, et offrent un point de départ qui remonte à plus de trois mille ans) ont colonisé les régions forestières de l’Afrique Centrale. C’est ainsi que l’on dénombre plus de quatre cents ethnies, des Fang et Kwélés au nord du Gabon aux Légas et aux Bembés à l’est du bassin congolais, dans l’actuelle République démocratique du Congo (RDC). Cette circulation des populations remonte à des temps très reculés et l’exposition « Fleuve Congo - Arts d’Afrique Centrale » montre les correspondances, les mutations, les appropriations, les mélanges culturels de ces sociétés qui au fil des siècles se sont influencées, ont partagé, mieux encore se sont reconnues mutuellement dans différents domaines tels que les croyances, l’imaginaire, les signes corporels, les techniques matérielles ou les formes esthétiques. Identités et ruptures se reflètent ainsi dans les styles et les ateliers de sculpture, parfois les formes s’opposent résolument comme pour se distinguer et affirmer une identité propre et à celle du voisin.

 

masque à six yeux, dit "masque Lapicque"

© musée du quai Branly photo Patrick Gries

 

Afin de mieux appréhender les correspondances qui ont traversé plusieurs lignages et ont produit des formes similaires illustrant les rites d’initiation, les rituels thérapeutiques, les cérémonies entourant la mort, la prise de pouvoir ou encore la place de la magie et de la sorcellerie pour certaines pratiques ancestrales. Le musée du quai Branly propose un parcours de présentation de chaque ethnie, montrant ainsi à travers presque trois cents objets, la manière de moduler les traits généraux des productions suivant certaines variations locales comme les scarifications, les formes et les couleurs. Ce parcours initiatique analyse avec finesse une civilisation unique qui a su tisser autant de correspondances dans des secteurs aussi variés et toujours avec des œuvres d’une grande puissance et d’une créativité reconnues très rapidement par les artistes du début du 20e siècle (Derain, Picasso, Matisse, Braque et les autres…) comme la matrice des « classiques » de ce qu’on appelait à l’époque « l’Art nègre ».
François Neyt, commissaire de l’exposition, grand connaisseur de cette partie de l’Afrique, nous donne un éclairage transversal et nouveau sur ces peuples de l’Afrique Centrale, précise Stéphane Martin, Président du musée du quai Branly. François Neyt est né en RDC où il vécut vingt ans. Moine bénédictin du monastère Saint-André de Clerlande en Belgique, docteur en philosophie et lettres de l’Université catholique de Louvain, il s’est formé en archéologie et à l’histoire de l’art et enseignera en Afrique de 1968 à 1972, les arts africains à l’Université officielle du Congo puis à l’Université nationale du Zaïre. Après plusieurs missions en Côte d’Ivoire, au Mali ainsi qu’en RDC, il publiera plusieurs ouvrages dits de référence sur les Arts de l’Afrique centrale comme la « Redoutable statuaire Songye » en 2004. C’est donc un des meilleurs spécialistes de cette partie de l’Afrique qui avec la collaboration scientifique d’Angèle Martin et, la scénographie efficace de Gaëlle Seltzer (Artistes du d’Abomey et Présence africaine), nous montre de manière pédagogique et sur un plan diachronique la valeur des archétypes, des sculptures majeures significatives d’un style ethnique, des ateliers de production anciens ou plus récents, mais aussi des productions mêmes qu’elles soient anciennes ou bien fausses. La diversité de tous les signes proposés s’inscrit dans la reconnaissance d’un patrimoine de l’humanité, qui bien que morcelé par des découpages de frontières coloniales arbitraires, met en évidence l’unité culturelle de l’Afrique Centrale. C’est à travers trois thèmes fondamentaux et complémentaires que nous allons nous laisser aller à la découverte de ces ethnies, comme Paul Du Challu, premier occidental à rencontrer les Fang, qui explora le Gabon dès 1855 (Voyages et aventures dans l’Afrique équatoriale – publié en 1861), ou encore Alfred Marche qui rapporta et présenta en 1878 des objets du Gabon, à l’ouverture du muséum ethnographique des missions scientifiques. On ne pourra pas tous les citer ici, vous lirez donc ce panneau tout à fait passionnant racontant tous ces explorateurs entre 1855 et 1932 et qui explique l’intérêt et la fascination portés à cette région du monde. Exposés dans les plus grandes villes occidentales, de grands artistes du début du 20e siècle, en quête de nouvelles expressions artistiques et d’une vision du monde différente, vont de suite s’en porter acquéreurs et publier des écrits sur ces objets, qui comme le disait Picasso lors d’une visite au Trocadéro : « Quand je suis allé au Trocadéro, j’ai compris que c’était très important, il m’arrivait quelque chose… ». Déjà l’émergence de l’art africain laisse une place de choix à l’art de l’Afrique Centrale. Les marchands et collectionneurs ne s’y trompent pas et contribuent largement à sa diffusion. La présence des masques assurant l’unité et l’identité des groupes respectifs lors des cérémonies, l’importance de l’ancêtre fondateur et de son lignage, la présence forte de la femme dans les institutions, liées aux mystères de la régénération et de la fertilité, sont les trois thèmes dont émerge cet imaginaire unique qui a produit tous les objets présentés dans cette exposition.

 

Il ne faut pas passer trop vite devant les masques en forme de cœur (illustration de l’affiche de l’exposition) bien au contraire, les regarder avec attention et dans les moindres détails, car ils nous en disent long sur l’histoire des peuples, sur la cosmologie, la vision du monde (animiste) et sur ses rôles multiples. Il est objet de communication, revivifie l’identité du groupe dans les rituels, rend hommage aux ancêtres ainsi qu’aux esprits de la nature Il dénonce aussi mes mauvais esprits (les mangeurs d’âmes), il châtie les coupables ou guérit les malades, il accompagne les défunts et prend toutes ses dimensions lors des danses rituelles. Cet archétype se retrouve chez les Kwele et les Fang au Gabon, et ce, jusqu’au Lega à l’est de la RDC actuelle. Chacun de ces masques cœur a la même structure, mais il change selon les peuples et les coutumes, dans ses formes et ses couleurs. Ces masques cœur portent en eux différentes figures allant des animaux fétiches aux figures d’ancêtres disparus.
 

Leur structure est liée aux signes sensoriels réceptifs (l’ouïe, la vue, la parole et l’odorat). On notera l’importance de chaque détail comme les arcades sourcilières, l’arrête du nez, la présence ou pas d’une bouche, la forme des yeux, leur disposition et leur nombre même. La couleur et sa symbolique n’échappent pas à notre compréhension des masques indiquant par là l’identité des institutions et groupes sociaux en question (carte d’identité visuelle comme les scarifications ou les tatouages pour d’autres sociétés). Une carte d’Afrique centrale situant les masques en forme de cœur permet de mieux suivre la répartition et par là même de comprendre les déplacements et influence des différents groupes ethniques présents. Dans toute la symbolique des masques africains, il demeure un point commun fondamental ; étant le siège de présages de bénédictions et d’espérances nouvelles, tous ces masques expriment la profondeur des croyances auxquelles ils sont liés. Leur esthétique nous frappe, nous effraie ou nous envoûte, nous occidentaux profanes.

 

statuette de gardien de reliquaire
© musée du quai Branly photo Michel Urtado, Thierry Ollivier

 

Plein de toutes ces figures étonnantes, et passant dans le deuxième espace de cette exposition, l’esprit du visiteur est déjà bien au-delà de nos frontières et se laisse happer par les représentations bantoues du culte des ancêtres disparus. Crânes ou ossements, mâchoires, dents d’hommes importants, de guerriers ou des femmes réputées ou redoutées, conservés religieusement dans des boites, paniers et autres coffres, les reliquaires, les figures et statues d’ancêtres sont une tradition tout aussi fondamentale que celle des masques. On voit donc que les peuples d’Afrique Centrale illustrent à profusion et de façons très diversifiées ce culte des ancêtres. Décorés, peints, incrustés de cauris, d’emblèmes claniques, les ossements selon des rituels précis étaient mis en relique dans des contenants devenus de véritables œuvres d’art. Quatre aspects nous éclairent sur le culte des ancêtres : la présence des reliques dans les rituels, les reliques des ancêtres dangereux et des morts par violence, la place des rois et le rôle accordé aux esprits de la nature. Sachant que le culte des ancêtres est constitutif de la vie de ces défunts, leur mémoire est donc ravivée lors des moments importants de leur existence comme le cycle des saisons, les événements exceptionnels de la vie de la communauté, la mort d’un chef ou le choix d’un nouveau dirigeant. Tous ces moments « phares » inscrivent le défunt dans une généalogie et renforcent l’intégrité du groupe laissant apparaître la continuité des rôles protecteur et consultatif bien après la mort physique. Les nâmes (âme des aïeux continuant à vivre dans l’au-delà) des ancêtres ou esprits malfaisants (définis comme des ancêtres dangereux et personnes décédées de façons violentes, considérées comme redoutables) étaient également honorés afin de prémunir le groupe des dangers que recèlent les énergies des esprits de ces morts. De même, certains rituels peuvent avoir une fonction offensive ou défensive, certaines reliques sont associées à des sacrifices, à la divination ou encore à la sorcellerie. Impressionnantes, ces statuettes et contenants de reliques mettent parfois mal à l’aise ou tout au contraire, comme la vitrine consacrée aux statuettes de gardiens de reliques en métal doré et fils de laiton, sublime la fonction de ces objets. Incontournable, la place des rois dans les rituels est à garder à l’esprit, car, occupant un rôle spécifique, rendant encore plus complexe le culte des ancêtres, le roi est en quelque sorte « une réalité hors norme » au-dessus de l’ancêtre même, intégrant les forces de la nature, il correspond donc à une entité à part, parfois appelée à transcender les interdits (inceste, meurtre…) ou à se soumettre à d’autres interdits (manger seul, ne pas toucher la terre, ne pas voir la mer…), il peut aussi comme chez les Kuba être considéré comme un sorcier capable de se transformer en animal féroce pour assouvir quelques vengeances, pouvant s’allier aux pouvoirs magico-religieux des forces de la nature. Certains groupes d’Afrique Centrale usent de ces forces de la nature qui sont des génies des eaux, des airs et de la terre. Ces génies président à la vie de chacun. On trouvera alors des objets (Nkisi) représentants tous ces éléments contenant des ingrédients magiques à la signification métaphorique que l’on retrouvera placé dans les orifices des statues ou bien mis dans de petites bourses en peau et placés à la ceinture des sculptures.

 

masque anthropomorphe
© musée du quai Branly photo Patrick Gries

 

Si le contenu peut varier à l’infini, chez tous les peuples du fleuve Congo, il se fonde sur les mêmes éléments naturels. La représentation féminine dans les royaumes de la savane subéquatoriale nécessitait bien une section entièrement allouée à cette femme liée à la terre et à l’agriculture. Les représentations féminines, masques et statues témoignent de cette place éminente et reconnue de la femme dans les structures économiques, sociales, politiques et magico-religieuses. Aussi lorsqu’Amadou Hampaté Bâ écrit en 1961 : « La mère est considérée comme l’atelier du divin où le Créateur travaille directement, sans intermédiaire, pour former et mener à maturité une vie nouvelle. C’est pourquoi, en Afrique, la mère est respectée presque à légal d’une divinité. » Tout est dit. Portant en elle le mystère de la création, la femme est reliée par la naissance, aux figures ancestrales de son groupe et aux générations à venir. Féconde et nourricière, elle est unie aux cycles de la vie, à la nouvelle lune, aux saisons, à l’agriculture ainsi qu’à la fertilité de la terre et directement à celle de sa famille par les naissances. Dans ces sociétés matrilinéaires, principe inventé par les Kongo du Mayombe, l’ascendance maternelle est prise en compte dans la transmission de l’appartenance, l’autorité et le nom de la lignée. Toutes ses caractéristiques vont se retrouver dans les représentations sculptées ainsi que dans les reliquaires. Sculpter le corps de la femme revêt alors la plus haute signification. Plusieurs cartels illustrent ces propos en indiquant géographiquement le parcours et le discours de l’exposition.
L’exposition « Fleuve Congo – les Arts d’Afrique Centrale » développe la curiosité du savoir, celle de comprendre pour pouvoir se mouvoir d’un espace à l’autre, d’objet en objet, revenant sur nos pas pour de nouveau s’émouvoir devant une statue, un masque, un reliquaire, un panier, sans subir la complexité de ces sociétés, mais juste pour être en équation avec les œuvres proposées. L’initiative du musée du quai Branly est à l’image de cette exposition, brillante. Un événement à ne manquer sous aucun prétexte, car nous ne sommes pas prêts de retrouver autant de chefs-d'œuvre exposés dans un même lieu.
De nombreuses manifestations se dérouleront tout au long de l’exposition sous forme d’atelier, de visites guidées, de rencontres avec des écrivains, de concerts, un parcours jeux de piste pour les plus jeunes autour d’animaux installés, cachés, dissimulés dans les jardins du musée.


Vous retrouverez toutes ces informations sur le site du musée www.quaibranly.fr
 

Eivlys Toneg

 

 

 

Pierre Alechinsky / Fata Morgana, des hommes qui aiment les livres

Exposition jusqu'au 9 octobre 2010

Pierre Alechinsky, photographie de Jacqueline Salmon
 



Pour le revers de la couverture de Baluchon et ricochets, édité en 1994 par Gallimard, Pierre Alechinsky rédige en guise de biographie cette rapide notule : "Pierre Alechinsky est né en 1927 à Bruxelles. Quand il ne peint pas, il dessine, grave ou illustre des livres, et en écrit lui-même." Sur une autre page de couverture, cette fois-ci pour la collection "Traits et Portraits" que Colette Fellous dirige au Mercure de France, il rappelle qu'il "n'aime pas sa main droite, celle qui écrit"... "préfère l'autre main, celle que les professeurs ont laissée intacte"...

Alechinsky n'a jamais suivi les cours des Beaux-Arts. A Bruxelles, son temps d'apprentissage concerne prioritairement les métiers du livre, l'illustration et la typographie. A propos de ses tout premiers travaux - cinq linos pour les Fables d'Esope réalisées dans l'esprit du Pantagruel d'André Derain, dix-huit linogravures imaginées en 1948 pour le Poète assassiné d'Apollinaire, un ouvrage dont Fata Morgana fera l'édition en 2001 - il affirme dans un entretien avec Céline Cicha que "c'était toujours de l'image en situation, face à l'écrit". En 2002, un catalogue magnifiquement déraisonnable, une publication orchestrée à Anvers, avec le concours de Frédéric Charron, Patrice Cotensin et Yves Peyré, a recensé The complete books of Alechinsky. Puisque dans cet inventaire plein de science et de malice, on parvenait à un total de 553 livres, on devrait aujourd'hui en dénombrer une centaine de plus (...)

(...) Rue du Puits Neuf où sont également présentées une douzaine de gravures et de lithographies exécutées en solo par Alechinsky (par exemple, "Orange de binche", et puis "Troisième acte" qui sert d'affiche à l'exposition) ou bien à quatre mains avec de proches amis comme Christian Dotremont et Alberto Gironella, on apercevra plusieurs grands livres d'Alechinsky : entre autres, Vacillations qui l'associe avec beaucoup de douceur et de véhémence à Cioran, Ces robes qui m'évoquaient Venise, un extrait de Marcel Proust prélevé dans Sodome et Gomorrhe, L'Art magique d'Octavio Paz ainsi que Choses rapportées du Japon où sont illustrées des notes de Gérard Macé. Dans ce dernier livre de très belle saveur, quatre lignes évoquent "comme devant une chose puérile ou incongrue, le sourire d'un ami japonais apprenant que nous conjuguons le verbe espérer à la première personne".
Parmi les livres que j'ai pu réunir rue du Puits Neuf, deux ouvrages sont particulièrement émouvants. Le premier s'intitule La chambre et l'atelier, il évoque le dernier espace de vie de Christian Dotremont à Tervuren, dans sa chambre de la "Pension pluie de roses". On découvre dans un étui de belle sobriété cinq héliogravures tirées sur vélin par Caroline Giffard : ce sont les reproductions de cinq photographies d'Alechinsky. La dernière est accompagnée par une "diablerie" à l'intérieur de laquelle le peintre-écrivain, muni d'une loupe, légende les affichages de cet atelier, "les victoires sur la monotonie" que Dotremont remportait chaque jour. Dans cet hors champ où l'on aperçoit Groucho Marx, une coupure de journal avec Paulhan en habit d'académicien, le portrait d'Erasme, la revue Les deux soeurs, annuaires, téléphone, chaise et tabouret, Alechinsky mentionne un logogramme de 1970 "écrit à Gloria, montré en mai 1971 à la galerie de France, première exposition de Dotremont à Paris : chérie, quand tu liras ceci, je serai vivant."

Alain Paire

 

Pour plus de renseignements : www.galerie-alain-paire.com

Lithographies, gravures et livres illustrés, Pierre Alechinsky / Fata Morgana. Ouvert du mardi au samedi, 14 h 30 / 18 h 30, tél 04.42.96.23.67. 30 rue du Puits Neuf, Aix-en-Provence.

 

 

 

 

Louvre – Collections permanentes - Les nouvelles salles d’art grec et hellénistique
A partir du mercredi 7 juillet, Aile Sully


Aphrodite dite "Vénus de Milo"
N° d'inventaire : Ma 399
© 2010 musée du Louvre / Angèle Dequier


Attendues par les amateurs d’art grec, espérées par les amoureux des antiquités, les nouvelles salles d’art grec viennent d’ouvrir à l’Aile Sully au Louvre depuis le 7 juillet 2010. L’une des grandes vedettes du plus célèbre musée au monde, Aphrodite dite la Vénus de Milo trône plus majestueuse que jamais dans une salle beaucoup plus grande qu’auparavant, digne de l’intérêt planétaire qu’elle suscite chaque année avec ses 6 millions de visiteurs venus tout spécialement l’admirer ! Ce nouvel emplacement n’est qu’un juste retour à l’histoire comme le soulignait Jean-Luc Martinez, le directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée. C’est en effet là que le public du musée parisien put découvrir pour la première fois de 1824 à 1848 la célèbre Aphrodite (nom grec de la déesse) découverte dans l’île de Mélos (ou Milo) dans les Cyclades en 1820 (lire les récits hauts en couleur de cette découverte dans l’ouvrage « Enlèvement de Vénus » paru aux Éditions La Bibliothèque). Des niches retrouvées dans l’architecture d’origine permettent de manière très didactique de retracer le contexte de cette découverte et les difficultés d’attribution (certaines théories pencheraient également pour une représentation d’Amphitrite, déesse de la mer, vénérée également à Milo) de la célèbre statue que l’inconscient collectif ne saurait voir autrement que la représentation idéale de la déesse de l’amour…

 

Amphore panathénaïque
Face A : Athéna
N° d'inventaire : MN 704
© 2005 Musée du Louvre / Daniel Lebée et Carine Deambrosis


Mais, ces nouvelles salles ne sauraient cependant occulter la richesse du fonds général redistribué en un parcours particulièrement pédagogique et éclairant sur l’art grec. Comme le relevait également très justement Jean-Luc Martinez lors de sa présentation d’inauguration, il ne s’agit nullement d’exposer un nombre incalculable d’objets au risque de décourager le visiteur souvent néophyte, mais bien au contraire d’ouvrir le regard à une intelligence d’une civilisation à la fois très éloignée de notre époque contemporaine et en même temps si proche par ses nombreuses influences dans l’art et les idées.

Ainsi, la première galerie, au nord, regroupe-t-elle les salles 7 à 12 et qui propose un voyage dans le monde grec, bien plus étendu que l’on ne pourrait le penser de prime abord. Chaque salle expose des objets représentatifs d’une région de ce monde grec que celle-ci soit située en Italie du Sud, en Macédoine, en Grèce du Nord ou encore en Asie Mineure.

 

Figurine d'un souverain hellénistique
N° d'inventaire : Myr 699
© 2009 Musée du Louvre / Daniel Lebée et Carine Deambrosis


La galerie sud (salles 13-16) présente à nos yeux émerveillés de magnifiques répliques romaines des chefs-d'œuvre disparus de la sculpture grecque. Le parcours thématique proposé est remarquable d’intelligence, car il habitue le regard néophyte aux attributs, aujourd’hui souvent oubliés, du riche panthéon grec. C’est tout un pan de la mythologie grecque qui se trouve réuni en trois dimensions et dans une muséographie particulièrement travaillée (de nombreux panneaux explicatifs en trois langues – français/anglais/espagnol – détaillent cette riche histoire). Le visiteur peut ainsi librement flâner au gré des sculptures ou au contraire adopter une démarche plus systématique en comparant les Dieux et les héros du monde grec antique pour, au terme, parvenir de nouveau à notre fameuse déesse qui attend patiemment notre regard insatiable !

 

Tête féminine du type de « l’Aphrodite de Cnide » dite « Tête Kaufmann »
N° d'inventaire : Ma 3518
© 2005 Musée du Louvre / Daniel Lebée et Carine Deambrosis


 

à lire notre chronique du livre de Jean-Luc Martinez "La Grèce au Louvre" qui vient de paraître Louvre Editions / Somogy, 2010.

 

à lire également "Promenades au Louvre" de Jean Galand collection Bouquins, Robert Laffont, 2010.

 

 

CHEFS-D’ŒUVRE DU MUSEE DU QUAI BRANLY AU LOUVRE
Les 10 ans du pavillon des sessions

 2000/2010.

 


«Les chefs-d’œuvre du monde entier naissent libres et égaux…» Ce sont là les premières lignes du manifeste qui parut dans la presse le 15 mars 1990, pour l’ouverture au Louvre d’un département consacré aux arts d’Asie, d’Afrique, d’Océanie, des Amériques et d’Insulinde. Jacques Kerchache, initiateur de ce manifeste, disparu en 2001 sans voir vu la réalisation du musée du quai Branly dont il a été une des personnalités les plus marquantes, était le conseiller scientifique de l’établissement public de ce musée et auteur de la sélection des œuvres exposées au pavillon des Sessions. Il aura réuni autour de ce manifeste près de 300 signatures d’artistes, écrivains, philosophes, anthropologues et historiens de l’art, relevant le défi de Guillaume Apollinaire en 1909, de Félix Fénéon en 1920, de Claude Lévi-Strauss et d’André Malraux en 1976, qui tous demandaient à ce que « le Louvre recueille certains chefs-d’œuvre exotiques dont l’aspect n’est pas moins émouvant que celui des beaux spécimens de la statuaire occidentale… Apollinaire », « …Car cet art (dit premier) n’est pas inégal aux plus grands… Lévi-Strauss », « Beaucoup veulent l’art nègre au Louvre où il entrera… Malraux ».

 

Tête commémorative XIIe-XIVe siècle Nigeria Terre cuite H. 15,5 cm

Ancienne collection musée Barbier-Mueller Musée du quai Branly 73.1996.1.4


Inauguré le 13 avril 2000 avec 6 millions de visiteurs plus tard, le musée du quai Branly fête les 10 ans du pavillon des Sessions ! C’est avec le soutien du Président de la République Jacques Chirac, passionné et féru d’arts premiers (on se rappellera l’exposition en 1994, sur l’art des Taïnos des Grandes Antilles, au petit Palais) et avec le regard éclairé de spécialiste de son ami Jacques Kerchache, qu’en 1995, est constituée une commission chargée de réfléchir aux moyens les plus appropriés pour que l’art dit « primitif », « primordial », « lointain », « exotique » ou « premier », selon les époques et les exégètes, trouve sa juste place dans les institutions muséales de France. « Je ne pense pas que le Louvre du 21ème siècle pourra être vraiment un grand musée s’il ne comporte pas une section importante consacrée aux arts premiers… », affirmait Jacques Kerchache dans un entretien avec Jean Marie Drot à l’occasion d’une exposition sur la sculpture africaine à Rome en 1986. « Changer le regard sur l’œuvre, le regard sur l’autre, telle était bien l’ambition de cette première étape, l’entrée au Louvre. » écrit Jacques Chirac en introduction du numéro spécial de Connaissances des Arts consacré à cet anniversaire. si depuis 1905, un nouveau regard fut porté sur cet art avec les artistes fauves, cubistes et expressionnistes, il aura fallu encore de nombreuses années pour que tous ces chefs-d’œuvre soient reconnus et vus autrement que comme des curiosités ethnographiques, des spécimens scientifiques que l’on avait depuis 1878 rassemblés au musée d’Ethnographie du Trocadéro. La plus part des œuvres présentées au pavillon des Sessions sont des archétypes célèbres du monde entier qui font aujourd’hui la force symbolique du premier musée de France.

 

 

Poteau funéraire XVIIe-fin du XVIIIe siècle Côte sud-ouest de Madagascar Bois H. 215 cm Mission Guillaume Grandidier, 1898 Don du Comité de Madagascar, Exposition Universelle de 1900 Ancienne collection du musée d'Ethnographie du Trocadéro Musée du quai Branly Inv. 71.1901.6.12
 

C’est un vrai plaisir que de déambuler dans ce lieu où tous les objets présentés, quel que soit leur dimension, sont magnifiés par la scénographie de Jean-Michel Wilmotte. La douceur des espaces, la lumière savamment dosée donnent à cet endroit une véritable identité respectueuse des œuvres choisies, jouant sur les ombres et les lumières. Le cheminement est simple, le visiteur peut tourner autour de chaque chef-d’œuvre (chose assez rare dans la scénographie des musées et des expositions pour être signalée), leur coffrage de verre les rendant encore plus attirantes.

 

Sculpture dogon Attribuée au "Maître des yeux obliques" XVIIe-XVIIIe siècle Mali Bois H. 59 cm Anciennes collections Charles Ratton, Hubert Goldet Acquis par dation, 1999 Musée du quai Branly Inv. 70.1999.9.2

 

 Nul ne pourra résister à l’envie d’aller bien au-delà de l’émotion procurée en cherchant alors à comprendre tous les mystères qui enveloppent ces œuvres majeures, d’une excellence qui échappe à tout regard d’anecdote ou d’exotisme, car elles vivent et parlent doucement ou violemment à chaque visiteur. Pour ce, des images d’archives, des interviews et coupures de presse sont là pour comprendre la démarche qui a animé tous les protagonistes de ce projet. Un salon de lecture, au sein même du parcours est installé pour l’évènement, mettant à la disposition du public de nombreux ouvrages, articles permettant de découvrir ou redécouvrir les arts et civilisations non occidentaux et de comprendre les débats et polémiques autour de leur reconnaissance, ainsi qu’une sélection d’ouvrages donnant à voir l’impact culturel qu’ont eu et qu’ont encore ces arts sur la création contemporaine. Mais laissons-nous porter par le magnétisme des 108 œuvres venues d’Afrique (42 sculptures et objets), d’Asie (6 pièces), d’Océanie (28 sculptures), des Amériques et d’Insulinde (32 sculptures et objets). Comment représenter la richesse des nombreuses cultures de ces continents entiers qui représentant les trois quarts de l’humanité ? Sinon en apportant au monde de l’art un premier lieu de dialogue et de beauté, un lieu serein, calme et propice à la réflexion, un lieu où l’espace temps n’existe plus, où le respect flotte autour de chacune des œuvres, un lieu conçu certainement comme une première étape vers la connaissance de ces cultures, un lieu en hommage aux artistes, un lieu qui vit par lui-même tout en étant relié aux chefs-d’œuvre de l’art occidental du Louvre comme une porte ouverte pour passer de l’autre côté des a priori et se lancer à cœur et esprit ouverts vers les rives du musée du quai Branly.

 

Pendentif XIXe siècle République démocratique du Congo Ivoire H. 7,7 cm Ancienne collection Charles Ratton Don Guy Ladrière, 1997 Musée du quai Branly Inv. 73.1997.20.1

 

Quelles soient du pays Dogon, du Nigeria, du Bénin, du Mali, de Guinée, du Cameroun, du Gabon, du pays Zoulou ou de Sierra Leone , d’Indonésie, des Philippines, de Nouvelle-Calédonie, des îles Vanuatu, de Papouasie, de l’île de Pâques, du Mexique, du Guatemala, du Canada, ou encore d’Alaska, il est difficile de décrire l’esthétique de chacun de ces chefs-d’œuvre tant leur magnétisme, leur beauté plastique, leur originalité esthétique, leur symbolisme auront une répercussion sur chacun des visiteurs.

Il s’agit d’un véritable événement qui restera dans les mémoires laisse un message d’espérance et d’ouverture vers plus de tolérance. Il faudra dorénavant compter sur ce Pavillon des Sessions afin de s’immerger, se laisser porter et voyager dans la beauté de ces œuvres qui manifestent l’égalité, la dignité de tous les Hommes et de leurs Cultures.
 

Eivlys Toneg

 

horaires d'ouverture du Pavillon des Sessions
* Le Pavillon des Sessions du Louvre est ouvert tous les jours de 9h à 17h30 sauf le mardi, le vendredi et les jours fériés suivants : le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre ;
* Nocturnes jusqu'à 21h45 le mercredi ;
* L'entrée est gratuite le premier dimanche de chaque mois.

accès et adresse au Pavillon des Sessions du Louvre
* métro : Palais Royal-Musée du Louvre
* musée du Louvre, aile Denon, rez-de-chaussée
* entrée directe par la porte des Lions de 9h à 17h30, sauf le mardi et le vendredi (jardins du Carrousel ou quai des Tuileries)
* accès également par la Pyramide, la galerie du Carrousel et le passage Richelieu

 

 

 

Botticelli, Bellini, Guardi…

musée des Beaux-Arts de Caen
Trésors de l'Accademia Carrara de Bergame
27 mars- 19 septembre 2010

Botticelli,
Portrait de Julien de Medicis

 

Il faudra réserver une petite escapade à Caen au cours de cet été (jusqu’au 19 septembre) pour y découvrir une très belle exposition réunissant les chefs-d’œuvre de l’Accademia Carrara de Bergame !
Le musée de Bergame qui abrite habituellement la prestigieuse collection d’art italien fondée en 1796 par le comte Giacomo Carrara est en effet en travaux et une heureuse collaboration avec le musée de Caen a permis que ces œuvres fassent l’objet d’une unique exposition en France pendant cette période. Ce sera ainsi l’occasion pour le public français d’admirer ces tableaux qui ne quittent habituellement pas la belle ville lombarde…
Faisant écho au riche fonds de peintures italiennes du musée des Beaux-Arts de Caen, les œuvres exposées témoignent de la richesse artistique de la ville de Bergame nourrie à son époque par le dynamisme de Milan et de Venise.
Le visiteur pourra ainsi admirer des œuvres d’artistes majeurs comme le Portrait de Julien Medicis de Sandro Botticelli, le portrait de Lionello de Pisanello ou encore de Bellini…mais également des artistes méconnus en France tels Caselli, Zucco ou Nazzari.

 

 

La première salle ouvre sur un vaste espace blanc baigné de lumière afin de mieux nous amener à la contemplation de ces polyptyques majestueux qui ornaient les autels des églises de Bergame aux XV° et XVI° siècles ! Les scènes allégoriques sont parfois pour certaines de nouveau réunies pour la première fois à l’occasion de cette exposition, un bonheur rare qu’il faut savoir apprécier avant de passer à la seconde salle qui réunit les chefs-d’œuvre de la collection Morelli du nom de ce médecin de formation et critique d’art reconnu au XIX° siècle. Nous y découvrons des œuvres de Botticelli, Pisanello ou encore Bellini avec cette Vierge à l’Enfant sur fond de paysage bucolique qui atténue le drame futur évoqué par la verticalité du pilier auquel sont adossés la Vierge et l’Enfant.

Cette exposition est également l’occasion d’observer des « images de la réalité » selon le titre de cette troisième partie. Nous entrons au cœur du portrait italien avec Giovanni Battista Moroni (vers 1520-1524 / 1579) et Fra Galgario (1655-1743), deux figures majeures du portrait européen de leur époque. Les personnages portraiturés nous apparaissent ainsi dans toute leur singularité ou nulle affectation académique n’est venue troubler la sincère nature. L’insouciance d’un jeune peintre dont on devine qu’il ne nous regarde nullement, mais réfléchit bien à ses compositions futures (Fra Galgario), est tout aussi vivante plus de trois siècles après que le regard insaisissable de ce jeune gentilhomme dont nous ne saurons que son âge, 29 ans…

 

Ghidotti Moroni                Fra Galgario,
Portrait de jeune Homme      Portrait d'un jeune peintre
 

En fin de parcours, nous quitterons à contrecoeur Bergame pour une destination tout de même enchanteresse avec Venise ! Nous nous souvenons que Bergame nourrissait des liens très étroits avec la cité des Doges, et le XVIII° siècle sera ainsi l’occasion pour de nombreux artistes de Bergame d’aller étudier cette fameuse lumière propre à la cité bâtie sur l’eau. Des vedute (paysage panoramique) témoigneront de cet environnement unique et tiendront lieu de récits de voyage pour les personnes nanties.
La visite est terminée et nos yeux garderont longtemps en mémoire ces polyptyques élancés vers le ciel, cette jeune fille à l’éventail peinte par Ceruti ou ce somptueux portrait de G. B. Caravaggi peint par Cariani…Une exposition à voir absolument !

 



Commissariat
Patrick Ramade, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des Beaux-Arts de Caen
Giovanni Valagussa, conservateur de la Pinacothèque Accademia Carrara de Bergame.
 

musée des Beaux-Arts de Caen jusqu’au 19 septembre 2010.
Adresse : Le château – 14000 Caen – 02 31 30 47 70
www.ville-caen.fr/mba
ouverture : du mercredi au lundi de 9h30 à 18h – fermeture le mardi
 

Canaletto, Le Grand Canal vu du Palais Balbi

 

 

 

 Dans le cadre du festival Normandie Impressionniste
L'estampe impressionniste
Trésors de la Bibliothèque nationale de Fra
nce musée des Beaux-Arts de Caen
4 juin - 5 septembre 2010

Dans le cadre du festival Normandie Impressionniste, le musée des Beaux-Arts de Caen présente une large sélection d’estampes impressionnistes - quelque cent vingt pièces dont plusieurs matrices et épreuves précieuses - issues du département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France. Grâce aux dons faits par les artistes, leurs familles ou leurs proches, la Bibliothèque nationale de France possède en effet une collection remarquable d'oeuvres de cette période, l'une des plus riches au monde.
L’exceptionnel renouvellement thématique et formel que connaît l’estampe entre les années 1860 et 1890 est à l’origine de l’estampe moderne, fruit d’expériences passionnées et création à part entière.

 

 

Edgar Degas (1834–1917)        Berthe Morisot (1841–1895)
Sortie du bain, vers 1876-1877       La Leçon de dessin, 1889



Au cours de cette période, ponctuée par la création de la Société des aquafortistes en 1862 et les huit expositions impressionnistes organisées entre 1874 et 1886, l’exploration technique devient incontestablement un but en soi. Au-delà des sujets traités, on admire la facture libre des eaux-fortes de Manet, la subtilité des procédés mixtes de Degas et de Pissarro, la sincérité des croquis gravés par Cézanne, Guillaumin et Van Ryssel, les pointes sèches délicates de Renoir et de Berthe Morisot comme les effets de teinte de Whistler et la légèreté des aquatintes de Mary Cassatt.
Diverses pratiques - au nombre desquelles la succession des états d’une même planche, les manipulations d’encrage, les rehauts manuels et la limitation des tirages - transforment l’estampe en objet rare. Cette poursuite de l’épreuve singulière atteint son comble avec le monotype, une image imprimée unique, obtenue sans recours à la gravure. Les recherches portent autant sur l’éclairage, la texture et la teinte que sur le mélange des techniques. Elles permettent de traduire les aspects changeants du paysage selon les heures, les saisons et les variations atmosphériques.
Elles prêtent aux portraits et aux scènes intimes une spontanéité et un caractère d’inachèvement très nouveaux. Propice à l’expérimentation, cette époque voit enfin l’apparition de l’estampe en couleurs ainsi qu’un regain d’intérêt pour la lithographie.

 

Pierre-Auguste Renoir
(1841–1919)
Le Chapeau épinglé,
2e planche, vers 1898

 

Camille Pissarro (1830-1903)
Paysage sous bois, à l’Hermitage (Pontoise), 1879

 

Cette exposition - la première en France depuis celle proposée en 1974 par la Bibliothèque nationale - est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir aux côtés des grands noms de l’Impressionnisme des artistes moins connus qui ont pourtant joué un rôle décisif dans le renouveau de l’estampe originale, tels Félix Bracquemond, Henri Guérard, le vicomte Lepic, Félix Buhot, Auguste Delâtre et Marcellin Desboutin.
Elle a bénéficié du concours de Michel Melot, éminent spécialiste de l'estampe impressionniste, auteur de nombreux ouvrages et articles sur ce sujet. Le commissariat est assuré par Caroline Joubert, conservateur au musée des Beaux-Arts de Caen, et Valérie Sueur-Hermel, conservateur au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France. La scénographie, inspirée en partie par ce qu'avaient imaginé certains artistes impressionnistes, mettra en valeur les oeuvres dans un parcours divisé en dix sections.

Une exposition de la Bibliothèque nationale de France et du musée des Beaux-Arts de Caen.
 

Édouard Manet (1832-1883)
Les Courses, 1865-1878


Informations pratiques

Horaires
Du mercredi au lundi de 9h30 à 18h - Fermeture le mardi

Catalogue
coédité avec les Editions d'Art Somogy, format 22x28 cm, 160 pages

 

musée des Beaux-Arts de Caen
Adresse : Le château – 14000 Caen – 02 31 30 47 70
www.ville-caen.fr/mba
ouverture : du mercredi au lundi de 9h30 à 18h – fermeture le mardi

 

 

 

La voie du Tao, un autre chemin de l’être
Galeries nationales – Grand Palais
31 mars – 5 juillet 2010

Dieux des murs et des fossés de toutes les commanderies et dieux du sol de tous les districts (détail), Ming, vers 1600
© Rmn, musée des arts asiatiques Guimet, Paris / Thierry Ollivier


C’est le fruit d’une heureuse collaboration entre les Galeries nationales et le musée des arts asiatiques Guimet qui nous est donné à découvrir au Grand Palais. De cette collaboration a en effet résulté une exposition qui réunit non seulement des objets de grande valeur, mais qui a également une dimension didactique remarquable. Si l’évocation du taoïsme n’est pas chose rare depuis le XX° siècle, sa signification profonde reste encore trop obscure pour notre civilisation occidentale. Alors même que le bouddhisme est devenu familier à un grand nombre d’occidentaux, le cœur de ce mode de vie et de pensée du taoisme reste à découvrir. C’est ainsi le but recherché par cette grande exposition, première du genre en Europe, qui ouvre une porte initiatique à notre connaissance. Catherine Delacour, commissaire de l’exposition, insiste sur le fait que le Taoïsme n’est pas une religion au sens où nous l’entendons en occident ; il s’agit plutôt d’une attitude de l’esprit relevant à la fois de la spiritualité et englobant également une dimension philosophique, poétique, artistique et même pragmatique. En abordant le Taoïsme, le visiteur pourra ainsi percevoir comment peut s’élargir le champ d’appréhension du monde.

Et la première partie de l’exposition, nous y invite sans tarder avec l’exposé très clair des cosmogonies illustrées par de nombreux objets tels les 28 divinités des mansions célestes ou l’oiseau vermillon symbole du sud provenant du musée national de Taipei. La très belle scénographie de l’agence Mostra répond parfaitement à ces exigences du vide et du plein, du yin et du yang. Les couleurs et leurs symboliques accompagnent le visiteur dans cet « autre chemin de l’être » bouleversant parfois nos réflexes hérités du cartésianisme. Les textes animés projetés sur une cimaise et qui défilent suffisamment lentement pour être lus sont une véritable réussite pour la pleine compréhension de cette exposition exigeante. Un espace spécifique est bien entendu réservé à Lao zi, le personnage central du Taoïsme. Et si nous ne sommes pas certain que le personnage historique ait réellement existé, Le livre de la Voie et de sa Vertu qui lui est attribué existe bien quant à lui. Cet écrit, que des moines connaissent par cœur encore aujourd’hui, a eu et a une importance centrale dans le Taoïsme.
Cette très belle exposition sera ainsi l’occasion de découvrir près de 250 œuvres venant du musée des arts asiatiques Guimet, des Etats-Unis, d’Europe et de Taiwan. Ces chefs d’œuvre méconnus offriront ainsi au visiteur une véritable découverte non seulement culturelle, ce qui est déjà beaucoup, mais plus encore philosophique : comment prendre un autre chemin pour retrouver son être…

 

Le vénérable céleste du commencement originel Yuanshi tianzun - Dynastie Qing, vers 1700 Encre et couleurs sur soie Paris, musée des arts asiatiques Guimet ©
© RMN (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier

 

 

 

 

Pakistan - Les arts du Gandhara, Terre de rencontre
Musée des Arts asiatiques–Guimet
21 avril 2010 – 16 août 2010

 

Exposition organisée par le musée des arts asiatiques Guimet et le Centre National d’Art et d’Expositions de la République fédérale d’Allemagne à Bonn.
L’exposition de Paris dont le commissaire est Pierre Cambon, conservateur en chef au musée Guimet, reprend sous une forme modifiée l’exposition conçue par le professeur Michel Jansen et le docteur Christian Luczanits, présentée sous le titre Gandhara. The Buddhist Heritage of Pakistan Legends, monasteries, and Paradise
Cette exposition d’envergure internationale unique en France, présente près de 200 œuvres gréco-bouddhiques exceptionnelles et caractéristiques du Gandhara.
Le Gandhara est un ancien royaume d'influence hellénistique qui recouvre les provinces du Nord-Ouest de l’actuel Pakistan. Cette civilisation contemporaine des mondes romains à l'ouest, des Han chinois à l'Est, trouve son essor entre le Ier et le IIIème siècle de notre ère, au temps des successeurs d’Alexandre le Grand et de l’empire Kouchan.
 

Terre de rencontre, terre de Bouddhisme, terre d’invasions et d’échanges, mais aussi terre de culture ancienne, et de diversités, le Gandhara voit naître et se développer une civilisation brillante mêlant les influences grecques, fruits des conquêtes d'Alexandre le Grand, aux inspirations perses et indiennes. Sous la dynastie des Kouchans, l'art du Gandhara va s’épanouir à travers le bouddhisme.
Dans cette exposition, vous retrouverez des statuettes, des statues du Buddha et des vénérés (boddhisattva…), des bas-reliefs de temples et de stupas, mais également des terres cuites et des stucs de monastères ou de palais.
Ces œuvres sont en partie issues du site archéologique de Taxila, à 40 km d’Islamabad, la capitale pakistanaise, qui, de par sa situation géographique, favorisa un brassage de populations et de cultures. Taxila abrite aujourd'hui les vestiges de trois villes successives et de nombreux sites monastiques témoignant du raffinement des époques où la cité connut son apogée.
La civilisation du Gandhara disparaît peu à peu après les invasions des Huns laissant en héritage un art qui influencera durablement les pays de Haute Asie (Asie Centrale, Chine, Corée et Japon).

© Musée Guimet 2010

 

Publications
- Album de l’exposition Pakistan – Terre de rencontre – Ier - VIème siècles. Les arts du Gandhara ; coédition Rmn / Musée ; ouvrage réalisée sous la direction de Pierre Cambon 22 x 28 cm ; 160 p. ; 150 illustrations couleur ; Relié.
- Hors-série Connaissance des arts
- Hors série Art Absolument.

 

Horaires
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 18 h.
Fermeture de la caisse à 17h30, des salles à 17h45.
Fermé le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai
Audio guides gratuits pour les collections permanentes

Accès musée Guimet
6, place d’Iéna- 75116 Paris
Tél. : 01 56 52 53 00
www.guimet.fr

 

 

 

 

CRIME ET CHATIMENT

musée d’Orsay

jusqu’au 27 juin 2010.

Théodore Géricault (1791-1824)Etude de pieds et de mains1818-1819Huile sur toileH. 52 ; L. 64 cmMontpellier, Musée Fabre © Musée Fabre de Montpellier Agglomération – cliché Frédéric Jaulmes
 



Le 30 septembre 1981 est à jamais fixé dans la mémoire collective des français, date à laquelle le garde des Sceaux, et ministre de la Justice, Robert Badinter, obtint l’abolition de la peine de mort. Comment expliquer ces deux siècles d’attente depuis qu’en 1791, Le Peletier de Saint-Fargeau avait, lui aussi, réclamé l’abolition de la peine capitale aux députés de la Constituante… Deux siècles pendant lesquels, gouvernants, philosophes, écrivains, religieux et autres penseurs vont discuter, réfléchir, argumenter sur la valeur d’une peine, qui après avoir relevé de l’omnipotence d’un Dieu ou de l’autorité absolue d’un Roi, tempérée par le droit de grâce, ne sera plus administrée, dans la logique des Lumières, que par l’homme et l’homme seul. Mais l’homme peut-il juger de l’action des hommes ?
L’exposition « Crime et châtiment » actuellement et jusqu’au 27 juin 2010, au musée d’Orsay, raconte deux siècles de cette sombre fascination pour nombre des plus grands artistes peintres, écrivains, journalistes, cinéastes, sculpteurs, caricaturistes…
Aux origines, il y a bien sûr cette histoire de famille qui a mal tourné, Caïn tue son frère Abel, et nous entrons dans la spirale de transgression de la plus fondamentale de toutes les lois bibliques qui régissent nos sociétés humaines. Caïn, le fratricide ouvre le ban des crimes de toutes espèces, parricide, infanticide, régicide, génocide. Le mal est entré en chaque homme. Eternel puni et fugitif, Caïn vivant depuis dans la culpabilité introduit aussi la question de la punition, du châtiment.
Crimes, prisons, décapitations, autant de thèmes qui parcourent en tous sens l’art depuis la Révolution française et ses premières tentatives pour abolir la peine de mort… Qu’ils soient bibliques, passionnels ou bien crapuleux, politiques ou crimes de sang, tous décuplent, par la peinture, le dessin, la photographie, par la presse ou les grands textes littéraires, poèmes ou déclarations politiques, une certaine puissance fantasmatique sur nous.
Dans un parcours construit autour de sept chapitres, le visiteur est invité à se positionner (qu’il le veuille ou non) lui-même face aux crimes, à la justice des hommes, aux châtiments, car nul n’est épargné dans cette déambulation historico-artistique. En effet, si l’on admire l’œuvre ou son auteur, les sujets peuvent vite nous incommoder par la puissance des interprétations de Falguière à Picasso en passant par David, Munch, Schiele, Goya, Géricault ou Degas… Mais aussi par les écrits et dessins d’Hugo, Baudelaire, Bloy, Camus, Marat ou encore Diderot… Tous ont été fascinés par ce côté plus qu’obscur de l’être humain capable de tuer son semblable de sang froid comme sous l’emprise de la folie. Si certains d’entres eux cherchent à capter l’instant même, l’émotion à son paroxysme du condamné qui va mourir ou de celle de la victime, pétrifiée dans cette mort inattendue, tous, dont la représentation artistique et libre de ce que signifient le crime et son corollaire, auraient pu être d’accord avec Robert Badinter, lorsque dans le catalogue de l’exposition, il se pose les questions mêmes de qu’est-ce qu’un crime au-delà de ses définitions légales ? Pourquoi l’homme est-il toujours et partout un être criminel ? Que signifient ces châtiments, aux formes diverses, que la société inflige à ceux qu’elle condamne ? Cette exposition, grâce à l’art, nous éclaire sur ce double mystère de l’homme criminel et de la société punitive. « Mais qu’est-ce donc que l’exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé. » Albert Camus, dans cette simple phrase pose et résume absolument ce que la peine de mort est en son essence même, un crime collectif dilué dans cette même conscience collective et approuvée de tous puisque la décision n’incombe pas directement à chacun d’entre nous, et qui fait qu’il a pu se répéter depuis 1792 quand il est décidé que les exécutions se feront par décollation et que la guillotine, jugée plus sûre et moins cruelle pour le condamné, sera l’outil du supplice.

Le crime fascine jusqu’à entamer des recherches scientifiques pour tenter de déterminer s’il existe un ou des profils physiques et psychologiques du criminel. Les scientifiques pensent donc que le crime peut s’expliquer et le criminel se deviner.

Benedict-Augustin Morel établit alors la théorie de la dégénérescence qui remet en cause ce libre arbitre qui tend à s’effacer avec la naissance de la phrénologie (étude du caractère et des fonctions intellectuelles de l’homme d’après la conformation extrême du crâne, fondée par F.J Gall en 1831, aujourd’hui complètement abandonnée), puis de l’anthropologie criminelle (travaux de Lombroso, naissance de la police scientifique en 1878 avec les bases de l’identification judiciaires, posées par Bertillon) qui voudra démontrer que l’homme, par atavisme, par dégénérescence, par atteinte de ses facultés mentales, peut se révéler comme un criminel-né ou un criminel en puissance, ce qui posera la question de la reconnaissance de la responsabilité du mal et s’il faut punir ou soigner. La science, la presse et son imagerie plus que suggestive, ont fait avancer la vision de la petite et grande criminalité, mais cet étalage de faits-divers répandus dans la population amène aussi cette idée que le crime peut toucher tout le monde et que donc, une forme de punition ou vengeance collective, pas toujours consciemment mesurée, peut mener le meurtrier jusqu’à la guillotine. Sans toutes ces étapes, artistiques, politiques, littéraires, scientifiques, philosophiques, journalistiques, auront été nécessaires sur le chemin de l’abolition de la peine de mort.

 

Victor Hugo (1802-1885)Justitia1857Plume et lavis d'encre brune, crayon et gouache sur papier vélinH. 53,4 ; L. 35 cmParis, maison Victor Hugo© Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet

 

Qui sait si, celle qui ouvre l’exposition, ne fonctionnerait pas encore aujourd’hui ? Victor Hugo qui mena toute sa vie un combat acharné contre la peine capitale (les derniers jours d’un condamné), la définit comme « un crime permanent, comme le plus insolent des outrages à la dignité humaine, à la civilisation, au progrès car toutes les fois que l’échafaud est dressé, nous avons reçu un soufflet », aura quant à lui plaidé pour que l’humanité gagne sur la barbarie qui semble bien être une des caractéristiques humaines… Le crime et le châtiment, c’est bien sûr aussi l’histoire de la justice, et cette dernière n’est pas oubliée avec un espace qui lui est consacré. L’enfermement comme châtiment (car ignorée sous l’ancien régime, la prison devient une sanction en 1791), après le procès et ces caricaturistes (Honoré Daumier, lui-même emprisonné le 31 août 1832 coupable d’impertinence, excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi), ces portraits de juges, cette porte de cellule gravée du passage de chacun des détenus et qui deviendrait presque une œuvre d’art à part entière, mais témoigne avant tout de la privation de liberté. Du mythe fondateur, en passant par l’assassinat de Marat, ou celui de Le Pelletier de Saint-Fargeau (proche de Robespierre), de l’affaire Fualdès (ex procureur assassiné à Rodez) à Lacenaire (le criminel poète), des cannibales de la république de Weimar à la représentation des dites femmes fatales du 19ème siècle qui mènent l’homme à sa perte, de l’histoire de la prison à la scène de crime et aux gueules d’assassins, de l’art de la folie à la machine de Kafka, du surréalisme alléché par le crime à nos jours, rien ne pourra vous laisser insensible. Vous serez touchés, bouleversés ou écœurés, mais rien ne vous laissera indifférent au cours de cette déambulation dans le côté sombre et « anti héros » de l’humain qui laisse éclater cette violence criminelle que les artistes peintres ont certainement fantasmé visuellement de manière plus intense que les écrivains.
Cette exposition appelle aussi à réfléchir sur le combat des abolitionnistes à travers le monde quelque soit le pays, le régime politique en place et la culture concernés. Combat dur qui prendra encore beaucoup de temps. L’histoire de la peine de mort est loin d’être terminée.
« Crime et châtiment », exposition de Jean Clair de l’Académie française et conservateur général du patrimoine, d’après un projet de Robert Badinter, est présentée au musée d’Orsay jusqu’au 27 juin 2010.
Les nombreux et savoureux rendez-vous autour de l’exposition qui vous attendent au musée Orsay, concerts, café littéraire, projection de films, conférences, visites/conférence, activités pour le jeune public, la nuit du crime spécial 18/25 ans et une micro fiction sur Internet seront aussi de très bons soutiens pour s’imprégner encore un moment de cet univers qui a tant fasciner les artistes.


Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.musee-orsay.fr

Pour Lexnews, Evelys Toneg

 

 

 

Musée du Jeu de Paume

William Kentridge, cinq thèmes
du 29 juin au 05 septembre 2010
 

William Kentridge, cinq thèmes
du 29 juin au 05 septembre 2010
Le Jeu de Paume présente, pour la première fois en France, une rétrospective de l’artiste sud africain William Kentridge, organisée par le San Francisco Museum of Modern Art et le Norton Museum of Art.

Né à Johannesburgh en 1955, William Kentridge a d’abord suivi des études de sciences politiques avant de se tourner vers l'art.

Connu essentiellement pour ses films d'animation composés de dessins au fusain, cet artiste travaille aussi la gravure, le collage, la sculpture, la performance et l'opéra. Associant le politique et le poétique, William Kentridge entreprend dans son œuvre graphique, comme dans ses installations et ses films, de dénoncer l'apartheid et le colonialisme : "Je pratique un art politique, c'est-à-dire ambigu, contradictoire, inachevé, orienté vers des fins précises : un art d'un optimisme mesuré, qui refuse le nihilisme."

"William Kentridge, cinq thèmes" s’articule autour des grands thèmes qui ont mobilisé Kentridge depuis les trente dernières années, au travers d'une importante sélection de ses œuvres de la fin des années 1980 jusqu’à nos jours. Mettant l'accent sur ses productions les plus récentes comme Learning from the Absurd : The Nose (2008), l'exposition révèle, pour la première fois en France, le très large éventail de son œuvre.

 

Drawing for the opera The Magic Flute
2004–2005
William Kentridge
Charcoal, pastel, and colored pencil on paper 120 x 160 cm
Collection of the artist, courtesy Marian Goodman Gallery, New York / Paris
© 2010 William Kentridge
photo: courtesy Marian Goodman Gallery, New York / Paris

Invisible Mending
(still), from 7 Fragments for Georges Méliès, 2003
William Kentridge
35mm and 16mm animated film transferred to video,1:20 min.
Collection of the artist, courtesy Marian Goodman Gallery, New York / Paris, and Goodman Gallery, Johannesburg
© 2010 William Kentridge
photo: John Hodgkiss, courtesy the artist

 

 

 

Cette exposition, organisée par
le San Francisco Museum of Modern Art
et le Norton Museum of Art,
a bénéficié du soutien
de la Koret Foundation
et du National Endowment for the Arts.

Commissaire : Mark Rosenthal,
conservateur adjoint au Norton Museum of Art.

"William Kentridge, cinq thèmes"
est présentée au Jeu de Paume,
du 29 juin au 05 septembre.
Neuflize Vie, mécène principal du Jeu de Paume,
soutient cette exposition.

 

 

CORPS ET DECORS - RODIN ET LES ARTS DECORATIFS

Musée Rodin

16 AVRIL 2010 - 22 AOÛT 2010

Rodin, Carrier-Belleuse, Piédestal aux Titans,
céramique émaillée - Vers 1879-1880 – Musée Rodin
© musée Rodin - photo : Christian Baraja


La nouvelle exposition du musée Rodin est consacrée aux arts décoratifs et à la décoration monumentale. À travers le thème « Corps et décors », nous est dévoilée une dimension inconnue de l’œuvre d’Auguste Rodin, maître de ces lieux, dont on oublie trop facilement qu’il a commencé sa carrière comme sculpteur ornemaniste. Formé à la Petite École de dessin et d’architecture, Rodin a travaillé dans l’atelier de Carrier-Belleuse dès 1870. Il participa à plusieurs chantiers de décorations monumentales comme la Bourse de Bruxelles, le théâtre des Gobelins ou encore les fontaines du Trocadéro. On savait déjà que Rodin avait aussi réalisé des masques et autres mascarons de façades que l’on peut admirer sur certains monuments de Paris. Intégrant la manufacture de Sèvres en 1879, il y produit de nombreux vases décorés. L’art ornemaniste est trop souvent relégué à un rang mineur dans l’histoire de l’art, bien que de très grands artistes s’y soient essayés et même y ont trouvé leur mode privilégié de création. « L’ornement n’est pas un crime », rappelle avec humour François Blanchetière, commissaire de l’exposition et superviseur du catalogue. L’exposition « Corps et décors » propose justement un parcours et une réflexion sur la place qu’a occupée Auguste Rodin dans l’univers des arts décoratifs et de la décoration monumentale. À travers toutes les œuvres exposées, l’exposition ouvre aussi le débat sur nombre de questions caractéristiques de la fin du 19e siècle comme l’unité des arts, le dépassement des styles historiques, la valeur ornementale d’une œuvre… Rodin, fort de son expérience d’artiste ornemaniste conduit des recherches sur les matériaux et les changements d’échelle, revisitant ainsi ses propres créations. Le parcours de l’exposition nous permet de revivre, entouré « d’œuvres clés », ce à quoi Rodin lui-même, en son temps, fut confronté.
« L’œuvre d’Auguste Rodin est pareille à un monde immense, et son génie évoque l’idée d’une force naturelle dont la puissance créatrice emprunte, pour se manifester, tous les verbes de l’art. », écrivait Roger Marx dans son livre « Rodin céramiste – 1907 ». Cet aspect, peu étudié de l’œuvre de Rodin, était considéré jusqu’à peu, plus comme des travaux alimentaires de jeunesse bien que Rodin ne cessa jamais d’y consacrer une part de son activité. Bustes décoratifs, cariatides, vases et essais d’émaillages, croquis, œuvres originales pour ses mécènes, recherches pour la Porte de l’Enfer, dans tous les cas, c’est le corps humain qu’il étudiait, tant par le dessin (de très beaux dessins sont exposés en introduction de l’exposition), en modelage, sur papier comme dans la terre, le plâtre, le marbre, les bronzes, la porcelaine, le grès ou la pâte de verre. Les 165 œuvres sélectionnées, de toutes tailles et de toutes matières, pourraient nous donner le tournis…

Or, le parcours de l’exposition est tout à fait évolutif, suivant le choix des 5 grands sujets traités ici. Le premier espace introduit avec de nombreux dessins préparatoires au travail d’ornemaniste de Rodin en passant par les mécènes et collectionneurs de l’époque ; Maurice Fenaille et Joseph Vitta en étaient les principaux avec leurs commandes monumentales, et laissent deviner à quel point ils souhaitaient intégrer Rodin dans leur cadre de vie.

Pour arriver à la création libre de cet artiste d’exception, la mise en espace de cette exposition, laisse l’esprit flâner, le regard n’est pas agressé et se laisse volontiers attiré par de délicats essais de cuissons d’émaux, de petits plâtres, des morceaux d’architecture complexe, des études, des esquisses et autres croquis d’œuvres monumentales que l’on découvre être celles du maître. Cette façon de revisiter les œuvres parfois retravaillées à différentes échelles, montre bien que la création ne saurait être figée dans le temps, et que si Rodin lui-même s’amusait à cet exercice, peut-être est-ce justement pour prouver également qu’il lui restait toujours beaucoup de recherches à mener autour de ses propres réalisations. « Comme à son habitude, Rodin semble s’être investi avec passion dans ce nouveau domaine de création qui s’offrait à lui, et les liens profonds de ses décors pour Sèvres avec ses dessins, ses gravures et ses sculptures montrent qu’il est réducteur d’essayer de comprendre chacun de ces champs d’expression artistique indépendamment des autres. Toutefois, il est probable que l’œuvre céramique de Rodin aurait été plus vaste et plus aboutie sans la lenteur paradoxale de ce modeleur virtuose qui avait le plus grand mal à mettre un point final à ses œuvres. » Ce qu’écrit là, François Blanchetière, dans le catalogue de l’exposition, traduit bien ce que l’on ressent en sortant de ce lieu lumineux.

 

Rodin, Projet de vase décoratif, bronze
Vers 1890 - Musée Rodin
© musée Rodin – photo : Christian Baraja


Vous avez donc jusqu’au 22 août pour découvrir cette partie de l’œuvre d’Auguste Rodin, au musée Rodin même, et vous plonger dans l’univers de l’artiste belge Wim Delvoye qui expose sa cathédrale dans la cour d’entrée et quelques œuvres tout à fait étonnantes au 1er étage de l’hôtel Biron.

Une plaquette spéciale « carnet de jeux » pour les enfants permet de découvrir et de chercher quelques indices, éveillant l’observation des plus jeunes guidés ou pas de leurs parents…
Des visites-conférences, des rencontres, une journée d’étude (prévue autour de l’exposition le jeudi 20 mai 2010) sont organisées pour compléter les visites et répondre à la curiosité des visiteurs.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.musee-rodin.fr

Catalogue de l’exposition «Corps et décors – Rodin et les arts décoratifs» - sous la direction de François Blanchetière et William Saadé.
Editions musée Rodin et Alternatives et Gallimard éditions.
Format 24,5 cm X 30 cm.
272 pages – 340 illustrations.
Et le carnet de l’exposition « Rodin. Corps et décors »
En partenariat avec Beaux Arts magazine
Format 16,5 cm X 24 cm
48 pages

Pour Lexnews, Evelys Toneg

 

 

 

 

Autres maîtres de l'Inde * Créations contemporaines des Adivasi

musée du quai Branly
 

 

 


C’est jusqu’au 18 juillet 2010 que le musée du quai Branly accueille, dans la galerie jardin, une exposition événement tout à fait remarquable « Autres Maîtres de l’Inde * Créations contemporaines des Adivasi ». Dépaysement et surprises assurés pour tous ceux et celles qui iront s’immerger dans les différents Arts traditionnels, populaires et tribaux trop peu connus des Adivasi. Les Adivasi ne sont pas un peuple que l’on aurait découvert récemment après des années de recherches d’archéologie, d’anthropologie et d’ethnologie ! Non ! Adivasi veut dire les premiers habitants, en sanskrit. A l’écart des castes et des communautés hindoues les plus importantes et reconnues par le gouvernement indien et sa constitution, vivent encore aujourd’hui des peuples isolés dans les montagnes, les forêts, loin des mégapoles indiennes, détenteurs de traditions séculaires et des pratiques culturelles subtiles. Cette exposition évoque l’art et la culture visuelle des communautés de l’Inde rurale qui compte aujourd’hui soixante millions d’hommes et de femmes répartis sur l’immensité du territoire. « Autres Maîtres de l’Inde » fait référence aux artistes tribaux et populaires marginalisés, académiquement et politiquement, par ceux qui gèrent et étatisent quelque peu l’art.
Loin d’être des produits commerciaux, bien qu’ils l’aient été et que des économies locales aient pu se développer grâce à ces productions, cette exposition propose un voyage géographique et visuel à travers la créativité rurale et tribale, de la tradition à la contemporanéité, voyage qui montre les mutations d’identité sous l’influence d’une modernité pénétrant le quotidien des populations rurales par diverses voies de contact et de communication. Cette exposition explore la nature de ces voies et la façon dont les individus assument l’arrivée de cette modernité dans leur culture orale et visuelle, et c’est par le transfert de cette mutation culturelle que les artisans de toutes ces populations intègrent la sphère artistique, nous explique Jyotindra Jain, commissaire général de cette exposition. Historien d’art et anthropologue dans les cultures populaires de l’Inde, il a été remarqué pour ses travaux novateurs en muséologie notamment le nouveau souffle qu’il a donné aux arts traditionnels et à l’artisanat de l’Inde y compris celui des zones tribales. Il enseigne actuellement à la « School of Arts and Aesthetics » à l’université de New Delhi. Les pièces exposées, photographies, sculptures en bois Bhuta, gravures, figurines miniatures, peintures Rathava, poteries et bas-reliefs d’argile des femmes Chgattisgarh, bronzes Bastar…et autres documents d’archive offrent une palette de couleurs et de matières tout à fait exceptionnelle.

C’est en suivant un parcours géographique traversant onze régions que l’exposition « Autres Maîtres de l’Inde » nous fait découvrir les caractéristiques de chacun des univers artisanal et artistique des peuples Adivasi.
Le ton est donné. De monumentales et impressionnantes sculptures, pièces artisanales d’Ayyanar commandées spécialement à l’occasion de cette exposition, accueillent les visiteurs dans les jardins et à l’entrée principale du musée.
Ce voyage commence par un espace consacré à la représentation des communautés tribales sur lithographies, gravures, films, photographies, sorte de panorama historique des différents regards portés sur les peuples autochtones des campagnes et des sociétés tribales en Inde qui s’appuie sur des documents ethnographiques où l’on peut voir que les Adivasi étaient observés, étudiés et même classifiés comme des « indigènes exotiques ». La description de l’identité tribale qui a caractérisé ces clichés anthropologiques du début du siècle est aujourd’hui au cœur de la photographie contemporaine et le travail de Dayanita Singh fixant dans ses clichés la vision que les musées indiens donnent aux Adivasi ou celui de Pablo Bartholomew qui s’intéresse à ceux que les Adivasi transmettent d’eux-mêmes, en sont des exemples concrets. La scénographie de Stéphane Maupin, très lumineuse, joue sur différents espaces qui ne sont pas séparés puisque les Adivasi sont tous indiens et chaque genre d’objet est savamment mis en valeur sur différents niveaux. Le regard passe ainsi de pièces en bois sculptés Butha assez grandes à des figurines Kondh en passant par des fenêtres ajourées comme de la dentelle avec leurs petits personnages assis, peintes de couleurs vives, et encore des chevaux et vaches géants, tissus tendus et toiles de toutes dimensions ; le regard et les sens sont sollicités de toutes parts et le voyage est réussi.
Un second espace réunit les peuples représentés à travers leurs productions artistiques, rituelles et matérielles. Partons en Inde du sud dans l’état du Karnataka où pour jouir d’une bonne santé, de prospérité, mais aussi pour éviter le courroux des esprits fâchés (esprits des ancêtres, des parents et même des animaux disparus), il faut pratiquer le culte des Butha. Parfois représentées par une niche vide, par un piédestal avec ou sans masque, ou image de métal, des pierres brutes, des flèches et des poignards en bois ou en métal, ou encore par des formes anthropomorphes et animales, les sculptures en bois du culte Butha sont les demeures d’esprits traditionnellement sculptées par les menuisiers dans du bois de jaquier et de grandes dimensions. On les trouvera principalement dans les sanctuaires, les maisons ou les lieux communautaires, dans les champs, à la périphérie des villages voire aussi dans les grandes villes. Au sud-est de l’Inde, les habitants des îles Nicobar créent des sculptures liées à la tradition orale et au mythe des origines des Nicobarais, quand ils habitaient les royaumes de la mer, de la terre et du ciel, qu’ils traversaient via la sphère magico-religieuse. Dans les maisons, les esprits des ancêtres de la famille habitent les sculptures et font partie intégrante du cadre domestique, vivant en harmonie avec ceux des deux mondes, représentés par les images comme les planches Hentakoi, panneaux de bois peints réalisés avec des couleurs organiques évoquant les éléments naturels et les ancêtres, soleil et lune. Ce sont des repères tangibles dans un monde animiste et rempli d’esprits. Toutes ces productions permettent d’établir un lien avec l’espace-temps dont les frontières sont perméables. Eclairée par des sources de lumière très contemporaines et ludiques, une série de figurines et objets de culte en métal des groupes Kondh (région d’Orissa) et Gond (région Chhattisgarh) vivant éparpillés sur d’immenses forêts, illustre par dizaine de miniatures, les rites de chaque étape de la vie, de la naissance à la mort. Rien n’est plus impressionnant que les productions artistiques des « terracotta », gigantesques figures de terre (aujourd’hui en ciment et béton) de plusieurs mètres de hauteur et aux couleurs vives et voyantes, figures votives offertes par les fidèles en remerciement de la protection d’Ayyanar, dieu qui mène sa chasse nocturne contre les esprits maléfiques avec son cortège de chevaux et de guerriers. Ces œuvres sont réalisées par les potiers Kusavan et Velar du Tamil Nadu qui sont également prêtres du culte Ayyanar. Sont représentés des chevaux, des vaches, des bœufs et des éléphants, des chiens, des gardes et des guerriers ; on trouve ces géants colorés au centre des sanctuaires à ciel ouvert consacré au culte du dieu. Dans l’Inde centrale, les murs racontent des histoires ! Les fermiers de la région de Sarguja ont coutume de fabriquer de grands récipients d’argile qu’ils agrémentent de reliefs rehaussés de motifs colorés. On trouve dans les cours et les maisons de ces villages, des réalisations faites par les femmes, véritables univers de motifs décoratifs, de personnages humains, de dieux, d’animaux, d’oiseaux. Spécialement pour cette exposition, les artistes Sundaribai et Pavitra Prajapati ont réalisé des fenêtres et panneaux muraux dont l’imagerie est liée à leurs vies, leurs enfances, aux rites de passage dans la vie des femmes, et renvoient à leurs souvenirs personnels ainsi que ce qu’elles ont découvert à travers le monde. Aujourd’hui leurs œuvres sont reconnues dans celui de l’art. Signalons le panneau aux singes d’une beauté sensible et très élaborée. Seuls les potiers de Molela, un village situé près de Nathadwara, (ouest de l’Inde) peuvent réaliser ces plaques de terre cuite, initialement destinées au culte que l’on trouvait dans les petits sanctuaires consacrés aux ancêtres disparus, aux héros et aux satis (veuves qui se sont immolées), mais aussi aux dieux et déesses locaux représentés en relief et sous leur forme anthropomorphe sur ces plaques de terre cuite.

Khermraj, artiste disparu trop tôt, fût le premier à créer des panneaux à caractère narratif et à usage profane, racontant ainsi l’évolution de son village vers la modernité se libérant aussi de la vocation rituelle créant une œuvre plus individuelle. De ce magnifique panneau réalisé avec des dizaines de plaques de terre cuite, il émane une grande douceur et une précision d’exécution. Dans les montagnes et les forêts de Vadodara et Panchmahal, au Gujarat, (dans l’ouest de l’Inde), vit un grand nombre de tribus rathava. Pithoro est une de leurs divinités majeures qui joue un rôle capital dans le mythe de la création et pour le remercier, les hommes de la communauté réalisent des peintures colorées qui représentent l’empire céleste des dieux. Ces peintures sont traditionnellement réalisées sur des murs de terre, mais pour l’exposition « Autres Maîtres de l’Inde », les artistes ravatha les ont produites sur des toiles. C’est donc un immense privilège que de pouvoir les admirer au musée du quai Branly et d’y voir se mélanger, et le contexte mythique et les éléments typiques de l’époque actuelle. La qualité des couleurs, le bleu, les ocres, les verts sont d’une grande subtilité. Toujours dans l’ouest de l’Inde, la communauté nomade Waghri du Gurajat a réalisé une tenture de cinq mètres de long que l’on appelle Mata-ni-Pachedi (Mata : déesse, ni : appartenir à, Pachedi : derrière). Les étoffes étaient rectangulaires et divisées en neuf colonnes, se rapprochant du format d’un manuscrit et permettait la lecture du récit conté dans la composition, de haut en bas et de gauche à droite. Chaque colonne contenait sa propre histoire et le tout formait le « protomythe ». Ces textiles imprimés étaient bordeaux et noir, et la surface du tissu constituait une troisième couleur. Les motifs linéaires sont composés d’une imagerie pointilliste. Traditionnellement, la symbolique des couleurs était très importante puisque le bordeaux était associé à la déesse Terre, le noir servait à repousser les mauvais esprits et augmentait l’énergie spirituelle, et le blanc représentant la pureté était un intermédiaire entre les hommes, les esprits ancestraux et les divinités. Cette forme d’art traditionnel est une véritable rareté. Les Santhal, peuple animiste, minoritaire, vivant en petits groupes isolés à l’est du continent avaient leur propre religion appelée Sarna. Les Santhal, de tradition orale (pas de système d’écriture avant 1920) et croyant profondément au caractère éphémère des choses (notamment la beauté sous toutes ses manifestations) vivant dans un monde magico-religieux, peuplé d’esprits, d’animaux, de montagnes qui touchent à la divinité aux côtés d’autres figures anthropomorphes. Leurs rituels s’expriment par la musique et la danse, et il n’est guère surprenant de retrouver la délicatesse des mouvements et des sons dans les bas-reliefs sculptés sur les instruments de musique ou sur les rouleaux de papier illustrés par les Jadupatua (peintres magiques) ou se déroule l’histoire de leur mythe de création. Les sculptures sur bois, instruments de musique, rouleaux, masques racontent différents mythes fondateurs de leur culture. Mais dans les villages montagneux du nord-est, vivent des communautés guerrières repliées sur elles-mêmes qui sont représentées dans cette exposition à travers des bijoux, des vêtements d’apparat, des sculptures de guerriers en bois et autres tenues guerrières. Egalement de tradition animiste, les Naga voyaient dans leurs rituels une façon de comprendre le monde en perpétuelle transformation. Leur créativité artistique est aujourd’hui encore, très inspirée de leur tradition orale et du mythe des origines. Les Naga accordent une importance majeure à l’égalité entre hommes, guerriers, protecteurs et femmes et cet aspect de leur vie culturelle et sociale se retrouve dans leurs art, sculpture et sculptures guerrières d’une part et bijoux et textiles d’autre part.

 

figurine votive © musée du quai Branly photo Thierry Ollivier et Michel Urtado


Un troisième et dernier espace est consacré à une série de peintures populaires contemporaines qui nous fait découvrir les nouvelles voix de la peinture tribale actuelle. Depuis une trentaine d’années, les artistes comme Bhuridai, Anand Shyam, Deep Shyam et Nankusia Shyam, ici exposés, se sont installés en ville et le processus d’assimilation du monde tribal dans l’univers attitrant des grandes villes se dévoile dans les œuvres de ces jeunes artistes. Cette expérience de vie citadine et la découverte de matériaux nouveaux et du concept du marché de l’art leur ont ouvert de nouveaux horizons d’expression visuelle. Les toiles exposées, fameux mélanges des représentations de la ville et de l’univers mythologique des communautés donnent un ton joyeusement coloré et plein de vie, voire d’humour aux sujets traités que l’on pourrait qualifier d’ère postethnique. Comme deux invités mis à l’honneur, les artistes Jivya Soma Mashe et Jangarh Singh Shyam, sont connus mondialement et présents au plus haut niveau du marché de l’art. Jivya Soma Mashe est originaire de la tribu warli. Il a commencé à peindre tout petit (âgé aujourd’hui de soixante-quinze ans) alors que cet art était celui que les femmes se transmettaient de mère à fille. Grâce à lui, peindre est devenu un moyen d’expression artistique pour les hommes de sa communauté. A partir des années soixante-dix, il explora des thèmes plus narratifs que l’iconographie traditionnelle avec, comme il le dit dans un document filmé, l’envie de peindre ce qu’il voit dans les champs, aux bords des rivières, à la chasse, bref des scènes narratives jusqu’à celles de ses voyages personnels. Son travail et sa technique, inspirés des peintures traditionnelles des aborigènes d’Australie (support naturel – enduit à base de bouse de vache, dessins au trait à l’aide d’un bâtonnet et peinture blanche – anciennement à base de farine de riz mais aujourd’hui acrylique), se caractérisent par une construction singulière de l’espace pictural, divisé en son centre de façon horizontale, verticale ou diagonale où chaque personnage, chaque élément végétal, minéral ou animal y trouve sa juste place, dans une minutie et une délicate harmonie de pleins et de vides. L’œuvre de Jivya Soma Mashe est certainement intemporelle et c’est ce qui touche l’âme. Jangarh Singh Shyam, jeune peintre de la tribu des Pardhan Gond, mort prématurément à trente-sept ans, laisse à ses contemporains, une œuvre colorée à souhait. Installé à Bhopal où il découvre l’art moderne indien, il est le premier à exploiter cette forme artistique (toile de grande dimension, peinture acrylique, mélange de sujets) pour exprimer dans un style pointilliste à motifs géométriques des événements très personnels. D’autres peintres de sa tribu s’en inspirent et nait alors le style collectif « peinture gond ». Il peint les légendes de sa communauté tout en y intégrant des images de son environnement urbain. Dès son arrivée à Bhopal dans les années soixante-dix et jusqu’à sa mort, au Japon, en deux mille un, il a été un artiste reconnu. Ses toiles exposées au musée du quai Branly dans le cadre de l’exposition « Autres Maîtres de l’Inde » sont un bel hommage à sa créativité et à son œuvre inachevée.
Ainsi que le souligne très justement Stéphane Martin, le président du musée du quai Branly, il y a encore peu de temps, seules les grandes civilisations étaient accueillies dans les musées… Aujourd’hui et avec des initiatives comme celle-ci, la création vivante de peuples autochtones jusqu’alors méconnus sort de l’ombre et grâce aux talents réunis des artistes représentés ici, « Autres Maîtres de l’Inde » érige l’art tribal et populaire au rang d’art mondial, patrimoine commun de l’humanité.
Cette promenade à travers ces arts aux couleurs d’épices, aux matières simples, ces artistes inspirés par la nature et leurs regards sur leurs cultures prises dans le tourbillon du modernisme, nous laisse l’âme rêveuse, les yeux pleins de lumière et le cœur en fête. C’est donc une invitation à aller voir cette très belle exposition.

Autour de cet événement, vous pourrez voir des spectacles, films, des concerts, ateliers de création et assister à des conférences, dont les thèmes et les dates sont disponibles sur le site du musée.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.quaibranly.fr ou sur contact@quaibranly.fr
 


Evelys Toneg

 

 

 

Qumrân. Le secret des manuscrits de la mer Morte
du 13 avril 2010 au 11 juillet 2010

BnF François-Mitterrand / Grande Galerie

© École Biblique de Jérusalem

 

Un bédouin, Mohammed dit « le loup », découvre en 1947, dans une grotte de Qumrân, au bord de la mer Morte, sept rouleaux de cuirs écrits en hébreu. C'est ainsi que débute la plus importante et incroyable aventure archéologique du XXe siècle.Entre 1947 et 1956, bédouins et archéologues se livrent à une véritable compétition et découvrent onze grottes, de nombreux rouleaux des livres de la Bible dont certains intacts et des milliers de fragments vieux de plus de 2000 ans. On découvre aussi des documents anciens témoignant de l'existence d'une secte inconnue, contemporaine des manuscrits. Les hommes y respectaient des règles strictes de pureté. Ils vivaient dans l'attente du Messie et se préparaient à la guerre : à la fin des temps, conduit par un maître de Justice, ils vaincraient à tout jamais le Maître d'Iniquité. Les scientifiques tentent encore de répondre aux questions que soulève cette incroyable découverte. Qui étaient les habitants de Qumrân ? Les manuscrits leur appartenaient-ils ? Pourquoi l'accès aux manuscrits découverts à Qumrân fut-il limité ? Le grand public aussi s'enflamma pour le sujet : pourquoi mit-on autant de temps à divulguer le contenu des rouleaux ? Les manuscrits dévoilent-ils des épisodes inconnus de la vie de Jean le Baptiste ou de Jésus ? Pourquoi sont-ils encore aujourd'hui source d'ardentes polémiques ? Retour sur la découverte et un demi-siècle de recherche qui a permis et permet encore de renouveler notre connaissance de la naissance de la Bible.

 

Deutéronome
Écriture judéenne
Cuir, ier siècle
BNF, Manuscrits, hébreu 1427 (plaque II)
Manuscrit 4, fragment 9
© BNF / Photo Bruce et Kenneth
Zuckerman, Marilyn Lundberg, and
John Melzian, West Semitic Research

 

 

 

 

 

 

 

 

Printemps 1947, des Bédouins Taamiré
découvrent les premiers manuscrits
Mohammed edh-Dhib (à gauche) est le berger
qui découvre les premiers manuscrits de Qumrân.
© Ecole biblique et archéologique française
de Jérusalem

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Informations pratiques
BnF : Site François-Mitterrand
mardi - samedi de 10h à 19h
dimanche de 13h à 19h
sauf lundi et jours fériés

 

 

 

 

« Proust, du temps perdu au temps retrouvé, lettres et manuscrits »

Musée des lettres et manuscrits



Le propre d’une lettre est de voyager souvent loin de son port d’origine. Un manuscrit traverse lui aussi de nombreuses mues pour finir également loin du lieu qui l’a vu naître. Le musée des lettres et manuscrits, qu’il faudra plus commodément nommer « mlm » est le sanctuaire de ces trésors enfin réunis en un lieu digne d’eux. C’est en effet dans un bel immeuble haussmannien mâtiné de style Eiffel que ces précieuses missives ont trouvé un lieu de repos bien mérité… Repos ? Ce n’est pas si sûr car dés l’inauguration de ce musée habillé de neuf, ces documents voués à l’éternité littéraire, musicale, scientifique ou artistique vont avoir une tâche délicate : nous livrer quelques uns de leurs mystères dans une scénographie faite d’acier, de bois et de verre, à la fois sobre et en même temps très réussie !

 

 

A l’Ombre des jeunes filles en fleurs. placard d’épreuves corrigées de 1914, placé par Proust dans un exemplaire de l’édition de luxe de 1920.

 

Mythique placard de Proust, parmi les plus développés connus, de A l’Ombre des jeunes filles en fleurs. Un extraordinaire témoignage du travail de réécriture que Proust mena sur son roman pendant la guerre. Alors que les premières épreuves des Jeunes filles avaient été imprimées en 1914 pour Grasset, la guerre retarda la publication du livre. Proust entreprit alors, de 1914 à 1918, un immense travail de relecture qui l’amena à corriger et à amplifier formidablement son texte. A la demande de Gide, Proust rejoignit finalement la M.R.F en 1916, et l’ouvrage parut chez cet éditeur en 1918. Ces placards comportent encore d’innombrables variantes par rapport au texte définitif. Très exceptionnel exemplaire complet de ses placards d’épreuves corrigées, et conservé tel que paru en feuilles dans son rarissime portefeuille d’éditeur.

 

 

 

 

 

 

L’invité d’honneur de ces nouveaux lieux ne pouvait être qu’un grand nom des lettres et Marcel Proust fut tout trouvé. Ses lettres et autres manuscrits, billets, placards et témoignages nourrissent la première exposition temporaire de ces lieux. Il faudra se munir de ses lunettes et réserver une plage suffisante dans son emploi du temps à deux pas du Flore et des deux Magots

C’est en effet bien du temps dont il est question lorsque le visiteur aborde l’un des monstres sacrés d’une littérature toute accaparée par cette recherche d’un temps perdu et d’un temps retrouvé. Le cheminement est long chez l’écrivain et c’est dés ses premières années que la matière de la Recherche se constitue, se compose et commence à prendre vie.

L’auteur de tous ces témoignages réunis devant nos yeux ébahis est une personnalité d’une rare sensibilité qui imprègne chaque ligne de ces missives. C’est dans cet encrier de larmes et de sourdes angoisses que Proust aime à tremper la plume qui court sur toutes sortes de papiers. Quatre-vingt-six lettres (dont une trentaine inédites !) et des envois autographes offrent aux témoins de notre XXI° siècle une fenêtre sur l’univers d’un écrivain de cette fin du XIX° siècle. Que d’attentions et de prévenances, qui n’empêchent pas des fourberies et autres traits cyniques, courants dans cette société parisienne sans concessions. Proust y puisera toute la matière pour son immense épopée tout en entretenant des relations étroites avec certains de ses contemporains amis des lettres, écrivains ou artistes.

Gérard Lhéritier, maître des lieux, insiste pour que nous regardions cette correspondance avec un autre regard « Au-delà du personnage mondain, apparaît un homme plus sensible que vaniteux, en constante recherche d’affections de ses proches » et le président de ce très beau musée a vu juste. Pour mieux comprendre Proust, la découverte de sa correspondance éclaire l’écrivain et son œuvre. Ce Proust « retrouvé » constitue une part indispensable à la pleine compréhension de la Recherche : « Je suis aussi peu homme du monde que possible et n’ai pas partagé pendant la guerre le dilettantisme presque germanophile du faubourg Saint-Germain. Vous verrez cela dans Le Temps retrouvé où on comprend que c’est parce que M. de Charlus était hessois de famille qu’il parle avec tant d’ironie de Mangin etc. Je crois qu’il y a là tout un chapitre avec vin neuf dans de vieilles outres. » (Proust à Madame Léon Daudet, n° 81).



 

Le musée a publié à l’occasion de l’exposition Proust avec les éditions des Equateurs un très beau catalogue qui réunit ces documents inédits autour de Marcel Proust. L’heureux lecteur y retrouvera les lettres et les manuscrits littéraires avec leur retranscription permettant ainsi de les relire après leur découverte dans l’exposition. Illustré par de nombreuses photographies, cet ouvrage sera le compagnon des amoureux de Proust et des belles lettres !

 

 

 


Adresse
222, boulevard Saint-Germain, 75007 PARIS - FRANCE
Téléphone : 01 42 22 48 48
Fax : 01 42 25 01 87
Horaires d'ouverture
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu'à 20h

 

www.museedeslettres.fr

 

 

 

Une chronique de Bertrand Galimard Flavigny

"Les passagers du vent et les esclaves." Une rétrospective au musée de la Marine.

 

 

L’une des bandes dessinées parmi les plus mythiques de son histoire trouve sa consécration au musée de la Marine.

« A l’origine, je ne pensais pas réaliser une histoire purement marine, sans songer composer une histoire consacrée à la traite négrière », confie François Bourgeon auteur et illustrateur qui a imaginé cette histoire des « Passagers du vent » vers la moitié des années 1970, sans imaginer qu’elle deviendrait l’une des plus mythiques de celle de la bande dessinée marine et de la BD tout court, car elle rompt les digues qui la séparait de la littérature. Quatre albums devaient suivre jusqu’en 1984, puis plus rien. Le récit s’achève lorsque l’héroïne, dépouillée de tout, s’élance, sous la pluie, sur une plage de Saint-Domingue, le vendredi 29 mars 1782, en disant : » Ce jour-là, j’ai failli oublier que je n’avais, sommes toute, que dix-huit ans…et encore toute la vie devant moi ». Vingt-cinq ans plus tard, François Bourgeon vient de donner une suite à ces Passagers du vent, sous le titre La Petite-fille Bois-Caïman (1).
Le musée national de la Marine (2) présente aujourd’hui des planches originales, des objets et maquettes sortis de l’atelier de cet auteur qui a connu la mer et surtout les bâtiments de haut bord et autres navires, en lisant Le vaisseau de 74 canons, traité pratique d'art naval, 1780 par Jean Boudriot (3). Cet ouvrage est pratiquement le seul qui explique et décrit d’une manière précise l’architecture, la composition de ce type de vaisseau de ligne et également la vie à bord. « En refermant le livre, j’ai éprouvé le désir, comme lorsque l’on vient d’assister à un bon film et que l’on incite ses amis à aller le voir, de partager cet univers », dit François Bourgeon. Sans coup férir, il réalisa une maquette de la frégate baptisée « La Marie-Caroline » afin d’en apprendre et les gréements. Entre temps, il eut entre ses mains l’ouvrage de Pierre Verger, Flux et reflux de la traite des nègres entre le golfe de Bénin et Bahia de Todos Os Santos du XVII° au XIX° siècle ». C’est ainsi que s’est orienté son récit. Il découvrit dans les archives coloniales, rue Oudinot, à Paris, le plan du fort de Saint-Louis de Juda, réalisé en 1776 par l’abbé Bullet. Relevant leurs cotes, il les a reproduits en maquette, notamment pour étudier les ombres, utilisant si besoin était, des miroirs afin de suivre le déplacement des personnages. François Bourgeon est un grand lecteur qui ne cesse de croiser et recroiser les informations qu’il glane çà et là. Les maquettes font partie de ces croisements. Retrouvant des aquarelles figurant les plantations de la Louisiane au milieu du dix-neuvième siècle, l’illustrateur a su placer son décor principal de La Petite-fille Bois-Caïman.

L’histoire des Passagers du vent est double. Elle est celle d’Agnès de Roselande dont l’identité a été volée à cause d’un jeu d’enfants. Devenue, malgré elle Isabeau, dite Isa, elle se retrouve embarquée sur un vaisseau du roi. Les aventures mèneront la jeune femme en Angleterre puis en Afrique et enfin à Saint Domingue, avant que nous la retrouvions, en présence de son arrière-petite-fille, en Louisiane, au moment de la Guerre de Sécession. Nous sommes en présence d’un roman dans lequel les femmes jouent le principal rôle au centre d’un conflit qui dura, celui de la traite des noirs, jusqu’à sa suppression. François Bourgeon conduit son récit avec des allers et retours, fournissant au lecteur les explications qui lui semblent manquer un moment. Rien de linéaire chez lui, il mène pourtant à bien sa bataille pour la liberté. Les deux derniers tomes composés dans un format plus grand que celui des cinq premiers, et grâce aux nouvelles techniques avec une colorisation plus intense, et un jeu de vignettes superposées, sont, le mot n’est pas trop fort, remarquables.

© Bertrand Galimard Flavigny

(1) les Passagers du vent, « la Fille sous la dunette », « le Ponton », « l’Heure du serpent », « le Comptoir de Juda », « le Bois d’ébène », - La Petite-fille Bois-Caïman, livre 1, et 2, 70 p. ,Editions 12Bis,
(2) Musée national de la Marine, place du Trocadéro, Paris, jusqu’au 3 mai 2010.
(3) Ed. Ancre (Nice) 4 to. 416 €.

On peut lire aussi : Bourgeon, par Christian Lejale, Ed. Imagine & Co -
– François Bourgeon, le passager du temps, par François Cortegianni, Glénat

 

 

Retrouvez cette chronique

sur le Blog de Bertrand Galimard Flavigny

 

 

 

 

Musée de la Vie Romantique

Frédéric Chopin. La Note bleue. Exposition du bicentenaire
Du 2 mars au 11 juillet 2010

Eugène Delacroix (1798-1863)
Frédéric Chopin – 1838
Huile sur toile - Musée du Louvre, département des Peintures, Paris



Dans le cadre de la célébration du bicentenaire de la naissance du compositeur, le Musée de la Vie romantique présente un important hommage à Frédéric Chopin (1810-1849). Conçu spécifiquement pour la maison de la rue Chaptal où Chopin se rendait en voisin et ami, cet hommage sera une évocation de ses années parisiennes (1831-1849).
Il s’agira de créer une atmosphère qui soit la transcription plastique du climat à la fois historique, esthétique et poétique où s’est épanoui le génie musical de Chopin. Entre littérature, peinture et musique, l’exposition se propose de faire jouer une gamme de correspondances, d’entrer en résonance avec une couleur – celle de la note bleue que Delacroix et George Sand entendent chez Chopin. De l’espace musical à l’espace pictural, cette note bleue jouera comme la réverbération d’une intériorité, d’un champ de force (comme on dit d’un champ de force magnétique) où résonne toute la puissance poétique de l’exil, de la patrie à la fois perdue et retrouvée. En somme interpréter pour mieux incarner…

L’exposition regroupe quelque quatre-vingt dix peintures, sculptures et dessins de Chassériau, Clésinger, Corot, Courbet, Delacroix, Scheffer… prêtés par les principaux musées français : Louvre, bibliothèque-musée de l’Opéra - BNF, Carnavalet, Petit Palais, ainsi que Nantes, Rouen, Arras, Montauban et le prestigieux Metropolitan Museum of Art, New York et de nombreuses collections privées.

 

 

« …les phrases, au long col sinueux et démesuré de Chopin, si libres, si flexibles, si tactiles, qui commencent par chercher et essayer leur place en dehors et bien loin de la direction de leur départ, bien loin où on avait pu espérer qu’atteindrait leur attouchement, et qui ne se jouent dans cet écart de fantaisie que pour revenir plus délibérément – d’un retour plus prémédité, avec plus de précision, comme sur un cristal qui résonnerait jusqu’à faire crier – vous frapper au coeur ».
Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, Pléiade, 1987-1989, 4 vol. I, p. 326

 

Musée de la Vie romantique
Hôtel Scheffer-Renan
16, rue Chaptal
75009 Paris
Tél : 01 55 31 95 67
www.vie-romantique.paris.fr

Accès :
- Métro : St Georges (12), Blanche (2), Pigalle (2, 12), Liège (13)
- Bus : 74, 67, 68
- Vélib' : rue Chaptal
Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h. NOCTURNE LE JEUDI JUSQU'A 20H
Fermé le lundi et les jours fériés

 

 

 

 

LA FABRIQUE DES IMAGES

Musée du Quai Branly

jusqu'au 17 juillet 2010

 



Comment voyons-nous le monde ? Comment vois-je le monde qui m’entoure, mon monde et celui de ma culture ? C’est en ces termes que je me suis immergée dans le parcours de l’exposition « la Fabrique des images » actuellement au musée du quai Branly, Mezzanine Ouest. Etonnant parcours anthropologique à travers les quatre grandes visions du monde qu’ont les humains de tous les continents, de toutes les cultures. Ce sont quatre grands modèles iconographiques créés par l’homme qui nous ouvrent aux regards et à l’interprétation du monde des hommes d’Afrique, d’Alaska, d’Amazonie, d’Australie, d’Amérique du nord et de l’Europe des 15ème et 16ème siècles. Nous sommes alors invités au décryptage de grandes productions artistiques afin de voir et de comprendre ce qui n’est pas perceptible d’emblée dans une image. C’est un fameux jeu de déchiffrement des différents principes selon lesquels les civilisations voient et rendent compte du monde dans lequel elles évoluent depuis la nuit des temps, à travers ces quatre grandes approches qui sont dans « un monde animé » : l’animisme, dans « un monde objectif » : le naturalisme, dans « un monde subdivisé » : le totémisme et dans « un monde enchevêtré » : l’analogisme.
C’est sous le commissariat de Philippe Descola, anthropologue, professeur au collège de France et directeur d’études à l’EHESS, que ce dernier va nous sensibiliser à ces 4 façons de rendre présent dans des images, tel ou tel système de qualités prêtées aux objets du monde. Ces systèmes de qualité sont appelés traditionnellement « ontologies » (une ontologie est un système de distribution de propriétés. On donne telle ou telle propriété à tel ou tel existant, qu’il soit un objet, une plante, un animal ou une personne), or toutes les cultures n’ont pas la même ontologie, on en définit 4 dans le monde, donc 4 façons différenciées de percevoir des continuités et des discontinuités entre les choses. Dans notre ontologie naturaliste qui domine l’Europe depuis l’âge classique, l’homme se distincte du reste des êtres et des choses, car il est le seul à posséder une intériorité (une âme, un esprit, une subjectivité).

 

peinture sur écorce © musée du quai Branly photo Thierry Ollivier, Michel Urtado


Dans l’ontologie animiste des pays d’Amazonie, Amérique du Nord, Sibérie, Asie du Sud-est et Mélanésie, c’est tout juste l’inverse qui prévaut, et les animaux, plantes, et objets ont une intériorité semblable à celle des hommes, se distinguant les uns des autres par la forme de leur corps. Dans l’ontologie totémique (l’exposition prend pour exemple les Aborigènes australiens), certains humains et non humains partagent, à l’intérieur d’une classe nommée, les mêmes qualités physiques et morales issues d’un prototype tout en se distinguant en bloc d’autres classes du même type. Dans l’ontologie analogique, tous les occupants du monde sont dits différents les uns des autres, raison pour laquelle on essaie de trouver des rapports de correspondance (l’exposition présente en exemple la Chine, l’Europe de la Renaissance, l’Afrique de l’Ouest, les Andes, la Méso-Amérique..). La scénographie de Pascal Rodriguez, très subtile, nous fait passer d’une ontologie à l’autre en toute fluidité, les espaces, les couleurs, les éclairages laissent à penser que l’on est peut-être trop attaché à une interprétation du monde particulière et que tout est à découvrir de celle que l’on ne connaît pas encore.
Le premier espace de l’exposition s’intéresse donc à « un monde animé » : l’animisme, une promenade troublante où de nombreux masques Yupiit (pluriel de Yup’ik – Alaska), notamment de chamanes qui dévoilent l’intériorité animale, les esprits auxiliaires (Tunraq) qui sont figurés sous la forme d’un corps animal portant ou dissimulant par des mécanismes articulés, le visage d’un humain. Masques zoomorphes qui comportent quand même des indices ténus d’humanité, soit visage, soit membres humains greffés au masque animal, sorte de chimère dont tous ces attributs rendent capable une vie sociale et culturelle. Une autre façon de figurer l’intériorité des animaux dans les régions autour du pôle Nord est la miniaturisation. De nombreuses figurines d’ivoire de morse (culture du Dorset et de Thulé) expriment, avec une économie de moyen, l’essentiel de l’intériorité de l’animal, son âme (tarniq). Ce sont de minuscules modèles réduits de l’être humain ou non humain qu’elles animent tout en opérant certains types de métamorphoses liées à la relation avec les esprits des animaux et leurs gardiens. Dans l’ontologie animiste, qui permet aux âmes d’adopter différentes apparences, on n’est jamais sûr de l’identité réelle de la personne qui se dissimule à l’intérieur du vêtement corporel que l’on perçoit et les masques à transformation de la côte nord-ouest du Canada vont bien plus loin puisqu’ils donnent à voir une véritable métamorphose, un changement de point de vue, on retrouvera le même phénomène dans les figurines inuit dîtes « à transformation ». La manipulation des figurines animales est aussi une façon de garder les animaux « à l’esprit » et porter sur soi une miniature animale revient à s’attirer les bonnes grâces de l’animal en question et des esprits qui le protègent. En Amazonie, les indiens sont plus attachés à transformer les corps humains eux-mêmes en images, (body-painting, ajouter des pièces animales comme les plumes, écailles, duvet, dents, os, griffes, pelage, becs, élytres…) cherchant à retrouver la plénitude physique d’un temps disparu. Les humains chercheraient alors à capter à leur profit, une parcelle de l’expérience du monde des autres espèces, en revêtant un costume animal, ils empruntent aux animaux leurs aptitudes biologiques et donc l’efficacité avec laquelle ces derniers tirent parti de leur environnement. Entre, les peintures de camouflage, vêtements, masques, coiffes ou autres masques-costumes amazoniens vus et ressentis comme « les habits des esprits » permettant de passer auprès d’autres espèces pour ce que l’on n’est pas vraiment, on peut parler de véritables camouflages ontologiques. De très nombreux objets et costumes illustrent le monde animiste et en montre la dimension esthétique et plastique d’une grande qualité.
 

La formule du naturalisme, dans le deuxième espace, est inverse de celle de l’animisme. Ce n’est pas par leur corps, mais pas leur esprit que les humains se différencient des non humains. Cette vision du monde tout occidentale détermine deux traits spécifiques. Tout d’abord l’intériorité distinctive de chaque être humain et la continuité des êtres et des choses dans un espace homogène. Ces deux caractéristiques de la pensée et de la vision du monde chez les naturalistes, voient naître une nouvelle façon de peindre qui naît en Bourgogne et en Flandre, dans la peinture flamande dès le 15ème siècle et met accent sur la figuration de l’individu. On voit alors apparaître une forme de virtuosité sans cesse croissante à représenter la peinture de l’âme (la représentation de l’intériorité comme indice de la singularité de la personne – Jean Fouquet dans son autoportrait – émail peint sur cuivre vers 450) et l’imitation de la nature (la représentation de la continuité des êtres et des choses au sein d’un monde physique qui mérite d’être observé et décrit pour lui-même (enluminures – Lucas Gassel – vue d’une ville fortifiée avec un pont). Cet espace montre la marque importante de l’évolution historique dans son iconographie, résultante d’une tension entre l’intériorité et la physicalité propres au mouvement naturaliste. Dès avant la Renaissance et jusqu’à la naissance de la photographie, on voit cette intériorité se dissoudre au fil des siècles et dans le domaine des images, cela se traduit par un processus progressif d’ « immanentisation » (immanent : qui est intérieur à un être, à un objet, qui résulte de sa propre nature). On trouvera 4 périodes illustrant l’évolution historique de l’iconographique naturaliste : L’émergence du sujet dans un monde objectif (15 et début du 16ème siècle), une beauté au quotidien (peinture hollandaise au 17ème siècle), la naturalisation en marche (18ème siècle) et un monde physique en soi et autour de soi (19ème siècle). De nombreuses peintures d’époque et un programme multimédia (montage d’images IRM du cerveau) nous aideront à mieux appréhender cet espace d’un monde objectif.

 

Dans les sociétés aborigènes d’Australie, qui illustrent le troisième espace consacré au monde subdivisé et au totémisme, les images totémiques révèlent une identité interne et une identité physique très profondes, qui découlent traditionnellement du Rêve, le « the dream time », le temps du rêve. Pour bien comprendre ce que sont les images totémiques, il faut se pencher sur le statut général des images en Australie qui sont toutes et partout liées aux êtres du Rêve et à leurs actions afin de mettre en ordre le monde et le rendre conforme à leur propre organisation. On peut appréhender deux stratégies bien différenciées qui montrent comment le corps serait à l’origine de ce qu’il a lui-même engendré et que l’on appellera l’empreinte du corps, illustrée par les peintures sur écorce, et une autre qui montre comment le monde a été formé par des êtres qu’on ne voit pas, mais qui ont laissé des traces de leur passage dans le paysage et que l’on appelle l’empreinte du mouvement visible sur les toiles acryliques des représentations de rêves ou de chemins codés lisibles bien souvent uniquement par les membres d’une même classe totémique, car en relation avec leur origine. Les Yolngu du Nord-est de la terre d’Arnhem, peignent sur des écorces des séquences de récits qui relatent les aventures des êtres totémiques au temps du Rêve ainsi que les éléments du site géographique où se sont déroulés ces événements. Ces images retracent des trajets suivis par les êtres totémiques et des représentations des êtres du Rêve figurés sous forme animale ou végétale.

 

poupée rituelle © musée du quai Branly photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

 

 

 

La complexité de l’ensemble témoigne du lien profond entre un groupe totémique, un site géographique et une genèse ontologique. Ces écorces sont l’expression d’un ordre totémique en train de se faire. Contrairement aux Yolngu, les Kunwinjku de la partie occidentale de la terre d’Arnhem représentant seulement l’être du Rêve et la source de cet ordre, supprimant le contexte et les actions de ces êtres. Ils sont représentés complètement immobiles et comme radiographiés, où squelette et organes internes sont minutieusement dépeints. Cette anatomie interne est le modèle de l’ordre social et cosmique ; ces images démontrent que l’organisation totémique intemporelle s’est déployée à partir du corps même de l’être du Rêve. Mais il existe aussi un ordre incorporé dans les lieux géographiques que l’on retrouve dans les toiles des Aborigènes du désert central qui prolongent une tradition autrefois exprimée par des dessins sur le sable. Ces peintures pointillistes déclinent les itinéraires et les chemins suivis par les êtres totémiques du temps du Rêve bien qu’ils n’apparaissent jamais directement sur ces types d’images. Elles ne représentent que les traces qu’ils ont laissées dans le paysage à leur passage. A travers ces peintures, les peuples du désert central rendent visible l’organisation totémique intemporelle telle qu’elle s’est manifestée dans un lieu précis. De nombreuses peintures sur écorces et sur toiles sont exposées dans cet espace en faisant un Rêve multiple et troublant. Dans un quatrième espace, il nous est proposé le modèle inverse au totémisme à savoir l’analogisme. Avoir sur le monde un point de vue analogique veut dire que l’on en perçoit tous ces occupants comme différents les uns des autres, chaque entité forme un spécimen unique, auquel il faut donner des correspondances entre toutes ces composantes humaines ou non humaines, ce qui suppose se de mettre en évidence, dans la dimension de l’image, leurs relations en restituant la trame des affinités dans lesquelles tous ces prototypes vont prendre un sens. On trouve alors des illustrations contemporaines de l’ontologie animiste parmi les grandes civilisations d’Orient, D’Afrique de l’Ouest ou dans les communautés indiennes des Andes et du Mexique. La chimère en est la grande figure classique. Cet être composé d’attributs appartenant à des espèces différentes, mais ayant une cohérence anatomique, est un hybride qui doit être identifiable par un élément anatomique et que la combinaison de tous les éléments parvienne à donner une illusion de vie à cet organisme capable d’action autonome. Le grand masque de Diablada représentant un monstre cornu et aux yeux exorbités, à tête de dragon, en est un bel exemple. Ces êtres sont pour la plus part liée à des récits décrivant leurs qualités, leur genèse et les actions qu’ils accomplissent. Ils deviennent indissociables au dispositif narratif par lesquels ils sont institués. Une caractéristique de la pensée analogiste est de décliner de façon obsessive la thématique des correspondances entre le macrocosme (le monde) et le microcosme (la personne humaine étant vue comme un monde en miniature). Il est rassurant alors de se dire qu’il existe dans la nature et dans le corps un grand nombre de possibilités d’interprétation permettant de se repérer dans le foisonnement et le parcours pratiquement sans fin des similitudes. Dans un recoin de ce parcours initiatique à toutes ces ontologies, on va trouver une illustration des formes les plus communes de correspondance entre l’homme et le monde, comme la transposition directe, la superposition (les signes du zodiaque s’inscrivent sur les corps), la liaison schématique directe (les parties du corps reliées au cosmos), la liaison aléatoire (plateau de divination), l’analogie subtile entre l’humain et le cosmos (peintures chinoises de paysage), ou encore comme dans les tankas tibétains où s’introduit une contiguïté des éléments des cosmogrammes , ou encore l’expérience individuelle (le chemin des âmes dayak). On peut dire qu’il se forme alors réseau de correspondances qui est l’ensemble est l’ensemble des objets entre lesquels une affinité existe qui est donné à voir, non chacun pris isolément. Tous ces objets, soit hétéroclite (comme la tunique protectrice de l’aire mandé ou le fardeau sacré huichol), soit en tant qu’acteur contribuant à une activité commune (tels les masques-panneaux du Sri Lanka ou les poteaux yoruba), mais le réseau peut aussi se donner à voir par accumulation non exhaustive d’objets de même nature exprimant des qualités différentes du monde comme l’extraordinaire collection de poupées kachina. En observant une des massues u’u des îles Marquises, on voit apparaître une répétition et même une accumulation de motifs comme dans les tapis persans, qui donne aussi à comprendre le système d’un réseau élaboré et symbolique. L’exposition s’achève par une présentation didactique d’images ayant des propriétés similaires, mais dont les conventions figuratives répondent à des principes tout à fait différents. Ces « faux amis », comme des mirages de ressemblance, peuvent nous mener à une vision fausse et attire notre attention sur le fait qu’une approche purement formelle des images ne permet pas de mettre en évidence les différentes visions du monde qu’elles expriment.
« L’objectif de cette exposition est de donner à voir comment chacune de ces 4 ontologies figure et rend présents et actifs, dans des images, les types d’identités que chacune permet de discerner dans le monde. Les relations que ces entités nouent entre elles et les propriétés qui leur sont associées », écrit Philippe Descola. Mais cette exposition ouvre l’esprit aux différentes possibilités que les hommes se sont données pour comprendre et évoluer dans un monde acceptable pour chacun. C’est une leçon, certes anthropologique, mais aussi de tolérance à la différence de l’autre. Peut-être même modifierons-nous alors notre façon d’aborder et d’analyser notre propre vision ontologique.
De courts programmes multimédias et diaporamas illustrent certains propos ontologiques et facilitent ainsi la compréhension de la démonstration, pour le néophyte.
« La Fabrique des images » du 16 février au 17 juillet 2010 – Musée du quai Branly – Mezzanine Ouest.
Tout autour de l’exposition, le musée du quai Branly propose de nombreuses manifestations, des rencontres mensuelles et autres visites guidées.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.quaibranly.fr

Catalogue de l’exposition «La fabrique des images » sous la direction de Philippe Descola.
Coédition du musée du quai Branly et de Somogy éditions d’art.
Broché. Reliure cartonnée souple à rabats.
Format 22 X 27,5 cm.
224 pages – 150 illustrations.

A signaler la publication d’un hors-série de « Connaissance des Arts » sous le n°437 consacré à l’exposition.
36 pages.

Pour Lexnews, Evelys Toneg

 

 

 

 

Toussaint Dubreuil
Premier peintre d’Henri IV

Musée du Louvre
du 25 mars au 21 juin 2010
Aile Denon, 1er étage, salles Mollien

Toussaint Dubreuil,
Thétis trempant Achille dans les eaux du Styx,
plume et encre brune, lavis brun et beige, rehauts
de gouache blanche en partie oxydés, tracé
préparatoire à la pierre noire© RMN / Jean-Gilles Berizzi

 

Cette exposition, la première à être consacrée à Toussaint Dubreuil, présente cinquante de ses dessins parmi les plus beaux et les plus méconnus de l’art français et quelques
uns de ses rares tableaux.

Toussaint Dubreuil fut le premier peintre d’Henri IV et comme le rappelait Dominique Cordellier, commissaire de l’exposition, le jour du vernissage, ce n’est que justice que de réhabiliter un nom et une œuvre que les années avaient un peu trop relégués dans les antichambres de l’histoire de l’art de la peinture.
Les nombreux dessins réunis pour la première fois dans cette exposition témoignent de la sûreté et du goût de celui qui servit un roi qui avait fort à faire pour la réunification du royaume. Dubreuil était un homme habile en de nombreux arts et cette aisance nourrira son œuvre par multiples inspirations. Sa courte carrière suit le règne d’Henri IV et se nourrit également de l’essence du maniérisme, mouvement rompant avec l’imitation de la nature et laissant plus de place à la touche personnelle du peintre. Cet héritage repensé fera de lui le maître incontesté de la Seconde Ecole de Fontainebleau, et cette très belle exposition montre combien Dubreuil annoncera et rendra possible le classicisme français du XVII° siècle.
La poésie qui a nourri Toussaint Dubreuil est omniprésente non seulement dans l’inspiration créatrice qui s’exprime à merveille dans ses dessins, mais également dans l’univers qu’il parvient à créer à partir de sa propre réinterprétation. Qu’il soit donné au visiteur de s’arrêter à l’épopée romanesque « La Franciade » et il constatera comment la magie opère ! Telle Hyante, fille du roi de Crète qui héberge Francus et amoureuse du héros, désigne légèrement penchée le vallon où elle lui révèlera sa descendance… Les rochers escarpés sombres et acérés où se tiennent les sujets laissent deviner en contrebas un espace à peine évoqué où la destinée semble souriante tant le lavis devient d’un beige des plus légers.
Toussaint Dubreuil s’éteint le mois de la fête de son prénom, le 22 novembre, après une lésion due à une course effrénée sur un cheval rétif, qui l’avait amené jusqu’à ce début XVII° siècle, une course qui résume celle d’un artiste pressé de faire passer le relais entre la renaissance tardive et le classicisme qui s’annonce !

 

 

 

SEXE, MORT ET SACRIFICE DANS LA RELIGION MOCHICA

Musée du Quai Branly



Steve Bourget, archéologue, professeur associé au département Art et Histoire de l’art à l’Université du Texas, Austin, mène entre 1995 et 1998, des recherches archéologiques sur le site emblématique de la culture Moche, Huaca de la Luna, au Pérou où il découvre un important site de sacrifices collectifs associés à l’enterrement des personnes de haut rang dans la société Moche. A la vue de ces nouvelles perspectives d’études des dimensions sociales et symboliques de la religion Moche et de son iconographie, il lance, en 2004, un nouveau projet de recherches sur le site de Huaca del Pueblo afin d’étudier le développement politique et culturel de la civilisation Moche au nord de la Pampa de Paijan. Avec le concours d’Anne Christine Taylor, directeur du département de la recherche et de l’enseignement du musée du quai Branly, et la scénographe Gaëlle Seltzer, Steve Bourget, commissaire de l’exposition, va nous transporter, et le mot n’est pas vain, dans l’univers naturaliste, fantasmagorique, érotique et humoristique, d’une civilisation où la vie et la mort font partie d’un même processus. Steve Bourget se livre à une lecture personnelle de cette production de céramiques érotiques mochicas. Il propose des clés d’interprétation de cette imagerie religieuse qui utilise la sexualité pour symboliser des opérations cosmologiques abstraites comme le passage du monde terrestre à l’inframonde ainsi que les échanges continus de substances nourricières (le sang, le liquide séminal ou l’eau), les échanges entre les vivants et les divinités ou esprits ancestraux qui garantissent la bonne marche de l’univers gérée par les souverains et dignitaires religieux. Cette idéologie est soucieuse d’assurer, par la reproduction de l’autorité gouvernante, la propre continuité de la société elle-même et de l’univers.

figura 63 © Museo Larco, Lima photo Daniel Giannoni et Steve Bourget

 

 Les artisans mochicas représentent donc, à travers l’art de la céramique et des poteries ici exposées, des rites non-reproducteurs, faisant des attributs sexuels stylisés, les thèmes centraux d’une iconographie à fonction rituelle politico-religieuse qui portent essentiellement sur des activités cérémonielles liées à la guerre, à la capture de prisonniers, aux sacrifices humains et aux rituels funéraires. Cette iconographique n’a donc rien d’érotique dans le sens entendu dans nos sociétés, et son naturalisme n’est que de surface, mettant en scène des êtres imaginaires tels des humains morts-vivants, des animaux anthropomorphisés ou des entités aux attributs surnaturels. Les interprétations proposées sont d’ordre spéculatif puisque les sources archéologiques relatives à cette civilisation ne permettent pas de connaître la réelle dimension de la reproduction et de la sexualité chez les Mochicas.
Connaissez-vous les Mochicas ? Ils occupèrent la côte nord, zone aride, de l’actuel, Pérou entre le 1er et 8ème siècle de notre ère. Cette civilisation précolombienne appelée Moche se situe au rang des plus grandes cultures indigènes des Andes, au même titre que les Incas qu’elle précède de plus de cinq siècles. Cette société andine semble être la première à atteindre le niveau de complexité sociale d’un état bâtisseur de villes dotées d’édifices monumentaux, de centres de productions artisanales (textile, métal et céramique), de quartiers réservés à l’élite et d’autres au peuple et de sites funéraires imposants (celui du « Seigneur de Sipan » ou encore les huacas, immenses sites cérémoniels de forme pyramidale).
L’imagerie sexuelle de la céramique mochica est donc liée à des contextes et des rites funéraires accomplis à la mort de dignitaires et aux sacrifices humains qui les accompagnaient. Ces pratiques renvoient à la dualité symbolique entre la vie et la mort, et à une cosmologie organisée sur ce principe dualiste. En effet pour les Mochicas, l’univers et ses composantes, sont scindés en deux moitiés et tous les éléments du monde vont appartenir à une catégorie ou à l’autre. Un ensemble de reproductions de frises montre des scènes figurant sur des bas-reliefs ou sur des vases mochicas, illustrant le rapport d’identification entre les seigneurs mochicas et leurs ancêtres mythiques, incarné par « Visage Ridé », divinité majeure. L’un des thèmes dominants dans l’art mochica et abordé ici est celui de la guerre rituelle. Durant ces affrontements et combats, étaient sélectionnées les futures victimes destinées aux sacrifices. Les vaincus étaient dépouillés de leurs attributs de guerrier et conduits nus sur le lieu du sacrifice. Ces sacrifices humains ainsi que l’échange de sang entre dirigeants dotés des symboles divins attestaient du caractère sacré du pouvoir et de ceux qui le détenaient. On remarquera la place prépondérante du « sacrifice de la montagne » dans l’iconographie mochica (entourées d’une assemblée présidée par « Visage Ridé », les victimes sont précipitées du point culminant de la montagne, égorgées ou offertes aux vautours, elles étaient décapitées par des êtres aux attributs surnaturels ou encore dépecées par des félins) qui figure le passage vers l’inframonde.


 

Ce sont là des morts en sursis que montrent ces fresques de sexe non-reproductif. Les scènes de chasse sont également métaphoriques et, par exemple, la chasse aux cervidés est assimilée à la guerre rituelle. Dans la pensée mochica, deux notions centrales se combinent dans l’iconographie sexuelle, la dualité symbolique et la notion d’inversion. Sur un plan visuel, ce dualisme est représenté par l’opposition des contrastes des formes et des couleurs (le blanc pour les êtres squelettiques et le rouge pour les vivants) et par la figuration d’êtres transitionnels (les borgnes, les mutilés, les futurs sacrifiés…). Il faut bien comprendre que dans la pensée mochica, le registre de la sexualité est établi sur une dichotomie entre les actes procréatifs et les non procréatifs, stériles. Les premiers sont effectués par les « Visages Ridés » garant de la reproduction à l’échelle cosmologique et les seconds par les êtres de transition ou « morts-vivants ». Par tous ces actes sexuels, les Mochicas renversent le processus mortuaire, ramenant le défunt à une nouvelle forme de vie dans l’au-delà. On notera d’ailleurs, à travers une frise illustrant un rituel funéraire, que la tombe du défunt ne doit pas être considérée comme sa dernière demeure, mais comme un conduit vers une autre dimension. Les scènes de copulation anales, pratique associée au changement d’état, montreraient donc que l’accession à cette nouvelle vie passerait par une inversion du processus funéraire.

 

La lecture de certaines frises révèle la très grande complexité quant à la transformation métaphysique du défunt en Ancêtre à travers un enchevêtrement d’inversions symboliques (étude facilitée par les explications détaillées proposées tout au long du parcours). La symbolique des couleurs donne immédiatement les codes de compréhension de la scène représentée. Le rouge et le blanc renvoient respectivement aux domaines de la vie et de la mort. Ce code chromatique est utilisé dans toutes les autres formes d’expression comme dans la peinture murale et véhicule ainsi le principe le plus fondamental de l’iconographie mochica. On analyse comme suit que les capes rouges portées par des êtres squelettiques évoqueraient le genre féminin et l’opposition dualiste de la vie (cape rouge) et de la mort (squelettes et cadavres blancs). Le symbolisme des couleurs s’étend aussi aux parties génitales des êtres représentés, retrouvant là encore la dualité fondatrice de la pensée mochica (par exemple, sur des êtres squelettiques blancs avec un pénis rouge, source de vitalité et couleur symbolique de la vie). Les images les plus étudiées de l’iconographie mochica traitent d’un scénario récurrent qui pourrait être un mythe fondateur de la structure des pratiques sexuelles divines. On y voit une interaction entre deux femmes et un oiseau à qui elles transmettent un bâton servant à remuer le contenu d’un récipient, posé sur un foyer. L’oiseau afféré à cette préparation est entouré de personnages avec des jarres ouvertes. Un être-oiseau ou un humain (indéterminé) gravit un escalier. Un « Visage Ridé » s’accouple avec une femme (?) dotée des attributs d’un futur sacrifié pendant que l’être-oiseau verse un liquide sur ce couple, peut-être la préparation faite auparavant. Tout ceci évoque tout un éventail d’association avec d’autres thèmes de l’iconographie mochica qui se rapporte à la croissance végétale, le versement de liquide sur le dos du couple doit favoriser la croissance de l’arbre gigantesque. La présence de singes cueillant des ulluchus dénote une association avec des rites sacrificiels. Tout indique que l’association entre « Visage Ridé », l’accouplement, la mort et le sacrifice renvoient à une relation symbolique forte entre la croissance végétale, la fertilité féminine et le versement du sang sacrificiel. Dans la représentation des actes sexuels, les artisans céramistes n’omettent aucun des détails anatomiques qui représentent de manière explicite la nature de l’acte sexuel.

visage ridé copulant avec une femme © Museo Larco, Lima photo Daniel Giannoni et Steve Bourget


La découverte de ces œuvres, longtemps réservées à un public averti, sélectionnées dans les années 1960 par Rafael Larco Hoyle, éminent spécialiste de l’archéologie précolombienne, sont autant de « curiosités » au caractère baroque ou surréaliste avant la lettre que rende passionnantes l’éclairage de Steve Bourget sur cette civilisation encore auréolée d’un certain mystère, comme le souligne Stéphane Martin, Président du musée du quai Branly.
A voir absolument, cette exposition, jusqu’au 23 mai 2010, mezzanine Est du musée du quai Branly, s’appuie librement sur le livre publié par Steve Bourget, en 2006, « Sex, Death and Sacrifice in Moche Religion and Visual Culture. »

 

 

Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.quaibranly.fr
 

 

 


Catalogue de l’exposition «Sexe, mort et sacrifice dans la religion Mochica » – « Sex, Death and Fertility in Moche Religion» sous la direction de par Steve Bourget.
Coédition du musée du quai Branly et de Somogy éditions d’art.
Edition bilingue français / anglais
Format 18,5 X 26,5 cm.
112 pages – 100 illustrations.
 

Evelys Toneg

 

 

 

Edvard Munch

ou l'Anti-Cri

Pinacothèque de Paris

du 19 février 2010 au 18 juillet 2010
 



Edvard Munch (1863-1944) est connu exclusivement pour une seule œuvre : le Cri. Travail certes emblématique, mais si peu représentatif de l’ensemble de son œuvre. La notoriété exagérée de ce tableau a eu pour conséquence d’occulter la réelle dimension et le vrai message de l’artiste.

Il est étonnant de constater si tôt dans l’Histoire de l’art un artiste se détacher de toutes les conventions auxquelles nous avaient habitué les artistes et les mouvements précédents. Il est prodigieux de remarquer dès les années 1880 Munch s’attaquer aux couches de couleur, de le voir véritablement labourer la surface picturale ou encore laisser son œuvre sous la pluie et la neige, transférer des photographies et des films muets à l’intérieur de ses toiles et de ses œuvres graphiques. Surprenant encore la transgression avec laquelle il supprime les frontières entre les supports et les techniques, dans ses gravures, dessins, peintures, sculptures, collages, photographies et films. Il s’inscrit dans la lignée de William Turner et de Gustave Courbet, Il est le chaînon manquant entre les artistes tels que Pablo Picasso, Georges Braque, Jean Dubuffet et Jackson Pollock dans l’histoire du Modernisme. C'est par ces dépassements sans limites pour l'époque et surtout par son attachement aux qualités matérielles de la peinture et des supports que Munch laisse une œuvre bouleversante d'une force incomparable.

 

Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine
75008 Paris

Les horaires d'ouverture du musée
Ouverture du musée tous les jours de 10h30 à 18h.
(fermeture des caisses à 17h15).
Samedi 1er mai 2010 et mercredi 14 juillet 2010, ouverture de 14h à 18h. (fermeture des caisses à 17h15).
Les nocturnes
Nocturne tous les mercredis jusqu’à 21h (à l'exception du 14 juillet)
(fermeture de la billetterie à 20h15).
Durant les nocturnes, le service des publics organise des activités culturelles : Table-ronde, lectures, débats, projections de films, autant de propositions qui sont une façon de découvrir autrement les expositions.

 

retrouvez notre chronique du catalogue de l'exposition

 

 

 

 

 

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Turner et ses peintres
Galeries nationales, Grand Palais
24 février 2010 – 24 mai 2010

La Plage de Calais, à marée basse, des poissardes récoltant des appâts (détail) Joseph Mallord William Turner (1830) Huile sur toile, 73 x 107 cm, Bury Art Gallery, Museum & Archives
© Bury Art Gallery, Museum & Archives, Lancashire



Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux, le musée du Louvre, Paris, la Tate Britain, Londres et le Musée du Prado, Madrid.
Elle a été présentée à la Tate, Londres du 23 septembre 2009 au 31 janvier 2010. Elle sera ensuite présentée au musée du Prado, Madrid du 22 juin au 19 septembre 2010.

La profonde singularité du peintre de paysages britannique J.M.W. Turner (1775-1851) s’est nourrie de son dialogue avec la peinture tant des maîtres anciens que des ses contemporains tout au long de sa très longue carrière. Ce dialogue, souvent inquiet, pointilleux, volontiers compétitif mais toujours fécond, a nourri le parcours exigeant du peintre. Dès ses débuts, au milieu des années 1790, Turner se montre un aquarelliste particulièrement doué et ambitieux rivalisant avec les plus grands de ses contemporains (dont son ami Thomas Girtin (1775-1802) mais aussi avide de maîtriser la technique picturale en s’inspirant du paysagiste gallois Richard Wilson (1713-1782) et en visitant les premières collections privées britanniques qui, en l’absence de musée, détiennent les œuvres des maîtres anciens que Turner brûle d’égaler.
Tout jeune encore, il fond en larmes devant un tableau de Claude le Lorrain (1600-1682), désespérant de faire aussi bien. Remarqué par ses pairs, il expose très jeune à la Royal Academy et joue volontiers à l’émulation avec ses contemporains tant peintres qu’aquarellistes. Son ambition impérieuse, le pousse à sans cesse étendre le vaste champ de ses connaissances artistiques et de ses champs d’investigation : aquarelles topographiques, marines, paysages classiques, paysages fantastiques, voire scènes de genre ou peintures d’histoires. La variété de ce parcours s’appuie sur la variété des références que cet avide génie sait rassembler.

 

Appliquant d’abord fidèlement les méthodes de la jeune tradition des aquarellistes anglais, Turner aborde la peinture en suivant avec application l’exemple des paysagistes hollandais rembranesques dans une gamme chromatique sombre et encore restreinte. L’exemple stimulant et déjà classique de son grand devancier Richard Wilson l’engage vers le tournant du siècle à entreprendre des paysages classicisants de plus grande ampleur et de coloris plus soutenu. Il étudie en parallèle, avec déférence et bientôt la volonté d’en découdre, l’art des grands paysagistes actifs en Italie au XVIIe siècle : Salvatore Rosa (1615-1673) et Nicolas Poussin (1596-1665). Loin de pasticher ces grands modèles, Turner bouscule d’un souffle puissant et tempétueux la perfection de leurs harmonieuses compositions en inaugurant presque la magistrale tradition du paysage fantastique britannique avec Le Déluge (1805, Tate) directement inspiré du tableau éponyme de Nicolas Poussin (1664, Louvre).
L’exposition propose pour leur confrontation, ses quelques tentatives dans le domaine de la peinture d’histoire (Sainte famille de 1803, collection de la Reine, ou Vénus et Adonis vers 1805, collection privée) qui se nourrissent d’un chromatisme plus riche et plus soutenu fécondé par l’étude de Titien (vers 1490-1576) (La Vierge au lapin vers 1530, Louvre) et de Claude. Ses petites peintures de figures rivalisent à la fois avec des maîtres méconnus à l’époque tels Watteau (1684-1721) (Ce que vous voudrez !, 1822, Williamstown, Clark Institute) ou ses rivaux les plus célèbres tels David Wilkie (1785-1841). Le dialogue fructueux avec les paysagistes de la génération suivante, Bonington (1802-1828) (Scène de la côte française avec des pêcheurs de 1826, tate) et Constable (1776-1837) (L’inauguration du pont de Waterloo, 1829, Tate) vont exalter encore la liberté de touche et de ton de Turner (La plage de Calais, 1830, Bury Art Gallery ou Le Bateau échoué vers 1828, Tate). _ Après 1820, la découverte de Venise (Venise vue du porche de la Madone de la Salute, 1835, New York, Metropolitan Museum) et l’approfondissement de l’étude de Claude Lorrain portent les compositions de Turner vers un très grand raffinement chromatique et une maîtrise des compositions à plans multiples et vaporeux (Palestrina Composition, 1828, Tate). L’exposition permettra à ce titre, comme Turner l’avait lui-même souhaité, de confronter un de ses plus complexes chefs d’œuvre, Le Déclin de l’empire carthaginois (1817, Tate) avec deux des visions magnifiques de Claude Lorrain qui l’ont inspirée : Le Port de mer au soleil couchant (Louvre, 1639) et Le Débarquement de Cléopâtre à Tarse (Louvre).
C’est par la confrontation exigeante et sans arrêt provoquée avec ses peintres de prédilection que Turner a construit son affranchissement, sa sidérante liberté de peindre portée à son apogée dans sa dernière décennie d’activité (Tempête de neige, bateau à vapeur au large d’un port, 1842, Londres, Tate).

L’exposition « Turner et ses peintres » retrace et illustre cette construction de la vision de Turner, riche de rencontres multiples, fortuites ou provoquées, mais toujours opportunes et fécondes, tout au long de sa remarquable carrière. Elle rassemble près de 100 tableaux et œuvres graphiques (études, gravures) provenant de grandes collections britanniques et américaines, des musées du Louvre, du Prado, et de Londres.

Commissariat de l’exposition
Guillaume Faroult, conservateur, département des peintures du musée du Louvre, Paris
David Solkin, professeur d’Histoire de l’Art, Courtauld Institute, Londres
Ian Warrell, conservateur, Tate Britain, Londres

Scénographie
Didier Blin

 

 

 

Paris, ville rayonnante
10 février – 24 mai 2010
Musée de Cluny



LEXNEWS A VU POUR VOUS...

Nous sommes au cœur de Paris, du vieux Paris. Nous franchissons le seuil d’un lieu chargé d’histoire puisque les Romains y avaient établi leurs thermes encore visibles (ces derniers viennent d’être restaurés et sont à visiter !). Le musée national du Moyen Âge
qui abrite une exposition passionnante fait lui-même partie de l’histoire de la capitale puisqu’il s’agit de l’hôtel des abbés de Cluny datant de la fin du XV° siècle. Ainsi, plus de dix siècles offrent à nos yeux les traces souvent spectaculaires laissées par des civilisations si différentes. L’exposition proposée par le musée de Cluny et la Réunion des musées nationaux est chronologiquement centrée sur une période charnière pour l’histoire de la ville : le XIII° siècle. Cette époque prospère qui correspond au règne de Philippe Auguste voit le commerce et l’industrie prendre un essor considérable. Cette dynamique sert un pouvoir royal qui commence à prendre conscience de la nécessité de centraliser son autorité à partir d’un lieu fixe, la ville de Paris. S’ensuivent un afflux de population, une université à dimension européenne, des commandes multipliées, une concurrence d’artisans pour la construction de nouveaux édifices… Ce seront les nombreux facteurs qui vont provoquer le passage du gothique classique au rayonnant. Pourquoi rayonnant ? La rose qui va fleurir et s’élargir de plus en plus sur les murs des cathédrales va inspirer les bâtisseurs qui vont rivaliser d’inventions pour réduire la superficie occupée par la maçonnerie au profit des fenêtres omniprésentes. Les édifices prennent de la hauteur, véritable chant architectural lancé au divin. En un siècle, un style va naître et se développer en entrelacs de plus en plus fins et ciselés.
 

La croissance économique réussit ce parallélisme étonnant d’une croissance minérale qui n’a rien à envier à la profusion végétale. C’est à cette éclosion qu’il nous est donné d’assister dans une exposition particulièrement bien présentée dans le cadre idéal du musée national du Moyen Âge. Les commissaires de l’exposition, Meredith Cohen et Xavier Dectot, ont mis en rapport plus de deux cents œuvres significatives de cette grande heure de l’histoire. Notre-Dame (un Adam remarquable) et la Sainte-Chapelle (de magnifiques apôtres) livrent bien évidemment des témoignages de première importance dans le cadre de cette exposition, mais des lieux disparus depuis longtemps sont également l’occasion de rencontres précieuses avec cette époque : c’est le cas de la Chapelle de la Vierge (rasée en 1802 lors du percement de la rue de l’Abbaye) dont on peut admirer le très beau portail entièrement conservé dans le cadre du musée de Cluny !

 

Ange, Priorale Saint-Louis-de-Poissy, Après 1297, Paris, Musée de Cluny

 Musée national du Moyen Âge © RMN / René-Gabriel Ojéda

 

Musée national du Moyen Âge
6 Place Paul Painlevé
75005 Paris
01 53 73 78 16

Cette exposition est coorganisée par le musée de Cluny et la Réunion des musées nationaux.

 

retrouvez la chronique du catalogue de l'exposition : lire la suite...

 

 

Les Derniers Maharajas
Costumes
Du Grand Durbar à l'Indépendance
1911-1947



En collaboration avec la Hutheesing Heritage Foundation, la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent consacre sa 12ème exposition aux costumes des cours princières indiennes de la fin du Raj. Privés par la couronne britannique du socle de leur pouvoir, ces derniers Maharajas cultivent le faste et rivalisent sur la grandeur de leur image. Une soixantaine de modèles et accessoires illustrent cette période où l’apparat est devenu le langage officiel des cours : or, argent, soie, brocart, broderies, profusion de couleurs et de matières précieuses témoignent de toute la magnificence des costumes de cette époque.
 

Commissariat : Jérôme Neutres et Umang Hutheesing
Scénographie : Christophe Martin


Exposition à la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent
du 10 février au 9 mai 2010
Entrée de l'exposition au 3, rue Léonce Reynaud, Paris 16ème
Ouvert du mardi au dimanche, sauf jours fériés
De 11h00 à 18h00 (dernière entrée à 17h30)
Tél. : +33 (0) 1 44 31 64 31

 

 

 

Shervani. Soie, brocart d’or et d’argent.

 

 

 

 

 

"Eloge du négatif. Les débuts de la photographie sur papier en Italie, 1846-1862"

Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Du 18 février au 2 mai 2010



le Petit Palais organise une exposition qui retrace les débuts de la photographie sur papier en Italie.
Utilisé au XIXe par les photographes professionnels, les amateurs et les artistes, le négatif papier a permis à la photographie naissante de s’intégrer pleinement au monde de l’art. Au cours des années 1840, le négatif papier devient un outil novateur et fascinant : il inaugure « l’ère de la reproductibilité » tout en créant un nouvel univers visuel. L’exposition explore ce temps fort méconnu de l’histoire de la photographie.
Provenant de prestigieuses collections italiennes et françaises, 140 oeuvres, négatifs ou tirages d'époque, sont pour la première fois présentées. Cette exposition propose une réévaluation du rôle et des usages du négatif sur papier en Italie, pays où pionniers et amateurs de tous bords se rencontrent et mettent au point une nouvelle façon de percevoir et d'utiliser les images.

Du paysage romantique à l'édition touristique en passant par le recueil pour artistes, le négatif papier permet la professionnalisation des photographes et la naissance de grandes entreprises édiotriales modernes. Dans cette aventure, photographes italiens (Giacomo Caneva, Vero Veraci, Luigi Sacchi ect), français (Eugène Piot, Frédéric Flacheron, Edouard Delessert etc) et anglais (George Wilson Bridges, Calvert Jones, James Grahan) collaborent étroitement.
Bien loin de la précision ou du réalisme photographique auxquels est habituellement associée la photographie, ces
oeuvres sont des témoignages subjectifs et intimes de la sensibilité d’une époque. Elles exigent de nous une véritable
conversion du regard.
 

 

 

 

 

 

Informations pratiques
Du 18 février au 2 mai 2010
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermé le lundi et jours fériés

Visites conférences
Durée 1h30 - sans réservation - 4,50 € + entrée exposition
Les Jeudis 25 fév, 11 mars, 1er, 29 avril
Les Vendredis 19 fév, 5, 19, 26 mars, 9, 16, 23 avril à 12h30.
Au Petit Palais
 

 

Isadora Duncan (1877 - 1927) "Une sculpture vivante"
Le musée Bourdelle

du 20 novembre 2009 au 14 mars 2010

 Isadora Duncan sur la plage à Venise, 1903 ou 1905, Anonyme
Crédits photo : Cologne, Archives de de la danse

 

Le musée Bourdelle présente une ambitieuse exposition consacrée à Isadora Duncan, l’une des sources d’inspiration d’Antoine Bourdelle (1861-1929), ainsi qu’en témoigne l’abondance de dessins conservés au musée. Première manifestation d’importance dédiée à cette figure pionnière de la danse, elle porte sur les années qu’Isadora passa en France.

L’exposition s’articule en cinq volets restituant le contexte intellectuel et artistique d’une époque, et célébrant la danseuse.
Le préambule retrace par le biais de photographies, d’ouvrages et de documents, la vie tumultueuse et la carrière d’Isadora, ses tournées mondiales et ses écoles de danse. Des portraits, peints - par Eugène Carrière - ou des clichés d’époque d’Edward Steichen ou Arnold Genthe, représentent cette femme audacieuse et moderne qui plaça son art et sa transmission au coeur d’un projet de société plus libre et plus démocratique. Défiant les conventions, Isadora dansait pieds nus, vêtue d’une tunique dévoilant sa nudité, sur des musiques d’esthétique romantique.

Cette exposition rassemble environ 35 sculptures, 25 peintures, 150 dessins, 100 photographies, 5 pièces de costumes ainsi qu’une cinquantaine de documents divers (ouvrages, affiches, programmes, manuscrits…), des extraits de films, appartenant à des collections privées ou à des institutions
françaises et étrangères.

Antoine Bourdelle (1861-1929)
Isadora, s.d.
Plume et encre violette sur papier vélin, 22,9 x 14 cm
Musée Bourdelle, Paris
© Musée Bourdelle/Roger-Viollet


Juliette Laffon , directrice du Musée Bourdelle
Hélène Pinet, chargée des Archives et de la Recherche au musée Rodin
avec Stéphanie Cantarutti, conservateur au musée Bourdelle

Musée Bourdelle
18, rue Antoine Bourdelle
75015 Paris
Standard : 01 49 54 73 73
Ouvert tous les jours sauf lundis et jours fériés
du mardi au dimanche de 10h à 18h.

LEXNEWS A VU POUR VOUS... ISADORA DUNCAN (1877- 1927) « une sculpture vivante ».

Il se passe quelque chose au musée Bourdelle ! Dans ce lieu où des géants, des molosses de pierre et de bronze vous dominent littéralement, vous écrasent même par leurs dimensions monumentales, une femme peu commune, frêle, gracile, gracieuse, une entité tout droit sortie de l’art grec et d’un tempérament hors du commun y est mise à l’honneur. C’est un hommage à Isadora Duncan, muse de bien des peintres et sculpteurs du début du 20e siècle, qui se déploie dans l’ensemble du musée. Quelques dizaines de sculptures et peintures, cent cinquante dessins et photographies, des pièces de costumes et un bel assortiment de programmes, affiches, ouvrages et manuscrits, illustrent cette grande dame de la danse. Antoine Bourdelle, dès 1909, a été très inspiré par ce phénomène de femme libre et toujours en mouvement, en quête et en recherche de la respiration du corps à travers une nouvelle forme de danse bannissant tous les critères de la danse classique et académique de l’époque.
L’exposition est construite autour de cinq espaces, cinq moments importants de la vie artistique d’Isadora Duncan, cinq volets qui restituent le contexte intellectuel, culturel et artistique dans ce Paris qui a célébré l’audace de cette danseuse.
La vie tumultueuse et la carrière de cette artiste libre et moderne, ses tournées mondiales, ses voyages, la création de ses écoles de danse, ses relations avec Madame de Saint-Marceaux, avec la princesse de Polignac ou encore la comtesse de Greffhule, et ses prestations dans les salons parisiens ou autres jardins jusqu’au projet d’études destinées au théâtre des Champs-Élysées, tout témoigne de la nouveauté révolutionnaire de sa danse resituée dans le contexte de l’époque.
Antoine Bourdelle (1861-1929), comme Auguste Rodin (1840-1917) et d’autres artistes peintres dont Eugène Carrière (1849-1906) entre autres, des sculpteurs comme Alfred-Jean Halou (1861-1944), des photographes (Eduard Steichen), des musiciens et couturiers (Poiret), de ces années de remises en question des codes établis par un académisme consensuel (Vive la belle Époque !), se sont pris d’admiration pour cette femme venue d’Amérique inspirée par la nature et son goût pour l’antique. « …Je suis née au bord de la mer…Ma première idée du mouvement de la danse m’est certainement venue du rythme des vagues…Je tâchais de suivre leur mouvement et de danser à leur rythme… », écrit-elle dans « Ma vie ». Cela ne fait pas tout. Une enfance Bohême, entourée de musique, une mère pianiste et anticonformiste, sans grande contrainte, elle quitta l’école très tôt, une vie de voyages, de rencontres, d’amours libres, une vie de mère résolument moderne, une maîtresse exigeante, une carrière d’artiste absolument révolutionnaire, tout cela attira et choqua à la fois la bonne société, mais aussi et surtout les courants artistiques en plein bouleversement de ce temps des années folles où tout allait prendre une nouvelle trajectoire.
 
Convaincue de la nécessité de la danse, elle ira jusqu’à créer des écoles et y accueillera des enfants sur un modèle d’éducation libre et spontané autour de son art ; danse, musique et chant y seront les disciplines principales enseignées. Les premiers centres Montessori et Steiner apparaissent à la même époque et sont une source de réflexion sur un nouveau modèle éducatif très inspirant pour Isadora. L’importance de la recherche de la liberté des mouvements, celle de retrouver le mouvement primitif ou la première impulsion, passe aussi par un corps libre et sans entrave vestimentaire. Isadora et ses disciples dansent alors en tunique légère, pieds nus ou en sandales et montrent l’esthétique du mouvement et du corps qui le produit. Elle devient un modèle idéal pour les artistes qui s’intéressent à son approche du monde et à la nouveauté des poses qu’elle leur proposera en la dessinant pendant qu’elle danse. Dans la même énergie, Vaslav Nijinski, son alter ego masculin, lui aussi propose, dans ses chorégraphies « endiablées » la libération du corps et des mouvements, une gestuelle défiante les lois de la pesanteur. Ces deux artistes qui ne dansèrent jamais ensemble sont pourtant réunis dans « la Danse et la Musique », œuvre sculptée de Bourdelle (dessus de portes d’accès) au Théâtre des Champs-Élysées.
Isadora Duncan, meurtrie par la mort accidentelle de ses deux enfants, continuera à se battre et à danser jusqu’au bout de son destin avec la même énergie créatrice. Ses mécènes, ses admirateurs comme ses détracteurs du monde entier ont été sa meilleure publicité, mais refusant d’être filmée dans la pratique de son art, c’est donc tout à fait exceptionnel que de pouvoir la voir quelques secondes danser dans un jardin pour des proches.
Isadora Duncan, pionnière de la « danse libre », danse d’expression fondée sur une relation d’empathie avec la nature et la musique, célébrant le mouvement naturel et la simplicité du geste retrouvé, va vous envouter de toute sa modernité, sa liberté et par l’évolution historique qu’elle a apportée à la naissance de la future danse contemporaine. C’est jusqu’au 14 mars 2010, au musée Bourdelle, que vous pouvez découvrir ou vous remémorer ce que cette femme a laissé dans son sillage.


Pour Lexnews, Eivlys Toneg

 

Journées Internationales du Film sur l’Art
du mercredi 20 au dimanche 24 janvier 2010
Auditorium du Louvre (3ème édition)

 

© JIFA/ DR

 

Soirée d’ouverture mercredi 20 janvier à 19h30
Soirée d’hommage à Luciano Emmer à 20h30


Formidable médium d’initiation à l’histoire des arts, le film sur l’art offre également des occasions uniques d’incursion au cœur même de la création artistique.
Les Journées internationales du film sur l’art proposent une sélection de productions récentes, des tables rondes et des rencontres avec les cinéastes et, en intégralité, le palmarès du Festival international du film sur l’art de Montréal 2009.
Les films non francophones sont proposés en vostf ou en traduction simultanée.

En partenariat avec le Fresnoy – Studio national des arts contemporains.
Avec le concours de la Délégation générale du Québec à Paris, de l’Institut polonais, du Goethe Institut, de l’Institut néerlandais, du Centre culturel canadien, de l’Institut culturel italien , du Centre Culturel italien et du Festival international du film sur l‘art de Montréal.
C’est un événement qui donne la mesure de l’évolution des tendances en matière d’expression artistique et qui propose une double rencontre : celle des cinéastes qui posent leur regard sur le travail et les oeuvres des créateurs de disciplines aussi différentes que la peinture, la photographie, le théâtre, la musique, la danse ou la littérature.

 

24 films sur 5 jours
dont 19 primés au FIFA 2009 – Festival International du Film sur l’Art de Montréal
Une table ronde “Filmer la sculpture” animée par Christophe Viart, le jeudi 21 janvier à 16h
Hommage à Luciano Emmer le jeudi 21 janvier à 20h30

 

 

 

Samuel Bianchini

"All Over"

Musée du Jeu de Paume

du 19 octobre 2009 au 31 mars 2010


All Over est une création sur Internet qui met en œuvre une série d'images réalisées uniquement avec des caractères typographiques, à la manière de l’“Ascii Art”, méthode d’affichage utilisée par les premiers informaticiens. Mais, ici, les chiffres et les lettres qui composent ces images sont changeants, dynamiques : ils proviennent en temps réel des flux boursiers mondiaux. Au préalable fixes, ces photographies ainsi transformées sont tributaires des mouvements financiers qui les alimentent en même temps qu’ils les perturbent. Déstabilisées par leur système d'affichage, elles deviennent également instables quant à leurs significations. Prises entre numérique et numéraire, entre deux régimes de représentation, ces images sans légende semblent lutter en permanence pour leur visibilité et leur incertaine réalité : manifestation, traders, supporters, meeting religieux ou politique, … ?


Réalisation informatique : Oussama Mubarak.
Commissariat : Marta Ponsa.
Projet produit par le Jeu de Paume,
en partenariat avec Corbis France.

Photographie originale : © Ali Mobarek

 

 

Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
Jan Dibbets
Horizons
19 février - 2 mai 2010



Jan Dibbets est une figure majeure de l’art néerlandais et de la scène artistique internationale. Il est notamment connu des parisiens pour son Hommage à Arago matérialisant le méridien de Paris par des disques de bronze réalisé en 1994.
La question de l’horizon a particulièrement marqué l’œuvre de Jan Dibbets entre la fin des années 1960 et 1974 : c’est l’un des motifs récurrents de son travail. Dans ses œuvres récentes – à partir de 2005 – l’horizon réapparaît, matérialisant la continuité d’une réflexion artistique extrêmement rigoureuse. L’exposition associera ces nouveaux travaux avec ceux qui en forment le point de départ.
Si l’artiste néerlandais, né en 1941, s’est vu très tôt associé à l’art conceptuel, l’extraordinaire déploiement de son œuvre depuis les années 1970 rend une telle définition inévitablement réductrice. À travers un usage très personnel de la photographie, son travail s’est toujours tenu au plus près d’une pensée en développement continu, trouvant son objet à la fois dans l’expérience de la perception et dans la réinterprétation des données de la perspective telles que l’histoire de l’art occidental nous les lègue.
Selon la définition qu’en donne Le Petit Larousse, l’horizon est la « ligne imaginaire circulaire dont l’observateur est le centre et où le ciel et la terre ou la mer semblent se joindre ». L’horizon n’est donc pas un motif comme les autres, il n’existe que par rapport à notre vision et à travers elle. Intimement lié à l’histoire de la représentation, l’horizon est à la fois une donnée immédiate de la perception du paysage et un « motif » abstrait, insaisissable.

Depuis Quand les attitudes deviennent forme (1969) à la Kunsthalle de Berne et la Documenta V (1972) de Cassel, le travail de Jan Dibbets a été présenté à de nombreuses occasions et des expositions personnelles lui ont été consacrées: à l’ARC en 1980, au musée Guggenheim de New York en 1986 ou au Miami Art Museum en 2007.
 

 

 

 

Reconstruction Sea 0°-135°
1972-1973
© ADAGP, 2010

 

 

Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson / 75116 Paris - www.mam.paris.fr
Tél : 01 53 67 40 00 / Fax : 01 47 23 35 98
Horaires d’ouverture
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi de 10h à 22h (seulement les expositions)
Fermeture le lundi et les jours fériés
Renseignements et réservations des ateliers et visites guidées
Tél. 01 53 67 40 80
 

 

 

 

ARTISTE D’ABOMEY dialogue sur un royaume africain

musée du quai Branly
jusqu'au 31 janvier 2010



Au musée du quai Branly, là où dialoguent les cultures, Gaëlle Beaujean Baltzer, commissaire de l’exposition « Artistes d’Abomey – dialogue sur un royaume africain » et ses collaborateurs, Joseph Adandé et Léonard Ahonon, proposent, sur la Mezzanine Est, de partir à la découverte des familles d’artistes vouées aux dirigeants du royaume du Danhomè (actuel Bénin). C’est avec subtilité que ce parcours parmi les trésors des derniers souverains de cette vieille dynastie souligne l’importance, tant sur le plan artistique, ethnographique qu’historique, de la véritable place que l’on doit reconnaître à l’Afrique dans l’Histoire. Les œuvres de cour présentées ici témoignent des contacts entre la France et le Danhomè. Offerts comme cadeaux diplomatiques, collectés, donnés ou encore pris arbitrairement comme butin de guerre, ces objets, comme le souligne Stéphane Martin Président du musée du quai Branly, ne doivent pas être regardés comme une simple collecte, mais comme un moment de l’histoire du monde qui dit la rencontre entre la colonisation française et le dernier royaume africain. Le travail de Gaëlle Beaujean Baltzer permet de lever l’anonymat des artistes et des familles d’artistes qui créaient et exécutaient les commandes des rois. C’est sur cette question que se penchent aujourd’hui les historiens de l’art africain, ainsi que sur la place sociale et historique de ces créateurs de formes et de messages visuels.

marteau de divination © musée du quai Branly, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado / plateau de divination © musée du quai Branly, photo Patrick Gries


Resituons le territoire du royaume du Danhomè avant 1894, chute du royaume et exil du roi Béhanzin : Le Danhomè, ou royaume d’Abomey, du nom de sa capitale, s’est développé dans le centre et dans le sud du territoire de l’actuelle République du Bénin, du début du 17ème siècle à la fin du 19ème siècle. Même si les fondateurs du royaume du Danhomé viennent de Tago (ou Sado), aujourd’hui au Togo, l’histoire des migrations, des guerres et querelles entre clans durent depuis le 13ème siècle, et c’est sous le nom de Houegbadja, que le fils de Ganye hessou, établit à Agbomè (Abomey) l’administration du royaume dont il est considéré comme le véritable fondateur. Si le nom de royaume date de Houegbadja, on le doit vraiment à son fils et futur successeur Yangodo. C’est lui en effet qui perpétra le meurtre du chef de terre Dan en plantant un pieu dans son ventre, bois central qui doit supporter sa case, d’où le nom de Dan-homè « dans le ventre de Dan ». Yangodo devenu roi vers 1685 sous le nom d’Akaba, a doté le royaume d’une solide organisation, à la hauteur de ses ambitions. Le roi est la clé de voûte du système politique danhoméen. Vénéré comme sémédo (maître du monde), aïnon (maître éminent de la terre), dokunon (maître possesseur de toutes les richesses), jehossu (roi des perles), il émane de lui une force absolue, surhumaine et quasi divine. La religion, deuxième dimension essentielle de l’organisation, préserve la communauté des vivants et des morts et garantit le bonheur des hommes (dans la conception vodoun, le groupe social comprend les vivants et les morts, avec des échanges constants de services et de force). Le culte sert donc à garantir la quiétude des hommes et la satisfaction de leur bonheur ici-bas. La hiérarchie est la troisième caractéristique de cette organisation danhoméenne qui divise les gens en deux catégories : les exploiteurs et les exploités. Les premiers sont la noblesse princière, les dignitaires de charges publiques (ministres, militaires, grands chefs…) et ceux de charges commerciales ou religieuses. Les autres, durement exploités sont les esclaves, soumis au travail sur les domaines du roi, vendus aux négriers européens ou réservés pour les sacrifices humains. Sont également exploités, les roturiers libres ou asservis et les asociaux (ceux qui ont perdu leur liberté suite à un crime). L’asservissement vu et vécu comme une coutume limitait la prise de conscience et les révoltes des exploités. Il semble bien que le commerce des esclaves « le bois d’ébène », organisé avec les puissances européennes, ait été à l’origine de la colonisation de tout le continent africain et la triste suite de l’histoire pourrait être le sujet d’une autre exposition… On peut néanmoins relever que lorsque les colons deviennent commanditaires, les artistes rattachés à la cour réalisèrent à leurs demandes des objets destinés à être montrés en France notamment pour l’exposition universelle de 1931 à Vincennes. C’est ainsi qu’ont été constituées une partie des collections du musée du Trocadéro, du musée de l’Homme, et plus tard celle du pavillon des sessions, regroupées ensuite au musée du quai Branly. Elles ont permis d’illustrer cette exposition.


 

Mais, une question demeure : Les artistes africains peuvent-ils ou même doivent-ils tous rester anonymes ? Le secret qui entoure la conception et la réalisation d’une œuvre explique-t-il à lui seul cette réalité ? Si cet anonymat est de règle dans la production africaine, bien qu’on parvienne parfois à reconnaître la griffe des artistes, ou bien celle d’un atelier, celui-ci cependant est écarté pour l’art de cour au royaume d’Abomey. Les quatorze rois qui s’y sont succédé se sont entourés d’artistes de diverses origines, Yoruba, Fon, Mahi ou Haoussa. Dans cet art de cour, les œuvres sont immédiatement associées à son commanditaire : le roi ; mais la technique, les matériaux et le type d’objets permettent d’identifier une signature et un savoir-faire maîtrisé par un artiste ou une famille d’artistes. On apprend par exemple que la famille des Hountondji travaille les métaux précieux, le cuivre et l’argent, alors que les Yémadjé, Hatan et Zinflou sont spécialistes des soies et cotons d’importation dont ils confectionnent leurs tentures appliquées (4 splendides tentures et celle du roi Ghézo ou encore celle des amazones du royaume). Les artistes de la cour d’Abomey sont de véritables historiens de l’oralité et du visuel, ainsi les traditions coutumières ont-elles été préservées avec bien plus de précisions que d’autres.

 

asen (autel portatif) du roi Béhanzin © musée du quai Branly, photo Patrick Gries / pipe Agoli-Agbo © musée du quai Branly, photo Michel Urtado, Thierry Ollivier

 

L’exposition présente les chefs-d’œuvre attribués à ces artistes d’Abomey comme la statue du dieu Gou d’Ekplékendo Akati, celle des rois Glèlè et Bézhanzin de Sossa Dede, qui trône dans le premier espace de l’exposition. Il y a donc une mémoire des noms des artistes dans le royaume d’Abomey. L’art n’était pas que celui de l’objet, de l’accessoire royal ou guerrier ni du vestimentaire, il y avait aussi l’architecture des palais, des bas reliefs polychromes et des portes sculptées de symboles (par exemple la présence de huit crapauds qui apportaient paix, fraîcheur et protection pour les fils du pays) ont fait de ces demeures une vitrine du royaume à travers le monde et était l’orgueil des souverains ; « Il faut dire que si la terre rouge du d’Abomey pouvait parler, elle nous raconterait tant de faits qui se sont passés dans ces cours, derrière ces murs… » dit Léonard Ahomon conservateur du site des palais royaux d’Abomey. (Lire l’article de Bérénice Geoffroy-Schneiter dans le Beaux-Arts éditions). Les quelques portes et bas-reliefs exposés donnent une note haute en couleur de ce que devait être l’ensemble des palais royaux, véritable « royaume dans le royaume ». Sur les murs des palais (véritables chroniques visuelles) se lisent alors l’expansion du territoire, les acquisitions matérielles et spirituelles, car ce sont bel et bien les murs qui parlent à Abomey ! Comme chaque nouveau roi faisait construire un nouveau palais près de celui de son prédécesseur, on imagine facilement à travers ces constructions et leurs façades, l’excellence des artistes de la cour d’Abomey.

C’est à travers 82 objets et 8 documents graphiques anciens et quelques repères audio que le promeneur a ici l’occasion de découvrir ces familles d’artistes qui bien que jouissant de certaines libertés, devaient allégeance au roi, et étaient contraintes dans leurs créations par un « cahier des charges » précis de ce que voulait le roi, mais également par l’obligation de le surprendre. Statues, tentures, autels, trônes, bijoux, tuniques, armes, bas-reliefs, murs et portes de palais, illustrent le travail de ces artistes et sont autant de témoignages de la richesse et de l’esthétique qui caractérisent cette région d’Afrique. Qu’ils soient anonymes ou identifiés, individuels ou collectifs, cette exposition est un hommage à tous ces artistes. Hountondji (autel dédié aux rois, asen, alliage cuivreux), la famille Hantan, Zinflou ou Yémadgé (tentures appliquées, production unique dans ce royaume, coton et soie), l’atelier Yoruba (Siège royal de Cana, bois et pigments), famille Houeglo, Djotohou et huntovo (tambours akatahounto, bois, pigments et cuir), l’atelier Akati, Sossa Dede ou Bokossa Donvide (statue de bochiodu roi Ghézo) et tous les autres sont autant de noms auxquels on peut aujourd’hui associer des œuvres (fait rare dans l’histoire de l’art africain). Depuis 1600 et jusqu’à 1988, pour les artistes contemporains, on peut entrapercevoir la technique et la qualité artistique de tous ces artistes dont le savoir-faire se transmettait de père en fils. Toute cette histoire d’art, d’artisanat d’art, de métiers d’art a eu une continuité, une mémoire vivante par le travail de Cyprien Tokoudagba, artiste contemporain béninois qui met à l’honneur les traditions du royaume d’Abomey, sur de grandes toiles, peintes à l’acrylique et inspirées des œuvres d’art des ateliers royaux du passé. « Il est le griot contemporain du Bénin ! », confie Léonard Ahonon. C’est en 1989 au centre Georges Pompidou qu’il a été donné au public de découvrir les œuvres de cet artiste, lors de l’exposition « Trésor de Béhanzin ».
Cette exposition réussit à éveiller la curiosité et nous conduit à nous demander quelle a été l’histoire personnelle de ces artistes, leur place dans la société et à la cour, et quels souvenirs suscitent-ils aujourd’hui à Abomey ? Qui sont leurs descendants ? Questions auxquelles l’exposition nous aide à apporter des réponses de manière éclairante.

Des visites-conférences, des rencontres, des journées d’étude sont organisées autour de cet événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.quaibranly.fr
Renseignements sur la Fondation Zinsou qui stimule et accompagne la création contemporaine sur le sol béninois et est le grand partenaire du musée du quai Branly pour la réalisation de cet évènement : www.fondationzinsou.org/

Le catalogue de l’exposition édité par la Fondation Zinsou
Publication en français et en anglais.
250 pages – plus de 150 illustrations.
Hors série Beaux-Arts magazine
Spécial « Artistes d’Abomey – dialogue sur un royaume africain »
44 pages
Quelques 50 Illustrations couleurs.

Evelys Toneg

 

PRESENCE AFRICAINE

musée du quai Branly
jusqu'au 31 janvier 2010



Et si Alioune Diop, grand intellectuel sénégalais (1910/1980 dont le centième anniversaire de naissance sera célébré en 2010 au Sénégal), n’avait pas en 1947, à Paris, fondé la revue « Présence africaine » avec comme objectifs de publier les études africanistes sur la culture et la civilisation noire, publier des « textes africains », passer en revue les « œuvres d’art ou de pensée concernant le monde noir », où en serions-nous aujourd’hui avec cet immense univers culturel qu’est l’Afrique ? Comment aborderions-nous l’art nègre, la littérature, la poésie, la danse, le théâtre, le cinéma africain…. ? Aurions-nous les clés et le recul intellectuel qu’a apporté « Présence africaine » pour apprécier et partager les domaines de la création du continent africain ?
En 1947, Alioune Diop écrit à propos de « Présence africaine » : « cette revue ne se place sous l’obédience d’aucune idéologie philosophique et politique ». Il donne le ton au cas où d'aucuns auraient voulu récupérer politiquement ou intellectuellement les écrits publiés par des dizaines d’artistes africains ou d’origine africaine. Il redéfinira encore plus clairement ses objectifs en 1955 en déclarant : « Tous les articles seront publiés sous réserve que leur tenue s’y prête, qu’ils concernent l’Afrique, qu’ils ne trahissent ni notre volonté antiraciste, anticolonialiste, ni notre solidarité des peuples colonisés ».
« Présence africaine » est donc un outil de diffusion qui a permis aux intellectuels et aux écrivains noirs de revendiquer leurs identités culturelles et historiques que le contexte colonial niait pratiquement totalement. Cette revue fut un véritable mouvement, un réseau d’échange et une tribune d’expression libre des différents courants d’idées liés au « monde noir » ; « Présence africaine » a aussi été le médiateur pour constituer la bibliothèque des textes fondateurs de l’anticolonialisme en France. Dès les premiers numéros, Alioune Diop s’entoure de toutes les personnalités intéressées par le monde noir, ethnologues, anthropologues (Marcel Griaule, Georges Balandier, Théodore Monod, Michel Leiris ou encore Paul Rivet), d’écrivains et de philosophes (Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Jean-Paul Sartre, André Gide, Albert Camus ou Richard Wright), ainsi que de galeristes et critiques d’art (Charles Ratton ou William Fagg).
L’exposition dossier sur la revue « Présence africaine », au musée du quai Branly, jusqu’au 31 janvier 2010, mezzanine Est, en continuité de celle sur les artistes d’Abomey, a pour objectif de montrer le rôle majeur joué par cette revue dans l’histoire politique et culturelle des intellectuels noirs francophones, anglophones et lusophones des années 50/60. Dans les vingt premières années de son existence, la revue analyse le rôle de catalyseur qui lui incombe, et en 1949, la décision est prise de fonder une maison d’édition et de produire en 1953 le film d’Alain Resnais et Chris Marker « Les Statues meurent aussi ». Il y aura aussi la création d’une association culturelle en 1956 permettant à « Présence africaine » d’organiser deux congrès d’écrivains et artistes noirs en 1956 et 1966, et de participer très activement à la mise en œuvre du « 1er festival des arts nègres » en 1966 à Dakar. Des images d’archives de l’INA, Gaumont et Pathé montrent à quel point il fallait ouvrir le monde des arts à ceux des artistes africains, et ainsi qu’insistait André Malraux dans son discours à Dakar, il était évident « de voir l’art nègre, comme la manifestation des expressions africaines, qui relèvent des arts et certainement pas de l’exotisme ».

Le concept de cette exposition dossier, avec des documents écrits, des lettres d’artistes comme Picasso, André Breton et bien d’autres qui se sont politiquement et artistiquement positionnés par rapport à l’Afrique et au colonialisme, des vidéos d’ethnologues, anthropologues, cinéaste, poètes et écrivains exprimant la nécessité d’avoir créé avec Alioune Diop cette revue, les nombreuses couvertures des numéros de la revue, permet de révéler au public, le rôle méconnu des intellectuels africains, antillais, malgaches, et noirs d’Amérique, dans la vie intellectuelle française et mondiale et aussi de connaître la personnalité et le travail d’Alioune Diop, « le Socrate noir » comme l’appelait Léopold Ségar Senghor, trop peu connu de nos compatriotes.

Cette exposition questionne et donne les réponses à ces questions, suivant un plan de parcours établit par Sarah Frioux-Salgas, commissaire de cette exposition, qui comme Georges Balandier, rappelle qu’il ne faut pas oublier que les problématiques des études postcoloniales avaient déjà été abordées par les acteurs de « Présence africaine » dès les années 50, et que si le nom de la revue est célèbre, son contenu, ses éditions et son apport et impact sont eux largement méconnus, et cette exposition a la charge de nous les faire découvrir. C’est en quatre grands chapitres que se découpe le parcours proposé : « L’atlantique noir, du panafricanisme à la négritude » est consacré aux sources de la négritude, aux échanges culturels et politiques entre l’Afrique, les États-Unis et la France dans les années 1930. La seconde partie expose le projet et l’engagement qu’incarnent la revue et la maison d’édition « Présence africaine ». Un troisième espace intitulé « 1956 -1959 : Les intellectuels noirs débattent » s’attache à présenter les idées et les principes de « Présence africaine » exposés au cours de deux colloques organisés par la revue en 1956 et 1959. Un premier congrès des écrivains et artistes noirs venus des Antilles, des États-Unis, de Madagascar, des Caraïbes Er d’Afrique doit faire l’inventaire de la culture noire, du combat politique et culturel afin de commencer à apporter une réponse au questionnement de toutes ces personnalités réunies : comment se définir quand on n’a pas de culture commune ? Que faire de l’héritage commun que constituent le racisme et l’esclavage quand on est un intellectuel ? C’est Pablo Picasso qui en créera l’affiche. Une quatrième partie est consacrée à « Dakar 1966 : les arts d’Afrique en Afrique ». Cette année 1966 est en effet marquée par la création du premier festival des arts vivants et anciens de Dakar. La France et le Sénégal coordonnent ensemble l’exposition des arts anciens sous l’égide d’André Malraux et de Léopold Sedar Senghor. « Le festival est un moment crucial pour dire, frères africains, ce que nous avons depuis toujours à dire, et qui n’a jamais pu franchir le seuil de nos lèvres », dira alors Amadou Hampathé Bâ. Dès 1951, « Présence africaine » consacra un numéro spécial sur les arts africains, c’est cette même année que « Présence africaine » commande le film « Les Statues meurent aussi » à Alain Resnais qui fut censuré en 1953.
Les 40 documents d’archives, les 110 photographies et les 19 objets qui forment cette exposition dossier, donne l’unique occasion pour le visiteur de découvrir, pour la première fois dans une institution muséale, l’histoire de la revue « Présence africaine » et de comprendre chronologiquement les réflexions et démarches intellectuelles, culturelles et politiques de ce mouvement littéraire. Indispensable, la parution du numéro spécial « Graghiva au musée du quai Branly – Présence africaine : les conditions noires : une généalogie des discours » qui est une source de documents historiques, bibliographiques, photographiques et d’études de chercheurs retraçant la création de la revue et le travail de fond de ces protagonistes. À lire et relire avant (comme introduction), pendant (comme guide et sources de références) l’exposition et après (comme mémo), car la densité des informations qu’apporte cette promenade culturelle nécessite un support de qualité, ce qui est le cas de cette parution.
Comme à son habitude, le musée du quai Branly stimule la curiosité et montre là la largesse de sa mission interculturelle.



Des visites-conférences, des rencontres, des journées d’étude sont organisées autour de cet événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.quaibranly.fr

Publication d’un numéro spécial de « Gradhiva au musée du quai Branly ».
ISBN 9 782657 440180
240 pages – illustrations et photographies noir et blanc
Pour Lexnews, Evelys Toneg

 

 

MATISSE & RODIN

Musée Rodin

jusqu'au 28 février 2010

 



Henri Matisse (1869-1952) avait trente et un ans lorsqu’il rencontre Auguste Rodin (1840-1917) lui-même âgé de soixante ans. Bien que rien dans cette rencontre (en 1899) n’enthousiasme follement Matisse, ce dernier n’a jamais caché son admiration pour celui qu’il qualifie de « très grand sculpteur ». Ces deux immenses artistes qu’une génération sépare ont tous les deux bouleversé les codes académiques dans la sculpture comme dans la peinture de leur époque.
Nadine Lehni, commissaire de l’exposition « Matisse & Rodin » rassemble ces deux maîtres sur un terrain commun : le dessin et la sculpture. Si ces deux figures majeures de l’histoire de l’art des XIXe et XXe siècles représentent pour le grand public, l’un, Rodin, la sculpture et l’autre, Matisse, la peinture, il n’est pas moins vrai que leur attachement à la figure humaine les ont conduits tous les deux à observer avec un nouveau regard, dessiner, modeler avec de nouveaux gestes les corps de leurs modèles, étudier ceux en mouvement, chez les danseuses et danseurs qui grâce à Isadora Ducan et Nijinski libérèrent la danse.
C’est dans un couloir de dessins de ces deux grands artistes que débute cette exposition. Que l’on soit admiratif, attentif par l’évolution et la qualité des traits allant du plus conventionnel au plus essentiel, au plus épuré, et même intimidé par la liberté, la sensualité des poses inattendues, acrobatiques, voire érotiques, des modèles, voici le premier choc de ces deux Titans. « Mon dessin au trait est la traduction directe et la plus pure de mon émotion. La simplification du moyen permet cela… », propos de Matisse dans « Notes d’un peintre sur son dessin » en 1939. « C’est bien simple, mes dessins sont la clef de mon œuvre : ma sculpture n’est que du dessin sous toutes les dimensions… » dira Rodin à René Benjamin en 1910. Dans leurs déclarations mêmes, Matisse et Rodin ressentent un besoin d’épurer le dessin puis la sculpture et certainement la pensée pour aboutir à ces séries d’œuvres sculptées.

 

Rodin, La voix intérieure, Plâtre
vers 1894, Musée Rodin
© musée Rodin - Photo : C. Baraja


Le premier modelage de Matisse (1899-1901), d’après l’artiste animalier Barye présente déjà une vision et un traitement nouveau d’un sujet résolument classique d’une scène de chasse. Les deux animaux se fondent quasiment l’un dans l’autre. C’est après l’acquisition du « Buste d’Henri Rochefort » plâtre original de Rodin, que Matisse se met au travail et géométrise très sensiblement les traits d’Henri Rochefort, sans doute une des prémices de la révolution latente dans l’art de la fin du XIXe et le début du XXe siècle.
Ici Matisse se saisit et se démarque aussi de la sculpture de Rodin « en réalisant un travail d’architecture, remplaçant les détails explicatifs par une synthèse vivante et suggestive… » selon l’artiste. C’est dans une grande douceur que l’on passe d’un espace à l’autre, on se retrouve alors devant un bronze, persuadé reconnaître une ébauche de «L’homme qui marche» de Rodin, mais le sentiment éprouvé incite à regarder la sculpture plus attentivement, à tourner autour et à comparer, et là, oui, c’est du Matisse ! Cette sculpture emblématique qu’est « Le Serf (1900-1903)», Matisse aura mis trois ans à la réaliser après de très nombreuses séances de pose. Ce fut une aventure proche de celle de

 

Rodin, Femme nue, aux longs cheveux, renversée en arrière
vers 1900, Musée Rodin
© musée Rodin - Photo : Jean de Calan

« L’homme qui marche (1877) » de Rodin, qu’il aura vu en 1900 dans une exposition en marge de l’exposition universelle. « Le Serf » est assurément la première statue indépendante du siècle naissant, avec les traces des doigts de l’artiste laissées dans la terre, l’aspect brut de tous ces défauts reconnus comme nécessaires à l’œuvre, mais « cette statue qui, partant d’une conception voisine de celle de Rodin, devient quelque chose d’autre, plus rude et partiellement informe, mais extrêmement expressif.» (Jean Puy « Souvenirs » 1939). C’est accidentellement qu’en 1908 les bras sont cassés et que Matisse radicalise cette amputation avant de couler en bronze la figure ainsi tronquée. Il emprunte alors cette voie originale et audacieuse ouverte par Rodin, avec ces corps sans tête, sans bras ou sans jambe, dans laquelle les deux sculpteurs ont le souci essentiel d’évoquer de la façon la plus expressive possible un geste particulier.
« …Je ne corrige pas la nature, je m’incorpore à elle, elle me conduit. Je ne puis travailler qu’avec un modèle. La vue des formes humaines m’alimente et me réconforte. » Rodin « …Je dépends absolument de mon modèle que j’observe en liberté, et c’est ensuite que je me décide pour lui fixer la pose qui correspond le plus à son naturel. » Matisse. L’approche même de la relation avec les modèles qu’ont Matisse et Rodin leur confère une sorte de pensée commune, de respect de la liberté de mouvement, ne serait-ce pas là aussi une transformation radicale de l’appréhension du modèle qui n’est plus un objet sur lequel l’artiste impose son désir, mais une source de sensations pures et rapides à exprimer de toute urgence dans la terre glaise ? Et comme Rodin, Matisse en tant que sculpteur préfère le modelage de l’argile à la taille directe. Matisse et Rodin ont la même adoration pour le nu féminin, l’un et l’autre ont besoin de travailler “d'après nature” et tous leurs dessins d’étude de corps féminins montrent un certain hymne à la femme. C’est cette approche du modèle qui chez ces deux artistes déclenchera le processus de création.

Matisse, La Serpentine, Bronze,
1909, coll.musée Matisse de Nice
© succession H. Matisse - Photo : F. Fernandez

 

La danse, cet art de l’instant, fugace et jamais répétitif, exalte autant Rodin que Matisse. “Par le chant et la danse, l’homme manifeste son appartenance à une communauté supérieure : il a désappris de marcher et de parler, et, en dansant, il est sur le point de s’envoler dans les airs, il se sent dieu… ” écrivait Nietzsche. « Le principal mérite de la bonne sculpture est de rendre le mouvement…» affirme Rodin. Intéressé par les formes de danses les plus nouvelles et les moins académiques, Rodin s’enthousiasme pour les danses traditionnelles exotiques (des Javanaises en 1889, les petites Cambodgiennes en 1906). Ces formes d’expression sont pour lui « une séduction exotique et merveilleuse… », Rodin est proche d’Isadora Ducan et de Nijinsky qui lui fait découvrir un langage corporel novateur, athlétique et primitif. Toute une série de statuettes consacrées aux études en terre cuite de Rodin défie les lois de la gravitation dans des poses prise « en plein vol », une sorte de frénésie chorégraphique… L’extraordinaire statuette de Nijinsky, replié sur lui-même sans son pied d’appui et prêt à bondir est un chef-d'œuvre à elle toute seule. Tout est concentré dans quelques grammes de terre et quelques centimètres de hauteur, elle porte en elle le génie de Rodin qui a assimilé celui du danseur. Rainer Maria Rilke a bien vu d’ailleurs qu’une telle figure ne distribue plus les mouvements, mais « les reprend de toutes parts» et c’est exactement ce que transmet « Le nu appuyé » de Matisse. Prendre appui c’est capturer des forces externes à la statue, celles du cosmos. La danse est un des thèmes dans la carrière de Matisse et l’œuvre de Rodin va trouver de nombreux échos dans les images qu’il donnera aussi de la danse entre 1905 et 1931. La danse renvoie dans les esprits de ces deux créateurs aux notions de jeunesse et de vitalité, de l’équilibre à l’envol. Avec cet exercice autour de la danse qui va des statuettes à la décoration murale (la Danse 1931-1933) commandée par Albert Barnes pour sa maison de Merion, Matisse explore la joie qu’il a de modeler autant que de peindre. « Ainsi, pour exprimer la forme, je me livre, parfois à la sculpture, qui me permet, au lieu d’être placé devant une surface plane, de tourner autour de l’objet et de le mieux connaître. » Depuis « Le Serf » et jusqu’à ses « Nus de dos », Matisse cherche comme Rodin, Bourdelle et Maillol un peu plus tard, à libérer la sculpture de son académisme, de toutes les contraintes anatomiques et sa représentation illusionniste en contrebalançant le réalisme installé par l’expressivité des formes, la suggestion du mouvement et des émotions. Les deux sculpteurs ont souvent ce même objectif de parvenir à une silhouette (en sculpture) ou une arabesque (en dessin) plus satisfaisante et plus expressive. Rodin est le premier à fragmenter sciemment ses figures et à les présenter comme œuvres à part entière. Matisse, influencé par la démarche du maître de supprimer tout ce qui ne semble pas essentiel, emboîtera le pas vers une plus grande abstraction comme dans ses grands panneaux des « Nus de dos » où l’on peut voir sa propre évolution vers la recherche de la simplification, de l’épuration. « …La simplicité fixe l’essentiel… » disait Rodin à Henri Dujardin-Beaumetz dans ses entretiens sur l’art. Et c’est avec une série de dessins de Rodin « Femmes nues agenouillées » que l’on voit le travail vers une abstraction plus que certaine. C’est le grand changement de ces deux siècles si proches de nous que nous fait vivre cette exposition autour de « Matisse & Rodin ». C’est une longue quête de la simplicité qui est au cœur du travail de ces deux artistes autant dessinateurs que sculpteurs, qui sans être rivaux se sont croisés spirituellement et artistiquement. Devenus des maîtres, les jeunes artistes qui les copieront et les étudieront seront libérés de tant de cadres et de carcans anciens qu’ils ont pulvérisés définitivement.

Il apparaît indispensable de déambuler dans cette très belle exposition qui ouvre l’esprit à la connaissance et à la reconnaissance d’étapes fondamentales de notre histoire de l’art, vivante et toujours si proche de nous tous.

Des visites-conférences, des rencontres, des journées d’étude sont organisées autour de cet événement.
Vous trouverez toutes les informations pratiques sur le site : www.musee-rodin.fr

Le catalogue de l’exposition est disponible au musée.
Format 21 X 28 cm
160 pages – 130 illustrations couleurs.

Evelys Toneg